Une médiathèque en milieu universitaire

Véronique Chabbert

La médiathèque de l'université de Paris-VIII-Vincennes à Saint-Denis

L'existence d'une médiathèque à la Bibliothèque universitaire de Paris VIII-Vincennes à St-Denis est le résultat d'un important travail de collaboration entre les services documentaires de la Bibliothèque universitaire et le Service audio-visuel de l'Université. Cette collaboration a permis de réaliser un catalogue collectif des documents audio-visuels disponibles à l'Université et d'en faciliter la communication.

Cette expérience a permis également à la Bibliothèque universitaire d'établir des liens plus étroits avec l'Université mais aussi de prendre conscience des problèmes liés à l'implantation de nouveaux supports de l'information dans une bibliothèque. En effet, aux difficultés d'organisation d'un service qui s'occupait de gérer des documents « différents » (traitement documentaire plus long, médiatisation du support, communication plus complexe...) s'est ajouté un élément plus inattendu : une résistance tacite et souvent compréhensible de la part des universitaires producteurs de documents, résistance en partie liée aux divers problèmes de droit d'auteur difficiles à résoudre, et des bibliothécaires qui se heurtaient à des problèmes complexes d'acquisitions et devaient adopter des comportements différents en matière de diffusion de ces documents (information rapide des utilisateurs potentiels par exemple).

Il est important de commencer par préciser le contexte général dans lequel s'est créée cette médiathèque ; l'Université Paris VIII-Vincennes regroupe, autour des disciplines traditionnelles (lettres et sciences humaines), des départements spécialisés (mathématiques et informatique, droit, économie, arts, urbanisme). Le Ministère, dans son souci de rénover l'enseignement des lettres et sciences humaines, avait doté l'Université d'un important équipement audio-visuel. Deux régies télévision, des salles de montage, des laboratoires de langues et des laboratoires photo ont fonctionné pendant 10 ans à temps plein.

Ces équipements avaient permis la production de nombreux documents de qualité inégale. Ces travaux étaient réalisés par les enseignants et les étudiants aidés par les techniciens, dans un but d'autoformation. Aucune diffusion éventuelle n'était encore envisagée. Cependant, tous ces documents étaient stockés, mais non répertoriés et de ce fait peu utilisables.

Conscients de l'intérêt que pouvaient présenter certains de ces documents, dès 1975, les responsables de la bibliothèque et de l'Université décidèrent d'organiser ce patrimoine culturel stocké depuis des années; l'approche d'un éventuel déménagement et les risques de perte qui pouvaient en découler ont accéléré la mise en place d'un service commun pour traiter ces documents : la médiathèque.

Ce service est ainsi responsable et de la politique documentaire (traitement, catalogue et achat à l'extérieur) et de la communication des documents audio-visuels.

Notre premier objectif était donc de faire prendre conscience de l'intérêt que ces documents audio-visuels pouvaient présenter pour l'ensemble de l'Université (étudiants et enseignants). Cette première phase se concrétisa par la mise en place du catalogue collectif.

Une meilleure organisation des centres de stockage et l'ouverture d'une salle dans la Bibliothèque universitaire constituent la deuxième étape de notre travail; cette phase a été réalisée dans les nouveaux locaux de l'Université à Saint-Denis.

Mise en place du catalogue collectif

Les documents étaient stockés dans des locaux différents :
- deux magnétothèques de langues avaient en dépôt des méthodes de langues mais aussi des interviews, des pièces de théâtre, et un fonds musical important (opéras chinois, festivals de musique, etc.); les langues enseignées à l'Université étaient toutes représentées y compris des langues rares comme les langues amérindiennes (environ 3 000 bandes et cassettes).
- un service photo. - deux vidéothèques conservaient des bandes et cassettes vidéo multistandard 1 pouce, 3/4 pouce, 1/2 pouce (1200 documents sur tous les sujets).

Le classement, le rangement et l'inventaire de ces documents étaient divers et variés. Dans l'ensemble il n'y avait pas d'inventaire exhaustif sinon quelques listes partielles et le rangement faisait office de classement. Souvent les documents eux-mêmes ne portaient aucune indication manuscrite.

La tâche était donc complexe, il fallait élaborer un système qui permette, sans trop modifier les habitudes, d'inventorier et de ranger ces documents de façon à les rendre accessibles à tous. Le regroupement géographique des documents audio-visuels en un seul lieu (la Bibliothèque universitaire) pour traitement (qu'il s'agisse des originaux eux-mêmes ou d'un duplicata) n'était pas souhaité par le personnel de l'Université, aussi fut-il décidé que les documents seraient traités par les personnels de l'Audio-visuel avec les enseignants au fur et à mesure qu'ils seraient demandés.

Pour chaque support, un cahier d'inventaire a été ouvert dans le centre de conservation correspondant et une fiche établie selon les normes ISBD (NBM) puis AFNOR, au fur et à mesure de leur parution. Les fiches étaient indexées à la Bibliothèque universitaire (classement CDU) et analysées en conformité avec le catalogue matières de la Bibliothèque universitaire. Ce travail devait aboutir à des catalogues auteurs et matières généraux consultables à la Bibliothèque universitaire, chaque centre ayant un catalogue de ses documents classés systématiquement.

Les trois personnes du Service audio-visuel, qui n'avaient aucune formation à la documentation ont suivi un stage d'initiation à la catalographie et à la CDU, organisé par la Bibliothèque universitaire. Ce personnel était très enthousiaste, mais par la suite la résistance des enseignants aux fichiers et au classement encyclopédique, ainsi que des problèmes soulevés par l'absence de normes définitives en ce qui concerne la rédaction de la notice et par l'absence totale de normes pour le choix des vedettes, ont rendu la tâche difficile à ces personnes encore peu rodées à ces exercices. De plus, la nécessité d'écouter et de visionner ces documents dans leur intégralité, afin d'en vérifier la qualité technique et d'en cerner le contenu, a augmenté considérablement la durée du traitement. Cela supposait des réunions de travail régulières avec la responsable de la médiathèque afin d'analyser les problèmes qui se posaient et d'assurer le suivi des opérations.

La représentante de la Bibliothèque discutait ensuite avec chaque responsable ou, éventuellement, avec les enseignants, du classement CDU et des mots matières à donner - débat souvent difficile, les contenus des documents n'étant pas perçus de la même façon par les deux parties (par exemple, un film sur les bidonvilles du Guatemala qui, pour nous, était un document de sociologie, était, pour l'enseignant, un élément d'apprentissage de la langue espagnole).

Ce travail de mise en place a duré trois ans et a donné lieu, en septembre 1982, à un catalogue imprimé qui regroupe plus de 700 documents. Un autre catalogue est en cours de préparation.

La médiathèque à Saint-Denis

A Saint-Denis, la médiathèque a été partie prenante dans la réorganisation des services de conservation de l'audio-visuel à l'Université.

Il fut décidé, d'un commun accord par la Bibliothèque universitaire et l'Université, que les documents seraient stockés à l'Université :
- à la magnétothèque : tous les documents du secteur audio-oral sur bandes et cassettes y sont stockés - ce fonds ne sert qu'à la duplication et n'est pas accessible aux étudiants. Ces bandes sont recopiées soit pour le prêt aux étudiants (Service de prêt de cassettes) soit pour la consultation sur place (à la Médiathèque). Dans ce service les bandes et cassettes sont classées selon la CDU et un fichier systématique est à la disposition des enseignants. En général, ce sont les enseignants qui informent les étudiants des documents disponibles.
- à la vidéothèque : les cassettes et les bandes vidéo sont traitées par une documentaliste. Les bandes sont classées par numéro d'inventaire et les enseignants ont à leur disposition le fichier systématique.

La Bibliothèque universitaire a intégré la médiathèque dans les salles de lecture de la bibliothèque - élément essentiel - car cela facilite la fréquentation et rapproche les documents audio-visuels et les ouvrages.

Une salle vitrée est donc installée depuis la rentrée 1983 dans l'une des salles de lecture pour la consultation des documents audio-visuels. Pour des raisons de sécurité et de budget nous ne pouvons envisager l'intégration complète de tous les supports audio-visuels dans les salles de lecture (les documents volés ne pourraient pas être remplacés). Cette salle dispose d'un matériel « léger » qui permet d'écouter ou de visionner, individuellement ou à plusieurs, des cassettes audio et vidéo 1/2 pouce, de visionner également des montages diapos, de lire et reproduire microfiches et microfilms (très utilisés pour les thèses, périodiques et certains documents en provenance de l'étranger). A l'origine, ce matériel a été prêté par l'Université puis complété par des achats de la Bibliothèque universitaire.

Les usagers disposent des fichiers généraux auteurs et matières des documents audio-visuels disponibles sur l'ensemble de l'Université. Ils peuvent consulter les ouvrages sur l'audio-visuel mais aussi les catalogues d'éditeurs et des périodiques spécialisés destinés à encourager les demandes d'achat et de prêt à l'extérieur.

La manipulation du matériel et des documents se fait avec l'aide d'un personnel magasinier techniquement « avisé » et motivé, qui, en outre, assure la petite maintenance. Ce personnel s'est formé « sur le tas » et accepte des tâches qui ne sont pas prévues dans son statut. Depuis la rentrée 1983, d'autres magasiniers ont été associés à cette expérience et paraissent très intéressés.

Constitution du fonds documentaire

Aucune subvention spécifique n'avait été accordée pour l'achat de documents audio-visuels. Aussi les premiers documents mis à la disposition des étudiants, à la médiathèque, étaient-ils des duplicata des enregistrements de l'Université (essentiellement des colloques, des œuvres musicales et des textes littéraires, choisis en fonction de la demande).

Parallèlement, chaque responsable de secteur à la bibliothèque imputait sur son budget ouvrages, l'achat des documents audio-visuels. Cette solution, qui avait paru souple et qui était dictée par le fait qu'il était encore difficile d'évaluer la part que prendraient de tels documents, n'était pas très réaliste.

En effet, hormis le fait qu'il était déjà difficile, pour des raisons budgétaires, de satisfaire les demandes d'achat d'ouvrages, l'absence d'information sur les documents audio-visuels français de niveau universitaire, disponibles sur le marché, dans des disciplines littéraires, n'encourageait pas les bibliothécaires à se lancer dans de tels achats. Les coûts importants, surtout pour la vidéo, le problème de l'utilité immédiate du document (précarité des supports), rendaient les choix encore plus difficiles. Aussi a-t-il été décidé d'attribuer à la médiathèque, sur le budget 1984, une subvention spécifique qui doit permettre une politique d'acquisitions reposant sur de grands axes d'études choisis parmi les sujets de recherche de l'Université.

Il faut tout de même constater que, malgré leur faible nombre, les documents achetés jusqu'à présent ont été très consultés. Ce fait nous a paru fort encourageant et les achats devraient s'accroître rapidement.

Il a été d'autre part décidé par le Conseil scientifique de l'Université d'instituer, à la médiathèque, une sorte de « dépôt obligatoire » des documents audio-visuels produits totalement ou en partie à l'Université.

Conclusion

On peut dire que l'expérience de la Bibliothèque Universitaire de Paris VIII-Vincennes, de par sa complexité et sa spécificité, ne saurait constituer un modèle, mais qu'elle peut cependant permettre un début de réflexion sur la documentation audio-visuelle en milieu universitaire.

La collaboration indispensable établie entre les Services audio-visuels, la Bibliothèque et tous les départements de l'Université a été très bénéfique, tant pour l'exploitation de la documentation audio-visuelle par les étudiants que pour une meilleure connaissance de la Bibliothèque universitaire.

Elle a également une influence sur le secteur « production » et les documents eux-mêmes. En effet, les documents, officiellement déposés, sont connus et, par conséquent, susceptibles d'être échangés; il devient alors nécessaire de respecter des normes plus strictes quant à leur présentation.

En ce moment, l'Université tente de nouveau le pari de l'audio-visuel dans d'autres circonstances et avec d'autres objectifs que lors de sa création, c'est-à-dire non seulement l'enseignement et la recherche mais aussi l'élaboration et la diffusion de produits finis. Malgré la difficulté à faire aboutir nos projets, il revient à la Bibliothèque de continuer à remplir son rôle d'animation au niveau de la documentation audio-visuelle et de coopérer, dans la limite de ses attributions, aux opérations de diffusion de promotion des productions de l'Université (exposition, information...).