Jean Crespin

un éditeur réformé du XVIe siècle

par Louis Desgraves

Jean-François Gilmont

Genève : Droz, 1981. - 292 p. : ill. ; 25 cm. - (Travaux d'humanisme et renaissance ; 186.) Index p. 279-288.

Jean Crespin fut, dans la seconde moitié du XVIe siècle, un des plus importants parmi les éditeurs-imprimeurs réformés installés à Genève : entre 1550 et 1572, il a publié plus de 250 éditions. L'étude que M. Jean-François Gilmont consacre à Jean Crespin est centrée sur une certaine approche du livre imprimé, mettant l'accent sur le livre-objet comme source pour l'historien. En dressant la bibliographie des éditions crespiniennes, l'auteur a pu reconstituer une documentation cohérente complétant les trop rares sources classiques, archives et correspondances. Les méthodes de la bibliographie matérielle lui ont, en outre, permis de tirer une vue d'ensemble de l'évolution de l'officine typographique de Crespin.

L'ouvrage ici présenté est une version allégée de la partie synthétique d'une dissertation doctorale présentée le 14 février 1977 à l'Université Catholique de Louvain. La description et l'analyse des ouvrages imprimés par Crespin feront l'objet d'une publication séparée dans la collection « Livre, idées, société » publiée par M. P.M. Gason à Verviers.

Après une brève introduction dans laquelle l'auteur définit sa méthode, la monographie est divisée en dix chapitres qui retracent la biographie de Crespin et ses activités éditoriales. Le premier chapitre rappelle ce que furent les premières années de Jean Crespin, depuis sa naissance à Arras vers 1520 jusqu'à son arrivée à Genève au mois d'octobre 1548, étudiant tour à tour le milieu du patriciat arrageois où il naquit, sa formation juridique à Louvain et à Paris, son choix décisif de la Réforme, ses premiers contacts avec les Réformés et les amitiés qu'il lia dans ce milieu et son expérience du Nicomédisme. Ainsi formé, Crespin a un idéal lorsqu'il arrive à Genève, « abandonner les préoccupations ambitieuses de la plaidoirie, pour la carrière typographique, combien plus utile à la société et à l'Église ».

A Genève, plus d'un millier d'habitants, soit plus de 5 % de la population totale, vivait de l'édition, lorsque Crespin s'y installe ; aussi, dans son second chapitre, M. Gilmont rappelle-t-il l'importance économique, intellectuelle et religieuse du livre à Genève, et les conditions de travail des imprimeurs et des éditeurs. Puis, il étudie successivement l'imprimeur (chapitre III), le financement des éditions (chapitre IV), pour s'attacher ensuite aux principaux auteurs théologiques publiés par Crespin (chapitre V) : textes de l'Écriture sainte, Jean Calvin, Théodore de Bèze et les réformateurs de langue française, Bullinger et ses amis. La production de Crespin dans d'autres langues modernes que le français témoigne de son souci des communautés étrangères et révèle son rôle international (chapitre VI), puisque 10 % de sa production est consacrée à des auteurs italiens, espagnols et à la publication d'exilés britanniques.

Le chapitre VII analyse les genres littéraires des éditions de Crespin dont toute la production est dominée par des préoccupations religieuses. Les principaux genres théologiques et l'histoire de l'Église y tiennent donc une place éminente, sans que soient pour autant négligées d'autres catégories d'ouvrages : livres scolaires, grammaires et dictionnaires, éditions d'auteurs classiques enrichies de commentaires humanistes, ouvrages de droit civil.

Un chapitre entier (chapitre VIII) est consacré à l'étude du fonds crespinien qui, avec quinze éditions en vingt ans, a rencontré le plus vif succès, le Livre des martyrs dont Crespin fut à la fois l'auteur, l'éditeur et l'imprimeur. M. Gilmont consacre à l'évolution de cet ouvrage des pages très denses qui lui permettent de déterminer les préoccupations de l'auteur, quelques traits de sa méthode de rédaction et les conditions de fabrication du livre.

Les deux derniers chapitres étudient la politique d'édition de Crespin (chapitre IX) et replacent son activité au sein de la société de son temps (chapitre X). Une liste abrégée des éditions crespiniennes (p. 245-280), des illustrations reproduisant les marques, des encadrements, des lettres utilisées par Jean Crespin, des contrefaçons de sa marque et de ses alphabets, et un index des noms propres, complètent cet ouvrage. Par la méthode mise en œuvre, par l'abondance de la documentation, le livre de M. Gilmont marque une étape importante dans le développement et le renouvellement des études consacrées aux imprimeurs-éditeurs de la Renaissance.