La formation des spécialistes de l'information au Canada

Richard K. Gardner

Pour bien comprendre le système de formation des bibliothécaires et des autres spécialistes de l'information au Canada, il faut d'abord connaître un peu le régime politique de ce pays. Le Canada est composé de dix provinces et de deux territoires unis en une fédération au sein de laquelle gouvernement central et provinces se partagent les pouvoirs. L'éducation et les affaires municipales sont sous la responsabilité des provinces. Chacune d'elles a donc son propre système d'éducation, dont dépendent les bibliothèques scolaires, collégiales et universitaires. Quant aux bibliothèques municipales, elles sont l'affaire de chaque municipalité, mais tombent sous l'autorité des lois provinciales. En plus, du fait que chaque province a son système propre, chaque bibliothèque ou centre de documentation (ou l'institution de laquelle dépend le centre ou la bibliothèque) est en général libre d'engager son propre personnel. Chaque ministère fédéral ou provincial a également le droit de faire son propre choix. Il n'y a donc pas de possibilité de corps d'état unique de conservateurs de bibliothèques ou d'archivistes au Canada. Quelques bibliothèques recrutent leur personnel par voie de concours (avec examen écrit et/ou oral); d'autres font un choix à partir des dossiers - sur titres et lettres de recommandations. Une carrière peut se faire dans la même institution mais la majorité des bibliothécaires obtiennent des postes plus importants (du point de vue du salaire et des responsabilités) en quittant une institution pour accepter un poste dans une autre. Une certaine flexibilité dans les régimes de fonds de pension et de retraite facilite ces transferts.

Le fait que chaque institution engage son propre personnel élimine l'écart qui existe, dans des pays hautement centralisés comme la France, entre le secteur public et le secteur privé. Les personnes peuvent facilement passer d'un secteur à un autre, d'un type de bibliothèque ou centre de documentation à un autre. Il faut dire aussi qu'au Canada le secteur public est beaucoup plus restreint qu'en France, compte tenu du fait qu'un grand nombre d'universités - et parmi les plus prestigieuses - ont été fondées par des églises protestantes ou catholiques, ou par un groupe de citoyens, et sont des institutions privées (bien que fortement subventionnées de nos jours par les gouvernements provinciaux). Comme on verra plus loin, la formation plus ou moins polyvalente dans les écoles de bibliothéconomie et des sciences de l'information permet aussi des revirements en cours de carrière.

Un peu d'histoire

La formation des bibliothécaires - et plus récemment d'autres spécialistes de l'information - a été fortement influencée par la proximité des États-Unis. Le système d'éducation au Canada qui, en dépit du fait que chaque province a son propre système, est assez uniforme à travers ce vaste pays, est beaucoup plus proche du système américain que des systèmes français ou britannique. Par ailleurs, le modèle américain a aussi été adopté pour le développement des bibliothèques publiques et des grandes bibliothèques universitaires.

Au départ, au XIXe siècle, les bibliothécaires canadiens étaient formés sur le tas. On plaçait à la tête des bibliothèques et des archives des hommes de lettres ou des historiens. On s'occupait à peine de l'organisation des collections. Mais avec l'arrivée sur la scène américaine de Melvil Dewey, avec sa classification décimale (1876) et son école de bibliothécaires (1887), les Canadiens eurent un tout autre modèle à suivre. Des bibliothécaires canadiens s'inscrivirent à des cours dans des écoles qui commençaient à surgir aux États-Unis autour de certaines grandes bibliothèques (Pittsburgh, Albany, Cleveland, Los Angeles) ou dans les milieux universitaires. A Montréal, un premier cours d'apprentissage a été organisé dès 1897 pour le personnel de la bibliothèque de l'Université McGill. Et, en 1904, le directeur de la bibliothèque, C.H. Gould, un ami intime de Melvil Dewey, créa la première école de bibliothéconomie au Canada, mais ce n'était qu'une école d'été qui durait seulement trois semaines. L'enseignement, comme dans la plupart des écoles américaines de la même époque, y était strictement technique. Après quelques années, le programme fut étendu à une période de six semaines, mais c'est seulement en 1927 qu'on établit un programme menant à un « diplôme en bibliothéconomie » dont l'enseignement se prolongeait toute une année scolaire.

Entre-temps, à Toronto, le département de l'Éducation de la province de l'Ontario décidait d'organiser un programme d'études pour les bibliothèques municipales et scolaires ontariennes. Ils suivirent le modèle de l'Université McGill en créant d'abord en 1911 une école d'été. Puis, en 1919, ce programme fut transformé en un programme de trois mois, assuré au cours de l'automne 1.

En 1923, C.C. Williamson soumit son célèbre rapport sur la formation des bibliothécaires américains 2 à la Fondation Carnegie. Ce rapport critiquait durement la formation de l'époque, caractérisant les écoles d'écoles de très bas niveau technique. Williamson insistait sur la nécessité d'une formation universitaire avec un programme d'un an après un premier cycle universitaire. Selon lui, le milieu universitaire était nécessaire au développement d'un enseignement plus théorique et de la recherche dans la discipline. Les écoles rattachées à des bibliothèques municipales ou d'État devaient disparaître. L'école de McGill était déjà bien placée et, comme on l'a indiqué, le programme a pu être transformé en 1927 en un programme couvrant une année entière. En Ontario, par contre, il fallut solliciter l'aide des autorités de l'Université de Toronto pour qu'ils acceptent de créer une école universitaire de bibliothéconomie, ce qui fut fait en 1928.

Montréal, une école francophone

Malheureusement pour la population francophone du Canada, tout cet enseignement à McGill et à Toronto était en langue anglaise. Il n'existait aucune formation en français avant 1932, lorsque l'Université McGill offrit - une seule et unique fois - une session d'été de six semaines à l'intention des bibliothécaires francophones du Québec. Pour combler ce vide, un groupe de bibliothécaires francophones créa à Montréal, en 1937, l'École de bibliothécaires : une école d'été au départ, passant, en 1938, à des cours du soir ou du samedi, qui donnaient droit à la fin d'une année d'études à un « diplôme de bibliothéconomie ». En 1945, l'École lancait, concurremment au programme menant au diplôme, un programme de « baccalauréat en bibliothéconomie et en bibliographie » qui exigeait comme préparation le baccalauréat ès arts des collèges québécois. Pendant toute cette période, l'École de bibliothécaires bénéficia d'un certain rattachement à l'Université de Montréal, laquelle permettait que son nom paraisse sur les diplômes, sans offrir toutefois de support financier ou autre. L'École ne vivait que de ses frais de scolarité et grâce au bénévolat dévoué d'un groupe de bibliothécaires qui acceptaient d'enseigner en dehors de leurs heures de travail 3.

Le programme d'études de l'École, bien que s'inspirant des programmes américains, restait à un niveau assez technique. On ne pouvait pas le comparer aux écoles de McGill et de Toronto qui, en 1927 et en 1937 respectivement, obtinrent l'agrément de l'American library association (ALA) 4. Pendant des années, les bibliothécaires québécois avaient insisté auprès des autorités de l'Université de Montréal pour que celle-ci prenne en main l'École de bibliothécaires pour en faire une école professionnelle intégrée à part entière à l'Université. Ce n'est qu'en 1961 que l'Université de Montréal accepta pleinement la responsabilité de former des bibliothécaires en créant l'École de bibliothéconomie et en nommant le premier directeur et les premiers professeurs à plein temps 5.

Au départ l'École décernait un « baccalauréat en bibliothéconomie » après un an d'études. Pour être admis au programme, il fallait posséder le baccalauréat ès arts québécois. Il manquait à ce régime d'études un an pour être comparable à ceux de Toronto et McGill et pour recevoir l'agrément de l'ALA. Aussi, en 1967, le programme fut allongé de deux années d'études - un an d'études en bibliothéconomie et un an d'études universitaires complémentaires. En 1969, l'École réussissait à obtenir l'agrément de l'ALA. Elle était la première et la seule école non anglophone à recevoir cette habilitation (l'agrément a été renouvelé en 1976 et en 1985).

Entre-temps, d'autres écoles ont vu le jour au Canada : l'Université de la Colombie britannique (1961), l'Université de Western Ontario (1966), l'Université d'Alberta (1968) et l'Université Dalhousie en Nouvelle Écosse (1969). Le Canada a ainsi été doté d'écoles dans chaque région du pays; une nécessité, compte tenu des distances énormes qui séparent les différentes provinces. En 1968, les sept écoles canadiennes réunies à l'Université de Toronto ont pris une décision capitale pour l'avenir de l'enseignement de la bibliothéconomie au Canada : l'abandon des programmes de baccalauréat d'un an et la mise sur pied de programmes de deux ans d'études en bibliothéconomie menant à une maîtrise. L'Université de Montréal donna suite à cette résolution, en 1970, en instaurant un nouveau programme d'études au niveau du deuxième cycle universitaire.

Le programme d'études à l'Université de Montréal

À la fin des années 70, l'École entreprit une étude approfondie des besoins de la société québécoise entrée dans l'ère de l'information. Après trois ans d'études en collaboration avec le monde des bibliothèques, des centres de documentation, et de tout le domaine des sciences de l'information du Québec, et avec l'aide des autorités universitaires, l'École inaugura, à l'automne 1979, un nouveau programme d'études. C'est ce programme - avec quelques modifications mineures - qui reste en vigueur aujourd'hui.

La caractéristique première de ce programme est sa polyvalence. Les cours portant sur les divers types de bibliothèques ont été supprimés. Le programme est basé sur les différents processus utilisés pour la collecte, l'organisation, le stockage, le repérage et la diffusion de l'information dans la société. L'étudiant peut voir l'application de ces processus pendant les stages qu'il doit effectuer dans le milieu de l'information au cours de ses deux ans à l'École.

Le programme de la première année se compose de neuf cours obligatoires : sept de quatre-cinq heures et deux de trente heures chacun. En plus de ces heures, certains cours comportent des travaux pratiques qui demandent un travail supplémentaire de la part de chaque étudiant(e) : un minimum de deux heures de préparation pour chaque heure passée en classe. Les cours de première année sont les suivants :

Introduction à l'information documentaire ; fonds documentaires; traitement et analyse documentaire I et II (catalogage, classification, indexation); communication documentaire (bibliographie, référence, services au public); milieu et usager/marketing des services documentaires; administration ; recherche et innovation; introduction à l'informatique documentaire.

Après avoir suivi pendant un an ces cours du tronc commun, l'étudiant choisit pour sa deuxième année une spécialisation. L'École en offre sept dès à présent :

Bibliographie, référence et communication interpersonnelle; milieu et usager/marketing des services documentaires; traitement descriptif; traitement analytique; organisation et gestion; informatique documentaire; archivistique.

Chaque spécialisation ou option comprend un cours théorique, un cours pratique (souvent une étude de cas) et un séminaire de recherche dans lequel l'étudiant est invité à faire le point sur l'option qu'il a choisie. Les stages portent également sur les spécialisations.

Sur l'option se greffent quatre autres cours au choix dits «interdisciplinaires ». L'École en offre une gamme assez large allant de l'histoire du livre et des bibliothèques à l'analyse des systèmes, en passant par la documentation audio-visuelle, la littérature de jeunesse, les réseaux d'information et la linguistique appliquée aux sciences de l'information. Elle utilise la méthode du contrôle continu et il n'y a pas d'examen de sortie.

Un autre régime est possible en deuxième année : celui du mémoire. Au lieu de choisir une option, l'étudiant peut décider de faire de la recherche : il doit alors présenter un mémoire selon les règlements de la Faculté des études supérieures. S'il choisit ce régime, il ne fait qu'un stage et un ou deux cours. A l'heure actuelle, 20 % environ des étudiants choisissent de faire un mémoire.

De tous les éléments du programme, ce sont les stages qui présentent le plus grand nombre de problèmes. Le premier est d'en trouver le lieu de déroulement. Dans un pays où il y a très peu de centralisation, l'École doit négocier individuellement avec chaque institution qui accepte de recevoir un stagiaire. Elle ne peut s'imposer n'importe où. Autre problème : l'encadrement sur place des stagiaires par les professeurs de l'École et par les bibliothécaires et les documentalistes. Les stages exigent de la part des membres de la profession une volonté de s'impliquer dans la formation de leurs futurs membres, ce qu'il n'est pas encore facile de faire accepter. L'École est consciente que les stages restent le point faible de son enseignement.

D'autres programmes au Canada ont suivi, comme à Montréal, les mêmes objectifs de polyvalence et d'ouverture vers les divers domaines de l'information. C'est le cas de Dalhousie, Western Ontario et Colombie britannique. L'Université de Toronto a opté pour deux diplômes distincts : un en bibliothéconomie et l'autre en sciences de l'information pour les étudiants avec une préparation en informatique, ou à d'autres technologies modernes, qui sont intéressés à la création des systèmes d'information, de banques de données, etc. Les programmes de McGill et d'Alberta restent pour le moment plutôt traditionnels. Récemment, presque toutes les écoles (y compris celle de l'Université de Montréal) ont changé d'appellation et s'appellent « École de bibliothéconomie et des sciences de l'information ».

Autres programmes d'études universitaires au Canada

Tous les programmes canadiens accrédités par l'American library association sont des programmes de deuxième cycle universitaire conduisant à une maîtrise. Il existe en Amérique du Nord une vingtaine d'universités, dont deux au Canada (Toronto et Western Ontario), qui offrent un doctorat (Ph D) en bibliothéconomie et/ou en sciences de l'information. Les États-Unis ont sans doute délivré le plus grand nombre de doctorats du monde occidental dans ce domaine. La période 1970-1980 a été particulièrement fructueuse, mais le nombre de nouveaux Ph D continue à croître. Le Canada reste encore tributaire des programmes de doctorat américains, les deux universités canadiennes n'ayant décerné qu'une vingtaine de Ph D en tout.

Dans plusieurs provinces du Canada, surtout en Ontario et au Québec, on trouve aussi des programmes de formation pour les bibliotechniciens (personnel chargé des tâches de routine), surtout dans les services d'acquisition, de catalogage et de prêt. Cette préparation se fait dans les collèges d'enseignement général et professionnel, c'est-à-dire à un niveau pré-universitaire. Ce qui manque, au Canada, c'est un enseignement dans les domaines de l'information documentaire au niveau du premier cycle universitaire, comme dans les IUT en France. Il y a deux ans, l'Université de Montréal a ouvert un tel enseignement, dans le domaine de l'archivistique et de la gestion des documents (« records management »). Le programme comporte une année d'études et peut être combiné avec deux ans d'études dans des disciplines voisines pour former un programme complet de premier cycle universitaire. Le programme est aussi ouvert aux gens exerçant déjà dans la profession. Ils reçoivent un « certificat en archivistique » après avoir complété l'année d'études spécialisées. Ce programme a connu un grand succès et l'École pense à élargir son enseignement de premier cycle en créant d'autres programmes (sans doute interdisciplinaires) en information.

Les écoles canadiennes reçoivent, toutes, beaucoup plus de demandes d'admission qu'elles ne peuvent en accepter, bien que les chiffres ne rivalisent pas avec ceux de l'ENSB. En 1985 Montréal a reçu 300 demandes pour 80 places, ce qui permettait d'effectuer un choix judicieux des candidats. L'École favorise des préparations en sciences pures et appliquées, administration, communication, linguistique, informatique ou sciences sociales. Depuis deux ans, on exige, de tous les candidats admis, une préparation préalable en informatique: un enseignement de base pouvant aller jusqu'à la connaissance d'un langage de programmation pour les gens voulant se spécialiser en informatique documentaire. L'École recommande fortement une connaissance des méthodes statistiques, et exige une bonne connaissance de la langue anglaise. Les étudiants des dernières années apparaissent très motivés et très ouverts à l'utilisation des nouvelles technologies, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé.

Quant aux débouchés offerts aux diplômés de l'École, le tiers se situe encore dans les bibliothèques municipales en raison du sous-développement des ressources humaines dans ce secteur au Québec. Les postes dans les bibliothèques scolaires ou universitaires sont de plus en plus rares. Par contre il y a beaucoup plus de possibilités dans les centres de documentation. Les diplômés qui ont fait la spécialisation « informatique documentaire » peuvent se diriger vers les créateurs et les gestionnaires des banques de données, ou les grands serveurs d'information. Chaque année, quelques diplômés se lancent comme courtiers en information.

Le corps enseignant

Pour prendre en charge les 160 étudiants inscrits à l'École, celle-ci possède un corps enseignant de 10,5 personnes à plein temps (l'archiviste de l'Université passe la moitié de son temps comme professeur à l'École et l'autre moitié au Service des archives). En plus, l'École fait appel à des bibliothécaires ou à d'autres spécialistes de l'information en dehors de l'Université - du monde de la pratique - pour enseigner certains cours dans les domaines de leur compétence - en général deux ou trois, chaque trimestre, pour le programme de maîtrise et cinq ou six pour le programme de 1er cycle en archivistique. Ces personnes assument la responsabilité de tout un cours (45 heures d'enseignement en classe). L'École fait aussi appel à d'autres spécialistes pour donner des conférences isolées dans le cadre de certains cours en particulier.

Le rôle d'un professeur dans une école professionnelle qui fait partie intégrante d'une université n'est pas facile car, en plus de l'enseignement, le professeur a bien d'autres tâches. Pour une première nomination à l'Université et pour les promotions, le professeur est jugé sur quatre critères : son enseignement, la recherche - surtout les publications qui en résultent -, sa réputation dans la discipline ou dans la profession, et enfin la contribution à la vie universitaire (travail de comités, etc.). En outre, l'Université exige d'autres diplômes que la seule qualification professionnelle. Etant donné la rareté des doctorats parmi les spécialistes francophones de l'information documentaire, le recrutement et le maintien d'un corps enseignant à l'Université de Montréal restent toujours un grand problème. Il n'y a qu'une minorité très limitée de Canadiens francophones qui sont prêts à aller poursuivre des études pour obtenir le doctorat en bibliothéconomie aux États-Unis ou en Ontario, dans une langue qui n'est pas la leur. Beaucoup ont choisi une autre route, c'est-à-dire un doctorat en français dans une discipline voisine. L'Université accorde une certaine flexibilité en permettant la nomination d'une personne possédant deux maîtrises au lieu d'un doctorat - une en bibliothéconomie ou sciences de l'information, l'autre dans une discipline proche.

En outre se pose un autre problème : doit-on recruter une personne en début de carrière ou seulement après un certain nombre d'années d'expérience dans la profession ? Dans le cas de l'Université de Montréal, on essaie de maintenir un certain équilibre entre ces deux types de professeurs. Il est plus facile pour un professeur de commencer jeune à l'université pour remonter l'échelle des salaires et des responsabilités à l'intérieur de la maison, plutôt que d'y entrer en plein milieu de carrière. Il faut aussi noter qu'il y a peu de professionnels qui sont attirés par la recherche alors qu'une carrière universitaire est impensable sans recherche ni publications. D'ailleurs, si on ne fait pas de recherche dans les écoles professionnelles, où va-t-on la faire ? Incidemment, l'École de l'Université de Montréal a pris la décision, il y a quelques années, de servir comme centre de recherches en information documentaire pour le milieu francophone. Il s'agit d'un rôle aussi important que l'enseignement pour l'avenir de notre profession. Malheureusement, étant donné le grand nombre d'étudiants admis chaque année (80) et les effectifs restreints du corps enseignant, la recherche n'est pas aussi développée qu'on le souhaiterait. L'École vise toujours à augmenter le nombre de ses professeurs mais le manque de candidats de haut niveau, conjugué aux restrictions budgétaires, freine le développement nécessaire. Par contre, il faut préciser que différents organismes fédéraux et provinciaux offrent la possibilité d'obtenir d'assez importantes subventions permettant d'engager des assistants de recherche.

l'avenir de la formation au Canada

Il est certain que le développement de la société de l'information exige des écoles canadiennes un effort considérable pour répondre de manière adéquate aux besoins de cette société. Cela demande de l'ouverture d'esprit et la volonté d'explorer de nouveaux terrains. L'Université de Montréal a l'avantage, pour une institution francophone, de se trouver en Amérique du Nord et peut ainsi servir de plaque tournante entre les pays francophones de l'Europe et de l'Afrique et les nouvelles technologies et la recherche qui émanent des États-Unis. Nous espérons avoir bientôt les moyens (surtout en termes de professeurs et de chercheurs) de lancer un programme de Ph D en sciences de l'information, sans doute en collaboration avec d'autres secteurs de l'Université. Nous espérons que ce doctorat pourra attirer des candidats d'autres pays francophones, y compris de la France. Nous sommes actuellement en train de resserrer les liens qui existent déjà entre l'École de Montréal et les écoles au Maroc et au Sénégal. Nous travaillons à une collaboration plus étroite avec les universités françaises et nous attendons avec impatience la réforme du programme de l'ENSB pour établir une fructueuse collaboration avec cette institution.

Nous faisons face aux nouveaux défis de la société de l'information avec la conviction que nous avons beaucoup à offrir pour contribuer à son développement. Notre savoir doit être utile à un public plus large qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant. Ce ne sera pas facile, mais ce sera certainement stimulant.

  1. (retour)↑  Pour plus de renseignements sur l'historique des écoles de McGill et de Toronto voir : Adolphe C. LAVERGNE, « Seventy years of library science at McGill University » dans Livre, bibliothèque et culture québécoise: mélanges offerts à Edmond Desrochers, s.j. Montréal, ASTED, 1977, p. 527-538, et Bertha BASSAM, The Faculty of library science, University of Toronto, and its predecessors, 1911-1972, Toronto, Faculty of library science, University of Toronto, 1978.
  2. (retour)↑  Charles C. WILLIAMSON, Training for library service : a report prepared for the Carnegie Corporation of New York, New York, the Corporation, 1923.
  3. (retour)↑  Voir Laurent-G. DENIS, « La formation des bibliothécaires de langue française du Québec » dans Le bibliothécariat au Canada de 1946 à 1967 : hommages à Elizabeth Homer Morton, éd. par Bruce Peel, Ottawa, Canadian library association, 1968, et Marielle DURAND, « L'Ecole de bibliothécaires de l'Université de Montréal, 1937-1962 » dans Livre, bibliothèque et culture québécoise, op. cit., p. 485-507.
  4. (retour)↑  L'agrément ou l'accréditation des programmes d'études et des diplômes est un phénomène américain nécessité par l'absence d'un ministère fédéral (aux Etats-Unis comme au Canada) pour assurer la qualité de l'enseignement donné dans une institution en particulier, ainsi que le niveau des diplômes décernés. Ce sont des associations de collèges et d'universités qui surveillent généralement la qualité de l'enseignement dans les disciplines traditionnelles comme l'histoire ou la littérature. Quant à la formation professionnelle, ce sont des associations qui s'en occupent traditionnellement. Comme il n'y avait pas d'association de bibliothécaires canadiens avant 1946, les premières écoles canadiennes demandèrent l'agrément de l'American library association, une pratique qui se maintient aujourd'hui. Ceci facilita la poursuite d'une carrière aux Etats-Unis pour certains canadiens et vice-versa, surtout avant 1970 et les restrictions d'immigration actuellement en vigueur dans les deux pays. Le nombre d'écoles canadiennes reste toujours trop limité pour permettre la création d'un système d'agrément strictement canadien, bien que la question soit soulevée de temps à autre.
  5. (retour)↑  Pour plus de détails sur la création de l'Ecole de bibliothéconomie et ses premières années d'existence, voir Marcel LAJEUNESSE, « La formation des bibliothécaires francophones au Québec depuis 1961 : l'Ecole de bibliothéconomie » dans Livre, bibliothèque et culture québécoise, op. cit., p. 509-526.