Cinq mille ans d'histoire du livre

par Louis Desgraves

René Salles

Rennes : Editions Ouest-France, 1986. - 183 p., ill.; 23 cm. - (L'Histoire et nous).
ISBN 2-85882-955-1 : 58 F.

Cinq millénaires se sont écoulés entre les premiers systèmes d'écriture et la naissance de la photocomposition, voyant se succéder les supports les plus variés, de la tablette d'argile au papier, en passant par le papyrus et le parchemin. La mémoire des civilisations disparues est inscrite sur ces documents fragiles des premiers temps de l'écriture qui n'ont pas encore tous livré leurs secrets et dont beaucoup demeurent enfouis dans les sables du désert ou dans des grottes à l'accès difficile.

Aussi, vouloir condenser « 5 000 ans d'histoire du livre » en moins de 200 pages, dont près d'un quart est réservé à l'illustration, constitue-t-il une entreprise difficile à mener à bien. Dans son introduction, l'auteur se présente comme un « amateur curieux » et précise ses intentions : « Ce n'est pas... avec un parti-pris d'érudition que cette nouvelle histoire du livre est proposée au public : il s'agirait même, de préférence, d'une promenade sur les chemins du livre, l'auteur s'efforçant simplement d'esquisser un panorama et de tracer des itinéraires permettant à chacun d'explorer à sa guise l'univers polymorphe du livre». Mais une telle promenade suppose un itinéraire établi avec précision et bien balisé, marquant les étapes essentielles, s'attardant sur les périodes les plus caractéristiques d'une longue évolution, signalant les monuments les plus remarquables, sans oublier tous ceux qui, par leur travail et leurs inventions, imprimeurs, éditeurs, libraires, auteurs, ont permis cette lente progression.

Or, le plan de l'ouvrage manque d'équilibre. Si le premier chapitre, « L'écriture et ses supports », résume à larges traits l'histoire de l'écriture et de ses supports des origines à l'invention du papier, si le second chapite, consacré au livre manuscrit, n'appelle pas de commentaires particuliers, à partir du chapitre III, « Le livre imprimé », le rythme de la « promenade » s'accélère de façon démesurée, au risque de dérouter le lecteur. En effet, après une quinzaine de pages consacrées à la xylographie, à la découverte des caractères mobiles et à la propagation de l'imprimerie à la fin du XVe siècle, l'auteur ne donne aucune indication utile sur l'histoire du livre et de l'édition du début du XVIe siècle à l'époque contemporaine. Les pages consacrées à l'esthétique du livre (évolution des caractères typographiques, de la mise en pages, des procédés d'illustration) puis aux techniques du livre, ne suffisent pas à combler cette lacune.

Le chapitre intitulé « De l'auteur au lecteur » est un rapide survol des rôles respectifs de l'auteur et de l'éditeur, de la fabrication du livre et de sa diffusion. Les notions de « privilège », d'imprimatur, d'index, donnent une idée inexacte des conditions de publication des ouvrages sous l'Ancien Régime. Les dernières pages consacrées aux rapports entre les libraires et les bibliothécaires, à la promotion de la lecture publique et au développement du réseau des bibliothèques regorgent de clichés usés qu'on souhaiterait ne plus rencontrer. Ainsi, l'auteur semble méconnaître l'existence, en province, avant 1789, d'une soixantaine de bibliothèques publiques; en faisait naître la bibliothéconomie avec Dewey, en 1876, il passe sous silence tous les traités d'organisation et de gestion des bibliothèques dont le père incontesté fut Gabriel Naudé, au début du XVIIe siècle. La bibliographie est particulièrement sommaire.Les trois volumes de l'Histoire de l'édition française publiés sous la direction de H.-J. Martin et R. Chartier ne sont pas mentionnés.

Partant de l'intention fort louable d'offrir à un large public un survol de l'histoire du livre, l'auteur n'a pas entièrement maîtrisé un sujet, certes difficile à traiter en si peu de pages, mais qui méritait mieux. Puisse-t-il, cependant, donner à ceux qui le liront le désir d'approfondir leurs connaissances.