Variation des prix des périodiques

Jean-Pierre Bitard

L'idée de cette enquête menée au cours du 2e trimestre 1977 était d'évaluer la variation des prix des périodiques scientifiques de 1969 à 1975 ou plus exactement l'augmentation du coût réel en francs français de ces périodiques.

La liste de référence est celle des « Current contents. Physical and chemical sciences ». En fait, il s'agit de périodiques de chimie, physique et mathématiques, la liste exclut les sciences de la vie. Trois titres, dont personne ne contestera l'importance, ont été ajoutés : « Sciences abstracts (A et B) », « Chemical abstracts », « Mathematical reviews ». La liste des « Current contents » semble être une sélection sérieuse - au dire des chercheurs consultés - avec des points contestables ; en particulier elle demanderait à être quelque peu actualisée. Mais les titres nouveaux importants n'entrent probablement pas dans les basses tranches de prix !

Cette liste des « Current contents » ne comporte pas les prix, comme chacun sait. Il a donc fallu chercher ces prix dans les éditions de 1969 et de 1975/1976 de l'« Ulrich international periodical directory » : il s'agit en fait des tarifs de 1969 et de 1975.

Les prix de l'« Ulrich » sont à l'usage des clients américains, les abonnés européens supportant en fait une charge plus lourde, mais on peut penser que la comparaison reste valable pour un lot de 500 titres.

La difficulté principale, qui a rendu cette enquête assez longue, est la transcription en francs français, car l'« Ulrich » indique le plus souvent les prix en monnaie du pays éditeur. Il a donc fallu faire un pointage en 1969 et un en 1975 pour les prix en monnaie du pays d'édition puis transformer ces prix en francs français. Pour cette dernière opération, ce sont les taux de change pris dans le journal « Le Monde » en janvier 1969 et en janvier 1975, qui ont été utilisés. Le taux de chancellerie, utilisé pour les paiements de l'administration, suit avec un certain décalage les fluctuations des taux de la Bourse, donc l'écart reste le même.

Beaucoup de périodiques des « Current contents» ont dû être éliminés, soit parce qu'ils n'étaient pas dans l'« Ulrich » 1969, soit - cas plus fréquent -parce qu'ils n'étaient plus dans celui de 1975. L'échantillon reste quand même représentatif avec 507 titres.

Le total en francs français s'établit à 93 401 pour 1969 et 189 309 en 1975, soit près de 103 % d'augmentation en six ans. Il faut bien voir que cette augmentation n'est pas régulière d'une année sur l'autre. Les éditeurs essaient de maintenir quelque temps le prix des abonnements pour échapper à la spirale : augmentation des prix - désabonnements - augmentation des prix. Ceci dit, plus 103 % en six ans correspond à une augmentation d'environ 12 % par an.

Cette augmentation intègre celle du prix de l'abonnement et la variation du taux de change. Cette dernière doit peser d'un faible poids parce que, pendant la période considérée, le dollar a baissé (4,95 à 4,40 FF), le deutschmark nettement monté (1,24 à 1,85 FF) - mais peu d'abonnements allemands -, la livre sterling baissé (11,83 à 10,33 FF). Calculer les variations du prix de l'abonnement, proprement dit dans la monnaie du pays d'édition, n'aurait présenté qu'un mince intérêt et aurait pris beaucoup de temps supplémentaire. Le poids réel des abonnements pour une bibliothèque scientifique française importait seul.

La variation globale ne donne qu'une indication qu'il importe de préciser. Pour lire le tableau ci-après, il faut savoir que les coûts réels de chaque périodique n'ont pas été repris. Ils ont été ventilés par tranches, puis comptés, puis multipliés par le prix moyen de la tranche considérée. Par exemple, sachant qu'en 1969, il y avait vingt titres de 301 à 400 FF, on a multiplié 20 par 350 FF et c'est le chiffre obtenu qui a servi de base aux calculs de pourcentage. Le total fictif s'établit ainsi à 91 485 F contre 93 401 F réels (inférieur de 2 et quelques %) et à 190 557 F contre 89 309 F réels (supérieur de moins de 0,5 %). La méthode de calcul paraît acceptable et fait gagner beaucoup de temps.

Il semble que les publications allemandes aient beaucoup plus que doublé (hausse du DM ?), que les publications des pays de l'Est aient peu bougé (stabilité du coût de la vie, non convertabilité des monnaies ?), que les publications italiennes et espagnoles aient assez peu augmenté : tout cela devrait être précisé.

De même, on pourrait reprendre ces statistiques par disciplines, mais le travail nécessaire serait considérable.

Ces statistiques recoupent celles qui correspondent au fonds de périodiques de la section de sciences, mais la hausse y paraît moins forte. Il semble bien que les 150 à 200 titres les plus importants aient plus augmenté que la moyenne des 507 titres choisis ; c'est vrai pour les « Abstracts », Comptes rendus de l'Académie des sciences, Bulletin signalétique du CNRS. Il faudrait une étude complémentaire pour le confirmer.

En conclusion, on peut voir que les augmentations du prix des périodiques scientifiques essentiels affectent les bibliothèques et plus particulièrement les petites et moyennes parce qu'il y a un minimum de titres pour toute bibliothèque et que ce minimum absorbe la quasi-totalité du budget de ces dernières.

Lorsqu'il faut supprimer des abonnements pour pouvoir acheter quelques ouvrages, les enseignants et chercheurs proposent la suppression de nombreux périodiques français et d'une grande partie des allemands. Malheureusement les périodiques français, sauf exception qu'on demande justement de conserver à tout prix, coûtent beaucoup moins cher que les étrangers et leur disparition appauvrit notre fonds, sans soulager le budget.

Illustration
Tableau