II. 22 octobre 1976, LASER Headquarters

Philippe David

LASER : la coopération entre les bibliothèques.

Qu'est-ce que LASER? - La « London and South Eastern Library Region » - LASER - est une organisation dont le but est « le perfectionnement des services des bibliothèques par la promotion de la coopération entre ses bibliothèques-membres et d'autres institutions sises dans ou hors de l'aire régionale pourvu qu'elles aient des rapports fonctionnels avec les bibliothèques 1 ».

Cette coopération entre les bibliothèques de Londres et de la région du Sud-Est est ancienne.

Toutes les bibliothèques publiques de Londres et du Sud-Est de l'Angleterre sont membres de LASER - ainsi que plusieurs bibliothèques d'accès sélectif. L'organisation est financée par ses membres, les plus fortes contributions venant des fonds publics reversées par les autorités locales (municipalités, districts urbains, comtés, régions...). Elle est administrée par un Conseil, désigné ou élu parmi ses membres.

La Région couvre un territoire vaste - une dizaine de comtés - mais surtout compte 16 millions d'habitants, soit la région la plus peuplée du Royaume-Uni.

Cette coopération étendue est aussi dynamique et complète - ou en passe de l'être : non contente de rassembler bibliothèques de lecture publique, d'études et recherches, d'administrations et d'entreprises, de compiler et éditer leur catalogue collectif, d'assister le prêt inter-bibliothèques direct, de gérer un plan d'acquisition systématique, elle vise en outre, par ses projets, à instaurer un catalogage partagé, collectif et à fournir un complément automatisé à la bibliographie nationale anglaise. Brillant destin, en vérité, que celui de ce rejeton inattendu, né du mariage légitime de la fiche et du registre!

Car cette coopération a déjà une longue histoire.

Bref historique. - A l'origine, deux catalogues collectifs (alphabétiques d'auteurs), l'un sur fiches, pour les bibliothèques de la « City of Westminster » et de l' « inner London », l'autre sur registres, pour celles du Sud-Est, nés l'un avec le siècle, l'autre au lendemain de la Grande Guerre, se disputaient la gloire obscure : tenter de résoudre les problèmes de la rationalisation du prêt inter-bibliothèques. Établis sur un modèle connu chez nous (citons les cas - qui ne sont pas des exemples! - du fichier national du Catalogue collectif des ouvrages étrangers ou régional du Catalogue collectif lorrain), ils recensaient les ouvrages documentaires de tous niveaux (« non fiction »), y compris la musique. Le « London Union Catalogue » et celui des « South Eastern Regional Library Bureaux furent refondus - au prix de l'effort que l'on devine - en 1950. Puis, jusqu'en 1970, LASER connaît une crise de croissance continue, le nouveau catalogue a enregistré au total près de 800 000 entrées - compte tenu des nombreux retraits d'ouvrages disparus (en général pilonnés) dus essentiellement aux bibliothèques publiques. Dès lors, LASER entre dans une ère de profondes métamorphoses. Sa première crise d'adolescence a lieu en 1968 - évidemment - mais elle est sage, puisqu'elle naît de la réforme de l'administration locale anglaise et aboutit à celle de son Conseil d'administration. Cette première transformation est importante - quoiqu'il soit difficile de l'apprécier pour un étranger à l'institution - notamment pour sa dynamique.

Viennent ensuite les premiers signes du mûrissement, avec une évolution technique en prise directe sur les progrès technologiques. A partir de 197I, l'utilisation généralisée du numéro international normalisé, l'ISBN, chez les éditeurs anglo-saxons, la mise au point du format MARC et l'automatisation de la British National Bibliography (BNB) permirent la mise sur ordinateur du catalogue, puis l'édition de listes de localisation sur microformes. Les avantages de l'informatique, les nouvelles possibilités ainsi offertes, l'importance et l'ancienneté du fichier, enfin la vocation de coopération multiforme de LASER firent se développer projets et réalisations, particulièrement depuis 1975. Ce sont notamment les projets COLA - « Co-Operation in Library Automation 2 » - et « Retrospective Catalogue Conversion Project 3 » et le plan d'acquisition systématique.

Passons en revue ces différents aspects.

Les listes de localisation automatisées et le développement du prêt inter-bibliothèque. - Aux catalogues classiques répertoriant sur fiches des notices complètes accompagnés de codes de localisation, classés par ordre alphabétique d'auteurs, ont succédé des catalogues sur ordinateur - établis à partir d'une ou de plusieurs saisies de données - classés par numéros et édités sur microfilm : l'exploitation des bandes MARC disponibles, toujours possible, rend inutile la notice; du reste, celle-ci n'est utile qu'en cas d'erreur de référence, aux fins d'identification, elle n'a aucun rôle dans le processus de localisation. En effet, pour chaque nouveauté, la bibliothèque acquéreur transmet aux bureaux centraux de LASER - sur un formulaire dont la lumineuse sobriété, un quadrillage, illustre l'extrême simplicité de la méthode - le numéro d'identification du livre accompagné de son code de localisation. Ce numéro d'identification doit être soit le numéro international normalisé du livre (ISBN) - dans la majorité des cas maintenant - soit son numéro dans la BNB, pour les livres édités au Royaume-Uni depuis 1950 jusqu'en 1969 - puisque l'ISBN n'existait pas alors. Tous les types de documents, sauf l'audio-visuel, dans l'attente de normes de catalogage, sont pris en compte. L'entrée est simple, donc la saisie, assurée par 6 terminaux, rapide et sûre, car tout ISBN erroné est automatiquement rejeté (il a été conçu pour cela); le classement est bien sûr automatique. Les listes de localisation - par ISBN : 128 320 entrées en 1973/74; 152 800 entrées en 1974/75; par numéro BNB : 124 640 entrées en 1973/74; 253 184 entrées en 1974/75 4 - sont régulièrement éditées (6 fois par an pour les premières, 2 fois par an pour les secondes) sur microfilm COM 16 ou 35 mm, chaque bibliothèque pouvant choisir, selon l'équipement dont elle dispose, l'un ou l'autre format.

La simplicité de la conception et la souplesse du mode de publication répondent parfaitement aux doubles exigences de rapidité, de constitution et d'édition, de faible encombrement et de large diffusion du catalogue : cela permet à toute bibliothèque participante de disposer - si elle le désire - d'un outil de travail à jour (2 mois est le délai maximal pour inclure une nouveauté) et d'orienter ainsi directement ses demandes de prêt : 70 bibliothèques (sur une centaine d'institutions membres) reçoivent ainsi ce catalogue, pour le prix modique d'une trentaine de Livres (environ 250 F) par an; le seul préalable à sa consultation est celle de la BNB ou d'une bibliographie mentionnant l'ISBN. L'efficacité et le succès du système (les demandes directes satisfaites représenteraient déjà la moitié du total) sont à la mesure de son pragmatisme : les chiffres cités plus haut donnent une idée du considérable enrichissement des fichiers (plus de 1,5 million de livres) donc des chances de succès qu'a une recherche; autre preuve : les entreprises, les administrations, deviennent des abonnés payants, la BBC pose 50 questions par jour, et réclame un terminal. En 1974/75, il y a eu :
198 345 demandes des bibliothèques publiques,
6 615 demandes des bibliothèques « non publiques »,
15 287 demandes venant de l'extérieur (de la Région),
soit 220 247 au total,

dont : 155 619 furent satisfaites par les bibliothèques de la Région,
30 040 par des bibliothèques extérieures,
donc 185 659 soit environ 84,3 %.

Les demandes non satisfaites eurent pour cause :
dans 5 800 cas : pas d'exemplaire disponible (2,5 %),
dans 375 cas : pas encore paru,
dans 35 cas : dans le commerce à moins de 17 F,
dans 190 cas : hors du champ d'activité du système,
dans 1 876 cas : référence à vérifier.

Elles furent orientées vers des bibliothèques spécialisées de Londres ou la « British Library, Lending Division » (Boston Spa).

Ce taux de succès remarquable ne s'explique pas seulement par l'importance des collections recensées. Il est maintenant renforcé par un plan d'acquisition cohérent et complet.

Le plan d'acquisition systématique. - Là encore les principes de répartition sont simples : depuis 1975, chaque bibliothèque se voit attribuer la responsabilité d'acquérir l'intégralité de la production anglaise correspondant aux sujets définis par des tranches de classification Dewey. Le choix des ouvrages est sans ambiguïté, l'indexation figurant dans la BNB faisant autorité; la collection peut être éventuellement complétée par la littérature étrangère sur le même sujet. Toutes les cotes Dewey sont ainsi attribuées au moins une fois : c'est, pour 1976, la bibliothèque de Southwark qui est responsable de l'acquisition des documents cotés 00I à 009, celle d'Hackney qui se charge des cotes 950 à 999 5.

De la même façon, les enregistrements sont l'objet d'un plan d'acquisition très précis, établi par compositeurs ou périodes (musique classique), interprètes ou compositeurs interprètes (jazz, pop'music...); ainsi, depuis 1975, on sait d'avance à qui s'adresser pour se procurer tous les enregistrements disponibles .depuis cette date de n'importe quelle œuvre de Liszt ou de Duke Ellington, et l'on est désormais assuré, pour les domaines définis, d'une autosuffisance quasi absolue du système. Ce plan est défini, et révisable, par le Conseil; il n'est pas indifférent de connaître la constitution et le fonctionnement de cet organisme.

La « constitution » de LASER 1. - La « Région » comprend tous les territoires desservis par les bibliothèques publiques du Grand Londres et de 9 comtés du Sud-Est 6; LASER a deux catégories de membres : les bibliothèques déjà citées et les « abonnés » (institutions diverses telles qu'universités, administrations, entreprises...), et est régi par un Conseil.

Celui-ci réunit au moins annuellement :

I représentant désigné par chacune des 43 « local authorities » de Londres; 3 pour chacun des comtés; des représentants élus par les abonnés (I pour 3, ou à concurrence d'I élu pour 3 désignés); 9 élus par et parmi les bibliothécaires en chef de Londres; les 9 bibliothécaires en chef des comtés; 1 représentant du Secrétaire d'État à l'Éducation et à la Recherche scientifique; 3 représentants de la « British Library » (Lending, Reference et Bibliographic Services Division); enfin, les représentants du Comité de gestion; et éventuellement 6 personnalités extérieures cooptées.

Un Comité de gestion, élu par le Conseil, est spécialement chargé du budget et de s'assurer de la participation régulière de chacun des membres aux tâches communes; tandis que le Conseil se prononce sur l'admission ou le retrait de bibliothèques-membres.

Enfin, l'exécution des tâches assignées par le Conseil et/ou le Comité est assurée par un personnel assez fourni (une quinzaine de personnes), sous la direction d'un trésorier et d'un directeur, actuellement Miss Jean M. Plaister, qui est secrétaire du Conseil.

Les finances. - Chaque bibliothèque-membre y contribue, proportionnellement à l'importance de la population qu'elle dessert. Les abonnements sont négociés avec les utilisateurs; ils couvraient en 1975 ( £ 77 182 contre £ 82 240 en 1974) la moitié du budget de LASER ( £ 143 813, 50 % de plus qu'en 1974) 7.

La subvention de la « British Library » pour la conversion des catalogues BNB rétrospectifs et le projet COLA représentait £ 55 136, soit à peu près la masse salariale totale.

Ce système représentatif a fait la preuve qu'esprit de collaboration et gestion organisée peuvent insuffler une dynamique remarquable à une coopération efficace. En particulier, l'assistance financière et technique de la « British Library » est devenue particulièrement précieuse. Son « Research and Development Department » est étroitement associé aux derniers projets.

Les perspectives de LASRR. - En 1974 et 1975, il a subventionné l'étude approfondie des possibilités nouvelles de coopération offertes par l'informatique 8. Ce projet global baptisé COLA - « Co-Operation in Library Automation » - englobait l'automatisation du catalogue collectif déjà décrit; mais il comprend aussi :
- un catalogue collectif de périodiques, en collaboration avec la « Library Association »,
- l'étude et le recensement des documents anglo-saxons qui ne figurent pas sur les bandes MARC anglaises ou américaines (LASER en enregistre environ 28 ooo par an) en relation avec le BLCMP (Birmingham Libraries Cooperative Mechanisation Project),
- un service de recherche documentaire par sujet, en collaboration avec l'Aslib. D'ores et déjà, 8 % des demandes sont de ce type. Le plan d'acquisition commence à répondre partiellement à cette demande.

Il faut ajouter à ces travaux le projet d'automatisation des anciens catalogues manuels, dit « Retrospective Catalogue Conversion Project 9 » refonte qui permettrait d'enregistrer dans un format MARC ou compatible les monographies et les partitions depuis 190I. Projet qui est déjà fort avancé, puisqu'en octobre 1976, es auteurs de A à H étaient déjà traités.

L'ensemble de la banque de données ainsi constituée devrait permettre de faire face à 90 % des demandes, et ses bandes seront commercialisées...

Il existe enfin, bien sûr, un projet de catalogage partagé, que Miss J. M. Plaister a brillamment développé cet été à Liverpool, lors du « 4th European Library Summer Seminar ».

Car l'analyse théorique et l'expérience concrète ont prouvé que l'amélioration du service était également source d'économies financières... L'évolution des ressources dues aux abonnements montre la rentabilité de l'opération : nul ne doute que, malgré les rigueurs de l'actuelle conjoncture budgétaire, l'avenir sourie à LASER.

Certes, cette remarquable réalisation s'appuie sur une conjonction de facteurs très favorables : longue tradition de travail commun dans une région vaste et peuplée aux bibliothèques déjà riches, discipline pragmatique des éditeurs, publication très rapide d'une bibliographie nationale comportant une indexation... Mais le système a aussi le grand mérite d'en tirer le meilleur parti.

Efficience due à une centralisation technique minimale, simplicité des principes et des réalisations dans un cadre de participation résument les qualités de LASER,qui sont probablement celles que l'on doit attendre de toute coopération.

  1. (retour)↑  London and South Eastern Library Region (LASER). BNB and ISBN Locations lists and the development of direct interlibrary lending. - London : [LASER Headquarters]. Nov. 1975. - 4 p.
  2. (retour)↑  Cf. London and South Eastern Library Region (LASER). - List of members and annual report 1974-1975. - London: LASER Headquarters, 1975. - 2I p.
  3. (retour)↑  London and South Eastern Library Region (LASER). - Retrospective catalogue conversion project. - [London] : [LASER Headquarters], March 1976. - (4) p.
  4. (retour)↑  Annual report, op. cit., p. 10.
  5. (retour)↑  London and South Eastern Library Region (LASER). - Schedule A (and B) for the revised Laser subject specialisation scheme commencing January ist 1976. - [London] : [LASER Headquarters], 10-12 December 1975. - [4]-[6] p.
  6. (retour)↑  Bedfordshire, Berkshire, Buckinghamshire, East Sussex, Essex, Hertsfordshire, Kent, Surrey and West Sussex.
  7. (retour)↑  Annual report, op. cit., p. 20.
  8. (retour)↑  London and South Eastern Library Region (LASER). - LASER Research studies and development plans. - [London] : [LASER Headquarters], 1st March 1976. - 4 p.
  9. (retour)↑  London and South Eastern Library Region (LASER). - Retrospective catalogue conversion project. - [London] : [LASER Headquarters], 3rd March 1976. - (4) p.