Le papier en crise ?

par Albert Labarre

Gérard Bertolini

Ed. Entente. 1982. - 174 p.; 20 cm. - (Les cahiers de l'écologie, ISSN 0337-0771).
ISBN 2-7266-0052-2

L'augmentation considérable de la consommation du papier et du carton inquiète à juste titre, et l'on se demande si sa matière première essentielle, le bois, ne viendra pas un jour à manquer, car si c'est une matière renouvelable, elle ne l'est pas à court terme. C'est ce phénomène qu'analyse l'ouvrage de M. Bertolini, en essayant de proposer des remèdes.

Il rappelle comment a évolué la production du papier qui a progressivement délaissé le chiffon pour utiliser presqu'exclusivement le bois, et il détaille la variété de tout ce qui est produit et consommé à base de cellulose. Il est bon de savoir que sur 107 kilos de papier consommés en France, 57 le sont pour des emballages divers, 44 pour l'impression et l'écriture, 3 pour des usages domestiques et sanitaires, 3 pour des usages industriels et spéciaux.

La progression constante de cette consommation entraîne plusieurs inconvénients que l'auteur analyse du point de vue français. Le premier est le déficit de la balance commerciale; si la France exporte des productions de qualité, elle importe beaucoup de pâtes et de papiers-cartons et, dans l'ensemble, demeure donc tributaire de l'étranger. La fabrication du papier est aussi dévoreuse d'énergie, y compris dans son après-consommation, puisque l'auteur évalue le coût du traitement des ordures ménagères où papiers et cartons sont abondants. Enfin, la fabrication du papier est polluante et exerce une influence néfaste sur l'environnement.

En venant aux remèdes, l'auteur constate que le taux de croissance de la consommation du papier tend à se ralentir, comme le montrent le déclin de la presse, le plafonnement des annuaires (encore l'auteur n'a-t-il pas pu connaître les mini-annuaires des PTT) et la menace de substitution de procédés électroniques. Il s'attaque à la surenchère de la qualité (mais une meilleure qualité ne garantit-elle pas un meilleur usage ?). Il recherche comment optimiser l'usage de la ressource ligneuse, sans oublier les usages autres que papetiers. L'exploitation du domaine forestier français doit sortir de l'économie de cueillette, les technologies peuvent être améliorées, il faut utiliser l'arbre au maximum, la pollution peut être limitée par un recyclage des déchets en circuit fermé, sans oublier la possibilité de valoriser ces déchets hors papeterie.

Le dernier chapitre est consacré aux papiers de récupération; avec la chasse au gaspillage, c'est l'un des principaux moyens d'amoindrir le déficit. Il étudie la façon dont se fait l'approvisionnement en chutes et en vieux papiers, l'instabilité du marché, les insuffisances de la récupération qui n'atteint que le tiers des possibilités, les problèmes posés par le traitement et le désencrage des vieux papiers.

Cette brève recension n'épuise pas l'intérêt de ce volume qui fourmille d'enseignements et de renseignements. Il faut pourtant, dans cette revue, aborder le problème du point de vue des bibliothèques, et particulièrement de toutes celles qui ont vocation à la conservation. Nous sommes tous alarmés par l'état pitoyable de beaucoup de documents imprimés sur papier à pâte de bois depuis plus d'un siècle, le cas des journaux quotidiens n'étant que le plus spectaculaire. Si ce point de vue est très particulier et limité par rapport à l'ensemble des problèmes de la fabrication et de la consommation du papier, les bibliothèques n'en ont pas moins la charge de conserver la production imprimée du passé et du présent pour le futur et sont donc très intéressées à la qualité de cette production et de son support. Ainsi quelle sera la longévité du présent volume, « imprimé sur papier recyclé à 100% », alors que la mesure du pH de ce papier (autour de 5) donne un résultat médiocre ?