Prosper Mérimée et les monuments du Dauphiné

lettres et rapports inédits de Prosper Mérimée, recueillis et annotés par Jean Mallion

par Gilbert Nigay
Grenoble: Éd. des cahiers de l'Alpe, 1979. - 121 p. -[8] p. de pl. ; 24 cm

Mérimée a fait, au cours de ses nombreuses tournées, six ou sept missions en Dauphiné et s'est intéressé aux principaux monuments de Vienne, de Saint-Chef, de Grignan et de Romans. Mais il n'a pas négligé tout le reste, que ce soient les fouilles archéologiques de la Buisse ou la Cathédrale d'Embrun. L'ouvrage suit les pérégrinations de Mérimée - le voyage à l'époque romantique était pénible et difficile, sinon aventureux - et retrace les difficultés administratives rencontrées, les obstacles à vaincre, par la publication des rapports et des lettres de Mérimée aux autorités. Relevons dix lettres qui ne figurent pas dans la Correspondance générale.

Mais l'ouvrage révèle aussi un Mérimée beaucoup plus familier. Il écrit à Hippolyte Royer-Collard, le 15 août 1834 : « Je suis entré aujourd'hui à Autun en écrasant une oie sous les roues de mon char traîné par deux chevaux au galop. Le char était un tape-cul presque sans dossier... Je suis roué, moulu ». Ou encore au même le 15 septembre : « La vie que je mène est abrutissante. Quand je ne vais pas en voiture, je me lève à neuf heures, je déjeune et je donne audience aux bibliothécaires, archivistes et autres espèces. Ils me mènent voir leurs masures. Si je dis qu'elles ne sont pas carlovingiennes, on me regarde comme un scélérat et on ira cabaler auprès du député pour qu'il rogne mes appointements »... Néanmoins, l'inspecteur accomplit sa mission. Il refuse des réparations « en plâtre » de sculptures en pierre et dans son rapport du 18 janvier 1850 il loue l'architecte d'un nouveau projet, car il n'a pas cherché comme dans le premier projet « à compléter les monuments. Il ne s'attache qu'à les restaurer, qu'à refaire les parties détruites, mais dont il subsiste des indices certains ».

Publication d'inédits et de sources, copieux index des noms de lieux et de monuments, richesse d'illustrations de l'époque romantique, font de cet ouvrage un excellent instrument de travail. Mais l'auteur, spécialiste de Mérimée dont il a été le coéditeur de la correspondance et qui vient de procurer dans la Collection de la Pléiade l'édition des Romans et nouvelles et du Théâtre a su de plus retracer avec talent les démarches, les tracas, les efforts sans cesse renouvelés de l'inspecteur dont la tâche était bien réelle et très éloignée d'une sinécure ou d'une prébende accordée au talent littéraire.