Catalogue des manuscrits cam des bibliothèques françaises

par Christiane Rageau
par P.B. Lafont, Po Dharma et Nara Vija. - École française d'Extrême-Orient, 1977. - 261 p. ; 28 cm. - (Publications de l'École française d'Extrême-Orient ; 114.) Index p. 241-261.

Pratiquement interrompues pendant un demi-siècle, les études cam ont repris vigueur ces dernières années dans le cadre du Centre d'histoire et civilisation de la péninsule indochinoise de la IVe section de l'EPHE (École pratique des hautes études). Un Groupe de recherche cam s'est constitué en 1969 dans son sein et a alors très vite établi un bilan des recherches faites auparavant ainsi que de la documentation existante (publié in Actes du XIXe Congrès international des Orientalistes, Asie du Sud-Est. - Paris, 1977).

Depuis sa création, le Groupe a préparé une bibliographie sur les cam et le Campà qui doit paraître prochainement. Un état de l'épigraphie a été dressé et le fonds des archives royales cam de la Société asiatique commence à être dépouillé. Quant aux manuscrits - précisons qu'il n'existe pas d'imprimés - aucun recensement n'en avait jamais été fait. Préalablement à la rédaction même des notices, et compte tenu de l'ampleur du projet de recherche, le Groupe a mis au point un système de translittération de l'écriture cam valable pour le cam ancien, celui des inscriptions, le cam moyen et le cam moderne, celui des manuscrits (publié in BEFEO, Tome LXIV, p. 243-255 sous le titre « Essai de translittération raisonnée du cam »).

En ce qui concerne l'inventaire des manuscrits se trouvant en France, le Groupe a repéré cinq collections dans des institutions parisiennes. Ces cinq fonds sont décrits, ce qui n'exclut pas le fait que des manuscrits isolés puissent encore se trouver, non identifiés, dans des bibliothèques municipales ou privées. Au total, 347 pièces sont analysées. Elles sont conservées à l'EFEO (École française d'Extrême-Orient), la Société asiatique, les Missions étrangères de Paris, le Centre d'histoire et civilisation de la péninsule indochinoise et la Bibliothèque nationale. L'importance de ce chiffre a étonné les spécialistes.

Que contiennent ces textes, comment se présentent-ils, d'où viennent-ils ? Il faut d'abord se souvenir que le Campà, royaume indianisé attesté dès la fin du IIe siècle (après J.-C.) par les textes chinois, exista sur la côte de l'actuel centre Vietnam avant de disparaître peu à peu sous les assauts des Vietnamiens descendant vers le Sud. Aujourd'hui, il reste de ce pays des vestiges archéologiques comportant des inscriptions en cam et en sanskrit et surtout trois groupes humains. Le premier de ces groupes, le plus important, est installé au Vietnam dans la province de Thuân Hai. Un second groupe se trouve un peu plus à l'ouest, dans la région de Châu Dôc. Le troisième vivait au Cambodge, non loin de Phnom-Penh. Sur le plan religieux, la majorité de cette population est islamisée bien qu'un certain nombre, en particulier au Vietnam, pratiquent encore une religion qu'ils qualifient de brahmanique.

On était persuadé, jusqu'à ces dernières années, que la plupart des manuscrits cam avaient disparu avec la perte de l'indépendance du Campà. C'est pourquoi aucune étude sur cette littérature n'a jamais été tentée. En fait, il n'en est rien. Des manuscrits, soit sur feuilles de palmier gravées au poinçon, soit sur papier dit chinois noté à l'aide d'une encre locale, sont conservés et jalousement dissimulés aux curieux dans les villages cam. Des orientalistes comme P. Mus, E.M. Durand ou G. Moussay ont recueilli une partie importante des collections conservées en France. Néanmoins, il faut noter que les manuscrits originaux sont relativement peu nombreux « ce qui est normal, précisent les auteurs, car un véritable chercheur ne dépouille pas, même par achat, un détenteur de textes, car ceux-ci, fondement de la culture locale, doivent rester au sein du groupe qui les a conçus et qui les utilise ».

La volonté de grouper dans un volume unique tous les manuscrits cam se trouvant en France doit être saluée ici. Sans remettre en question l'originalité de chacun des fonds décrits séparément, les auteurs de ce travail ont réussi à mettre à la disposition des chercheurs un ensemble de documents très variés, abordant les aspects les plus divers de la culture cam. Un très intéressant index par matières - à côté d'un index des noms - donne sa cohérence à l'ensemble et en fait l'outil documentaire que les auteurs ont véritablement souhaité réaliser.