Éditorial

« La quantité d'informations audio-visuelles que Duncan avait emmagasinées sous la rubrique DIVERS était remarquable, même pour un garçon de dix ans. Ce n'était pas qu'il manquât du sens de l'organisation - c'était le plus célèbre de tous les talents des Makenzie - mais il s'intéressait à plus de choses qu'il ne pouvait classer. Il venait à présent de découvrir qu'une information qui n'a pas été convenablement classée peut être irrémédiablement perdue.

Il réfléchit un instant pendant que le vent solitaire sanglotait et gémissait (... ). Il tapa alors INDEX ALPHA, BRUIT, VENT, MEMOI. CENTR. STOCK. EXEC. Si tout allait bien, il pourrait retrouver à n'importe quel moment cette voix venue du monde d'en haut en utilisant la rubrique BRUIT VENT de l'index. Même s'il avait fait une erreur et que le programme de recherche ne parvenait pas à repérer l'enregistrement, celui-ci serait quelque part dans la mémoire centrale, non effaçable, de la machine. Il y avait toujours l'espoir qu'il pourrait la retrouver un jour par chance, comme cela arrivait tout le temps pour les informations qu'il avait classées sous la rubrique DIVERS * ».

Au XXIIIe siècle, les démarches de recherche par sujet ou par cadre de classement resteront pertinentes si l'on en croit Arthur Clarke, pertinentes mais pas forcément plus efficaces qu'en 1986. Mais qu'est-ce qu'un sujet ou un cadre de classement ? Si la réponse semble claire au bibliothécaire, il n'en va pas de même dans la tête du (des) public (s) ; centres d'intérêts qui brisent les distinctions les plus solidement établies telles que « documentaires » ou « fiction », niveaux de légitimité culturelle plus prégnants que les genres de livres, stratégies de recherche documentaire fonctionnant à rebours des logiques d'accès au document mises en oeuvre par des professionnels... Echec sur toute la ligne ? Ce serait noircir le tableau et gauchir la pensée des auteurs. Il faudra bien toujours classer en fonction de cadres mais, peut-être, renoncer à cette organisation universelle du savoir telle que l'ont rêvée des générations de bibliothécaires. Le bilan qu'on peut esquisser incite à la modestie et les limites des différentes stratégies d'offre devront être sans cesse présentes à l'esprit des praticiens - raison de plus pour les repenser, les affiner, les diversifier. C'est le moment de s'y mettre puisque les nouvelles technologies offrent de nouvelles perspectives en matière d'accès au document; déjà les catalogues en ligne de la troisième génération intègrent « le facteur humain » et le projet LAMECH se veut une aide à l'indexation et à l'interrogation. Affaires à suivre mais qu'on n'oublie pas non plus les autres moyens d'accès.

La Rédaction