Automating library procedures

a survivor's handbook.

par Pierre Le Loarer

lan Lovecy

London : Library association, 1984. - VIII-247 p.; 23 cm.
Index p. 243-247, Bibliogr. p. 232-236.
ISBN 0-85365-516-2.

Voici deux ouvrages d'auteurs britanniques qui traitent de l'informatisation des bibliothèques et de la documentation, ouvrages cependant très différents dans leur approche du problème et souvent complémentaires l'un de l'autre. Le premier, An introduction to computer-based library systems de Lucy A. Tedd constitue, comme son titre l'indique, une introduction aux systèmes informatisés de bibliothèques (notion prise ici dans un sens très général). Le second, Automating library procedures de lan Lovecy, traite plus strictement de l'informatisation des bibliothèques à partir d'une expérience vécue, celle de l'auteur, bibliothécaire à l'Université de Reading.

L'ouvrage de Lucy A. Tedd est une seconde édition remaniée et mise à jour. Il s'agit pour l'auteur de présenter, en 262 pages, un texte utile, aussi .bien pour l'étudiant que le professionnel, qui fasse le point sur les systèmes informatisés dans les bibliothèques. Après une introduction générale retraçant rapidement l'historique de ce problème en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, les différents choix d'informatisation aujourd'hui possibles, ce qui a favorisé le développement de ces systèmes et les problèmes susceptibles d'être rencontrés, l'auteur rappelle les concepts essentiels relatifs aux aspects matériel et logiciel en liant cette présentation aux besoins des bibliothèques. Ainsi sont, par exemple, indiqués les limites d'utilisation d'un micro-ordinateur dans les bibliothèques, les problèmes d'espace mémoire pour les fichiers de bibliothèques, l'utilisation de codes à barres, etc. De même, après un bref rappel des langages de programmation, sont abordées les questions relatives aux systèmes d'exploitation, de gestion de bases de données, intégrés de bibliothèque (8 systèmes présentés chacun en quelques lignes). Sont ensuite plus particulièrement traitées les méthodes de stockage et de recherche de l'information dans les systèmes de gestion de bibliothèques et de recherche documentaire. Une même référence bibliographique (de Lucy A. Tedd) est présentée telle qu'on peut la trouver dans différentes banques de données bibliographiques : ERIC, INSPEC, PASCAL, Soc Scisearch. La structure d'un enregistrement en format MARC britannique est également expliquée. Puis sont abordés les aspects liés aux télécommunications en rappelant très brièvement quelques points fondamentaux relatifs aux transmissions (vitesse, mode de transmission, type de connexion, etc.), aux réseaux et au videotex. L'auteur n'oublie pas de parler des développements technologiques nouveaux ou en cours : norme teletex, projets ADONIS et ARTEMIS de diffusion électronique des documents. Un chapitre particulier présente les différentes étapes et la méthode de conception, de réalisation et d'implantation d'un système en abordant en quelques pages les aspects relatifs au personnel et aux utilisateurs.

Suivent trois chapitres respectivement consacrés aux systèmes d'acquisition et de catalogage, aux systèmes de prêt (circulation control en anglais, concept qui inclut le suivi d'un document dans et à l'extérieur de la bibliothèque) et le traitement des publications en série. Ainsi, le lecteur entre de plain-pied dans le sujet. Fonction par fonction (acquisition, catalogage, prêt, bulletinage), l'auteur présente d'abord les possibilités que peuvent offrir des systèmes informatisés, les points sur lesquels il convient d'être attentif et s'appuie ensuite sur des exemples concrets pour illustrer et affiner ses propos. En traitant des acquisitions et du catalogage, l'auteur décrit très brièvement les réseaux coopératifs britanniques et nord-américains (BLAISE, BLCMP, LASER, OCLC, RLIN, SCOLCAP, SWALCAP, UTLAS et WLN) et illustre ses propos par la présentation des solutions adoptées en matière de gestion de commande, d'acquisitions et de catalogage chez le distributeur et diffuseur international Blackwell, à la bibliothèque d'Oxford Polytechnic et à la bibliothèque du Comté de Dyfed.

Le développement sur les systèmes de circulation des documents est l'occasion pour l'auteur d'analyser les fonctionnalités recherchées, le choix de la structure du numéro qui permettra d'identifier emprunteurs et documents, la forme des étiquettes (ALS, OCR, code à barres), la nécessité de caractères de contrôle, la connexion du système de prêt à un autre système (catalogage, par exemple) et de présenter rapidement quelques-uns des systèmes les plus connus (ALS system 5, BLCMP-CIRCO. CLSI-LIBS 100, Dataphase-ALIS, Easy Data Integrated Library System, Geac Library system, Plessey module 4. Ringgold Nonesuch circulation system, SB Electronics - Telepen Library System). Deux exemples illustrent ce chapitre : celui de la bibliothèque du Comté de Cheshire utilisant ALS et celui de la bibliothèque de l'Université du Pays de Galles à Aberyswyth utilisant le système coopératif SWALCAP. Le chapitre sur les publications en série traite des problèmes liés à leurs difficultés de catalogage et de gestion (bulletinage), présente Blackwell 5 Oxford et son système PERLINE, et d'autres agences de souscription à des revues (Ebsco, Faxon, Swets and Zeitlinger), ainsi que l'International Serial Data System. Le chapitre est illustré par une présentation du catalogue collectif des périodiques de l'Université de Londres et du système de bulletinage OSCAR de la Radcliffe Science Library à l'Université d'Oxford.

Les deux derniers chapitres traitent des systèmes de recherche documentaire informatisée. L'un concerne les systèmes locaux principalement sur mini et micro-ordinateurs qui sont diffusés (ADLIB, ASSASSIN, CAIRS, CARDBOX, COMPAIS, DECS, DOMESTIC, HOMER, MILOR, MINISIS, MIRABILIS, POLYDOC, STAIRS, STAR, STATUS, TITUS et 3RIP). L'autre concerne les serveurs de données accessibles à travers le monde (BLAISE, BRS, DATA-STAR, DIALOG, DIMDI, ESA-IRS, NLM, Pergamon-Infoline. SDC et Télésystèmes) ainsi que quelques-uns des services de recherche accessibles via Euronet-Diane, outre certains des serveurs déjà cités. Un développement sur les langages de commande, l'équipement nécessaire, les aspects relatifs à l'organisation d'un service de recherche documentaire informatisée (RDI), à l'évolution du service et à son coût complète ce chapitre qui s'achève sur la description du service de RDI au centre de recherche Esso à Abingdon et à la bibliothèque du Comté de Bedfordshire.

Chacun des onze chapitres est suivi d'une bibliographie d'une trentaine de références environ, principalement anglo-saxonnes, bien choisies. L'ouvrage est complété par une liste d'acronymes très utile pour le lecteur qui ne serait pas familier de cet univers où se côtoient ADONIS, BLAISE, EMMA, OSCAR, TITUS et bien d'autres ! Un glossaire de termes relatifs à l'informatique et à la documentation informatisée sera également utile à l'étudiant et au lecteur non averti. Enfin, un index alphabétique permet d'utiliser ce livre comme un ouvrage de référence pour rechercher une information particulière sur un système particulier.

Avec cette nouvelle édition, Lucy A. Tedd fait oeuvre utile pour débroussailler un terrain qui peut paraître difficile d'accès à un étudiant ou un bibliothécaire peu familier de ces problèmes... Curieusement, l'intérêt des données statistiques et leur traitement à travers des systèmes informatisés pour une meilleure connaissance de la gestion et de l'utilisation d'une bibliothèque ne sont que très partiellement évoqués. Une des originalités de l'ouvrage réside dans la présence d'exemples en fin de chapitre illustrant ou précisant les notions générales qui viennent d'être expliquées et permettant ainsi d'approfondir des points qui sont parfois trop vite abordés. Certes, tous les exemples sont britanniques, mais cela s'explique par l'origine de l'auteur qui élargit son approche aux systèmes nord-américains. Un lecteur européen peut cependant regretter que seul le monde anglo-saxon soit véritablement présenté, mais le sujet est si vaste... Quelques lignes sur les expériences menées et les systèmes implantés en Scandinavie, en Allemagne, en Suisse, en Hollande, en Belgique et en France auraient été utiles. De même, quelques indications sur la situation sur d'autres continents auraient été appréciées. L'auteur évoque cependant parfois le fait que tel ou tel système est implanté dans tel ou tel pays, mais sans grande précision.

En conclusion, il s'agit donc d'un ouvrage bien structuré, facile à lire ou à consulter qui, s'il passe un peu rapidement sur certains points (systèmes décrits en quelques lignes, problèmes parfois juste évoqués), rendra de réels services à qui souhaite faire le point sans pour autant entrer dans les détails.

L'ouvrage de lan Lovecy, sous-titré malicieusement (?) « A survivor's handbook » (manuel d'un survivant !), est très différent du précédent. Dès l'introduction, le ton est donné : à partir de son expérience concrète, l'auteur pose des questions générales sur l'intérêt de l'informatisation des bibliothèques, ses difficultés, la nécessité de changer la manière de travailler, le changement des priorités dans la bibliothèque (moins de catalogage original, par exemple), la nécessaire information et formation du personnel, le bénéfice apporté en termes de service rendu, de gain de personnel, les coûts d'investissement et de fonctionnement, les différentes options informatiques (travail en ligne, en différé, sur gros, mini ou micro-ordinateur, etc.)

L'auteur s'attarde à analyser l'intérêt d'une informatisation des tâches administratives et de secrétariat. notamment à travers l'utilisation des machines de traitement de texte et de systèmes de messagerie électronique en rappelant les difficultés de compatibilité entre les différents systèmes. L'informatisation de la gestion comptable est également abordée en montrant les difficultés qu'elle peut soulever et son lien avec d'autres aspects (gestion des abonnements et des acquisitions d'ouvrages).

Puis, la gestion des acquisitions et ses liens avec l'information bibliographique sont plus spécifiquement traités. L'auteur insiste sur la notion d'accès aux enregistrements d'ouvrages par numéro de commande, par fournisseur, par date de commande, et présente les avantages et inconvénients qu'il y a à utiliser des données structurées en format MARC pour la gestion des acquisitions. L'accès au document par prêt interbibliothèques dans le contexte britannique (BLLD, réseau coopératif LASER) et par fourniture électronique du document (projets HERMES et ADONIS rapidement évoqués) est présenté. En quelques lignes, l'auteur propose des scénarios possibles quant à l'évolution du rôle des bibliothèques et de leurs politiques d'acquisition dans ce nouveau contexte. L'auteur consacre un chapitre à la circulation des ouvrages (et donc au système de prêt), en s'appuyant sur l'expérience vécue à la bibliothèque de l'Université de Reading à travers l'utilisation du système ALS (une des premières versions sur cartes perforées) dès 1964, puis celle du système du réseau SWALCAP.

La recherche de l'information à l'intérieur et en dehors de la bibliothèque, ce qui, d'un point de vue fonctionnel, inclut à la fois l'accès au catalogue de la bibliothèque (et éventuellement d'un réseau) et l'accès aux bases de données bibliographiques, est ensuite traitée. A cette occasion, l'auteur aborde les problèmes relatifs à l'indexation des documents dans les bases de données, l'intérêt - et les limites - des systèmes de recherche sur le texte intégral (tels que LEXIS), les coûts de ces systèmes et la facturation à l'usager. Les remarques faites sont bienvenues et très pertinentes (par exemple, sur le fait que l'information a un coût, que la collectivité doit décider du niveau de ce qu'elle finance, dans quelles conditions, etc.). Un développement important est réservé au format MARC, aux règles de catalogage AACR 2 et aux catalogues en ligne. L'auteur insiste également sur le fait qu'excepté dans certains cas (information juridique, par exemple), il est plus important d'obtenir des données très pertinentes mais en nombre limité plutôt qu'un résultat exhaustif.

Un chapitre traite du choix d'un système par une bibliothèque qui souhaite s'informatiser en présentant les différentes alternatives possibles (développer son propre système, acquérir un système « clés en main », adhérer à un réseau). C'est l'occasion pour l'auteur de faire d'excellentes remarques sur la nécessité de bien définir ce qui est recherché (analyse des besoins et du but), l'importance des moyens disponibles et à mettre en œuvre, et l'analyse des coûts. L'auteur aborde ensuite les systèmes intégrés sans établir d'inventaire des systèmes existants en présentant les problèmes que posent de tels systèmes. Il indique leurs avantages, mais aussi leurs inconvénients notamment quand ils ne sont pas suffisamment modulaires.

L'attitude du personnel de bibliothèque et sa relation à l'informatisation selon sa position et son travail dans la bibliothèque font l'objet d'une analyse assez détaillée. L'auteur insiste sur la nécessité d'une très large information et d'une bonne formation de tous les personnels concernés. Dans le contexte britannique, il n'hésite pas à aborder les questions du redéploiement d'une partie du personnel et donc de l'évolution des tâches. Il indique très concrètement comment le personnel de la bibliothèque de l'Université de Reading a été partie prenante du projet d'informatisation et précise à quel point il lui semble important de bien expliquer les difficultés qui sont rencontrées pour éviter que des idées erronées quant à la fiabilité, mais aussi à la nature des pannes ou erreurs rencontrées, ne circulent.

L'installation d'un système informatisé et son environnement sous différents aspects (locaux, mobilier, installation électrique, climatisation, implantation des terminaux, des imprimantes, etc.) sont traités. Deux photos (les seules de l'ouvrage) de la bibliothèque de l'Université de Reading illustrent les propos de l'auteur et montrent les mauvaises conditions d'installation du matériel : une manière pour l'auteur d'insister sur les conditions de travail et l'ergonomie (bruit, lumière, espace, etc.)... Puis, la question de la maintenance du système (matériel et logiciel) et des pannes qui peuvent survenir est analysée en détail. Ici encore, le lecteur a droit à l'expérience vécue à Reading, aux difficultés rencontrées et à leur mode de résolution. Des conseils précieux sont donnés sur l'importance de tenir un registre des anomalies et pannes rencontrées, de disposer d'instructions en cas d'arrêt du système informatique.

Le dernier chapitre, consacré au système et à l'utilisateur met une fois de plus l'accent sur l'information du personnel, mais également des utilisateurs de la bibliothèque. L'auteur suggère de présenter le système aux utilisateurs de la bibliothèque (exposés, visites guidées), d'éviter d'attribuer à l'ordinateur des erreurs humaines, de constituer un groupe d'utilisateurs bibliothécaires pour effectuer un suivi et une évaluation du système. La fin de ce chapitre traite des statistiques que permet ou peut permettre un système informatisé et de leur exploitation pour mieux maîtriser le service rendu aux utilisateurs et l'activité de la bibliothèque. L'auteur insiste sur l'intérêt de disposer de programmes paramétrés permettant, à la demande, d'obtenir telle ou telle information et d'établir telle ou telle corrélation. Le chapitre s'achève sur quelques remarques pertinentes telles que : « qu'elle soit ou non membre d'un réseau coopératif, une bibliothèque n'est pas une île », et encore : « en matière d'évolution et de développement d'un système, le critère ne devrait pas être : que puis-je faire avec mon système ? mais : qu'est-ce que mon système peut faire pour ma bibliothèque ? » et donc pour un meilleur service aux lecteurs.

Chaque chapitre est suivi d'une bibliographie très sélective dont les références sont reprises dans une bibliographie en fin d'ouvrage. Un glossaire d'une cinquantaine de termes principalement informatiques complète l'ouvrage. Enfin, un index assez détaillé termine cet ensemble et permet de retrouver de manière plus précise les différents sujets abordés dans les différents chapitres. L'ouvrage, écrit dans un anglais riche utilisant de nombreuses expressions idiomatiques, est assez dense. La présentation des chapitres a le défaut de n'être pas assez aérée : la lecture n'est donc pas facilitée. Ainsi, la plupart des chapitres ont très peu de sous-titres et le lecteur trouvera des séquences de 10, 20 voire 30 pages sans autre séparation que des retours à la ligne. Ce manque de lisibilité est heureusement compensé par le grand intérêt de l'ouvrage. L'auteur connaît son sujet à fond. On sent qu'il a vécu les questions qu'il aborde et peut aller dans les détails. Pour un lecteur familier de ce domaine, certaines remarques pourront sembler évidentes ou donnant lieu à des développements et des précisions trop importants. Il me semble que ceci n'est pas gênant et peut permettre à des lecteurs découvrant l'informatisation des bibliothèques d'être attentifs à certains « détails » qui se révèlent en fait souvent déterminants dans la réussite d'une implantation de système informatisé.

En ce sens, ce livre s'adresse aussi bien à des étudiants qu'à des professionnels, mais à mon avis, des personnes ayant déjà une expérience professionnelle dans une bibliothèque comprendront peut-être mieux ou plus facilement les propos de l'auteur ancré dans son expérience. Des professionnels ayant déjà vécu ces problèmes d'implantation de système retrouveront les questions auxquelles ils ont été confrontés. Une telle lecture pourra élargir leur vision du problème, leur donner du recul et constater l'identité de point de vue ou les désaccords.

En résumé, deux ouvrages très intéressants. II me semble plus logique de lire celui de Lucy Tedd d'abord et celui de lan Lovecy ensuite, à moins d'être un lecteur très averti. Pour conclure, une remarque peut être faite : les auteurs ne parlent pas de l'implantation de micro-ordinateurs dans les bibliothèques pour les usagers eux-mêmes. Etant donné les titres de ces ouvrages, on peut considérer que ceci est hors sujet, mais jusqu'à quand ? A travers l'informatisation des bibliothèques, c'est aussi progressivement la notion de bibliothèque qui évolue et se transforme... A suivre.