Les principales banques de données du droit français

Anne-Marie Ferrier

Cette étude est limitée aux banques de données concernant le droit français à l'exclusion du droit communautaire et du droit international. Ont été également exclues de cette présentation, des banques de données très spécifiques (QUESTA 6 et 7, les sections 528 et 603 de FRANCIS-S 1) ainsi que les banques de données qui recensent la jurisprudence sur une base régionale. A travers quatre banques de données : le CEDIJ, SYDONI, JURISDATA et LEX, l'étude s'attache à évaluer, au-delà du contenu des banques, les différents éléments qui entrent en jeu lors de l'interrogation, permettant ainsi d'apprécier la commodité d'utilisation et le service rendu.

L'origine des banques et leur financement

Le CEDIJ, constitué en association depuis 1970, a été créé en 1966 à l'initiative du Conseil d'État, à l'intention de tous les professionnels du droit. Plusieurs ministères et organismes publics, principalement le Ministère de la Justice ont contribué à sa naissance et participent à son financement.

SYDONI a été constitué dans un premier temps par le fonds documentaire du CRIDON de Lyon et réservé à la profession des notaires. A partir de 1978 une nouvelle société s'est constituée, une subvention a été accordée par le Ministère de l'Industrie pour cinq ans à condition de s'ouvrir à toutes les professions du droit et de s'autofinancer. SYDONI collabore avec l'édition juridique avec laquelle elle a passé des accords (éditions Francis Lefebvre, Dalloz, Fidal, Defrenois).

JURISDATA est une production de l'édition juridique. Créée en 1960 par les Éditions techniques, elle a signé en 1980 un accord avec la Gazette du Palais.

LEXIS, produit par la société Téléconsulte, a mis au service du droit français, une expérience de banque de données juridiques acquise aux États-Unis. Elle dispose, aux États-Unis, d'un soutien logistique important. C'est la seule banque de données sur le droit français qui ne soit pas sur un serveur français.

LEX est produite et financée par le Secrétariat général du gouvernement. Cette banque a bénéficié de subventions du Ministère de l'Industrie et de la MIDIST.

Sources recensées

Seuls le CEDIJ et SYDONI recensent les trois sources essentielles du droit : législation, jurisprudence, doctrine. JURISDATA recense la jurisprudence et la doctrine, excluant la législation. LEXIS recense la législation et la jurisprudence éliminant la doctrine. LEX ne recense que les textes législatifs et réglementaires publiés au Journal officiel.

Volume des fonds documentaires

Il n'est pas toujours facile pour l'utilisateur de comparer les fonds documentaires. Cela tient au fait qu'il existe deux méthodes de chargement d'une banque de données, donc de présentation de leur contenu :
- par sources recensées : jurisprudence de telle juridiction, depuis telle année ;
- par matières de droit.

Toutes les banques de données se sont fixé pour but d'englober l'ensemble des matières du droit. Les différences tiennent aux priorités dans les programmes de chargement. Pour une présentation détaillée des domaines chargés, nous renvoyons le lecteur à la documentation distribuée par les différents producteurs.

Un enjeu essentiel, quant au volume des fonds, est l'enregistrement des inédits de jurisprudence. Toutes les banques en recensent, mais il est difficile de savoir dans quelle proportion. LExis n'effectue aucune sélection et entre toutes les décisions des juridictions suprêmes. Le CEDIJ, et JURISDATA ont passé des accords avec des universitaires, des barreaux de province... et enregistrent les inédits après une sélection faite selon l'intérêt juridique et pratique des décisions. L'évolution de JURISDATA à l'égard des inédits est intéressante : dans un premiertemps étaient entrées systématiquement toutes les décisions de la Cour d'appel de Paris. A présent, comme ses concurrents, et afin de ne pas noyer l'utilisateur sous une jurisprudence répétitive, une sélection est effectuée parmi les arrêts provenant des différentes Cours d'appel. Même LExis, qui se veut tout à fait neutre et se défend de faire aucun choix dans la documentation offerte à l'utilisateur, envisage pour la saisie des décisions des Cours d'appel de ne retenir qu'un certain nombre d'entre elles, les plus importantes.

Nature des données recensées

Texte intégral, résumés auto-suffisants ou références bibliographiques ?

Le CEDIJ entre en texte intégral la législation et une partie seulement de la jurisprudence. Le texte intégral de la jurisprudence est toujours accompagné d'un résumé. Pour des questions de droits d'auteur, la doctrine n'est pas entrée en texte intégral mais sous forme de résumés. SYDONI entre tous les documents sous forme de références bibliographiques accompagnées de résumés. Ces résumés sont établis selon un schéma type et comportent toujours, pour la jurisprudence, la solution. Ils dispensent en principe de recourir au texte original. Néanmoins les inédits sont microfilmés et SYDONI peut en fournir une copie dans les quarante huit heures.

JURISDATA entre la documentation sous forme de références bibliographiques avec résumés établis selon des canevas rigoureux et à l'aide d'une liste de vocabulaire comprenant environ 20 000 mots. Les résumés sont en principe auto-suffisants, cependant JURISDATA fournit à la demande tous les documents primaires. LEXIS entre les documents en texte intégral. LEX fournit des références bibliographiques accompagnées d'un résumé de 3 à 4 lignes ne pouvant en aucune façon dispenser de recourir au texte original. Toutes les références renvoient au Journal officiel.

Structure des documents

Les documents en texte intégral se présentent de façon très différente selon les banques. Dans LEXIS, le texte intégral n'est complété par aucune autre information. A la visualisation, l'unité documentaire reproduit strictement dans sa forme et son contenu le document papier original. Cependant le texte en machine est découpé en zones interrogeables individuellement. Pour les arrêts de la Cour de cassation par exemple, on peut choisir d'interroger les moyens, les motifs, la décision... etc. Cette possibilité qui est rarement mentionnée par les services commerciaux de LExis permet pourtant d'éviter beaucoup de bruit inhérent à l'utilisation du texte intégral pur.

Le CEDIJ a essayé d'allier les avantages du texte intégral à cause de l'indexation. La structure de l'unité documentaire est très élaborée. Chaque document est découpé en un nombre de zones important. On trouve entre autres, une zone de résumé du texte intégral, une zone d'indexation. La décomposition peut être poussée à l'extrême : en jurisprudence le nom des parties est décomposé en deux zones, demandeur et défenseur. Figurent également des zones propres pour le président, le rapporteur, l'avocat demandeur, l'avocat défenseur, etc. Cette analyse très poussée aboutit à une complexité évidente lors de la formulation des questions et lors de la visualisation des documents.

Pour SYDONI, JURISDATA et LEX, une unité documentaire comprend entre 8 et 10 zones. A la visualisation, la longueur de la référence varie entre 1/2 et une page écran et demi.

Présence d'un thésaurus ou d'un vocabulaire d'interrogation

LExis s'interrogé en vocabulaire libre.

JURISDATA ne diffuse pas les schémas des canevas ni la liste des 20 000 termes utilisés par les rédacteurs de résumés. On ne peut que le regretter ; ces canevas établis en collaboration avec l'équipe du professeur Catala de Montpellier, représentent sur le plan de l'analyse documentaire un travail extrêmement intéressant. L'interrogation serait dans bien des cas considérablement facilitée si l'utilisateur avait la possibilité de les interroger.

SYDONI fournit à ses utilisateurs un thésaurus structuré sur cinq niveaux, consultable en ligne et sous forme papier, facile à manier et d'une grande aide pour l'interrogation.

Le CEDIJ annonce dans toute sa documentation l'existence d'un thésaurus en ligne. Ce thésaurus a été effectivement conçu au départ. Il est actuellement inaccessible à l'utilisateur, s'interroge avec un logiciel spécifique compliqué et il n'est pas prévu qu'il soit utilisable à court ou à moyen terme. Il n'y a donc pas de thésaurus en ligne ou sous forme papier utilisable pour le CEDIJ.

LEX n'offre pas de thésaurus pour le moment.

Structure des banques de données

La plupart des banques ont partagé leur contenu en un certain nombre de fichiers qui s'interrogent séparément : quatre pour LEXIS et SYDONI, neuf pour le CEDIJ. Lors d'une recherche, il convient donc, en premier lieu, de déterminer le ou les fichiers à interroger. Mais tous les logiciels permettent de sauvegarder une équation de recherche pour la réexécuter successivement dans plusieurs fichiers.

Les logiciels d'interrogation

Le CEDIJ chargé sur le serveur G. CAM utilise le logiciel BRs-Search proche de STAIRS. Le logiciel en lui-même n'est pas particulièrement difficile à acquérir, cependant l'interrogation est rendue compliquée par :

- la multiplicité des zones de l'unité documentaire

- le codage ésotérique d'un certain nombre d'éléments obligeant l'utilisateur à recourir sans cesse à des tables d'abréviation. Par ailleurs, abréviations et codages n'étant pas unifiés, il faut penser à utiliser systématiquement la troncature.

SYDONI utilise un logiciel MISTRAL IV simplifié en une douzaine de macro-commandes facilement assimilables. Lié à une bonne structure de l'unité documentaire, il permet de maîtriser rapidement l'interrogation. A partir du 1er octobre 1984, SYDONI sera disponible sur le serveur Télésystèmes-Questel. On pourra alors l'interroger avec le logiciel QUESTEL ou avec le logiciel actuel.

JURISDATA est disponible sur deux serveurs : sur le serveur du producteur qui utilise un logiciel spécifique et sur le serveur Télésystèmes-Questel avec le logiciel Questel.

LExis s'interroge sur un terminal dédié, possédant une dizaine de touches, fonctions dispensant ainsi de l'apprentissage d'un logiciel mais n'excluant pas bien évidemment d'apprendre à manier les opérateurs booléens et de proximité, nécessaires à l'écriture de l'équation de recherche.

LEX utilise le logiciel Questel de Télésystèmes, logiciel qui permet, moyennant une procédure compliquée,de retrouver les liens des textes législatifs entre eux, qui font l'objet d'une zone spécifique de l'unité documentaire. LEX est également disponible sur les autres serveurs juridiques.

L'aide à l'utilisateur : formation, assistance à l'interrogation

Le CEDIJ et SYDONI forment au cours de stages de 3 jours, diffusent un bulletin d'information et organisent des réunions d'utilisateurs. En outre, pour SYDONI, des représentants vont assister sur place, à leur demande, les utilisateurs débutants. Cette assistance est gratuite et fait partie du contrat. SYDONI offre par ailleurs un fichier formation correspondant à une trentaine de problèmes juridiques, qui s'utilise avec un cahier d'exercices et permet de s'entraîner à un coût très réduit.

JURISDATA forme au cours de stages d'un jour et demi. Il convient de signaler par ailleurs que pour les utilisateurs ponctuels qui ne souhaitent pas signer un contrat, JURISDATA offre un service « Questions-Réponses » d'une très grande qualité. LEXIS n'organise pas de formation proprement dite mais accorde deux heures d'interrogation gratuites à l'aide d'un juriste en début de contrat. Fidèle à son principe de neutralité envers l'information fournie, LEXIS offre par la suite une assistance limitée : le producteur donnera des indications quant au choix du fichier à interroger mais en aucun cas quant à la formulation de la question (choix des termes, opérateurs à utiliser). LEX forme ses utilisateurs dans le cadre des stages d'une journée chez le serveur Télésystèmes-Questel.

L'accessibilité : matériel, réseaux, serveur

Le CEDIJ, SYDONI, JURISDATA et LEX sont accessibles sur des terminaux ordinaires fonctionnant en mode asynchrone en 300 et 1 200 bandes (les 1 200 bandes étant recommandées par les producteurs et les 300 bandes déconseillées par le CEDIJ). LEXIS s'interroge sur un terminal dédié mais coûteux : 1750 F/mois en location uniquement. LEXIS est chargé sur le serveur américain Mead Data et n'envisage pas de s'implanter sur un serveur français tant que les réseaux de transmission et les services rendus par les serveurs européens ne seront pas améliorés. Le CEDIJ et SYDONI (jusqu'en septembre 83) sont chargés sur le serveur G. CAM, mais ce sont les producteurs qui assurent la commercialisation de leur banque. C'est donc au producteur qu'il faut s'adresser pour la signature des contrats. A partir d'octobre 1983, le serveur Télésystèmes-Questel offrira SYDONI à côté de JURISDATA et de LEX et s'affirme ainsi pleinement comme serveur juridique.

Les coûts (cf. tableau en annexe)

Une comparaison des coûts d'interrogation entre banques offrant de simples références bibliographiques, d'autres du texte intégral, d'autres encore des résumés auto-suffisants, n'a pas grand sens.

Il faudrait pouvoir évaluer le rapport coût/service rendu. Les tarifs du CEDIJ sont les plus bas (mais les documents sont longs à éditer) et ceux de LEXIS très élevés, puisqu'au coût horaire s'ajoute un abonnement mensuel et la location du terminal.

Au terme de cette présentation, il convient de souligner que la situation des banques de données juridiques est pour le moment en pleine évolution. A l'heure actuelle et parce qu'elles n'ont pas terminé leur chargement, elles peuvent apparaître à l'utilisateur plus complémentaires que concurrentes, mais cette caractéristique ne peut que s'estomper à moyen terme d'autant que certaines des plus récentes comblent rapidement leur retard. Or, le marché des banques de données juridiques est limité, toutes ne pourront pas survivre. Il est probable qu'une évolution se fera vers une coordination du contenu des différentes banques de données entre elles.

Illustration
Tableau récapitulatif des banques de données de droit français

  1. (retour)↑  QUESTA 6 et QUESTA 7 : questions posées à l'Assemblée nationale. FRANCIS-S. 528 Science administrative. 603 Informatique et sciences sociales.