Le laboratoire photographique dans les bibliothèques universitaires

Jean-Yves Roux

Dans une bibliothèque universitaire, le laboratoire photographique remplit des fonctions documentaire, conservatrice, pédagogique et technique

In a university library, the photographic laboratory performs documentary, conservative, pedagogic and technical functions

L'intégration d'un laboratoire photographique dans le fonctionnement d'un service public, « a fortiori » à vocation documentaire, n'est pas un fait nouveau.

Cependant, cette initiative n'a peut-être pas été analysée dans le détail quant aux possibilités nouvelles, aux perspectives d'activités originales qu'elle offrait pour le fonctionnement de l'organisme qui en est doté.

Ces retombées sont liées à la spécificité technologique du procédé de base, mais la souplesse de ce dernier offre une grande variété de résultats qui sont fonction des tâches dans lesquelles il est employé.

Pour ne prendre comme exemple que les Bibliothèques, il est bien entendu que la finalité du laboratoire photographique sera très différente selon qu'il est intégré à une bibliothèque de lecture publique, de conservation ou dans une bibliothèque universitaire.

C'est à ce dernier titre que nous souhaiterions évoquer les quatre fonctions qui nous apparaissent comme fondamentales pour le service photographique d'une bibliothèque universitaire.

I. La fonction documentaire

C'est sans aucun doute, de toutes les activités envisageables celle qui se présente immédiatement à l'esprit de la plupart des professionnels de l'information et de la communication que nous sommes. Il convient cependant d'en mieux définir les limites et le contenu.

Depuis 30 ans, des possibilités nouvelles de reproduction sont apparues et permettent désormais parallèlement aux techniques traditionnelles chaque jour perfectionnées, la multiplication et la diffusion de l'écrit et des arts graphiques.

La photographie est de tous ces procédés le plus ancien et celui qui a bénéficié depuis 150 ans des perfectionnements les plus nombreux. Technique désormais majeure et aux applications économiques innombrables (industrie, commerce, recherche, loisirs), il faut souligner qu'elle a profondément influencé l'évolution de l'imprimerie sans pourtant y être inféodée comme le sont actuellement les autres procédés de reprographie.

Mais ce qui la rend extrêmement séduisante pour les bibliothécaires, c'est avant tout la grande fidélité de restitution qu'elle procure et les possibilités concomittantes de réduction ou d'agrandissement de l'image finale par rapport au document initial.

Plus peut-être que la multiplication, ces deux qualités sont fondamentales pour assurer la diffusion évoquée plus haut : à partir du document de position (l'original en quelque sorte) pourront être réalisés des documents de transmission à échelle plus ou moins réduite, utilisables soit quasi directement par examen optique, soit après agrandissement sur un support physique durable.

L'on perçoit immédiatement tout l'intérêt que revêt dans le monde actuel une procédure qui, du point de vue de la gestion :
- élimine la transmission de l'original,
- favorise celle de la copie par le volume restreint de cette dernière,
- permet une exploitation multiforme et un stockage aisé par l'utilisateur ; sans exclure le retour au lieu d'origine, compte tenu du faible coût des transferts.

L'amélioration des méthodes de localisation à l'échelon mondial du document rare et le développement constant du prêt international n'ont pas toujours été suivis par une sécurité et une rapidité accrues des délais d'acheminement.

Il en résulte que nos établissements ont intérêt à proposer une copie sur film chaque fois que la nature du document exclut son expédition.

L'expérience nous a montré que cette formule pouvait être appliquée avec l'accord du destinataire dans 90 % des cas pour deux types de documents :

- Les thèses locales qui sont facilement réalisées sous forme de microfiches 105 × 148 au rapport x 20 (60 vues).

Le coût de la microcopie mère n'excède actuellement que rarement 25 F pour une moyenne de 300 pages.

Dans cette perspective, lorsque l'ouvrage est imprimé, une autorisation de reproduction et de prêt est soumise à la signature de l'auteur lors du dépôt initial. La réglementation de 1976 concernant le dépôt des thèses favorisera certainement la transmission des microfiches de thèses dont la réalisation systématique avait été entreprise par le CNRS voici quelques années et devrait être reprise dans le cadre d'une organisation nationale du prêt.

- Les ouvrages anciens à caractère précieux ou plus souvent encore les documents du XIXe siècle d'intérêt scientifique au sens large qui doivent être de préférence réalisés sous forme de microfilm en bandes de 35 mm : la grande fidélité de restitution des illustrations ou des graphiques, la possibilité d'accentuer le contraste de certains manuscrits ou imprimés anciens fera préférer ce type de format.

Dans l'ignorance où l'on se trouve encore trop souvent de l'utilisation privilégiée qu'en fera le lecteur (lecture directe ou reproduction préalable sur papier), il conviendra de fournir la copie sous forme de négatif, sauf demande expresse de la restitution en positif.

L'utilisation constante par les chercheurs locaux d'ouvrages exclus du prêt exige qu'une solution analogue soit adoptée à leur intention. La mission régionale des bibliothèques universitaires impose également la fourniture d'une copie aux chercheurs ou laboratoires géographiquement isolés : les centres de biologie marine, d'océanographie, les stations de terrain (botanique, zoologie, agronomie), les observatoires sont actuellement les cas les plus souvent rencontrés.

Nous devons rappeler que cette activité de diffusion vers l'extérieur
- doit tenir compte de façon rigoureuse de la réglementation et de la jurisprudence concernant le droit d'auteur et de reproduction,
- suppose pour un dévelopement futur l'existence en aval (au niveau de l'usager) des moyens d'exploitation adéquats.

La dissémination de plus en plus fine d'appareils de lecture est un pas dans ce sens : leur standardisation appuyée sur l'utilisation privilégiée de quelques rapports de restitution est en bonne voie.

Mais il est essentiel qu'à très court terme l'accent soit mis sur l'équipement des bibliothèques en matériel de restitution rapide sur papier ordinaire.

II. La fonction conservatoire

C'est une notion souvent empreinte d'ambiguïté pour les bibliothécaires universitaires de plus en plus confrontés à la consultation rapide, par leur public, des documents récemment (ou pas encore !) publiés, mais aussi, et par voie de conséquence, à la protection d'un patrimoine national qu'ils sont pratiquement les seuls à détenir, à développer et à organiser. Prêter, communiquer tout en conservant, voilà bien le dilemme !

Si la conservation ne doit pas être la finalité de leur action, elle doit cependant apparaître comme un souci constant face à l'utilisation de plus en plus intense des supports de base que sont le livre ou le périodique.

Le laboratoire photographique ouvre à cet égard des perspectives exceptionnelles : il n'est, pour s'en convaincre, que de souligner l'importance accordée à cette technique par les grandes bibliothèques chargées de cette mission tant en France qu'à l'étranger.

La Bibliothèque Nationale et son annexe de Versailles bénéficient à cet égard de services photographiques dont les moyens et les objectifs sont éloquents.

Pour les bibliothèques universitaires dont les fonds rares et précieux sont souvent modestes (sans toutefois devoir être négligés), l'activité conservatoire du laboratoire photo s'exercera plus fréquemment à l'égard des ouvrages et collections du XVIIIe ou du XIXe siècle dont l'exploitation assez fréquente soit directement par le lecteur, soit par l'intermédiaire de la photocopie exigerait qu'ils subissent à plus ou moins long terme une véritable restauration.

Devant l'insuffisance actuelle des moyens mis en œuvre dans ce domaine, il convient bien souvent de réaliser, sur microfiche ou en cas d'impératif sur microfilm 35 mm, un double qui sera conservé à la bibliothèque selon des normes édictées à cet effet.

Si l'équipement l'autorise, des duplicata seront exécutés pour le prêt ordinaire ou la cession pure et simple à distance.

Actuellement, cette procédure peut être conduite de façon à obtenir des copies diazoïques ou cellulosiques à partir d'un appareil d'une grande simplicité de manipulation et d'un prix abordable : ces duplicata sont d'un coût très modique.

Dans le cas contraire, deux prises de vues successives aboutissent au même résultat, c'est-à-dire à la mise en place parallèlement au fonds livresque, de deux fonds microfilmés :
- l'un destiné à la conservation pure,
- l'autre à la cession ou au prêt.

III. La fonction pédagogique

La mission d'une bibliothèque universitaire, souvent rappelée ces dix dernières années, comporte des aspects spécifiques au milieu desservi. Milieu d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs, par nature très créatif, porté à exploiter les méthodes d'enseignement les plus modernes.

Très naturellement et si elle dispose des moyens adéquats, la bibliothèque va pouvoir s'associer à ces réalisations, que ce soit pour :
- l'illustration d'un cours, d'une soutenance de thèse ou des exemplaires imprimés de ce même travail de recherche ;
- l'adjonction de documents iconographiques ou « manuscrits » que l'on envoie à la rédaction de telle ou telle revue ;
- la diffusion de photographies réalisées au cours de travaux en groupes, d'excursions sur le terrain (Géographie, Sciences de la Terre, Écologie).

La restitution selon un format réduit et un support maniable de relevés scientifiques spéciaux (Spectrométrie, Géophysique, Radiographies médicales, Plans technologiques).

Cette énumération partielle permet de mesurer l'importance qu'il y a pour une bibliothèque à développer grâce au laboratoire photo sa vie de relation avec les autres structures universitaires en élargissant sa mission à la reproduction de documents très variés, le plus souvent extérieurs à ses fonds.

Cette attitude habitue progressivement l'usager à se tourner vers nos établissements pour la recherche, mais aussi la diffusion multiforme de l'information qu'elle soit écrite, plus généralement graphique ou visuelle. Elle facilite son travail pédagogique et la divulgation de ses résultats personnels.

Le laboratoire photographique, pour atteindre cet objectif, devra être équipé en conséquence pour la prise de vue de documents de petite taille, de transparents, la restitution de diapositives, le tirage sur papier ou sur supports translucides projetables (type OMNIGRAPH).

Au matériel de micro-reproduction, il sera donc nécessaire d'associer un système photographique plus classique :
- appareil 24 X 36 et objectifs adaptés à la macro-photographie et à la reproduction des diapositives ;
- des tireuses-contact pour petit et grand format de film ;
- des agrandisseurs ;
- un statif de reproduction ;
- le matériel annexe de traitement des papiers et de prévoir les locaux en fonction de ces impératifs d'exploitation : le tirage des épreuves étant effectué, pour des raisons techniques, en un lieu distinct de celui où sont exécutés les développements de films.

Bien plus que les deux précédentes, cette orientation exige souplesse de fonctionnement et adaptation du personnel aux besoins exprimés par le demandeur. Elle nécessite également que soient rappelées de temps à autre les limites du service rendu en fonction d'une finalité, certes élargie, mais néanmoins limitée : la doctrine doit être de suppléer aux inaptitudes du secteur privé, sans se supplanter à lui dans ses réalisations traditionnelles.

A l'expérience, il s'avère que ces réserves indispensables ne présentent aucune difficulté d'application et sont sans commune mesure avec le bénéfice retiré par la bibliothèque d'une conception élargie de sa mission documentaire.

IV. La fonction technologique

Service technique, le laboratoire photo doit répondre avant tout aux deux premiers besoins manifestés précédemment. Mais, ainsi que d'autres services (offset, reliure, photocopie), il est intégré au sein d'un établissement dont le fonctionnement ordinaire est désormais jalonné de réalisations ou d'initiatives ayant pour but de le mieux faire connaître.

- Seul ou associé à l'atelier d'impression, ce service peut valoriser par la reproduction iconographique qu'il facilite grandement, la préparation des expositions dans lesquelles l'œuvre originale n'est pas directement consultable ou manipulable.

Une exposition ou la participation à une manifestation culturelle extérieure doit toujours, par l'image qu'elle propose des participants, tendre à la qualité.

L'atelier photo est alors un auxiliaire précieux, où un simple texte dactylographié peut prendre, par la vertu de l'agrandissement, l'importance qu'il mérite associé aux documents qui l'accompagnent.

* Pour assurer la continuité entre l'œuvre et le public l'affiche est un media trop souvent négligé des bibliothèques pour promouvoir leurs richesses. Tout laboratoire doit être en mesure de préparer les clichés tramés à cette fin et l'investissement complémentaire qui le permettra est assez modéré.

* Depuis quinze ans, le libre accès à l'essentiel des collections est une règle quasi générale de fonctionnement des bibliothèques universitaires.

L'un de ses inconvénients primordiaux se situe dans la difficulté que rencontre l'usager à atteindre le document repéré au catalogue et la démarche « sensu stricto » du général au particulier est souvent le fait d'une signalisation écrite ou codée : le laboratoire photo permettra, par l'exploitation des procédés de report à sec de la remodeler, de la multiplier, de l'amplifier et surtout de l'égayer en l'illustrant.

* La micrographie prend peu à peu la place qui lui revient dans la chaîne documentaire et les bibliothèques universitaires s'y intéressent désormais beaucoup plus qu'elles ne l'avaient fait jusque-là. Encore faudrait-il qu'elles n'en assurent pas seulement l'accueil, le traitement et la mise à disposition, tâches d'ailleurs rarement réunies au sein de nos établissements, mais aussi la réalisation proprement dite, la duplication et enfin la restitution.

Cette question d'actualité pourrait faire dès à présent l'objet d'une étude beaucoup plus précise et détaillée. Notre objectif était plus général.

Nous ne pensons pas avoir fait œuvre de novation en proposant ces quelques réflexions sur les utilisations diverses d'un laboratoire photographique au sein d'une bibliothèque universitaire, mais il nous paraît souhaitable qu'elles restent présentes à l'esprit de tous les collègues responsables d'un service dont les ressources sont multiples.