Jeux et jouets

essai d'ethnotechnologie

par Marie-Madeleine Rabecq-Maillard
sous la dir. de R. Joulin. - Aubier-Montaigne, 1979. - 341 p. ; 22 cm. - (L'Enfant et l'avenir.) ISBN 2-7007-0128-3

Voici un ouvrage d'autant plus intéressant que, jusqu'à présent, les ethnologues se sont peu préoccupés du jouet, de son importance dans la société, de son histoire et de l'industrie qui le fabrique.

A quoi on joue, le moment de jouer, jouets, jeux de société - tels sont les thèmes de la première partie de ce livre. Vient ensuite une analyse du jouet industriel, de son évolution et de son importance croissante dans le monde actuel.

Ainsi les textes rédigés par sept ethnologues comblent beaucoup de lacunes. Ils ont le mérite de faire entrevoir la dégradation de la notion de jeu et de jouet dans notre société industrielle, l'assassinat progressif, voire la proche disparition, de la plus belle des activités humaines parce que gratuite et désintéressée : l'activité ludique.

Nos lecteurs ludothécaires tout particulièrement, liront le chapitre très riche et très pertinent consacré aux ludothèques, chapitre qui pourra être utilement complété par l'ouvrage récent publié par le Centre de création industrielle Georges Pompidou qui, se proposant un autre objet, contient des renseignements d'un caractère plus pratique (plan d'une ludothèque idéale, par exemple).

Plus discutable parce qu'il ne considère que les jouets susceptibles de se transformer (le bâton devient épée, lance, cheval, fusil) suivant les goûts momentanés du joueur, nous paraît le chapitre où l'ethnologue nie la possibilité de faire l'histoire du jouet parce que « le jouet n'est pas un objet ». S'il est difficile, en effet, de faire l'histoire de jouets que les enfants utilisent au gré de leur fantaisie et qui servent momentanément de support aux phantasmes de leurs rêves, il est possible, en revanche, d'étudier dans le temps (c'est le propre de l'historien) les origines, les transformations de certains objets-jeux, le billard, par exemple, et, s'il est vrai que l'histoire idéale du jouet sera incomplète, par suite de l'étendue du sujet et de la difficulté d'appréhender des objets en perpétuelle mutation, il est encore vrai que cette même histoire peut être entreprise - elle l'a été avec plus ou moins de succès - si l'on a soin d'indiquer dans une introduction préalable la difficulté d'une telle tâche et ses lacunes inévitables. A cette histoire du jouet pourront contribuer les ethnologues. M. J. Grangé lui-même fait dans le même volume une étude des variations historiques de la toupie qui apporte beaucoup d'eau au moulin des historiens. Les sociologues, les archéologues, les psychologues, et les éducateurs, qui ont contribué à l'ouvrage Jeux et sports publié sous la direction de R. Caillois, ont montré qu'une telle tâche n'était pas impossible. Elle a nécessité précisément la collaboration de spécialistes éminents. Entreprise ardue et quasi encyclopédique qui eut le mérite de rapprocher les tenants de disciplines diverses, aujourd'hui de plus en plus cantonnées dans leurs spécialités respectives, cloisonnement qui constitue l'un des maux engendrés par notre civilisation.

Ceci dit, il faut lire le livre Jeux et jouets. Riche en constats trop souvent négligés, il apporte une précieuse contribution à l'étude du jeu et des jouets, des rapports société/enfants. Il dénonce avec raison que le cadeau, poli et parfait dans sa fabrication, ne stimule plus l'esprit créatif de l'enfant, n'entretient pas en lui les rêves qui reposent des contraintes multiples de notre société. Le jouet-cadeau ne se confond pas avec la fonction jeu, elle l'étouffe. Telle est la conclusion pessimiste mais évidente du présent volume. Nous y souscrivons d'autant plus volontiers que nous avons souvent dénoncé les tricheries, parfois inconscientes mais certaines, engendrées par le jeu, le jeu éducatif surtout.