A Rare book saga, the autobiography of H.P. Kraus

par Jean-Marie Arnoult

Hans P. Kraus

London : A. Deutsch, 1979. - XVII-[3]-386 p. : 27 ill. ; 23 cm. Index p. 377-386. - ISBN 0-233-97090-8 : £ 7.95

Atmosphère feutrée de cabinets particuliers, silence religieux de bibliothèques privées, tractations commerciales où la diplomatie requiert la pratique familière de toutes les ressources de la psychologie humaine, connaissance parfaite du Gotha des bibliophiles, voyages à travers le monde : telle est la vie d'un libraire de livres anciens. Plus exactement, la vie de Hans P. Kraus, dont le nom est à lui seul un symbole dans la profession.

Les bibliophiles, dans l'acception la plus large du terme, aimeront ce livre, car la vie de H.P. Kraus est elle-même un roman d'aventures écrit avec humour et pudeur. Mais cette autobiographie passionnante ne constitue en fait que le tiers environ du volume. Le reste est une succession de souvenirs, d'anecdotes, de portraits savoureux de bibliophiles, de bibliolâtres, qui font le grand plaisir de cette lecture.

Une partie, et non la moindre, des vedettes de la bibliophilie contemporaine est là évoquée : H.P. Kraus est sans doute le seul homme au monde à avoir tenu dans ses mains les plus beaux livres, les plus précieux, les plus rares, les plus chers, ceux qui font rêver, ceux qui constituent la « bibliothèque imaginaire ». L'auteur en est fort conscient et sa fierté est parfaitement légitime. On pourra regretter l'acquisition de manuscrits d'origine française par des bibliophiles américains ; on s'étonnera de voir exilées certaines parties de notre patrimoine que les lecteurs découvriront au fil de la lecture. Ils apprécieront cependant l'intelligence, l'intuition, l'érudition de H.P. Kraus pour qui les pérégrinations des livres font partie intégrante de leur histoire. Sinon, il n'y aurait plus de libraires de livres anciens... Car H.P. Kraus est aussi un bon commerçant, nul n'en doutera plus à la lecture de ce livre qui est pour une part une justification engendrée par un sentiment de culpabilité à vendre des beaux livres comme de simples marchandises. Ces mémoires ne faillent pas à la tradition de la psychanalyse. L'équivoque est d'ailleurs souvent savoureuse, en particulier dans les deux derniers chapitres (« I am also a collector » ; « Why I will be remembered ») qui résument la grande passion d'un homme pour des livres qui ne furent siens qu'un court laps de temps, entre le plaisir puéril de l'acquisition et le plaisir ambigu de la vente, « le temps d'un sein nu entre deux chemises ».