MARIANNE : du livre à la banque de données

Colette Albert-Samuel

L'auteur de la Bibliographie annuelle de l'Histoire de France décrit l'évolution de cet ouvrage depuis une trentaine d'années et les conditions de sa fabrication, qui ont permis, pour constituer une banque de données, de réutiliser la bande de photocomposition, au moindre coût, aussi bien en argent qu'en personnel.

The author of the Bibliographie annuelle de l'Histoire de France describes the development of that book over thirty years; she mentions the production conditions that enabled a second use of the photo-composer tape at a lower cost for the elaboration of the databank.

La Bibliographie annuelle de l'Histoire de France prit la relève, en 1955, du Répertoire bibliographique de l'Histoire de France, de Caron et Stein, dont la publication avait été interrompue par la Seconde Guerre mondiale. A la demande de Julien Cain et de Robert Fawtier, professeur à la Sorbonne, le CNRS prit en charge sa rédaction et son édition. Deux postes furent créés à cet effet.

La principale qualité de cette bibliographie est la régularité de sa parution, ininterrompue depuis 32 ans, et sa rapidité : chaque année de recensement est disponible au mois de septembre de l'année suivante. C'est grâce à l'hospitalité de la Bibliothèque nationale qui met à la disposition de ses auteurs ses collections de périodiques que ce rythme soutenu peut être suivi.

La Bibliographie annuelle de l'Histoire de France signale les ouvrages, les articles de périodiques et les congrès, français et étrangers, se rapportant à l'histoire de France, du vesiècle à 1958. Plus de 2 000 périodiques (1 300 français et 750 étrangers) sont dépouillés. Dans la version imprimée de la bibliographie, les notices sont classées selon un cadre méthodique, avec des sous-sections chronologiques. Deux index complètent l'ouvrage : une table des auteurs et un index matières (lieux et personnages cités, mots-clés, regroupements par grandes tranches chronologiques, par départements et provinces).

Les 300 000 références qui ont été rassemblées, depuis sa création, constituent aussi une histoire de l'historiographie. Elles témoignent de l'explosion de la recherche et des différentes orientations qu'elle a pu prendre. C'est une véritable inflation de la documentation qui a fait passer la Bibliographie de 4 900 références en 1955 à 9 600 en 1966, 11 500 en 1983, pour culminer à 12 700 en 1985. Cette expansion est d'autant plus spectaculaire qu'elle est allée de pair avec la suppression de nombreuses sections, comme la musique ou la philosophie, prise en charge par des bibliographies spécialisées.

Depuis une trentaine d'années, le goût pour l'histoire n'a cessé de croître : les sociétés savantes locales se multiplient (en 1963, 322 bulletins dépouillés, en 1985, 602) ; l'archéologie, et plus récemment la généalogie ont pris un essor remarquable (2 revues de généalogie en 1960, 40 en 1985). Le développement de moyens d'impression moins coûteux favorise la publication d'ouvrages comme les actes de congrès et les mélanges qui, de 6 en 1955, atteignent le chiffre de 380 en 1985.

De nouveaux thèmes suscitent l'intérêt des historiens : les femmes, la famille, les enfants, l'habitat rural et tout ce qui a trait à la vie quotidienne. Par ailleurs, les chercheurs étrangers sont de plus en plus nombreux à consacrer leurs travaux à l'histoire de France. L'histoire de l'art moderne et contemporain en France compte autant de spécialistes étrangers, essentiellement anglo-saxons, que français.

De la photocomposition à l'informatisation

La fabrication de la Bibliographie annuelle de l'Histoire de France est, depuis l'origine, assurée par l'imprimerie Jouve. Elle a suivi l'évolution des techniques : composition sur monotype, puis sur linotype, et, à partir de 1976, photocomposition.

Sa diffusion rencontre un succès qui ne se dément pas avec les années. La collection est épuisée jusqu'en 1975. Son tirage actuel est de 1 500 exemplaires et le prix de vente de l'année 1985 (1 071 pages) est de 490 F. En deux ans, les coûts d'édition d'un volume sont amortis par les ventes.

Mais il est certain que la recherche bibliographique est alourdie et compliquée par la nécessité de compulser les index de 32 volumes. Il a donc paru indispensable d'utiliser les facultés de traitement et de tri de l'informatique en constituant une banque de données. L'ampleur de la tâche était néanmoins au-dessus des forces de l'équipe de rédaction, toujours constituée de deux postes, lorsque l'on sait que la moyenne d'établissement de bordereaux pour un bibliographe est de 2 500 par an. C'est pourquoi l'équipe informatique de l'Institut d'histoire moderne et contemporaine du CNRS a eu l'idée de réemployer la bande de photocomposition *.

En 1979, un programme fut mis au point par l'imprimerie Jouve, afin que les données saisies pour l'édition puissent être récupérées : il consistait à introduire dès le départ un certain nombre de balises entre les différents éléments de la notice. La création de ce programme coûta 12 000 F. Cet investissement permet, depuis, d'utiliser la bande magnétique que fournit Jouve et de l'aménager pour la modique somme de 1 200 F par an. Elle fait l'objet d'une exploitation sur l'ordinateur du CNRS, qui aboutit à reconstituer chaque notice et à distinguer, grâce aux balises, les différentes zones, auteur, titre, etc. Son traitement nécessite environ un mois de travail d'une informaticienne de l'Institut qui introduit dans chaque notice le cadre de classement qui sert en fait de mots-clés, par exemple : histoire économique et sociale, histoire sociale, démographie, XIXe-XXe siècle, XIXe siècle. Cinq niveaux de classement peuvent ainsi être utilisés. 4 % seulement des notices exigent une correction à l'aide du volume imprimé. Enfin la bande est formatée pour s'insérer dans la banque de données en sciences humaines FRANCIS, où elle répond désormais au nom de MARIANNE.

A l'heure actuelle, la banque comprend 72 000 notices, pour les années 1979 à 1985, qui peuvent être interrogées, à partir du nom de l'auteur, des mots du titre, des éléments de référence, comme le titre de la revue, et des mots-clés du classement. MARIANNE est interrogeable en différé au Centre de documentation en sciences humaines du CNRS (54, bd Raspail, 75006 Paris). Les personnes intéressées peuvent écrire ou téléphoner, la recherche est effectuée sur place et les résultats leur sont envoyés. Le coût d'une recherche est de 50 F, auxquels il faut ajouter 50 centimes par fiche fournie.

Il faut constater que les interrogations de la banque sont peu nombreuses : 79 en 1985. Les utilisateurs sont essentiellement des étudiants de DEA ou de doctorat de 3e cycle. Il semble que la communauté scientifique ne soit pas encore prête à travailler ainsi.

Il est certain que la consultation de la banque n'apporte pas une amélioration suffisamment significative, puisqu'elle ne porte que sur les six dernières années et que c'est un volume d'informations qui reste maîtrisable manuellement. L'intégration des volumes antérieurs, en remontant au moins jusqu'en 1970, paraît indispensable , mais représente une opération très onéreuse. L'imprimeur devrait faire une ressaisie complète. Réaliser la ressaisie en dehors de ce cadre demande un personnel qualifié et compétent et représente un risque réel. Reste la solution du lecteur optique, dont la fiabilité est encore très controversée.

La constitution de la banque MARIANNE à partir de la bande de photocomposition de la Bibliographie annuelle de l'Histoire de France, a été une application « de pointe » à l'époque où elle fut réalisée et s'est révélée peu coûteuse, aussi bien en argent qu'en temps de personnel. C'est souvent la banque de données qui sert à imprimer l'ouvrage sur papier, pour MARIANNE, c'est l'inverse : l'empirisme l'a emporté sur la théorie.

  1. (retour)↑  Arlette FAUGERES et André ZYSBERG, « La Bibliographie annuelle de l'Histoire de France devient une base de données », Institut d'histoire moderne et contemporaine, Lettre d'information, 1983, n°6.