La national Library of Medicine (NLM)

Christine Deschamps

Cet article est le rapport d'un stage effectué à la National Library of Medicine (NLM), pour essayer d'y étudier le rôle et les services, à l'échelon national, d'une bibliothèque centrale de médecine. Il expose comment la NLM nous apprend qu'outre l'utilisation de la technologie informatique et de l'automatisation, toute une politique d'organisation de la documentation médicale et de coopération entre bibliothèques peut être mise en place à condition de reconnaître la nécessité d'une telle philosophie, passant par la définition de règles de gestion rationnelles

This article is the report issued after a visit to the National Library of Medicine (NLM), in the hope of studying the role and activities of a national medical library. Its purpose is to show how NLM can teach us that, beside using computer technology and automatization, it is possible to establish a policy organizing the medical information, and the cooperation between libraries, if the need of such a philosophy and of its applications to rational management rules should be accepted

La National Library of Medicine (NLM) n'a pas toujours porté ce nom. Bibliothèque militaire à l'origine, elle fut créée en 1836 sous le nom de « Library of the Surgeon General's Office ». En 1865, un des plus grands bibliothécaires américains, John Shaw Billings, en prit la direction. Dès 1879, paraissait le premier numéro de l'Index Medicus (suivi en 1880 de l'Index Catalogue), reflet des collections de cette bibliothèque. Après diverses appellations, elle devint en 1956 la National Library of Medicine. Son but est de rassembler, d'organiser et de rendre disponible toute publication scientifique dans le domaine médical. Avec, en 1980, un budget de 46 millions de dollars, 428 personnes y travaillant régulièrement, dont plus de 200 pour les activités de bibliothèque, elle a rassemblé 1 545 000 volumes et, à partir de ses 22 750 abonnements, elle publie par an 243 870 citations dans l'Index Medicus. Grâce à son ordinateur IBM 370/168, et à un mini-ordinateur Data General System 350, elle automatise de plus en plus tout le traitement de ses acquisitions ; en appliquant le logiciel ELHILL, elle propose ses bases de données : Medline, Toxline, Chemline, Catline, Serline, Cancerlit, etc., et pour les bibliothèques américaines seulement la : « Name Authority File » (liste d'autorité de noms propres ou de noms d'associations) et « MesH Vocabulary File » (Medical Subject Headings : thesaurus medical). De plus, elle traite 434 500 demandes de prêts par an, dont elle satisfait plus de 340 000... Son importance et son rayonnement se mesurent amplement à tous ces renseignements.

Dans le texte qui suit, a été étudiée la possibilité d'adapter à la réalité française la façon dont la NLM assume son rôle national et comment la Bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM) pourrait en tirer des leçons pour mieux suivre son exemple.

En effet, la BIUM, dont l'existence remonte jusqu'à 1395, est une des plus grandes (sinon la plus grande) bibliothèques médicales de France. Un million d'ouvrages, plus de 39 kilomètres de rayonnages avec ses annexes (Bibliothèque des Saints-Pères et Centre français de documentation odonto-stomatologique), 65 personnes travaillant en tout dans les trois sections, un budget total de 2 100 370,00 FF, un peu moins de 3 000 périodiques courants, 2 terminaux d'ordinateurs, 52 280 demandes de prêt satisfaites en 1980, 7 500 thèses et volumes acquis en un an... Ces chiffres permettent de réaliser à l'échelon français l'importance réelle de la BIUM. Créée Centre d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique (CADIST) pour la médecine en novembre 1980, son rôle national commence à se dessiner plus clairement. Il lui faut maintenant, pour être un centre national de prêt efficace en médecine, savoir utiliser au mieux l'automatisation qui permettra une meilleure diffusion de l'information médicale ou bibliographique.

Conformément à la suggestion de Miss Mary E. Corning, responsable des relations internationales à la NLM, il ne s'agit pas ici d'étudier seulement le rôle joué par la NLM, pour en prôner l'imitation pure et simple. Il serait utopique de vouloir avoir la même importance ; il n'est pas non plus question de prétendre faire le même travail : l'Index Medicus ne saurait avoir de copie même française. Il paraît donc à la fois plus réaliste et plus souhaitable d'étudier les grands principes sous-jacents qui règlent le développement (exemplaire) de cette bibliothèque, afin d'étudier si, dans chacun des cas observés, il y aurait un moyen d'adapter ces règles fondamentales aux réalités des bibliothèques médicales françaises.

On étudiera en premier lieu l'utilisation de diverses techniques ou technologies, puis comment ces techniques rendent possible une coopération sans excès d'autorité, enfin on essaiera de rendre sensible la philosophie qui permet les applications précédentes.

1) L'utilisation des technologies

La première chose qui frappe les yeux d'un bibliothécaire français visitant la NLM, c'est l'équipement de cette bibliothèque. En plus des multiples consoles et terminaux, le fichier de la salle de lecture est depuis 1981 entièrement sur microfiches COM, et consultable sur lecteurs-agrandisseurs. En outre, un séjour au Lister Hill Center, spécialisé dans le transfert de l'information biomédicale grâce à l'automatisation, est une expérience qui pourrait laisser croire qu'en changeant de bâtiment (NLM - Lister Hill), on a également changé de siècle, et que l'on est entré de plain pied dans le 21e siècle.

Déjà en visitant le département audiovisuel de la NLM, on est sensible à ce déploiement de matériel, permettant des relations interactives entre la bibliothèque et son public. Que ce soit dans l'acquisition extensive des médias audiovisuels de tout genre en médecine, dans leur sélection pour la signalisation dans la base de données AVLINE, ou encore dans les diverses expériences tentées par NMAC (National Medical Audiovisual Center), on peut trouver là tous les aspects de la recherche pour une meilleure utilisation de ces matériels (très répandus dans les bibliothèques américaines).

Le Lister Hill Center s'est voué au développement de toutes les techniques permettant une amélioration de la diffusion de l'information biomédicale. Ce centre expérimente notamment les nouvelles techniques applicables aux bibliothèques, en cherchant à démontrer l'intérêt pratique de divers systèmes. Si ceux-ci ne sont pas par la suite adoptés par des bibliothèques ou des sociétés privées spécialistes de l'information, il abandonne ces projets. Il a ainsi cessé de démontrer la possibilité de l'utilisation des satellites pour l'information biomédicale (consultations médicales et enseignement à distance avec l'Alaska). Cette démonstration a été faite, aucune société privée ou publique n'en a pris le relais, le projet est donc pour l'instant en sommeil. Les deux programmes sur lesquels le Lister Hill Center travaille en ce moment et qui sont en relation directe avec les bibliothèques, sont ceux du stockage de l'information, et ceux de l'Integrated Library System.

Le stockage de l'information se fait par compression de textes pour en réduire le volume, et par utilisation comme support du vidéodisque. Ce moyen, dont les possibilités de reproduction sont bien meilleures que celles des autres techniques audiovisuelles, reste malheureusement encore très coûteux, même pour des Américains.

Le deuxième programme, directement utilisable par toute bibliothèque disposant d'un mini-ordinateur type IBM Series 1, ou Data General Electric Series, ou Digital Equip. Corp., PDP 11 y compris LS 11/23, est celui intitulé Integrated Library System (ILS). On le trouve dans le commerce, et il peut être directement utilisé pour l'interrogation du catalogue d'une bibliothèque de moyenne importance, pour la circulation des documents, y compris le bulletinage des périodiques (facilité par la cotation au moyen de lecture optique sur code-barres), et pour tout le circuit du prêt interbibliothèque. Une deuxième étape comprendra le circuit des acquisitions, le catalogage (partagé ou non) et la collaboration avec des fichiers d'autorité par complémentarité ou par simple confrontation. Le système restera suffisamment souple pour que chaque bibliothèque puisse y rajouter des notations locales, ou même modifier certaines zones. On peut déjà le voir fonctionner à la Bibliothèque du Pentagone, où il fait ses preuves. Mais il pourrait être utilisé par toute bibliothèque française, pour peu qu'elle ait le budget nécessaire pour l'acheter et les moyens techniques pour l'utiliser.

Mais la NLM se sert bien évidemment des techniques de l'automatisation pour pouvoir créer et proposer au public des bases de données bibliographiques. Ici, certains seront moins dépaysés. Bon nombre de bibliothèques françaises en effet disposent de terminaux d'interrogation et sont familiarisées avec ces incomparables services que rend la NLM : Medline (permettant la publication de l'Index Medicus), Catline (Current Catalog), Toxline, Chemline, Cancerlit, et encore 5 autres bases de données.

Ce que l'on ne sait pourtant pas de l'extérieur, c'est que la NLM ne se contente pas de ces bases de données accessibles au public. Pour une meilleure exploitation de ses possibilités, elle utilise des bases qui lui sont propres et qui lui permettent d'automatiser le traitement des livres et périodiques tout au long des diverses opérations nécessaires.

Les sélections et acquisitions sont traitées en utilisant un fichier nommé In-Proc (In-Process), puis, que ce soit pour la rédaction de la fiche de base, l'établissement et la vérification des vedettes-auteurs et matières grâce à des fichiers d'autorité, le bulletinage des périodiques, la surveillance des abonnements, la reliure, etc., ces opérations successives sont entrées directement par le personnel, sur console, en utilisant un logiciel intitulé INQUIRE, et qui a été étudié pour la NLM par la Société Info Data. Le travail énorme de catalogage accompli à la NLM ne pourrait l'être sans cette automatisation. Cela a également d'autres conséquences utiles qui nous font bien voir que si un établissement est suffisamment développé, une gestion automatisée de ses collections est bénéfique, non seulement à lui-même, mais à d'autres bibliothèques.

En effet, c'est grâce à cette automatisation, permettant une authentification très soigneuse des données bibliographiques par un fichier central d'autorité, que la NLM a pu développer différents services de coopération avec d'autres bibliothèques, ou qu'elle a pu participer, avec la Library of Congress, à la publication, au verso de la page de titre, au moment de l'édition, de sa fiche de base avec ses vedettes-matières et sa classification. Les éditeurs acceptent en effet de reconnaître l'autorité de la NLM pour le catalogage et facilitent ainsi la tâche des petites bibliothèques. Cette opération nommée CIP (Cataloging in Publication), n'est possible que par l'automatisation qui permet la validation immédiate des données bibliographiques.

Ce souci de vérification et de perfection se retrouve également dans la manière dont la NLM conçoit le travail des bibliothécaires, et l'évaluation de la qualité et des résultats.

Car la technologie employée dans les opérations bibliothéconomiques trouve son pendant dans le souci constant, à tous les échelons, de traiter la NLM comme une entreprise commerciale, afin de mieux la gérer. Les techniques de marketing sont appliquées couramment : évaluation du public, des produits à lui offrir, de la promotion nécessaire pour faire valoir ces produits, et surtout de l'évaluation des résultats et des performances du personnel, afin de connaître les besoins réels de la NLM : statistiques, audits, rapports sur le temps passé et la qualité du travail permettent d'assurer au mieux une masse de tâches qui va toujours en se développant. Les deux techniques, informatique et marketing, se rejoignent d'ailleurs parfaitement, pour gérer les statistiques d'évaluation des produits (catalogues, bibliographies, formation de bibliothécaires, etc.).

S'il paraît peu vraisemblable de pouvoir gérer de la sorte les bibliothèques françaises (encore que cela soit pourtant la clef de bien des opérations de grande envergure), on pourrait déjà utiliser quelques-unes de ces techniques. Certaines sont difficiles à appliquer et relèvent d'un souci de rentabilité peu compatible avec l'idée qu'on se fait en France du « service public ». Mais une véritable étude de marché, adaptée à chaque établissement, des facteurs liés à l'environnement et à la situation administrative : (« clients »/« organismes rivaux »), en concordance avec le « macro-environnement » (grandes lignes et tendances politiques ou économiques), permettrait à tous de connaître les buts à atteindre, de les définir par rapport à chaque niveau de « client » (lecteur ou bibliothèque participant à un même réseau). Les études de « marketing différentiel » privé et commercial sont autant d'aides pour définir selon le type de clientèle ce que les Américains nomment les 4 « P » : Product, Place of distribution, Promotion, Price.

Un des points les plus essentiels, et qui marque bien l'étape nécessaire à la construction d'un système de bibliothèques réellement efficace, est l'utilisation de l'idée de l' « integrated marketing » : chaque section de l'institution en question doit refléter l'attitude générale de la bibliothèque et influence en retour l'efficacité du marketing. Il faut savoir passer de la simple idée que :
- une bibliothèque doit avoir les moyens de satisfaire les besoins de l'utilisateur sur un sujet précis,
à l'idée, beaucoup plus complexe, que :
- il faut, de plus, s'assurer que l'utilisateur ne passera pas à côté de ces possibilités, et que toutes les ressources disponibles lui seront offertes, et ce dans les meilleurs délais.

Cette étape, qui permet de faire, non plus du simple travail courant de bibliothèque, mais un véritable travail de recherche sur les ressources et disponibilités dans les autres institutions, est celle qui passe par l'établissement de réseaux et de systèmes de coopération entre bibliothèques.

2) Une coopération efficace sans excès d'autorité

Là encore, la NLM montre la voie à suivre. Ses efforts de coopération avec toute autre bibliothèque médicale, fût-elle de très petite importance, se manifestent de manière évidente, notamment par l'élaboration du réseau des bibliothèques médicales régionales : Regional Medical Libraries Network, RMLN, afin de mieux organiser le prêt interbibliothèque.

En effet, l'existence d'une bibliothèque médicale possédant pratiquement tout ce qu'il est possible à une bibliothèque d'acquérir en ce domaine, rendait paradoxalement l'accès aux documents plus difficile. Les bibliothèques demandeuses trouvaient plus facile d'expédier toutes les demandes directement à un centre où l'on était assuré de tout trouver ! L'engorgement qui en résultait rendait impossible l'exécution de ce service dans de bonnes conditions. La NLM a donc su procéder à l'installation d'une série de relais, d'étapes successives à franchir, avant d'avoir recours à la plus grande bibliothèque nationale médicale, pour essayer d'utiliser d'abord les ressources locales, puis celles de bibliothèques de la région aux ressources déjà plus importantes, afin de n'utiliser la NLM que comme dernier recours 1.

Ce réseau qui est essentiel pour un bon fonctionnement du prêt interbibliothèque devrait avoir un équivalent en France. La BIUM qui a été nommée CADIST depuis novembre 1980, se trouve actuellement confrontée à ce même type de problèmes : les demandes des Centres hospitaliers universitaires parisiens (jusqu'à une centaine certains jours), viennent maintenant s'ajouter aux demandes de province qui sont adressées en premier lieu directement à la BIUM. L'augmentation brutale du nombre des demandes, liée au manque de personnel du service de photocopie, compromet le développement du prêt-inter et la rapidité des services fournis devrait immanquablement en souffrir. La BIUM essaie de résoudre ce problème en signant des conventions ponctuelles avec diverses institutions : Société française d'ophtalmologie, Institut de médecine légale, et Bibliothèque du Val de Grâce (pour la médecine nucléaire), mais cela est dû à l'initiative du directeur de la bibliothèque, sans que le principe en soit établi sur le plan national et sans ce « tri » préalable des demandes.

Mais il faut bien voir que la NLM n'a pas obligé les bibliothèques participantes à s'intégrer à ce réseau, selon un cadre défini exclusivement par elle, ni en observant des règles qu'elle seule aurait édictées. Les diverses structures administratives des bibliothèques américaines rendent celles-ci plus indépendantes vis-à-vis d'une autorité centrale. Si la NLM a su convaincre les autres organismes de la nécessité de coopérer, c'est ensemble, par des réunions communes, que les principes en ont été étudiés. Les plus petites bibliothèques étaient consultées, les règles ont été fixées en commun et peuvent être modifiées selon les besoins locaux. Aucune bibliothèque n'a été intégrée à ce système sans son accord total. Pour adapter ce réseau aux conditions françaises, il serait difficile de prévoir des niveaux de hiérarchie : les bibliothèques universitaires n'ont pas en France des différences équivalentes à celles que l'on trouve aux États-Unis entre certaines universités privées. Un cadre de recherche primaire au niveau régional serait peut-être plus efficace, et permettrait d'utiliser également les ressources des bibliothèques municipales, des bibliothèques d'étude et de recherche, des laboratoires, des sociétés savantes, etc. Pour obtenir une bonne efficacité, il faudrait se souvenir que la concertation vaut souvent mieux qu'une décision autoritaire qui ne tient pas toujours compte des problèmes locaux.

La NLM sait également participer à tout nouveau système intéressant ou ayant fait ses preuves pour d'autres bibliothèques.

Ainsi le réseau de catalogage partagé de l'Ohio College Library Center (OCLC) comprenant le catalogage collectif de périodiques des bibliothèques participantes : CONSER, Conversion of Serials Project, signalant l'état des collections, s'est-il développé extrêmement rapidement. Bien que ce réseau ne soit pas limité à la médecine, la NLM a décidé d'y participer. Elle envoie donc ses bandes magnétiques à OCLC (devenu depuis On-Line Cataloging Center) pour y signaler ses acquisitions, afin que les notices bibliographiques des bibliothèques médicales participantes puissent intégrer les vedettes-matières de la NLM (les MesH) et aussi sa classification. Cette participation est totalement désintéressée, puisqu'elle coûte de l'argent à la NLM : en effet, la NLM n'a pas pour l'instant adopté le format MARC (bien qu'elle applique les règles de catalogage AACR 2 2). Pour que ses notices bibliographiques puissent être utilisables par les membres participants de l'OCLC, il faut donc que la NLM opère la transformation de sa notice en format MARC. On voit donc que pour la NLM, coopération ne signifie pas travail à sens unique permettant seulement le développement de la plus grande bibliothèque médicale du pays. Comme elle est prête à assurer diverses charges à ce titre, elle sait également reprendre et développer tout nouveau système, prenant le relais pour permettre à un réseau d'atteindre une nouvelle dimension.

C'est ce qu'on constate en effet pour les systèmes de coopération suivants :
- PHILSOM (Periodicals Holdings in Libraries of Schools of Medicine), repris par la NLM pour être intégré à sa base de données Serial Holdings Data (qui reprendra Serline),
- RLIN (Research Libraries Network), anciennement BALLOTS, est un système qui n'est pas directement utilisé par la NLM, mais par : les bibliothèques participantes (12 environ), la Library of Congress et le réseau Washington University Network. Cet essai de catalogage, réparti même au niveau du fichier d'autorité et de la validation des notices, est très intéressant pour la NLM, qui l'étudie surtout dans l'optique de l'élaboration du système MEDLARS III, cf. supra, car tous les systèmes existants doivent pouvoir théoriquement y être intégrés.

De plus, la NLM inclut maintenant dans ses propres bases de données, des renseignements fournis par d'autres bibliothèques :
- SERLINE contient des renseignements sur les périodiques de la NLM, mais aussi ceux reçus dans d'autres bibliothèques (comme l'UCLA : University of California Los Angeles Library) ;
- CATLINE contient les livres de la NLM, mais aussi des livres et des suites et périodiques reçus par SUNY (University of New York), et Harvard.

Tous ces exemples montrent à quel point la NLM ne se contente pas de ses propres produits, à l'exclusion de ceux des autres établissements : elle participe à toute œuvre de coopération, soit pour augmenter les ressources du système en question, soit pour les ajouter aux siennes propres.

Pour cela, la NLM adopte une attitude qui sait susciter, sans ordonner, et aussi elle mesure l'importance de maintenir une certaine souplesse à l'intérieur des grands principes : les bibliothèques OCLC voient la NLM transformer ses notices pour s'adapter à leur format MARC, et peuvent également obtenir les vedettes-matières et la classification de la Library of Congress, en même temps que les MesH et la classification de la NLM.

Elle sent si bien ce besoin de flexibilité, d'adaptation à la demande que le nouveau programme informatique Medlars III prévoit une compatibilité totale entre les formats (avec une utilisation directe du format MARC) et une saisie de données unique pour les fichiers informatiques intérieurs à la NLM (acquisitions, bulletinage, etc.) comme pour le fichier de la salle de lecture, pour les bases de données, pour les bandes magnétiques envoyées aux autres réseaux, ou l'intégration de tout autre réseau (comme RLIN).

Cette prise de conscience des besoins des autres bibliothèques se mesure à 2 niveaux :

a) une aide accrue aux bibliothèques par l'enseignement professionnel ;

b) la nécessité d'établir une politique bien définie pour chaque établissement, et qui soit en même temps le reflet de ce que nous étudierons dans notre point 3) : une philosophie des bibliothèques.

a) Enseignement professionnel et formation permanente

Tout d'abord la NLM, dans son souci de bonne gestion, essaie constamment d'aider son personnel à être plus efficace, notamment par une meilleure formation professionnelle. Des facilités sont accordées au personnel de la NLM pour assister à des cours à l'extérieur de la bibliothèque, sur des sujets extrêmement variés : de la communication de groupes, à l'économie ou aux techniques de gestion, etc.

Puis, d'autres catégories de personnel des bibliothèques peuvent recevoir une formation professionnelle dans le cadre de la NLM pour y étudier un sujet de recherches précis après présentation d'un dossier. C'est le « Library associate program in medical Librarianship and biomedical communications », dont le but est de mieux faire connaître les ressources de la NLM dans ses relations avec la communauté médicale, d'étudier les systèmes d'information médicale, afin de mieux savoir développer les efforts des bibliothèques médicales.

Il existe aussi le plan de formation continue intitulé « Librarian career development program », en liaison avec l'Université du Maryland.

La formation continue est donc pratiquée de manière extensive tout au cours de la vie professionnelle, et pour toutes les catégories de personnel (indexeurs comme personnel de bibliothèque à tous niveaux hiérarchiques) ; cela est considéré comme nécessaire pour maintenir l'intérêt constant du personnel pour son travail. Mais la bonne gestion d'une bibliothèque nécessite également aux yeux des bibliothécaires américains un autre type de réflexion dans le fonctionnement quotidien.

b) Une politique pour chaque établissement

Il est très frappant de voir à quel point tous les actes, même les plus quotidiens, qui constituent le service de bibliothèque sont étudiés systématiquement, définis et délimités. C'est sans doute un souci d'efficacité et de rendement qui a fait sentir le besoin d'expliciter ces modes d'activités.

Ainsi le service de recherches bibliographiques de la NLM précise dans son « Procedures Manual », édité par Joy Richmond, la nature et le domaine des recherches effectuées pour le public, ainsi que ses limites (sur le type de public à desservir en priorité, par exemple).

De même, le réseau de prêt interbibliothèque prévoit un tel énoncé de règles pour chacune de ses bibliothèques régionales. Comme la NLM est précisément aussi bibliothèque régionale pour la région IV (Mid-Atlantic), ce plan est très clair sur les rapports entre les divers « relais-étapes » que suit la demande de prêt. Mais il va plus loin : c'est par lui qu'on peut mieux saisir l'envergure de ce réseau, et voir qu'il dépasse le simple problème du prêt inter. On y apprend en effet que ce programme veut renforcer, promouvoir et susciter la coopération dans toutes les activités des bibliothèques et rendre accessible toute information biomédicale. On ajoute donc à la disponibilité des ressources de ces établissements la nécessité de les développer : par l'octroi de subventions, ou par la formation des bibliothécaires (qui peut être assurée par d'autres associations que la NLM, notamment par la Medical Libraries Association), et par une bonne information des bibliothécaires sur ces activités (avec l'appui de « conseillers extérieurs » envoyés par la NLM), dans le but de mieux partager cette information avec le public. Là encore, il est nécessaire de préciser au départ ce qui n'est pas du domaine d'une bibliothèque régionale par rapport aux bibliothèques locales.

Il est donc important de savoir fixer des règles négatives : par exemple, ce qui ne fait pas partie du domaine couvert par la NLM (Manual for Scope and Coverage). Car c'est seulement lorsque chaque bibliothèque sait ce qu'elle doit acheter, prêter ou cataloguer, qu'un véritable réseau coopératif peut être élaboré. Il faut connaître la place de chaque établissement dans cette pyramide, il faut reconnaître et accepter les divers échelons du prêt interbibliothèque, pour que l'ensemble puisse fonctionner. Pour cela, il faut d'abord commencer par clarifier les choses et définir les places et les rôles.

3) Une ligne de conduite déterminée par une véritable philosophie

Les bibliothécaires français devraient pouvoir accepter ces règles, qui pourraient être la suite logique de la pensée de Boileau : « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement » !

D'autant que l'intérêt de la chose ne réside pas seulement dans la bonne marche de l'établissement, par une amélioration des codes de répartition du travail. L'entreprise va beaucoup plus loin. Il serait trop facile de croire que ces règles ne font qu'enfoncer des portes ouvertes quand elles débordent le cadre du règlement intérieur. Nous avons un peu trop tendance à trouver puéril le fait de déclarer ouvertement : qu'une bibliothèque doit acquérir et conserver du matériel documentaire. Mais la philosophie sous-jacente est essentielle, elle est la justification de l'existence du bibliothécaire. Ainsi quand la NLM déclare dans son Manual for Scope and Coverage : « que la NLM doit considérer son rôle en tant que ressource nationale pour la fourniture de littérature biomédicale introuvable ailleurs et, en tant que centre bibliographique national pour la médecine, qu'elle ne doit pas se limiter aux connaissances du moment, ni aux préoccupations actuelles, que l'art de guérir ne peut se comprendre que dans un contexte culturel... », ces idées sont essentielles pour faire d'une importante bibliothèque, une « grande » bibliothèque.

Un des membres de la Direction de la NLM, Lois Ann Colaianni, citait déjà, lorsqu'elle était présidente de la Medical Library Association, cette maxime : « Where there is no vision, the people perish » 3, « Une société qui n'est pas visionnaire est condamnée ». Cette philosophie doit servir à coordonner les plans, les réseaux, les divers systèmes de coopération que nous voyons s'accomplir simultanément en Amérique : tous pourront à terme s'imbriquer et former un seul mouvement d'élan, pour une meilleure communication, et même à l'échelon international : CONSER sert déjà de fichier d'autorité pour les périodiques des bibliothèques du Canada, d'Australie et d'Angleterre qui veulent y participer ; PHILSOM, intégré à SERLINE, avec RLIN, sera compris dans la base de la NLM : Serial Holdings Data Bank, puis, grâce à la National Authority File de la Library of Congress, cette base sera intégrée dans le NSDP : National Serials Data Program, lui-même partie du BSDP : Bibliographic Service Department Program. Les pièces du puzzle s'assemblent grâce à l'idée directrice qui les gouverne et les harmonise ; la coopération internationale se développe aisément par le Centre International d'attribution des ISSN de Paris (CIEPS), et facilite les relations et les transactions entre les pays (DOCLINE doit être renforcé pour le prêt-inter)... Alors on retrouve le sens de la devise nationale des États-Unis : « E pluribus unum », qui pourrait si bien être la devise d'un réseau de coopération entre bibliothèques...

De telles imbrications ne sont cohérentes que dans un programme où chaque établissement sait ce qu'il fait et où il va. Si l'énoncé d'une philosophie des bibliothèques fait sourire, alors il ne peut y avoir de bonnes bibliothèques. Mais il faut que chaque établissement y participe, se sente concerné et tenu par ses déclarations et ses engagements.

Alors, des réseaux peuvent s'établir en coopération libre et mutuellement consentie, sans excès d'autorité. Et c'est ensuite seulement que les moyens techniques peuvent donner les résultats qu'on en espère. Mais sans l'idée, ou l'idéal, qui doit guider les bibliothèques et les bibliothécaires, les outils technologiques ne seraient que ce qu'ils sont : des machines.