L'aFNOR et les bibliothèques

Jean-Pierre Seguin

Nouvelles orientations Description bibliographique - Liste d'autorité-matières

L'AFNOR vient de parrainer la publication de trois textes normatifs d'une grande importance pour le présent et l'avenir non seulement des bibliothèques, au sens traditionnel du mot, mais aussi, éventuellement, de tous les établissements et organismes confrontés aux problèmes de la gestion et de l'exploitation des matériaux documentaires.

Description bibliographique allégée

Le groupe de travail CF/TC 46/SC 6/CE 1 animé par M. Sanz, dans le cadre de l'AFNOR, a élaboré deux textes proposant des règles pour la rédaction de notices de description bibliographique allégées par rapport à la norme AFNOR NF Z 44-050, l'une « moyenne » et l'autre « minimale » 1. Les bibliothécaires disposent ainsi désormais de trois niveaux de notices respectant totalement la structure de l'ISBD; le passage de l'une à l'autre pouvant se faire par ajout ou soustraction d'éléments, sans que soit altérée la structure de l'information.

Les textes des avant-propos de ces notices précisent d'une façon très claire ce qu'elles sont et à quelles fins elles peuvent servir, dans un établissement donné et dans le cadre d'un catalogue partagé ou échangé par des moyens informatiques. Sans doute convient-il d'insister sur les raisons pour lesquelles « le besoin de notices moins riches (que celle de la norme NF Z 44-050) s'est fait sentir pour faire face à des situations diverses ». Ce besoin, en effet de plus en plus souvent exprimé, répond à l'intérêt qu'il y a de faciliter la gestion des établissements, dans le sens d'une réponse mieux adaptée aux impératifs modernes du service du public.

La norme AFNOR, très complète, prend en compte tous les éléments nécessaires à l'identification « parfaite » et « définitive » des monographies. Elle est nécessaire en particulier aussi bien pour l'établissement de la bibliographie d'un pays qu'en vue d'échanges d'informations avec d'autres bibliographies nationales. Elle répond à toutes les exigences de précisions de l'ensemble des utilisateurs.

Pour autant, elle n'est pas indispensable au bon fonctionnement de tous les établissements, de ceux qui sont de taille moyenne ou petite, et de ceux qui ont, avant tout, une vocation documentaire. En effet, ce n'est pas tant de la description idéale d'un objet que ces établissements ont besoin, mais de l'indication des services que cet objet peut rendre à leurs usagers. Il est donc légitime et utile d'extraire de la notice normative, tout en respectant la structure, tels ou tels éléments dont la présence n'est pas indispensable dans tel ou tel cas particulier et dont, au reste, on pourra éventuellement avoir connaissance par référence à la notice nationale. Ainsi, les notices moyenne ou minimale ne sont pas plus « pauvres » que celle de la norme; elles sont plus « utiles ».

Les personnels des bibliothèques-médiathèques, qui sont devenues des centres d'information et de documentation destinées à un public beaucoup plus nombreux et différencié que dans le passé, pourront désormais, grâce à la facilité qui leur est offerte d'adopter des notices simplifiées, se libérer de tâches lourdes et répétitives, devenues inutiles, et mieux satisfaire les besoins réels de ce public.

Liste d'autorité-matières

Précisément, un autre groupe de travail, réuni sous l'égide de l'AFNOR, sous-comité 5, vient d'achever la rédaction d'un texte définissant la structure et les règles d'emploi d'une liste d'autorité-matières : ce texte est actuellement soumis par l'AFNOR à une enquête publique, dans la perspective de sa normalisation 2. Le système proposé, encyclopédique, généraliste, s'adresse à toutes les bibliothèques et organismes documentaires possédant des fonds de cette nature, comme aux établissements spécialisés désireux, d'une part, d'obtenir des informations bibliographiques dans des domaines autres que les leurs propres et, d'autre part, de rendre leurs propres fonds accessibles à d'autres bibliothèques non spécialisées dans leur domaine.

Son originalité est double. D'une part, il comporte à la fois une structure et une syntaxe de deux listes de mots, l'une pour les noms propres et l'autre pour les noms communs. D'autre part, il est conçu comme évolutif, les établissements qui l'utilisent devant assurer en commun la gestion et les développements des listes de mots. Une cellule de coordination vient d'être mise en place dans ce but auprès de l'ENSB 3. La DLL et la DBMIST lui apporteront leur concours.

La nouvelle norme a son origine dans les systèmes adoptés en 1974 par la Bibliothèque publique d'information et en 1980 par la Bibliothèque nationale. Ils sont issus du Répertoire de vedettes-matières de la Bibliothèque de l'Université Laval à Québec, lui même traduit de la liste de la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis d'Amérique, développée dans le monde nord-américain depuis 1914.

Dans l'immédiat, les listes proposées aux utilisateurs sont celles de la BPI pour les noms communs et celle de la BN pour les noms propres. De nouveaux moyens informatiques, actuellement étudiés par la cellule de coordination, faciliteront la gestion et la communication de ces listes. Ceux qui y recourront éviteront ainsi les pertes de temps qu'occasionnent la réflexion sur le choix des vedettes appropriées et la dispersion des notices sous des rubriques trop nombreuses; ils acquerront en outre la possibilité d'accéder, par un langage documentaire commun, aux informations contenues dans d'autres fonds que les leurs, plus étendus et divers, ou inversement plus généraux. Ce langage commun est une condition nécessaire à la constitution d'un véritable réseau d'échange d'informations.

Ce grand dictionnaire encyclopédique cogéré répondra-t-il aux besoins de tous les établissements ? Il permet certes d'indexer des documents de toute nature et sur tout support, dans tous les domaines. Cependant, son caractère général peut amener des organismes documentaires à lui préférer d'autres instruments, spécialisés, tels que des thésaurus en vue d'une recherche plus « fine », ou pour tenir compte de la spécificité des matériaux considérés : articles de journaux par exemple, ou images, le « langage » de celles-ci n'étant pas de même nature que celui des autres productions graphiques. Les listes particulières qui seraient alors nécessaires pourraient-elles ou non reposer sur la même structure et les mêmes règles de construction des entrées que la liste encyclopédique ? Des « ponts » pourront-ils être ménagés, dans le choix des termes, entre cette liste et les listes particulières, de manière à ce que l'on puisse aussi grouper sous un même mot au moins l'essentiel des informations relatives à un sujet, quel que soit le support ? Il est trop tôt pour répondre à ces questions et à d'autres qui se poseront inévitablement. L'entreprise amorcée est trop délicate et complexe, et elle aura trop de conséquences pour que l'on adopte d'emblée, sans justification par l'expérience, des positions catégoriques.

Qu'en sera-t-il d'autre part de l'utilisation de la liste par les usagers de petites bibliothèques publiques ? Préféreront-elles recourir au dictionnaire sous sa forme la plus étendue, ou bien souhaiteront-elles disposer d'éditions abrégées, selon la formule instaurée avec succès par le Larousse, ou le Robert, entre autres, à moins que cette formule n'ait pour justification des raisons de coût et de volume de matériel, plus que d'ordre intellectuel ? Dans l'état actuel du projet, les membres de la commission d'étude ont préféré que plusieurs formules soient proposées aux utilisateurs, afin qu'ils aient la liberté de choisir celle qui leur semble répondre le mieux à leur attente. Un autre groupe de travail du sous-comité 5 de l'AFNOR, animé par Mme Masson prépare une mise à jour de la norme homologuée le 30 avril 1957.

Quoi qu'il en soit, les diverses propositions faites témoignent de la volonté qu'ont l'AFNOR, les tutelles des bibliothèques et des organismes d'information et de recherche de s'attacher par priorité à l'analyse du contenu des documents et à l'identification des éléments de description facilitant la gestion.

Il n'y a pas de doute que la publication de la liste d'autorité-matières, prévue par la nouvelle norme, comblera une lacune ressentie par de nombreux bibliothécaires, documentalistes et utilisateurs. Certes, cette liste présente aujourd'hui encore un certain nombre d'imperfections. Elle est perfectible. Elle sera continûment améliorée et enrichie, grâce aux contributions de tous les professionnels. Il est permis d'espérer de surcroît - et l'enjeu est d'importance - que cette construction favorise le développement de l'utilisation scientifique de la langue française dans le monde entier; de ce point de vue, ménageant les possibilités de communication avec les catalogues américains, elle se dote d'un atout supplémentaire.

  1. (retour)↑  Z 44-072 FD Catalogage des monographies. Rédaction d'une notice minimale de description bibliographique. Z 44-073 FD Catalogage des monographies. Rédaction d'une notice moyenne de description bibliographique.
  2. (retour)↑  NF 47-200 Liste d'autorité-matières. Structure et règle d'emploi. (Texte soumis à enquête publique, jusqu'au 5 juin 1984).
  3. (retour)↑  Cellule nationale de coordination de l'indexation matière, 5, Rue Auguste Vacquerie - 75116 PARIS. Tél. : 720.85.24.