La bibliothèque succursale d'Orléans-La Source

François Hauchecorne

Bernard Locher

Inaugurée le 16 avril 1975, la Bibliothèque d'Orléans-La-Source a vu son activité tripler en deux ans de fonctionnement tant au niveau de la section pour enfants qu'au niveau de la section pour adultes. La discothèque, ouverte au public 18 mois après les autres sections, a tout à la fois connu un succès immédiat et contribué à amener à la bibliothèque de nouveaux lecteurs. Cet établissement s'avère être « la plus grande succursale de France ».

Depuis 15 ans, à 10 kilomètres du centre d'Orléans, mais sur son territoire communal, se développe une ville-satellite, au contact immédiat du campus universitaire, qui la limite au nord, et de la frange de la Sologne, vers laquelle elle s'étire. Elle se trouve enserrée entre deux communes, Olivet et Saint-Cyr-en-Val, et n'est reliée à Orléans que par une sorte de cordon ombilical, de surcroît non bâti, parc floral et vergers constituant une coupure verte entre la Source et le quartier immédiatement au sud de la Loire, Saint-Marceau.

Sa population actuelle, environ 20 ooo habitants (3 681 en 1968, 17 013 en 1975) la place au même rang et même légèrement au-dessus des deux principales communes périphériques, Fleury-les-Aubrais et Saint-Jean-de-la-Ruelle. Son éloignement du centre d'Orléans dépasse très largement celui de ces deux communes

La Source se trouve donc dans une situation très particulière et même certainement exceptionnelle dans les agglomérations françaises. Le plan joint à ce texte illustre bien cette particularité.

Elle est devenue le siège de nombreuses activités : Centre de chèques postaux d'Orléans et de Paris, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Centre de quittancement EDF, Centre hospitalier régional, un lycée, et diverses activités industrielles. La population est surtout du secteur tertiaire et la moyenne d'âge peu élevée.

Une bibliothèque s'y imposait : ce fut, 6 ans durant, une succursale provisoire dont les dimensions modestes permirent cependant à la lecture publique de s'implanter dans la nouvelle cité, après des préludes dans le centre social provisoire du premier groupe construit.

Dès 1969 la municipalité de l'époque avait adopté le principe d'une construction définitive, au sein d'un ensemble comprenant une maison des jeunes et de la culture et une vaste salle polyvalente, consacrée aujourd'hui surtout au cinéma. Mais c'est seulement à partir de 197I que le projet entra dans une phase active, quand les architectes, MM. Blareau et Dufour, se virent confier son étude et sa réalisation, en un lieu proche à la fois du centre commercial et du campus.

Le parti qu'ils adoptèrent fut de construire trois bâtiments distincts, bien qu'apparentés par le style et communiquant aisément par une dalle piétonnière. La construction débuta en avril 1973 et se termina en mars 1975. Le 15 avril, la nouvelle bibliothèque ouvrait ses portes au public et le 16 M. Thinat, maire d'Orléans, et M. Bleton, inspecteur général des bibliothèques, inauguraient officiellement « la plus grande succursale de France », mais la fréquentation actuelle démontre que la ville n'avait pas vu trop grand.

C'est en effet 1 676 m2 de surfaces que compte cet équipement, l'équivalent d'une bibliothèque centrale de 30 ooo habitants, avec cependant un correctif : la partie proprement « bibliothèque de la Source » se limite à 1 060 m2.

Trois niveaux la composent. Au sol - niveau de la circulation des voitures -ont été installés des magasins qui ont servi à soulager la bibliothèque centrale, parvenue au stade de l'étouffement, de 30 000 volumes de faible consultation. Une partie de ces magasins, installés par Ronéo sur deux niveaux, a été laissée disponible pour les collections du bibliobus et des dépôts urbains. Il s'y trouve aussi deux garages, une salle de manutention et un bureau pour ce service. Ce niveau donne donc à la bibliothèque, par ses destinations, un rôle qui déborde largement celui d'une succursale de quartier.

Au niveau de la dalle piétonnière s'ouvrent les locaux destinés au public : hall d'entrée et salle d'activités diverses (170 m2), section pour enfants (260 m2) y compris la salle du conte et le bureau du personnel. Le mobilier du hall, essentiellement des vitrines, a été fourni par Buroguid, tandis que Borgeaud équipait les locaux des enfants, dans lesquels l'espace est divisé par le mobilier entre une partie des petits, celle des 8-14 ans et une salle de travail. 8 ooo livres peuvent y prendre place.

A l'étage, qui couvre 630 m2 ont été installés la section pour adultes et la discothèque, décrite plus loin. Pour cette section non plus, l'espace n'a pas été cloisonné et c'est la disposition du mobilier qui répartit les fonctions, du coin « périodiques » à la partie « étude » isolée partiellement par une glace. Ici encore, c'est Borgeaud qui a fourni l'équipement. La capacité est de 18 000 livres.

Fonctionnement

Après deux ans de fonctionnement dans ses nouveaux locaux, la Bibliothèque de la Source peut présenter un bilan satisfaisant. L'activité d'ensemble a triplé, tant au niveau du nombre d'inscrits qu'à celui des prêts. La progression lente, mais régulière des inscriptions se poursuit dans chaque section et l'ouverture récente de la discothèque de prêt (la Ire à Orléans) assure dès maintenant à cet équipement un rayonnement qui dépasse celui d'une succursale ordinaire.

1. La section enfants

Elle a connu un développement très rapide de son activité et a pu y faire face grâce à une dotation en personnel suffisante dès l'ouverture (3 personnes). Une série d'autres facteurs créaient une situation favorable au départ : l'importance de la population enfantine (5 300 en 1975), l'existence antérieure de l'annexe et une installation séduisante, tant par les locaux eux-mêmes que par son mobilier. Un élément négatif cependant : le fonds de livres, jugé insuffisant en nombre, a conduit les bibliothécaires à limiter jusqu'à cet été le prêt à 2 livres par enfant, ce qui a freiné le développement du prêt.

Le succès de la section est aussi le fruit d'un travail soutenu en direction du milieu scolaire : visites commentées, travail de documentation avec les classes, prêts collectifs permettent de bien faire connaître et utiliser le service. Un effort est également fait au niveau individuel pour sensibiliser instituteurs et parents aux problèmes du livre pour enfants. Le rythme, trop intense, de ces actions a dû être ralenti lors de la 2e rentrée (1976) afin d'assurer au mieux le travail courant et de renforcer l'animation directe (heure du conte, thème de lecture avec bibliographie, ... et conseil au lecteur).

La bibliothèque touche environ 1/3 des enfants de moins de 16 ans recensés en 1975. Les milieux populaires y sont relativement bien représentés (Cat. 5, 6, 7 : 43 % des inscrits pour 58 % de la population active).

La répartition des lecteurs selon les âges est très équilibrée : aux extrêmes 2 groupes moyens : 23 % de 1-6 ans, 20 % de 13-18 ans; au centre, 2 groupes plus importants : 27 % de 7-9 ans et 30 % de 10-12 ans. La bibliothèque ouverte 15 heures par semaine, est plus particulièrement envahie le mardi soir, et surtout le mercredi matin où les enfants passent aussi nombreux en 2 heures que l'après-midi en 4. Par contre, elle est désertée le samedi, et pendant les congés scolaires, comme la ville elle-même.

A signaler, des problèmes intermittents avec une petite bande d'adolescents non lecteurs qui ont contraint les bibliothécaires à une certaine fermeté qu'elles souhaitaient éviter au départ. Cette situation, en se développant, pourrait devenir préoccupante.

2. La section adultes

Modernes sans excès, les locaux frappent par leur caractère spacieux et la grande clarté qui y règne. Tout au plus le nouveau lecteur peut-il s'y sentir un peu perdu, l'espace étant peu compartimenté par le mobilier disposé en rayons à partir du bureau de prêt. Dans l'ensemble, la première réaction est favorable.

Les lycéens et étudiants, avec 32 % et 16 % des inscrits constituent le groupe de loin le plus important d'usagers. En fait, une similitude apparente recouvre deux usages très différents de la bibliothèque. Pour les premiers (grands consommateurs de documentaires), la bibliothèque fait surtout fonction de CDI-bis hors du cadre scolaire et avec des collections plus variées. Cela apparaît de façon éclatante le mercredi : la zone de travail ne désemplit pas, et le bruit qui en émane traduit une ardeur certaine au travail... Une aide qualifiée paraît en tout cas nécessaire pour initier les jeunes lecteurs à l'utilisation fructueuse des usuels. Les seconds, encore relativement peu nombreux, utilisent la bibliothèque pour enrichir leur culture générale... ou se distraire; leurs besoins sont donc plus proches de ceux du reste du public.

Dans les autres catégories socio-professionnelles, on trouve surtout : les « inactifs » (essentiellement femmes au foyer) et les cadres moyens, puis les employés et cadres supérieurs, avec des proportions assez proches (cf. tableau). Les milieux populaires, notamment ouvriers, sont encore peu touchés. Un gros effort devra être fait par la section en leur direction.

Un système de prêt lourd à gérer (Brown) et un effectif insuffisant n'ont pas permis d'assurer avec régularité des tâches importantes : l'accueil et le renseignement, qui réclament une grande disponibilité, et l'animation. Le recrutement d'une personne supplémentaire a permis une nette amélioration sur ces points.

Ensuite, l'orientation définie au départ vis-à-vis des adolescents va être effectivement mise en œuvre. Ils devaient être intégrés sans contrainte à la section Adultes, sans qu'une zone leur soit particulièrement réservée. Or ils constituent 20 % du public de la section Enfants, qui ne peut satisfaire leurs besoins.

Il faudra donc déterminer si le fonds est en cause, la qualité de l'accueil, ou plus fondamentalement, l'orientation choisie.

3. La discothèque

Ouverte au public 18 mois après les autres sections, la discothèque a pu connaître un succès immédiat, sans effort publicitaire particulier. Elle a attiré environ 15 % du public déjà constitué des jeunes et des adultes; elle a également amené à la bibliothèque une fraction de public que cette dernière, seule, n'avait pas encore réussi à conquérir.

Le Public

La réaction favorable la plus rapide est venue des jeunes, lycéens (23 %) et étudiants (27 %) : soit 50 % du public. Le total est sensiblement identique à la section Adultes, mais avec des proportions très différentes. Le reste du tableau des catégories socio-professionnelles (CSP) n'est pas radicalement différent, à part une variation positive dans la catégorie Cadre sup. (3) et négative dans les Inactifs (9) (cf. tableau). Les statistiques portent sur 490 adultes et adolescents et 190 enfants.

Le Prêt

La composition actuelle du public explique la répartition des prêts selon les différents genres de disques. Une nette distorsion apparaît entre la composition du fonds et la ventilation du prêt (voir tableau)

Le déséquilibre positif (prêt > fonds) n'est pas aisé à réduire, car il apparaît dans les genres où la production, parfois abondante, est soumise aux aléas de la mode. Le déséquilibre négatif prouve que le public mélomane traditionnel, méfiant à l'égard de ce type d'équipement, est plus long à conquérir. Une évolution semble cependant s'amorcer depuis quelques semaines.

Les Enfants

Le fonds de départ avait été « pillé » en quelques jours d'ouverture. Une première commande complémentaire n'a pas réussi à améliorer la situation et il faut désormais multiplier les exemplaires de certains disques afin de ne pas décevoir le jeune public par un bac constamment dégarni.

La discothèque touche une proportion restreinte (8 %) des lecteurs de la section Enfants. Rares sont ceux qui viennent dont les parents ne sont pas eux-mêmes inscrits. Une enquête serait à faire pour déterminer si la nature même de l'équipement est en cause, ou seulement sa localisation au niveau Adultes.

L'Écoute sur place

Elle est théoriquement possible de deux façons : dans l'auditorium ou sur casques (3 postes). Cette dernière formule marche très bien auprès du public jeune, plus disponible, et que ce genre d'écoute assez contraignante ne gêne pas. Par contre aucune formule n'a été trouvée pour utiliser régulièrement et rationellement l'auditorium et son matériel Hi-Fi. On peut d'ailleurs se demander s'il n'y a pas contradiction entre la fonction de prêt qui entraîne une dégradation des qualités phoniques des disques et celle d'écoute dans les meilleures conditions acoustiques possibles.

Fin 1976, la bibliothèque-discothèque touchait plus de 15 % des habitants de La Source, en excluant du calcul tous les non-Sourciens. Elle a également un rayonnement certain sur les communes qui enclavent La Source par rapport à Orléans : un grand nombre de ces lecteurs cependant, s'ils n'y habitent pas, travaillent à La Source, surtout dans le secteur tertiaire.

Le bilan est positif à un double titre. Une partie de l'agglomération dispose désormais d'un service de bibliothèque très important bien que décentralisé. Sa réussite a d'autre part permis de faire progresser l'idée d'un réseau de lecture publique appuyé sur des réalisations dont la taille, les collections et le personnel soient à la mesure des besoins du public.

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Le prêt

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Tableau I (1/2)

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Tableau I (2/2)

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Tableau II

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Tableau III

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Tableau IV

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Tableau V

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Bibliothèque de La Source

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Plan de situation

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Discothèque

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Rez-de-Chaussée

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Sous-sol. Magasins. Bibliobus