« Tu en as un autre comme ça ? »

Au-delà des livres-amorce

Marie-Isabelle Merlet

L'enfant, pour devenir lecteur et pouvoir lire des livres de tous genres, se heurte à de nombreuses difficultés. Marie-Isabelle Merlet en regroupe ici quelques-unes qui ont en commun de rendre le texte « étranger » à l'enfant. Pour ne pas rebuter ces jeunes lecteurs et leur permettre de maîtriser progressivement l'écrit, elle propose des titres « amorce » et des astuces de bibliothécaire.

When a child wants to become a reader and to read all sorts of books, he faces many difficulties. Marie-Isabelle Merlet is analysing some of them : they make the text a « stranger » to the child. Then she offers « bait-titles » and librarian's tricks, so that the young reader can gradually « tame » the writing.

Les livres-amorce, dans le jargon des bibliothécaires pour enfants, sont des livres qui sont tellement irrésistibles qu'il suffit de les présenter aux non-lecteurs les plus irréductibles pour qu'ils consentent à tenter l'expérience de la lecture, les lisent jusqu'au bout et en sortent satisfaits : « Tu en as un autre comme ça ? ».

Difficile autonomie

En fait, avant l'apprentissage de la lecture et ses difficultés, rédhibitoires pour certains enfants, point n'est besoin de livres-amorce. Je n'ai jamais rencontré de moins de 4 ans qui n'aime pas les livres, pour peu qu'on lui en propose. Rappelons-nous l'épisode du Meilleur des mondes de Huxley : il ne fallait pas moins que des chocs électriques pour détourner les bébés des albums à couverture brillante vers lesquels ils rampaient avec enthousiasme. Pourtant, déjà, certains conditionnements se préparent : beaucoup de petits choisiront exclusivement les petits formats cartonnés et carrés, d'autres prendront les grands qui dépassent. Aux médiateurs de proposer les critères de choix moins exclusivement matériels. La relation affective que crée la « lecture avec » est telle qu'on peut en profiter pour élargir l'éventail.

Par contre, c'est au moment où les enfants s'acheminent vers un comportement autonome de lecteurs qu'ils risquent de se replier vers les collections et surtout les séries rassurantes. S'ils en ont lu un titre, ils peuvent lire les autres, pensent-ils avec quelque raison : « C'est ça que je suis capable de lire », disent-ils en désignant les Bibliothèque rose, les Folio benjamin, les Castor poche, ou les J'aime lire, et ils ne sont pas prêts à en démordre. D'aucuns, parmi les médiateurs, sont d'ailleurs tentés de voir dans les séries, si médiocres soient-elles, de véritables livres-amorce; du moins incitent-elles les enfants à exercer, à rôder leur capacité de lecteurs : « C'est en lisant qu'on devient liseron » et « Peu importe ce qu'il lit, l'important, c'est qu'il lise ».

De l'aide...

Je pense volontiers que les livres ont une individualité, tout comme les gens, et que l'intérêt du métier de bibliothécaire, c'est, connaissant les livres et les gens, d'organiser, de proposer des rencontres : « Le bon livre au bon moment ». La part du hasard restera belle, ne craignons pas. Reste que certains livres, ceux qui jouent un rôle d'amorce, justement, « marchent » de façon très générale, même auprès des lecteurs pas encore très aguerris ni avertis, tout à fait comme certains enfants ont plus de succès que d'autres : d'emblée on les trouve plus sympathiques. On se refile les titres entre bibliothécaires; on surveille ceux dont le succès résiste au temps, aux générations d'enfants, ou ceux qui ont vieilli; on guette les nouveaux titres prometteurs.

Dans les tous premiers titres qu'on pourra proposer avec succès, au-delà des livres d'images, aux enfants de CP-CE1, citons pêle-mêle: Le Lapin de pain d'épice (1), Le Grand livre vert (2), Zozo la tornade (3), La Queue d'une souris dans l'oreille d'un chat (4), L'Enlèvement de la bibliothécaire (5), Polly la futée et cet imbécile de loup (6), Fantastique Maître Renard (7). Qu'est-ce que ces livres ont en commun ? Ils sont courts, démarrent vite et sont bien rythmés, avec une structure proche de celle du conte; ils sont riches en rebondissements et en humour; l'enfant lecteur ne risque guère d'en perdre le fil une fois qu'il a démarré; la typographie n'est pas rebutante; l'illustration est souvent riche et porteuse. Notons qu'à travers cet échantillon, on a abordé plusieurs collections et donc initié les jeunes lecteurs à prendre le plaisir offert sous des présentations variées.

Pour les 8-10 ans, le choix est vaste. Rares sont les enfants qui ne connaissent pas les Contes de la rue Broca de Pierre Gripari. Plus rares encore ceux qui, les connaissant, n'y mordent pas. Notons que leur succès a débuté en bibliothèque alors que leur édition par la Table Ronde ne semblait pas les destiner aux enfants, mais les enfants ne s'y sont pas trompés, et les autres livres de Gripari ont bénéficié du prestige de leur auteur. Roald Dahl est l'autre auteur best-seller de cette catégorie d'âge, et Marie Farré s'inspire de sa formule en multipliant sorcières et yétis. Le Petit Nicolas a ses fidèles, de même que les Bennett de Buckeridge, mais, dans ce cas précis, on n'est pas loin du principe de la série, de même qu'avec les policiers de Hitchcock et les romans de science-fiction de Philippe Ebly en Bibliothèque verte. Relevons donc plutôt des titres plus individualisés qui « accrochent » bien : La Planète aux arbres de Noël (8), Les Visites du petit vampire (9), Hugo et Joséphine (10), Sarah Ida (11), Ben est amoureux d'Anna (12), Drôle de samedi soir (13), Le Secret de Jeremy (14), Le Mystère de la nuit des pierres (15), Akavak (16).

Cette liste n'est évidemment pas limitative. Il ne faudrait pas oublier les classiques comme la comtesse de Ségur ou Colette Vivier, ni des romans comme Crin Blanc ou Lassie chien fidèle redécouverts par les nouvelles générations. Que repérons-nous dans ces livres ? Des débuts très enlevés et des rebondissements, de l'humour - Dahl est le champion en la matière -, mais aussi des thèmes privilégiés: fantômes, vampires prennent peu à peu la relève des sorcières des contes, et on leur demande d'être crédibles. La magie ne perd pas ses droits, mais le réalisme des personnages et les situations conflictuelles très reconnaissables (dont on a peu coutume de parler aux enfants, qui les vivent pourtant) s'imposent; argent, vieillesse, marginalité, maladie ou amours enfantines. La plupart des enfants préfèrent toutefois les livres « drôles » aux livres « tristes ».

Pour les 12-14 ans, pour qui la lecture représente encore un effort et qui ne sont pas encore convaincus que le jeu en vaut la chandelle, citons quelques titres qui ont fait leurs preuves : Chassy s'en va-t-en guerre (17), Le Prince de Central Park (18), Le Robinson du métro (19), Vie et mort d'un cochon (20), Mary de la Vallée haute (21). Signalons que la différence de lectures s'accentue entre garçons et filles. Il est notamment très difficile de faire accepter par un garçon un livre dont le personnage est féminin. L'inverse est moins vrai.

Le « phénomène », cette année, ce sont Les livres dont vous êtes le héros lancés par Gallimard en Folio junior, qui attirent aussi bien les non-lecteurs confirmés que les autres. Il y a là matière à méditation, car le style n'est pas si simple et on y trouve tous les ingrédients de Bilbo le hobbit et de l'Histoire sans fin, que certains lisent d'ailleurs dans la foulée, mais il s'agit de livres-jeux qui se lisent comme des modes d'emploi, pour gagner.

Dur métier

Une fois qu'on a repéré et proposé avec succès ces livres qui amènent les enfants à la lecture de romans, la difficulté est de répondre à la demande : « Tu m'en trouves un autre comme ça ? ». D'une part, ils ne sont pas si nombreux, et il y a beaucoup d'ersatz - d'auteurs qui multiplient les titres en exploitant le filon sans avoir le même talent -, d'autre part, il y a tous les chefs-d'œuvre de la littérature enfantine qui, pour ne pas être des lectures de débutants, n'en sont pas moins de riches lectures d'enfants. Quand donc les enfants y auront-ils accès ? Faut-il les réserver aux boulimiques de la lecture - il y en a, et c'est aussi parfois un problème - et se limiter, pour les autres, aux livres « faciles » ? Il semble bien par exemple qu'on doive faire son deuil du projet de faire lire aux enfants Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame. C'est pourtant un livre merveilleux, mais, bien qu'il ait été écrit pour un enfant, ce sont les adultes qui l'apprécient, du moins en France.

On agresse parfois les bibliothécaires en leur reprochant de choisir à la place des enfants en fonction de leurs goûts et de leur culture d'adultes. C'est bien méconnaître la capacité de résistance de la plupart des enfants, qu'on ne peut forcer à lire un livre s'il les ennuie, du moins dans le contexte des bibliothèques. Mais ils ne peuvent demander que ce qu'ils connaissent ou, du moins, ce dont ils ont entendu parler, souvent par la télévision d'ailleurs, et, à 6 ans, ça peut être Robinson Crusoé, L'Odyssée ou Dracula : « Vous n'en avez pas un plus petit » ?

Ils connaissent aussi souvent Alice au pays des merveilles, Pinocchio ou Nils Holgersson, par le biais de Walt Disney et autres adaptateurs. Notons que les contes traditionnels, qui subissaient le même sort, sont désormais accessibles en textes intégraux, non retouchés, dans les collections de poche. Sur ces derniers d'ailleurs, quelques remarques s'imposent. En France, Alice aux pays des merveilles n'a jamais vraiment été un livre d'enfants : cela tient à un problème de traduction mais aussi de références culturelles. Le cas de Pinocchio et du Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède est différent. S'ils ont d'abord été des livres pour enfants, en France, à l'âge où ces livres intéressent, ils ne sont actuellement accessibles en lecture autonome qu'à une petite minorité. Pour les autres, on peut imaginer d'en faire la lecture à voix haute.

Winnie l'ourson est peu lu, malgré l'adaptation à la télévision. Il faut dire qu'on a affaire à une traduction médiocre alors qu'il y en avait une excellente qui respectait le sel des jeux de mots enfantins. Heureusement on a retrouvé les illustrations de Shephard. Nesbit, MacDonald, malgré leur succès dans leur pays d'origine, percent mal dans le public français. Les Betsy Byars sont souvent jugés longs, les Garfield difficiles, malgré la merveilleuse version filmée de Black Jack. Pourtant, comment ne pas se passionner pour ces romans picaresques, truculents, dans une Angleterre du XVIIIe siècle ? Pierre Véry, pratiquement le seul, ou presque, à avoir écrit de véritables romans policiers pour enfants - et Dieu sait que ce genre est demandé - semble, malgré la solidité de ses intrigues et de son humour, souffrir d'un décalage culturel avec les enfants actuels, alors que la comtesse de Ségur n'a pas pris une ride. Robert Cormier poursuit le thème de la manipulation à travers ses romans traduits à l'Ecole des loisirs. On aurait pu croire que les adolescents y reconnaîtraient les thèmes de leurs préoccupations, mais son écriture est difficile et seuls les très bons lecteurs y ont accès. Rumer Godden, dont l'Ecole des loisirs publie cette année un chef-d'oeuvre, Les Enfants du jeudi, n'a pas non plus connu un bien grand succès avec la Maison de poupées dans la Bibliothèque internationale.

Les embûches

Au fond, dans ces livres que nous lisons souvent avec passion, en tant qu'adultes, et que les enfants délaissent plus ou moins, qu'est-ce qui a du mal à passer ?

« Je bute »

La difficulté la plus couramment reconnue, c'est que : « C'est trop gros », surtout, qu'en plus, « c'est écrit trop petit » ! Cela demande une grande force de persuasion que d'inciter les enfants à commencer la lecture de Bilbo le hobbit (22), mais plus encore de la suite, Le Seigneur des anneaux en 3 volumes, des Garennes de Watership Down (23) de Richard Adams et de l'Histoire sans fin (24) de Michaël Ende. Pourtant l'expérience est gratifiante pour ceux qui s'y risquent : j'ai même entendu : « C'est triste que Noisette meure, parce que le livre est fini ». A Clamart, dans un milieu très défavorisé, la moitié d'un CM2 est parvenue à lire Les Garennes de Watership Down, qui ouvre pourtant sur une citation en grec et déroule son épopée de lapins sur quelque 500 pages. Il est vrai qu'un instituteur était partie prenante et que la publicité de bouche à oreille entre enfants a pris le relais des exhortations des adultes. Certains très bons lecteurs préparent au contraire leurs valises de vacances en choisissant les livres « au poids », pour que ça « fasse » l'été !

Autre difficulté fréquente, surtout pour les plus jeunes : les noms étrangers ( « Je n'arrive pas à le lire »), qu'on peut leur apprendre à passer vite, à se contenter d'identifier visuellement, ou qu'on peut même prononcer à leur place en présentant le livre.

« Je suis déçu »

La plupart des enfants abandonnent les livres qui « ne commencent pas tout de suite ». Pourtant, on pourrait dire que les chefs-d'oeuvre, comme Tristan Shandy de Sterne, ne commencent jamais; et au fond, c'est aussi le cas de Pirlipipi ou deux sirops pour une sorcière de Gripari, chez Grasset, dont ils raffolent.... mais c'est court !

Dans la même ligne d'idées, s'il n'y a pas assez de rebondissements, la lecture leur paraît lente et longue. C'est souvent leur impression en ce qui concerne les romans de Betsy Byars, qui passionneront pourtant de bons lecteurs intéressés par les problèmes de psychologie. Ses romans ont en effet des thèmes propres à mettre aussi en appétit des enfants qui ne sont pas particulièrement intéressés par la psychologie qui en fait la richesse : une descente de rapides en radeau, dans La Rivière de l'angoisse (Arc en poche), une folie dévorante de télé (Comme à la télé, Castor poche), la passion des BD (Les Amis du grenier, Bibliothèque de l'Amitié), la peur du grand dur qui terrorise l'école (Souriceau et la grande terreur, Bibliothèque internationale). Ces thèmes sont des thèmes d'action, et pourtant ce n'est pas l'action qui prime.

Les enfants qui réclament un livre qui fait peur se plaignent souvent de ce que « ça ne fait pas vraiment peur » ou plutôt que « ça ne fait peur qu'un moment ». De même voudraient-ils avoir de quoi rire à chaque ligne, ou au moins à chaque paragraphe. Pas assez de gags, pas assez d'émotions fortes, pourrait-on résumer. Les BD sont plus directement gratifiantes. Pour des plaisirs plus subtils, il faut une initiation : le conte raconté en est une.

Si le personnage central est une fille, peu de chances pour que les garçons lisent le livre; cela s'aggrave avec l'âge des lecteurs. Si le héros est trop jeune par rapport au lecteur, cela pose le même problème de refus d'identification. C'est souvent le cas des romans de la collection Mon bel oranger chez Stock.

« Je manque de références »

Par définition, ou presque, les enfants ne disposent pas d'un grand jeu de références culturelles et, si le plaisir de lire repose sur le plaisir des connotations et des allusions, il va leur échapper. C'est bien sûr, le cas d'Alice au pays des merveilles. Dans un autre registre, c'est celui des romans de Léon Garfield, qui donne pourtant tous les indices nécessaires à l'évocation d'une Angleterre du xvme siècle où il situe ses aventures de pirates et de pickpockets. Cela fait la richesse et la densité de ses livres : ce ne sont pas des « premières lectures ». Notons pourtant que les enfants, aussi bien que les adultes, raffolent des albums truffés de clins d'oeil de l'illustrateur japonais, Mitsumasa Anno, à l'Ecole des loisirs; une fois qu'ils ont compris qu'il y avait quelque chose à comprendre.

L'exotisme qui peut attirer - les Etats-Unis et les esquimaux ont beaucoup de succès - peut aussi rebuter : l'Inde en a moins avec Fatik et le jongleur de Calcutta du cinéaste Satyajit Ray (Bordas, Aux 4 coins du temps), Gonesh de Malcolm Bosse, (Castor poche), de même que le Chili avec Papelucho de Marcela Paz (Aux 4 coins du temps) qui est pourtant une espèce de Petit Nicolas, l'URSS avec le Coq rouge de Nemtchenko, (Renard poche à l'Ecole des loisirs). On peut penser qu'un certain décalage culturel, dans les romans de Véry, est ressenti comme un exotisme d'autant plus gênant qu'on est en France. Quant aux romans de Cormier, ils ne donnent pas l'image habituelle des Etats-Unis.

« Cruels et déroutants »

Certains livres sont rejetés parce qu'ils blessent la sensibilité des enfants. C'est peut-être le cas des romans de Cormier. C'est certainement le cas d'On l'appelait Filot de Peter Härtling (Bordas, Aux 4 coins du temps). Les enfants ne supportent pas le destin de ce gamin caractériel qui use les éducateurs. J'ai vu une enfant abandonner l'Armoire magique de C.S. Lewis (Bibliothèque du chat perché) parce que l'épisode christique de la crucifixion du lion était insoutenable pour elle, alors que le livre la passionnait.

Une écriture inhabituelle peut aussi dérouter. Rumer Godden, par exemple, qui intercale dans le récit les réflexions que se font in petto ses personnages. Notons à ce sujet que l'écriture limpide et directe de Mme de Ségur et de Colette Vivier est pour beaucoup dans le fait que les jeunes générations leur restent fidèles. Notons aussi que deux auteurs hollandais très originaux, Anke de Vries (25) et Guus Kuijer (26) pourraient bien bénéficier d'une promotion, eu égard à la simplicité de leur style et à leur art des dialogues.

Les astuces

Les difficultés rencontrées par les enfants, dès qu'ils abordent des livres qui ne sont pas des livres-amorce, mise à part l'épaisseur, se résument à un point: leur caractère « étranger » (étranger par le contexte culturel, le personnage, la langue...). Or, si l'on croit au « Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger », que pouvons-nous faire pour rapprocher des enfants ce qui leur semble étranger ? Rien de tel, par exemple, qu'un « bain de langue » pour des livres comme les Moumine de la Finlandaise Tove Jansson qui, à travers toute une saga, a créé un monde attachant, cohérent, d'une grande richesse affective. Une fois familiarisés par la présentation ou la lecture à haute voix d'un des livres, les enfants y reviendront souvent par plaisir (on se consolera de ce que certains y restent allergiques !). Des expositions à thème documentaire pourraient également être l'occasion de les familiariser avec le contexte de certains romans.

Il est des 8-10 ans pour qui le goût pour la magie et les sorcières, très vif chez les plus jeunes, semble très refoulé, même s'ils ne boudent pas fantômes et vampires, et qui se replient sur le réalisme dont ils se font souvent une idée très personnelle, demandant des aventures « de jeunes exactement comme nous », repli d'autant plus vigoureux qu'ils avancent en âge sans être très confirmés dans leur position de lecteurs - et qu'il correspond aux préjugés de leur milieu.

Pourquoi ne pas leur indiquer la lecture des Livres dont vous êtes le héros, dont le style n'est pas si simple, mais où l'on trouve tous les ingrédients de la « quête » des livres de Fantasy, des contes, des romans initiatiques et où les lecteurs ont à faire des choix, sans les formuler ? Il me semble, en effet, qu'après de telles lectures, les jeunes peuvent être mieux armés pour affronter les difficultés de langage ultérieures. Le fait que la lecture soit proposée comme un jeu, valorisé ici par le mode des ordinateurs, pourrait être l'occasion de ménager cette « aire transitionnelle » dont parlait Winnicott, sans laquelle il n'y a pas d'entrée possible dans la fiction ni de santé mentale. Selon la formule de J.B. Pontalis, dans sa préface au livre de Winnicott, Jeu et réalité, c'est par le jeu qu'on va au je.