Visite aux bibliothèques japonaises

Gérard Thirion

L'Université japonaise

L'enseignement au Japon est assez proche du système français : école maternelle non obligatoire (44 % des enfants, moins qu'en France), enseignement élémentaire obligatoire (6 ans; 5 en France), Ier cycle des collèges obligatoire (3 ans, 4 en France), 2e cycle des lycées et enseignement technique (3 années non obligatoires mais 87 % des jeunes). L'Université japonaise présente, par contre, d'assez grosses différences avec le système français.

Le nombre des universités est de 397 (75 d'État, 32 « publiques », 290 privées), auxquelles s'ajoutent 491 « junior collèges » de cycle court (2 ans) soit 1 500 000 étudiants en universités et 300 ooo en cycle court (à noter que la France avec 750 000 étudiants pour une population de moitié, a des effectifs comparables mais on ne compte en France que 67 universités d'état, 3 ou 4 universités privées et les grandes écoles). Les « facultés » japonaises se distinguent par leur vocation essentiellement professionnelle : facultés de médecine, de gestion, d'industrie, d'agriculture, d'économie, du travail, de pédagogie, de pharmacie, etc...

La durée des études universitaires est de 4 ans dans le premier cycle qui se compose d'une année comparable à notre ancienne propédeutique et de 3 années conduisant au titre de « graduate ». La très grande majorité des étudiants arrête là ses études. Le 2e cycle (2 ans) conduit à la maîtrise; le 3e cycle (2 ans) au doctorat. Les étudiants sont peu nombreux dans ces cycles.

Les droits d'inscription à l'Université (même d'État), sont plus élevés qu'en France, en moyenne 300 à 500 F; ces droits sont évidemment beaucoup plus élevés dans les universités privées (la faculté des dentistes de Tokyo demande plus de 10 ooo F).

De la visite de trois bibliothèques universitaires et d'une bibliothèque publique, on peut dégager des caractéristiques communes :
- accès libre généralisé depuis une dizaine d'années et réalisé en faisant communiquer les magasins, avec les salles de lecture après reclassement systématique des ouvrages de moins de 10 ans. Les autres ouvrages sont demeurés en magasin non accessibles et peuvent être obtenus sur bulletin;
- il n'y a pratiquement aucun poste de surveillance et aucun contrôle. Au Japon, on ne vole pas dans une institution publique, c'est une question de morale élémentaire.

Aussi, le problème du vol a-t-il d'ailleurs beaucoup surpris les bibliothécaires japonais;
- les catalogues sont soit dans une salle de référence avec les bibliographies, soit dans une partie de la salle du personnel (qui devient alors publique). Comme les chercheurs sont à peu près les seuls à fréquenter les catalogues, la situation est viable. Il y a 2 catalogues distincts, le catalogue en caractères chinois-japonais-coréens (avec vedettes auteurs et matières traduites en anglais) et le catalogue en caractères occidentaux (avec vedettes auteurs et matières en anglais et traduction japonaise) ;
- classements des livres : sur les rayons, classement systématique décimal, analogue à celui obtenu avec la Classification de Dewey (chiffres et lettres), à partir d'une classification spécifiquement japonaise. Les fonds japonais et occidentaux sont toujours séparés et ont chacun leur propre classification;
- nombre important de périodiques notamment dans les secteurs de références (bibliographies, résumés, encyclopédies). Absence de présentoirs à périodiques : le dernier numéro est simplement déposé sur une table, avec 2 ou 300 autres périodiques de la même spécialité;
- d'une manière générale, les locaux et le mobilier ne présentent aucune caractéristique particulière et reflètent, semble-t-il, la situation européenne d'il y a 15 ou 20 ans;
- comme dans beaucoup de pays européens, la bibliothèque universitaire est un service de l'université. Le personnel de service et les services administratifs font partie du personnel de l'université en tant que telle. Le directeur n'est responsable que de son budget documentation et fournitures et de son personnel bibliothécaire.

I. L'Université Keijo à Tokyo

L'Université Keijo est une université privée qui forme l'élite de la société japonaise. Elle date du début du siècle, possède des bâtiments de style victorien et accueille environ 20 000 étudiants (droit, sciences politiques, littérature, économie, sciences du travail, médecine, industrie et sciences; on y enseigne l'anglais, le français et l'allemand).

Cette université abrite 4 bibliothèques : celles de Ire année, de médecine et de sciences et la grande bibliothèque centrale destinée à environ 10 000 étudiants (sciences sociales et humaines). Les caractéristiques de cette dernière sont les suivantes :
- 600 places assises, salle de lecture qui ressemble à celle de la Sorbonne;
- 800 ooo volumes dont 180 ooo en accès libre;
- 5 300 périodiques vivants dont 1 800 occidentaux;
- acquisitions annuelles de 20 ooo volumes;
- personnel professionnel de 56 personnes auxquel s'ajoute une dizaine d'étudiants vacataires;
- catalogue des périodiques rédigé sur ordinateur et commun à l'ensemble des bibliothèques de Keijo;
- budget annuel de 107 millions de yens pour la documentation, la reliure et les fournitures (le yen est à peu près l'équivalent de 1,5 centime). Ce budget est estimé correct mais inférieur aux moyens des bibliothèques de l'Université d'État de Tokyo;
- catalogage : le catalogage est réalisé à la bibliothèque, mais il est également possible d'acheter directement les fiches imprimées des livres japonais à la Bibliothèque de la Diète (7 yens la fiche; durée d'attente après publication de l'ouvrage : 4 à 5 semaines) et les fiches en anglais à la Bibliothèque du Congrès (120 yens le jeu de 8 fiches; attente : de 2 à 4 mois);
- salle de référence/bibliographies, commune au personnel, aux enseignants et aux étudiants de 2e et 3e cycle.

Le prêt inter-bibliothèque est peu développé. Il existe un catalogue des périodiques étrangers. Les bibliothèques d'instituts n'existent pas.

Cet établissement possède un important fonds français d'environ 2 500 volumes (moins de 10 ans) dans le secteur accès libre et un autre dans le magasin réserve.

2. L'Université de Kyoto

Située dans un magnifique campus à la sortie de la ville, l'Université de Kyoto est constituée de bâtiments d'époques variables (du début du siècle à aujourd'hui). Elle accueille environ 15 000 étudiants dans 9 facultés, 13 instituts de recherche et 1 collège de cycle court. L'ensemble des bibliothèques de l'Université, une par faculté environ, possède un total de 3 ooo ooo de volumes. La bibliothèque centrale abrite 450 000 volumes (généralités, bibliographies). Elle comprend :
- une salle de lecture de 400 places, avec magasin d'accès libre de 18 000 volumes;
- une salle de recherche avec une vingtaine de places très confortables, équipée de tous les instruments de référence, avec banque de prêt et de renseignements;
- le catalogue se trouve dans la salle du personnel, avec les bibliographies générales. Les catalogues imprimés de la Bibliothèque universitaire de Kyoto (toutes sections réunies) sont les suivants : catalogue sciences, en caractères occidentaux, édition 1972 : 1801 périodiques courants; catalogue humanités, en caractères occidentaux, édition 1973 : 5323 périodiques courants; catalogue en caractères japonais, édition 1974 : II 445 périodiques courants.

Budget des périodiques (1973) : en japonais : 6 983 ooo yens (environ 100 000 francs); en langues occidentales : 59 590 ooo yens (environ 900 000 francs).

Budget des ouvrages (1973) : en japonais : 3 562 volumes, 8 900 000 yens (environ 135 000 francs); en langues occidentales : 12 449 volumes, 116 560 000 yens (environ 1 750 000 francs).

3. La Bibliothèque de médecine d'Osaka

La Faculté de médecine d'Osaka, qui accueille environ 4 000 étudiants, occupe un bâtiment ancien (fondation Rockfeller de 1928). Construite vers 1955, la bibliothèque est installée dans un local de 2 500 m2 sur 5 niveaux.

Au rez-de-chaussée se trouvent : salle de prêt et magasin accès libre; au Ier étage : les bibliothécaires; au 2e étage : la salle de référence et au 3e étage : la salle de lecture.

La bibliothèque possède une salle de bibliographie d'une quarantaine de places, avec magasin en accès libre adjacent. On y trouve environ 2 ooo périodiques surtout en anglais. La salle de lecture pour étudiants comprend une soixantaine de places, un coin fumoir, quelques carrels avec cendriers, un magasin attenant en accès libre avec quelques milliers de manuels et des revues de vulgarisation. Dans une même salle sont regroupés les services intérieurs chargés du bulletinage des périodiques, du catalogage, de la multigraphie et de la photocopie, de l'expédition des paquets, de la comptabilité, des commandes et de la dactylographie.

Les moyens de la bibliothèque en 1974 ont été les suivants :
- Périodiques en japonais : 1 410 000 yens (environ 21 ooo F)
- Périodiques en langues occidentales : 30 195 000 yens (environ 450 ooo F)
- Monographies (6 ooo volumes) : 15 000 000 yens (environ 225 ooo F).

Le personnel comprend 20 personnes (I directeur, 13 bibliothécaires, 7 étudiants vacataires).

4. Bibliothèque centrale métropolitaine de Tokyo

La Bibliothèque centrale métropolitaine de Tokyo a été ouverte au public début 1973. Avant guerre, il existait une très belle et très riche bibliothèque publique, la Bibliothèque Hibiya. Détruite par la guerre, reconstruite dans des locaux provisoires, remplacée par la nouvelle bibliothèque qui en a repris le nom, elle est devenue une simple bibliothèque de prêt de quartier. La nouvelle bibliothèque est un très beau bâtiment moderne, au milieu d'un parc, dans le quartier des ambassades.

A. La Lecture publique à Tokyo.

D'une superficie de 2 200 km2 environ, le département de Tokyo compte 12 millions d'habitants et possède 148 bibliothèques dont 85 environ à Tokyo-ville (577 km2, 8,5 millions d'habitants). Les 85 bibliothèques de Tokyo-ville se composent de 5 bibliothèques métropolitaines (dont Hibiya), 23 bibliothèques d'arrondissement, 55 à 60 bibliothèques de quartiers. Les bibliothèques métropolitaines relèvent de la Commission d'éducation de la ville; les autres des Commissions d'éducation d'arrondissement.

D'une surface de 500 à 1 500 m2, une bibliothèque de quartier dispose de 50 000 volumes pour desservir 50 à 100 000 habitants. Ces bibliothèques sont ouvertes de 9 h 30 à 20 h et sont gérées par 6 à 12 personnes. Certaines ont leur autonomie d'achats, d'autres sont des succursales des bibliothèques d'arrondissement.

Les bibliothèques d'arrondissement desservent environ 400 000 habitants, font du prêt, ont des salles de lecture, renseignent les lecteurs, possèdent une moyenne de 100 000 volumes et sont gérées par 20 à 25 personnes. Les bibliothèques centrales ou métropolitaines sont des bibliothèques d'étude (communication sur place), qui ne prêtent qu'aux autres bibliothèques, grâce à un réseau téléphone-voiture, et des liaisons une à deux fois par jours.

En 1973, les bibliothèques publiques de Tokyo-ville occupaient 1 325 personnes, ont prêté 14,4 livres par emprunteur et ont dépensé 100 yens (1,45 F) par habitant.

B. La nouvelle Bibliothèque Hibiya.

La Bibliothèque Hibiya possède 10 niveaux (7 de salles publiques et 3 de magasins) dont certains ont 3 300 m2; sa surface totale est de 20 300 m2; la capacité des magasins est de 1,6 millions de volumes (actuellement ses fonds dépassent 600 ooo volumes); elle reçoit 5 000 périodiques vivants; son personnel comprend 237 personnes dont 143 bibliothécaires et une équipe de direction de 12 personnes (2 sont bibliothécaires); le budget des acquisitions en 1974 s'élevait à 150 millions de yens soit environ 2 200 000 F; 38I 000 entrées ont été enregistrées en 1974; 43 900 personnes se sont adressées au service de référence et au service de renseignements par téléphone ; elle sert de bibliothèque d'application pour les élèves bibliothécaires; elle a pour objectif de posséder 80 % de la production japonaise.

L'organisation des services est la suivante :
- Administration (affaires générales, conservation, programmes, planification, coopération).
- Section acquisition (matériels de référence; matériels de prêt; livres étrangers; reliure et restauration).
- Section préparation (classifications, catalogage, publication du catalogue de la bibliothèque).
- Section publique (service public général; salle de référence; salle des sciences sociales; salle des sciences naturelles; salle de Tokyo; secteur audio-visuel; collections spéciales (cartes, estampes, etc.); service des handicapés; salle des sciences humaines).
- Section des périodiques.
- Succursale constituée par la vieille bibliothèque Hibiya (bibliothèque de prêt, adultes et enfants, salle de périodiques).

Il est à noter que l'organisation de cette bibliothèque a été conçue pour faciliter l'accès des handicapés : fauteuils roulants à disposition, ascenseurs, plans inclinés, carrels d'écoute pour les aveugles, enregistrement, appareils de grossissement des documents.

Une salle de lecture de 200 à 300 places comprend par exemple 40 à 50 000 volumes en accès libre, dispose de tous appareils de lecture et photocopie. La surveillance est effectuée par caméra de télévision. En annexe trouvent place un bureau de référence, une salle commandes/catalogage, un magasin pour documents vieillis.

- La Section audio-visuelle comporte des salles de cinéma pour 8 et 16 mm des salles avec visionneuses films et diapositives, des salles de projection pour diapositives ; des salles avec lecteurs/écouteurs de cassettes, des salles de postes de télévision, un studio d'enregistrement et de fabrication de documents divers, des laboratoires annexes, un studio de télévision culturelle pour Tokyo.

- La Section Tokyo constitue un centre de documentation sur la ville. On y trouve tous les types de documents, y compris la publicité, les tracts, les prospectus. C'est également le conservatoire des livres anciens de la bibliothèque (rouleaux, manuscrits, incunables).

  1. (retour)↑  Ce texte constitue le compte-rendu d'un voyage d'étude effectué au Japon du 15 au 22 avril 1975.
  2. (retour)↑  Ce texte constitue le compte-rendu d'un voyage d'étude effectué au Japon du 15 au 22 avril 1975.