À propos de PDC

Anne Curt

Présentation de la politique de développement des collections et de la gestion des acquisitions dans les bibliothèques américaines au travers du compte rendu d'un ouvrage publié par l'ALA. L'ensemble des éléments intervenant en amont (analyse des besoins, réseaux de coopération et de partage de ressources) sont rappelés. L'étude insiste sur le fait que les PDC font partie d'un circuit global et que les éliminations en font partie; les procédures d'évaluation de l'utilisation des collections et de leur pertinence par rapport à la documentation disponible sont présentées en détail.

Presentation of the collection development policies and acquisition management in American libraries through the review of a book published by the ALA. All the elements interfering at the origin are detailed : study of the needs, cooperation and resources sharing networks. The analysis points out the fact that the collection development policies are one link of the whole chain and include also eliminations. The way of assessing collections use and relevance in comparison with the documentation available is shown here.

Il n'est pas courant qu'un compte rendu d'ouvrage soit présenté à l'intérieur de la rubrique « articles ». Cette décision a été prise en raison du caractère particulier de ce compte rendu, exceptionnel par son ampleur mais aussi par son contenu : la description détaillée des procédures intervenant en amont et en aval d'un plan de développement des collections a paru constituer le troisième et indispensable volet du triptyque des PDC. Au-delà même de la redéfinition des politiques d'acquisition, les PDC sont, pour les bibliothèques, le point de départ d'un dispositif d'évaluation rigoureux permettant de mesurer en permanence l'adéquation de leur service aux besoins de leurs usagers.

Rose-Mary Magrill et Doralyn J. Hickey enseignent à l'Ecole de bibliothécaires et science de l'information de l'Université d'Etat du Texas nord. Membres actifs de l'ALA (American library association), et, plus particulièrement de l'ALISE, section du Sud-Ouest et Texas, elles ont publié de nombreux articles et ont contribué à des ouvrages professionnels. La Gestion des acquisitions et le développement des collections dans les bibliothèques * présente l'état de la question en 1984 aux Etats-Unis, sous l'égide de l'Association des bibliothèques américaines.

L'analyse de l'ouvrage développe de façon approfondie certaines parties concernant des programmes peu connus ou des méthodes peu utilisées en France. Survol et philosophie du développement des collections sont suivis par l'analyse bibliothéconomique de l'organisation des acquisitions. Les problèmes soulevés par l'achat de différents types de documents concernent un tiers de l'ouvrage. N'étant pas très différents des nôtres, ils seront laissés de côté afin de mieux développer la dernière partie intitulée « Evaluation ».

Il a paru indispensable, lors de l'analyse, de rester très proche d'un texte d'un intérêt professionnel incontestable, mais dont le caractère synthétique s'opposait au résumé.

Vol au-dessus du développement des collections

Le développement des collections a fini non seulement par englober les procédures et politiques de sélection, d'acquisition et d'évaluation des collections des bibliothèques, ces dernières années, mais il inclut également, sans s'y limiter, la politique pratiquée envers les dons et échanges, la réévaluation des approval plans, l'analyse des pratiques de sélection des documents et des acquisitions en coopération. Il est plus important de construire une collection que d'acquérir des documents. Les bibliothèques américaines s'y sont employées activement, particulièrement depuis les années 70, à mesure que leurs ressources financières diminuaient. L'American library association a travaillé sur le développement des collections dès 1977 lors de la « Preconference on collection development ». Le développement des collections assure une fonction de planification, une fonction de sélection en définissant quels seront les choix et les rejets. Il permet une édification rationnelle et systématique des collections alors que les acquisitions en soi recouvrent uniquement le procédé qui consiste à vérifier, commander et payer les documents dont on a besoin.

Dans son sens le plus large, le développement des collections englobe l'évaluation des besoins de l'utilisateur, l'évaluation de la collection actuelle, la définition de la politique de sélection, la coordination de la sélection, le tri, l'élimination et l'emmagasinage d'une partie des collections.

En tant que processus de planification, le développement des collections en utilise la méthodologie. Il établit des programmes sur les missions et politiques, décrit l'état présent des affaires, passe en revue points forts et faiblesses, tient compte des évaluations en cours et des influences locales, établit des objectifs et définit des stratégies pour atteindre ces buts. Cinq groupes de variables, différant d'une bibliothèque à l'autre, conditionnent le développement des collections : communauté et institution, objectifs de la bibliothèque, public, collection actuelle, ressources disponibles.

- L'analyse de la communauté se préoccupe aussi bien de la composition du groupe (âge, niveau d'éducation, origines ethniques et religieuses) que de son organisation (politique, religieuse, culturelle, éducative, gouvernementale...), de la vie économique, du monde des affaires (types d'entreprises, emplois, revenus), du style de vie éducatif, récréationnel, culturel (institutions éducatives culturelles...). Dans le cas d'une bibliothèque universitaire, une bonne connaissance de l'environnement de la recherche universitaire est indispensable;

- les programmes normalisés des différents types de bibliothèques expriment des buts, des objectifs, des intentions. Ce sont ceux pour lesquels la bibliothèque a été établie. Ils sont, bien sûr, sujets à révision et de nouveaux objectifs doivent être déterminés si besoin est;

- le public, utilisateur réel ou potentiel selon les normes acceptées, doit être analysé selon ses besoins. Cette étude est la base du développement des collections ou de la suppression de collections ou de services. L'utilisation passée des collections permet de prédire l'usage futur de celles-ci. Ce facteur peut être déterminant dans la formulation d'une politique de développement des collections.

Au cœur du problème

Un plan de développement des collections est un document important au service de la direction d'une bibliothèque. Outil de contrôle et de prévision, il permet de gérer efficacement le budget, la sélection et l'acquisition des documents. C'est grâce à lui que l'on peut mesurer si une bibliothèque s'engage réellement à développer ses collections.

Si les bibliothèques publiques et scolaires ont très vite publié leurs plans, les bibliothèques universitaires ont appliqué cette technique avec plus de lenteur. Peu d'entre elles ont publié leurs plans de développement des collections avant 1970. Cependant, dès 1974, une enquête de l'Association of research libraries a montré que 65 % des grandes bibliothèques d'université qui avaient répondu à l'enquête avaient des plans de développement des collections. Ces déclarations de principe écrites, non seulement harmonisent les objectifs de l'institution avec le développement des collections, mais aussi servent de guides pratiques aux problèmes de sélection journaliers, justifient et renforcent les choix faits par la bibliothèque. Les bibliothécaires nouvellement recrutés les utilisent comme des guides d'initiation et les directeurs comme des outils rationnels de gestion des crédits documentaires. Enfin, l'utilisation d'une terminologie normalisée, largement partagée, facilite le prêt-inter et la mise en oeuvre de plans d'acquisition concertés.

Les utilisateurs, par exemple les étudiants, les enseignants, ou les chercheurs d'une faculté peuvent varier au cours des ans. Ces changements impliquent la correction des critères d'évaluation des membres de la faculté (changement et renforcement de l'enseignement, de la recherche, d'activités de service) et indiquent au bibliothécaire expérimenté que la clientèle est en train de changer d'habitudes (un glissement des cours magistraux vers une plus grande autonomie de travail, vers plus de recherches personnelles a une influence directe sur l'utilisation des fonds). De même, les bibliothèques spécialisées sont tributaires de changements tels que l'implantation de nouveaux services, la mise en place de nouveaux produits, de nouvelles approches commerciales entreprises par leurs agences ou sociétés.

- Aux objectifs de la bibliothèque et à l'étude de ses utilisateurs s'ajoute la mesure des collections existantes et de leur ancienneté. Plus les collections sont anciennes et importantes, plus la bibliothèque s'oriente vers la recherche, plus ces données seront prises en compte par les plans de développement pour maintenir un niveau élevé. Encore faut-il, non seulement mesurer les collections, mais encore en déterminer les faiblesses par rapport à leur utilisation, les garder telles quelles ou les corriger;

- les ressources disponibles rassemblent à la fois les ressources humaines, financières, les possibilités en information, en loisirs, qu'une bibliothèque peut acquérir, ainsi que les ressources bibliographiques et l'aide à l'évaluation qui sont déjà disponibles;

- la coopération sous-entend qu'il est plus important pour une bibliothèque, actuellement, de bien servir son public que de posséder de nombreux documents... Du point de vue de l'utilisateur, l'accès rapide aux documents est le critère clé d'un bon service; il se moque de savoir qui les possède ou d'où ils viennent. Dès 1966, les normes des bibliothèques publiques ont encouragé la coopération. Les normes de 1975 des bibliothèques universitaires affirment que « Les bibliothèques d'université devraient, dans une certaine mesure, reconnaître qu'elles partagent avec toutes les bibliothèques de recherche la responsabilité du soutien de l'enseignement supérieur en général et qu'elles doivent s'appuyer les unes sur les autres par des rapports de coopération ».

Organisation du développement des collections

Les plans de développement des collections varient en fonction de l'organisation des bibliothèques, de leur taille et de leurs finalités. Alors que la bibliothèque publique est pleinement responsable du développement de ses collections, les bibliothèques liées à l'enseignement sont tributaires des programmes, des enseignants, des utilisateurs (étudiants, chercheurs). La faculté exerce un contrôle souvent étroit sur la bibliothèque et le développement des collections. Enfin, les gros établissements délèguent souvent la responsabilité de la sélection initiale à de grandes librairies spécialisées selon des ordres de commande généraux, des sortes d'offices de livres ou des conventions selon des plans d'acquisition approuvés (approval plans).

Dans les années 60 beaucoup de bibliothèques universitaires ont adopté des blanket orders et approval plans, certaines avaient jusqu'à 30 ou 40 plans distincts à la fois. La plupart les ont abandonnés lors des restrictions budgétaires des années 70. Cependant ils sont encore utilisés car ils offrent une couverture de la production dans un domaine donné plus systématique que la sélection effectuée par les membres de la faculté eux-mêmes.

Dans les bibliothèques universitaires, la faculté peut avoir l'entière responsabilité du budget documentaire. Cependant, dans la plupart des cas, bibliothécaires et membres de la faculté en partagent la responsabilité. Plus ces derniers participent activement aux acquisitions, plus la faculté s'identifie aux collections de la bibliothèque. Il n'est pas rare que, faute de temps, les universitaires s'en remettent aux bibliothécaires, bibliographes spécialisés dans leur domaine.

La préparation d'un programme formulé doit se baser sur l'analyse de la situation présente, prendre en compte les besoins des utilisateurs, l'harmonisation de ces besoins, définir les perspectives et contraintes de l'établissement, de la communauté desservie. La structure des collections, les politiques et procédures en cours à la bibliothèque, les accords de coopération et autres obligations, les moyens en locaux, en personnel, et en cours doivent être recensés pour servir à établir le projet. Viennent ensuite la définition des types de documents et le choix des responsables d'acquisition. Il est important de prévoir un calendrier en programmant diverses réunions et séances de révision.

Selon les recommandations de l'ALA, il faut définir les objectifs institutionnels généraux, utiliser de préférence une classification normalisée, largement répandue, telle que la Library of Congress classification ou la classification décimale Dewey, des codes de niveau d'intensité des acquisitions bien définis pour indiquer le niveau actuel du fonds, le niveau d'acquisitions et le niveau visé. La politique d'acquisition peut se situer au niveau exhaustivité, au niveau recherche, au niveau étude ou au niveau minimum. Des spécifications de langues, de périodes chronologiques, d'aires géographiques, de types de documents collectés, doivent être précisées.

Il est important d'inclure dans le plan de développement des collections les directives concernant le tri, les éliminations, les remplacements, les duplications, la conservation, l'emmagasinage, les réparations. La prévision de contrôles périodiques et de possibles révisions est essentielle pour bien maîtriser le déroulement du développement des collections. Il est en effet plus important de découvrir en quoi la bibliothèque ne satisfait pas pleinement les besoins de son public plutôt que d'être informé sur son fonctionnement.

Gestion financière

Le budget peut être réparti en plusieurs comptes (renouvellement des abonnements, paiement des commandes permanentes, soutien des plans d'acquisition concertés avec d'autres bibliothèques, remplacement des volumes trop usagés, reliure et réparations) complémentaires du compte général des achats documentaires. Le budget documentaire peut lui-même être réparti selon les différents départements de la bibliothèque (particulièrement dans les bibliothèques publiques) ou selon les différents types de documents (livres, périodiques, documents audio-visuels).

Des budgets importants peuvent être également répartis par disciplines ou en fonction de l'organisation administrative. Enfin, la répartition budgétaire peut être hautement structurée. Elle tiendra compte des schémas de dépenses passées et actuelles, des prévisions de dépenses pour de nouveaux programmes, de l'évolution de la recherche à la faculté, de l'évolution des prix, de la somme totale disponible pour les dépenses documentaires. Les formes d'attribution n'utilisent dans ce cas que des facteurs auxquels peuvent être assignées des valeurs numériques (niveau de collection actuel calculé de 1 à 5, nombre et coût des livres couramment publiés, nombre des membres de la faculté, nombre et niveau des cours, taux de prêt, prêt interbibliothèques, taux d'inflation, taux d'importance d'une discipline, etc.).

Selon la formule adoptée, tout facteur peut prendre de l'importance dans la décision de répartition des crédits. Le poids des étudiants de 3e cycle, par exemple, peut être beaucoup plus important que celui des étudiants de 1er et 2e cycles. Peuvent aussi entrer en jeu le nombre des étudiants, le nombre et le niveau des cours, le coût moyen d'un livre et d'un périodique selon la discipline.

La méthode mise au point par George V. Hodowanec détermine des pourcentages de priorités d'acquisition pour les bibliothèques universitaires : les APW (acquisition priority weights). Ces pourcentages sont alloués à chaque division de la classification de la bibliothèque. Ils sont calculés après analyse approfondie des statistiques de prêt annuelles. L'année suivant l'acquisition, pour chaque division de sa classification, sont obtenues des valeurs selon lesquelles les livres d'un domaine ont atteint leur niveau de prêt le plus élevé. Entrent en jeu le pourcentage de prêt des livres dans un domaine, le rang de prêt d'un sujet par rapport aux autres, ainsi que la place de ce même sujet dans les programmes d'enseignement. L'APW représente le pourcentage budgétaire qui sera assigné à chaque division-sujet. Le total de tous les APW est égal à 100 %.

Une autre approche est celle que propose William E. Mc Grath : les catégories-sujet auxquelles vont échoir les allocations budgétaires sont identifiées sous la forme dès indices de la classification de la bibliothèque. Les chiffres de prêts annuels sont également analysés selon les indices de la classification concordant à chaque catégorie-sujet. En outre, le prix moyen du livre pour chaque catégorie-sujet doit être calculé. Trois rapports usage/coût sont déterminés pour être utilisés dans la formule d'attribution des crédits. Le rapport usage/coût pour chaque catégorie-sujet est fonction du coût moyen d'un livre multiplié par le montant de son taux de prêt. Le total de la valeur usage/coût est la somme du rapport usage/coût pour toutes les catégories. Enfin, le pourcentage du rapport usage/coût ainsi déterminé est obtenu en divisant chaque rapport usage/coût des catégories-sujet par le rapport usage/coût total. Les attributions sont alors déterminées en multipliant le pourcentage du rapport usage/coût de chaque catégorie-sujet par le budget documentaire total.

Ces formules pourraient être appliquées par n'importe quel type de bibliothèque où le prêt est un facteur d'importance majeure pour déterminer les attributions budgétaires.

Le contrôle budgétaire joue un rôle primordial en bibliothèque. Dans certaines bibliothèques publiques, la répartition est faite non pas en dollars mais en nombre d'unités documentaires pouvant être acquises annuellement. Les statistiques de l'édition, le coût moyen du livre par discipline, l'indice des prix, la production totale ou par secteur sont autant d'instruments utiles.

Acquisitions

Deux facteurs influencent actuellement le processus des acquisitions : l'informatisation des procédures, l'interdépendance croissante des structures organisées et centralisées de coopération afin de lutter contre la duplication des tâches dans les grands systèmes de bibliothèques. Les acquisitions ne sont pas traitées de la même façon selon la taille de la bibliothèque et son statut administratif. Cependant, une évaluation régulière du service est indispensable pour déceler les anomalies ou constater son bon fonctionnement, de même que la planification peut, par des mesures d'urgence fixées d'avance, permettre de remédier aux périodes de surcharge.

Les priorités de service doivent être précisément définies entre acquisitions et catalogage pour ne pas freiner le déroulement du travail. Ce déroulement lui-même doit être analysé afin, d'une part, d'éviter les pertes de temps, et d'autre part, de préparer les programmes et manuels de formation du personnel. Cette analyse est le fondement du passage des procédures manuelles aux procédures informatiques. Elle ne doit pas servir à remettre le personnel en question ni à le remplacer par des machines. Au contraire, il est essentiel que le personnel y participe avec enthousiasme, qu'il détermine lui-même la valeur des résultats et qu'il les utilise pour réorganiser le travail.

Les statistiques aident à ne pas dépasser la dépense autorisée ou à mesurer les performances des libraires ou du personnel. Certains systèmes informatisés d'acquisition sont assortis de statistiques comparatives sur le circuit des achats. Par contre, le travail du personnel ne peut que rarement être mesuré au moyen de statistiques et ce genre d'évaluation risque d'engendrer des résultats contraires à ceux que l'on escomptait (démobilisation, malaise... ).

Coopération

Il est important d'insister sur le fait que la politique d'acquisition ne se fait pas de manière isolée : l'information et la coopération en matière d'acquisitions se pratiquent à tous les niveaux (local, régional, national) et à l'intérieur de chaque discipline.

Les plans nationaux existent depuis longtemps; ainsi, le « Farmington plan », envisagé pendant la Deuxième Guerre mondiale, a duré de 1948 à 1972. Il était destiné à s'assurer qu'au moins un exemplaire de tout livre important pour la recherche, publié où que ce soit dans le monde, serait disponible dans une bibliothèque américaine au moins. Les bibliothèques participantes acceptaient de recevoir de l'étranger des documents choisis selon des disciplines par l'intermédiaire de libraires ou distributeurs du pays ou de la région d'origine. Premier projet d'acquisitions concertées, c'était aussi des ordres de commande planifiés permanents.

Une autre forme de coopération dans les acquisitions est représentée par SALALM (seminar on acquisition of Latin American library materials), 1956-1973. Conçu comme un forum d'échange d'informations sur l'édition des pays d'Amérique latine et sur les problèmes soulevés par l'acquisition de documents latino-américains, il est à l'origine d'une grande variété de projets de coopération comme LACAP (Latin American cooperative acquisition project) de 1960 à 1973.

Enfin, la « Public law 480 (PL-480) » est un programme spécial qui permet de réutiliser une partie des devises étrangères obtenues par la vente de produits agricoles aux pays en voie de développement par l'achat de livres, journaux, quotidiens de ces pays. A partir de 1962, la Bibliothèque du Congrès a ouvert des bureaux à l'étranger, au Caire, à New-Delhi et Karachi, en Israël, au Pakistan, en Egypte, en Yougoslavie, en Pologne, en Tunisie, en Iran. Des bibliothèques y ont participé, acceptant de recevoir tout ce que ces agences leur enverraient. Ces agences participent maintenant au NPAC mentionné plus bas, et envoient des publications aux bibliothèques participantes, selon les besoins des programmes de la recherche universitaire. Depuis 1978, le bureau de la Bibliothèque du Congrès de New-Delhi a mis en place un centre de reprographie sur microformes. Si le copyright a été obtenu, livres et journaux de mauvaise qualité, ou à tirage limité, ou d'un prix inhabituellement élevé, sont reproduits sur microfiches. On peut obtenir la commande systématique de ces jeux de microfiches auprès de la Bibliothèque du Congrès.

Le NPAC (National program for acquisitions and cataloging) est l'exemple d'une coopération nationale. Alimenté à l'origine par des subventions du « Higher education act » de 1966, il a été établi pour identifier les bibliothèques de recherche qui achètent des documents de sources variées aux Etats-Unis et à l'étranger. Sélectionnées par la Bibliothèque du Congrès pour participer au NPAC, les bibliothèques doivent lui notifier toute commande de document récent qui n'a pas été encore enregistrée dans le catalogue de la Bibliothèque du Congrès au moment de la commande. Afin de faciliter les vérifications, la Bibliothèque du Congrès fournit aux bibliothèques participantes copie de chacune de ses fiches imprimées. Ces fiches arrivent en paquets, classés par titres...

La Bibliothèque du Congrès assure un catalogage rapide des publications étrangères de façon que les autres bibliothèques soient exemptées d'un catalogage original et onéreux. Un autre avantage de la participation au NPAC est d'être assuré de trouver un exemplaire de secours des documents de recherche à la Bibliothèque du Congrès.

D'autres types de coopération existent également : les systèmes bibliographiques en réseaux, tels OCLC ou RLIN. La coopération par discipline (médecine, religion, droit) ou sur un plan régional peut être très active. Des conventions entre établissements peuvent s'opposer au doublonnage des ouvrages dans un rayon de 2 à 3 km.

Éliminations

Les éliminations représentent le dernier volet de la politique de développement des collections. L'élimination ne consiste pas seulement en des opérations de vérification et de pointage (inventaire des disparitions pour déterminer les secteurs qui ont subi les plus grosses pertes). Elle consiste à trier les documents peu utilisés et à mettre ces derniers en magasin afin de mieux servir les collections vivantes et, ainsi, d'améliorer le service rendu au lecteur.

Les critères de tri sont des critères d'usage, de qualité, de valeur, de condition physique (livres trop abîmés); il faut également tenir compte des conventions de coopération qui ont pu être passées. Dans l'idéal, la bibliothèque aura établi un plan exhaustif, concernant aussi bien le tri des documents en vue d'élimination que la sélection de nouveaux titres. Les deux aspects de gestion et de développement des collections devront toujours être coordonnés.

Le CREW manual (continuous review, evaluation and weeding) s'adresse aux bibliothèques de moyenne importance. Il comporte des recommandations spécifiques et des directives pour, tout au long de l'année, trier et inventorier les fonds en reprenant les subdivisions de la classification Dewey et en considérant soigneusement le sort que l'on réserve à chaque titre (élimination, reliure, réparation, remplacement).

Les programmes d'élimination ne sont pas populaires dans de grands établissements tels que les bibliothèques universitaires de recherche. Leur taille rend le tri titre par titre impraticable. Aussi a-t-on cherché à élaborer des règles concernant des groupes de documents. Evaluer l'utilisation à venir d'un document n'est pas une opération facile : parmi les critères retenus figurent la langue, la date de publication, le nombre de prêts dont il a été l'objet depuis son entrée à la bibliothèque, le temps passé sur les rayons entre deux emprunts. Aucun de ces critères ne permet, à lui seul, de prédire avec succès l'usage de tous les documents dans toutes les disciplines. Néanmoins de nombreux bibliothécaires estiment que la meilleure façon de connaître l'utilisation future d'un document est d'en mesurer l'usage a posteriori. Dans le cas des périodiques, la date de publication est un critère de décision important lorsqu'il s'agit de placer les collections en magasin.

Le problème de fond est d'arriver à découvrir le moment où le coût du retrait des ouvrages et de leur mise en magasin (espace en rayonnage, temps en personnel, frustration de l'utilisateur) tombera en dessous du coût de leur maintien en libre accès au sein de la collection vivante. Le magasin peut se trouver sur place (compactus), dans un lieu séparé ou dans un magasin commun à des bibliothèques ayant passé des conventions de coopération; enfin la conservation de documents dans une discipline donnée peut être assurée par une bibliothèque spécialisée dans ce domaine.

Évaluation

Le processus qui consiste à développer les collections d'une bibliothèque ne s'arrête pas lorsque la bibliothèque reçoit les documents choisis. On doit maintenir les collections sans discontinuité, par l'évaluation de ce que l'on a obtenu, par le remplacement des documents perdus et détériorés, par l'achat de doubles de documents fortement utilisés, par l'élimination des volumes inutiles, par l'envoi en magasin des documents peu utilisés et par la conservation des volumes précieux des collections. Il faut recueillir systématiquement toute information sur l'envergure, l'utilité, l'accessibilité et la qualité des collections, de façon que les responsables des collections puissent s'assurer que leur développement se fera en accord avec les besoins courants et anticipés.

Gestion et évaluation des collections

L'évaluation des collections concerne à la fois la valeur des fonds, leur composition (quels sont les documents qui les composent, quelle est la valeur de ses documents par rapport à ceux qu'elle ne possède pas ?), la communauté qu'elle dessert effectivement et ses utilisateurs potentiels. La gestion des collections va au-delà de la valeur absolue ou relative des collections. Elle veille à ce que leur disponibilité (éventuellement leur utilisation) soit renforcée par des décisions claires de reliure, de microfilmage, de duplication, de remplacement, d'élimination, d'emmagasinage, de sécurité et de conservation.

Il existe des techniques variées pour évaluer la qualité des collections d'une bibliothèque, les habitudes de ses utilisateurs (ou non-utilisateurs), et les moyens susceptibles d'améliorer l'efficacité de la bibliothèque. Cela implique, en partie, des jugements d'ordre qualitatif (vérification à l'aide de listes bibliographiques normalisées, enquêtes sur l'avis des utilisateurs...). Cependant, beaucoup insistent sur le développement et l'utilisation des données quantitatives (collections découpées par disciplines, taux de croissance, statistiques de prêt, etc.). Habituellement, les mesures quantitatives sont plus faciles à appliquer et à expliquer que des évaluations qualitatives. Néanmoins, se pose le problème du manque d'uniformité de la collecte, de l'exposé et de l'interprétation de telles statistiques.

Il est facile de collecter, par des systèmes d'acquisition et de prêt informatisés, toutes sortes de données quantitatives requises pour la gestion et le développement des collections. Il n'est peut-être pas accidentel que l'intérêt pour la collecte d'informations sur la composition et l'utilisation des collections ait augmenté à mesure que s'est étendue l'informatisation des procédures de bibliothèques. Les statistiques de prêt, en particulier, offrent beaucoup de données quantitatives à traiter et à analyser. Comment circulent les livres, combien de fois et quels sujets sortent le plus, quelle proportion des collections est sortie à un moment donné, combien de doubles sont à prévoir dans le cas de volumes très utilisés afin de satisfaire la demande, qui sont les emprunteurs, quelles sont leurs caractéristiques, quelle est la moyenne d'emprunts par utilisateur sur une période donnée ? Les réponses à de telles questions sont ordinairement obtenues grâce au traitement des enregistrements du prêt. Les systèmes d'acquisition peuvent collecter et résumer des informations sur les documents nouvellement acquis : leur répartition par sujets, leur prix, leur éditeur, ou les chapitres budgétaires sur lesquels ils sont imputés. Certains systèmes sont capables de trier les nouvelles acquisitions par bibliographes ou autres sélectionneurs dont émane la demande, de façon que puissent être détectées des variations inhabituelles dans les comportements d'acquisition.

Profil des collections et contrôle de croissance

Une des premières démarches de l'évaluation des collections est la compréhension de ce que sont déjà les collections et de ce qui s'y ajoute couramment. La taille des collections en valeur absolue, la présence de certains types de documents, la taille des collections en relation avec le nombre total des utilisateurs réels et potentiels, les sommes dépensées pour l'ensemble des collections ou par catégories, sont des données caractéristiques que l'on peut utiliser à titre de comparaison avec les performances de la bibliothèque pour les années précédentes, et avec les fonds d'autres établissements de type et de dimension semblables. La taille des catalogues, les états complets et la charge de travail des services d'indexation peuvent caractériser les fonds de périodiques. On peut aussi construire un profil à partir des nouvelles acquisitions pour une période donnée...

Il peut être facile de construire le profil de base d'une petite bibliothèque à partir de données recueillies sur l'ensemble du fonds. Cependant un échantillonnage des collections est la seule façon réaliste d'estimer les caractéristiques d'une grande bibliothèque. Cela permet d'analyser les dates et pays de publication des documents, leur langue, leur éditeur (commercial, universitaire), ou leur type (monographie, périodique, publication officielle...).

De grandes bibliothèques ont aussi dressé le profil de leurs collections en faisant le décompte des catalogues topographiques; elles utilisent une analyse assez détaillée du schéma de classification et en mesurent le nombre de fiches topographiques pour chaque section.

C'est un moyen rapide et facile d'estimer la taille d'une collection dans n'importe quelle discipline. Ces estimations sont souvent utilisées pour comparer des bibliothèques et identifier des collections particulièrement importantes. Le fait que les pratiques de classification varient au cours des années au sein d'un même établissement ou de l'un à l'autre est un des inconvénients de la méthode de calcul à partir du catalogue topographique. La technique la plus couramment utilisée pour contrôler la taille et la croissance des collections consiste en l'utilisation de formules pour déterminer l'adéquation du fonds.

Ainsi la formule de Clapp-Jordan fut publiée en 1965, parce que les normes des bibliothèques de faculté ne donnaient pas alors suffisamment d'indications pour estimer le nombre minimum de volumes acceptable pour une bibliothèque du 1er et 2e cycle. Cette formule détermine le nombre de volumes requis pour une collection de base et précise le nombre de volumes supplémentaires indispensables à chaque membre de la faculté, en fonction du nombre d'étudiants et des programmes universitaires. D'autres ont travaillé sur des variables similaires à celles qu'utilisaient Werner Clapp et Robert Jordan (taille et activité de recherche de la faculté, profil du programme d'étude, étendue et degré d'approfondissement des programmes...), et ont édifié des formules pour de plus grandes bibliothèques universitaires. Certains états ont développé des formules sur le rapport taille/collections pouvant être utilisées lors de la planification des budgets de l'enseignement supérieur. La dernière révision des normes de bibliothèques de faculté (1975) comporte une formule pour estimer le nombre de volumes qu'une bibliothèque devrait offrir. Les normes des centres de documentation et d'information englobent des recommandations spécifiques sur la taille des collections. Les normes des bibliothèques d'université quant à elles ne donnent pas de formule, mais suggèrent l'utilisation de techniques d'analyse pour étudier des relations telles que le rapport entre les dépenses documentaires de la bibliothèque et les dépenses totales, ou entre le nombre de périodiques en cours par rapport au nombre total de volumes possédés.

Outre la taille des collections courantes, le taux de croissance d'une bibliothèque est un indicateur utile pour prévoir la capacité des collections à satisfaire la demande. En 1975, Melvil Voigt proposait un modèle pour déterminer le taux minimum d'acquisitions annuelles pour une bibliothèque universitaire comportant des programmes de doctorat très poussés. Ne se préoccupant que des imprimés courants, le modèle partait d'un taux d'acquisition de base de 40 000 volumes et ajustait ce chiffre sur les bases de facteurs tels que nombre et types d'étudiants de 3e cycle, valeur en dollars des contrats de recherche parrainés (ou des bourses) ou du temps passé à voyager pour consulter d'autres bibliothèques de recherche. D'autres on fait des expériences avec des groupes de variables de cette sorte pour comprendre la signification des taux de croissance différents et des taux d'acquisition requis pour aboutir à un service efficace.

Étude de recoupement des collections

Les études sur l'importance du recoupement des fonds d'une bibliothèque à l'autre se multiplient ces dernières années. Cependant, comme l'a fait remarquer William Potter dans une analyse de ces études, objectifs et méthodologies ne sont pas compatibles d'une étude à l'autre, rendant ainsi toutes comparaison et généralisation difficiles. Les pressions exercées pour planifier le partage des ressources semblent avoir encouragé les études de recoupement. Les systèmes informatisés les ont rendues plus faciles à mener. Le catalogage en ligne, en particulier, a fourni des données pertinentes pour l'étude des recoupements. Les bandes d'enregistrements OCLC ont été utilisées pour déterminer les recoupements d'acquisitions courantes des bibliothèques du réseau d'un état.

Études des prêts

Statistiques de prêt informatisées ou manuelles ont leurs défenseurs et leurs opposants. Elles ont le mérite de montrer quelle est la circulation d'un titre ou d'une discipline. Cependant, elles ne montrent pas ce qui ne peut être emprunté parce que c'est déjà sorti...

William Axford prédisait en 1980 qu'« il y a toute raison de croire que l'étude de l'utilisation des collections à long terme s'étendra et qu'il en résultera des changements fondamentaux dans la façon dont les collections de bibliothèques seront gérées dans les 10 années à venir ». Si les critiques des études d'utilisation des bibliothèques uniquement fondées sur des données de prêt sont unanimes pour reconnaître une certaine valeur aux statistiques de prêt, en ce qui concerne la gestion des collections, elles regrettent que l'on ait placé trop de confiance dans cette technique.

Norman Dudley fait remarquer que les bibliothèques universitaires endossent au moins deux responsabilités complémentaires : « l'une envers l'étudiant et le lecteur occasionnel, et l'autre envers le chercheur universitaire d'aujourd'hui et de demain ».

Les statistiques de prêt peuvent fournir des indices aux responsables de la sélection qui ont besoin de savoir dans quelle mesure leur choix a servi. Si un système informatisé de prêt permet d'identifier le chapitre du budget auquel un document a émargé, ou si les sélectionneurs peuvent être clairement identifiés par sujets spécifiques, alors, tout responsable d'acquisition peut connaître la fréquence d'utilisation des documents de son secteur. Les sélectionneurs peuvent comparer leurs choix dans une discipline, d'une part aux autres domaines, d'autre part aux taux de prêt. Ils peuvent aussi comparer les chiffres de prêt des acquisitions récentes avec ceux de l'ensemble des collections dans une discipline donnée.

Les chiffres sur l'utilisation des documents obtenus à partir des statistiques de prêt gagnent souvent à être comparés à d'autres statistiques internes, telles les demandes non satisfaites ou les demandes de prêt interbibliothèques. Le ratio prêt/fonds est le rapprochement de deux pourcentages : pourcentage du prêt dans une discipline donnée par rapport au pourcentage qu'elle atteint sur l'ensemble du fonds.

Ces rapports peuvent être obtenus pour des disciplines aussi bien larges que restreintes et pour un temps donné. On peut s'occuper plus particulièrement des domaines dans lesquels le prêt semble anormalement élevé ou bas par rapport au reste des collections. Une discipline dont les statistiques de prêt sont en baisse peut, ou bien avoir besoin d'un sérieux tri ou d'un renforcement, ou bien révéler une baisse de l'intérêt du public à son égard. Un sujet qui sort plus que ce que l'on attendait devra probablement être renforcé par de nouveaux titres, ainsi que par des doubles des titres très demandés.

Les bibliothèques publiques tendent à anticiper la demande du lecteur et accordent une grande importance aux études de développement des collections afin de pouvoir en dégager des priorités.

Cependant, si l'analyse des prêts fournit des données valables pour gérer les collections, les documents d'une bibliothèque peuvent être utilisés sans jamais sortir du bâtiment. On peut vaincre une partie des limites des études de prêt par des études de consultation sur place à la bibliothèque. Le compte des documents déplacés des étagères et laissés sur les tables est plus difficile à mesurer que le prêt. Ont été essayées, avec des degrés variables de succès, les techniques qui consistent, par exemple, à demander au public de laisser les volumes utilisés sur des tables ou des étagères réservées à cet effet, ou à coller des gommettes sur le dos des livres déplacés, ou à tamponner la date sur les documents chaque fois qu'ils sont utilisés. En général, les études d'utilisation sur place ont montré que le rapport utilisation sur place/prêt extérieur diffère d'une bibliothèque à l'autre, d'un domaine-sujet à un autre, mais reste relativement stable dans le temps à l'intérieur d'un même établissement. Ceci signifie qu'une étude approfondie de la consultation sur place dans un secteur donné peut suffire à établir des rapports utilisation sur place/prêt dans des domaines variés; et ceux-ci, combinés avec les données de prêt régulièrement collectées, peuvent donner une image raisonnablement complète de l'utilisation des fonds de la bibliothèque.

Analyse des citations

Lorsque le bibliothécaire ne peut utiliser de statistiques de prêt, il peut utiliser l'analyse des citations pour prévoir la façon dont les collections de la bibliothèque vont être utilisées. La procédure la plus simple consiste à compter le nombre de fois où un titre est mentionné dans les notes ou bibliographies de sources publiées (articles, ouvrages, revues critiques ou services d'indexation et d'analyse, etc.). Cette méthode suppose que les modalités de citation reflètent celles de l'utilisation, et que la fréquence des citations peut avoir une influence sur l'utilisation des collections. Une application parmi les plus répandues est d'identifier des collections de fond pour des lecteurs bien spécifiques. Ainsi des listes de périodiques connus par l'abondance des citations dans un domaine donné peuvent aider à identifier les périodiques indispensables aux chercheurs dans ce domaine. De même, à l'aide de citations de sources soigneusement sélectionnées, on peut définir les ouvrages de base classiques dont ont besoin les étudiants. On emploie souvent cette méthode pour découvrir les modalités d'utilisation de la communication scientifique à l'intérieur d'une communauté de chercheurs. Une fois les sources soigneusement sélectionnées, la méthode d'analyse des citations est simple à utiliser. On peut seulement lui reprocher de se fonder uniquement sur une supposition a priori de la signification des références bibliographiques pour les auteurs et non sur l'observation d'un comportement. Or, les citations bibliographiques reflètent le plus souvent ce que les auteurs ont sous la main et pas nécessairement la meilleure information sur le sujet.

Disponibilité et fourniture des documents

Une des tendances actuelles de l'évaluation des collections est d'essayer d'estimer la capacité de la bibliothèque à procurer aux lecteurs les documents dont ils ont besoin, et quand ils en ont besoin, soit par l'étude de ce qu'offrent les collections de la bibliothèque à un moment donné, soit par l'évaluation de l'adéquation des ressources totales (fonds de la bibliothèque et ressources extérieures accessibles). Un des exemples les plus anciens est l'index de capacité, mis au point par Richard Orr et ses collègues. Il met l'accent sur la vitesse à laquelle une bibliothèque peut fournir un document pris dans une liste de titres susceptibles de lui être demandés (il faut fournir les titres aussi vite que possible, soit dans la bibliothèque test elle-même, soit dans une bibliothèque coopérante). La capacité de la bibliothèque à satisfaire les demandes d'une liste de titres spécifiques est alors exprimée en termes quantitatifs : c'est son index de capacité. Si la liste des titres est appropriée, c'est la simulation des expériences d'utilisateurs-types. Cette méthode met l'accent sur l'interdépendance des bibliothèques entre elles.

Les études de disponibilité diffèrent des précédentes car elles s'intéressent aux collections en prêt d'une bibliothèque spécifique et se basent sur la supposition que certains titres peuvent être facilement trouvés sur les rayonnages. Une technique utilisée consiste à établir un échantillonnage de titres publiés sur un certain nombre d'années... Cet échantillon permet de vérifier que la bibliothèque possède chaque titre et qu'il se trouve bien sur les rayons. Si la bibliothèque ne possède qu'un faible pourcentage des titres vérifiés, on peut en conclure que, soit le budget, soit la méthodologie employée pour le développement des collections sont inadaptés. Dans le cas contraire (pourcentage de titres possédés élevé mais peu d'entre eux disponibles), il faut alors dédoubler certains titres. Des tests similaires sont employés pour mesurer les collections de périodiques et de documents non-imprimés de la bibliothèque. Une autre méthode utilisée prend appui sur les demandes de l'utilisateur spécifique et tente de déterminer combien de fois la bibliothèque est en défaut lorsque celui-ci ne trouve pas un titre et combien de fois c'est une erreur imputable à l'utilisateur lui-même qui est cause d'échec. On peut interroger tous les utilisateurs ou un échantillon représentatif pendant une période de temps déterminée avec des questionnaires courts où ils notent leurs succès ou leurs échecs. Les recherches infructueuses sont analysées pour en déterminer les causes. Immanquablement, tomberont dans l'une de ces catégories : « La bibliothèque ne possède pas le titre »; « La bibliothèque possède le titre mais il est prêté »; « Titre absent ou mal rangé ou indisponible pour erreur imputable à la bibliothèque »; « Titre non trouvé par erreur de l'utilisateur car il a mal recopié un chiffre ou n'a pu le localiser en rayon ». Les.résultats de tels tests ne concernent pas seulement le développement des collections mais aussi toute la politique de l'établissement.

Vérifications par listes, bibliographies et critiques

La technique d'évaluation peut-être la plus largement utilisée consiste à comparer les collections d'une bibliothèque avec une ou plusieurs listes de titres sélectionnés en fonction de sa spécialité (bibliographie exhaustive sur un sujet, liste des « meilleurs livres », etc.). Ces « guides » servent à contrôler l'efficacité des efforts de développement des collections d'une bibliothèque. Cette procédure suppose que les listes ainsi établies représentent les différentes appréciations de nombreux spécialistes et comprennent les titres les plus importants dans une discipline donnée. On obtient un chiffre qui représente le pourcentage de titres qui devraient se trouver en bibliothèque. Si la bibliothèque a utilisé le même guide pour ses acquisitions, le test, bien évidemment, ne peut qu'être erroné. Une autre variation consiste à construire la liste de vérifications à partir de citations (notes bibliographiques infra-publications, références...) qui apparaissent dans des travaux significatifs relevant du ou des champs d'intérêt de la bibliothèque... Dans le cas de citations de thèses, de rapports de recherches ou de critiques littéraires, la question implicite est la suivante : le chercheur aurait-il pu écrire cet ouvrage dans cette bibliothèque ? Pour les 1er et 2e cycles universitaires, on suppose que l'étudiant pourrait localiser les documents cités dans les livres ou les périodiques utilisés en travaux dirigés.

Les critiques les plus fréquemment adressées à ces méthodes soulignent le caractère arbitraire de la sélection : une liste de valeur inégale pourra comporter des omissions importantes; plus la liste est courte, plus elle est arbitraire ; les documents de la bibliothèque qui ne figurent pas sur la liste peuvent être tout aussi utiles, etc. On peut vérifier cette dernière hypothèse en prenant un échantillon des collections et en cherchant à les retrouver dans les bibliographies... Cependant, si la liste n'est pas en relation étroite avec les besoins ou les domaines qui intéressent la communauté desservie, il ne servira à rien de la vérifier.

Cette méthode est onéreuse en temps et en personnel. Il vaut certainement mieux ne vérifier qu'une partie des collections, et particulièrement les disciplines dont on soupçonne la faiblesse.

Étude des utilisateurs et non-utilisateurs

Ces études déterminent les objectifs et les missions de la bibliothèque et complètent les techniques d'évaluation des collections. Les enquêtes sur les utilisateurs et non-utilisateurs supposent que l'on rassemble des réponses à des questions spécifiques par le biais de questionnaires ou d'interviews. Construire des questions claires et univoques, identifier les utilisateurs ou non-utilisateurs à étudier, gagner leur concours et collecter leurs réponses, puis résumer et interpréter les réponses, exigent adresse, temps et patience. Il faut néanmoins tenir compte de certaines contingences, car beaucoup d'utilisateurs n'ont qu'une idée vague de la bibliothèque et sont très mal informés de ce qu'ils peuvent en attendre. D'autres répondent « pour faire plaisir » au bibliothécaire ou ce qu'ils croient lui faire plaisir... D'autres sont intéressés par des sujets qui ne cadrent pas avec le profil de la bibliothèque. Et, bien sûr, les enquêtes qui ne s'intéressent qu'aux lecteurs fréquentant la bibliothèque ont une portée limitée.

Personnel/évaluation

Les évaluations de productivité et d'organisation interne sont les dernières abordées et soulèvent de la part des auteurs des interrogations sur le droit des individus, ainsi que sur les problèmes d'anxiété au travail. Les auteurs proposent des mesures de prudence, en expliquant que si le personnel n'a pas suffisamment été informé sur les études en cours, s'il ne se sent pas pleinement concerné et partie prenante dans ces évaluations, il peut se sentir remis en question du fait d'une étude de fiabilité, de performance ou d'organisation. Les auteurs insistent sur l'importance de l'adhésion du personnel lors de la mise en place de telles évaluations. Leurs résultats dépendent si étroitement des locaux et des conditions de travail qu'ils doivent être discutés avec chaque membre du personnel impliqué. Une bonne information diminue les problèmes d'anxiété et d'appréhension au travail.

Chaque changement important dans l'organisation de la bibliothèque, l'informatisation d'un service par exemple, alourdit la charge de travail du service concerné et peut créer des perturbations dans les autres services. Tout changement doit, par conséquent, être envisagé dans toutes ses implications, qu'elles soient psychologiques ou de l'ordre de l'organisation. Il est de la plus haute importance que les personnels soient informés, puissent donner leur point de vue, se sentent profondément concernés en tant qu'acteurs et non comme des sujets passifs que l'on remet en cause.

En choisissant de conclure sur les problèmes du personnel face à l'évaluation, les auteurs incitent les bibliothèques américaines à la prudence et à la réflexion avant d'entreprendre toute réorganisation et évaluation. Ils semblent dire que la gestion des bibliothèques a souvent oublié le bien-être des personnels et que ces derniers, non seulement ne se sont pas sentis concernés par les méthodes d'évaluation, mais se sont sentis remis en question de façon négative. Si nous devons profiter de l'expérience de nos collègues d'Outre-Atlantique, il serait bon que nous prenions garde nous aussi d'éviter les écueils auxquels ils ont pu se heurter. En effet, c'est par la volonté et le dynamisme de l'ensemble du personnel que peut être mise en œuvre une gestion efficace de la bibliothèque. Sans ce consensus, il semble difficile que les plans de développement des collections puissent réussir pleinement, et déboucher sur une politique d'acquisition et une gestion des collections cohérentes, dans un établissement comme au plan national.

Illustration
Les procédures de commande

  1. (retour)↑  Rose-Mary MAGRILL, Doralyn J. HICKEY, Acquisitions management and collections development in libraries, Chicago, American library association, 1984, XI-229 p., Index p. 223-229, ISBN 0-8389-0408-4. D'autres ouvrages sur le développement des collections sont également à citer. Mesure et évaluation des services de la bibliothèque de F. Wilfrid LANCASTER est un ouvrage extrêmement technique, centré sur les méthodes d'évaluation, d'analyse et de mesure des collections et services des bibliothèques. On y trouve la plupart des méthodes utilisées, illustrées par des études concrètes sur le terrain. Procédures et politiques d'acquisition des bibliothèques d'Elisabeth FUTAS présente des plans de développement des collections réellement utilisés par différentes catégories de bibliothèques. Recueil sélectif, il offre également un choix d'exemples de méthodologies d'évaluation des collections mises en pratique. Développement des collections: sélection de documents pour les bibliothèques de William A. KATZ est un manuel professionnel utilisable à la fois par les étudiants en science de l'information et les bibliothécaires pour faire le tour des techniques qui y sont analysées avec force détails. S'appuyant sur les spécialistes de la question, Katz traite de chaque problème de manière claire et précise, dans un style simple et direct. Il termine sur la façon dont le développement des collections est un moyen de combattre la censure. Conclusion pour le moins inattendue qui laisse deviner que le bibliothécaire américain a des problèmes et non des moindres.