Les bibliothèques publiques danoises aujourd'hui

Désireuse d'apporter sa contribution aux efforts mis en œuvre pour informer les Français de la vie culturelle au Danemark, l'administration danoise des bibliothèques a réalisé en coopération avec son Ministère des affaires culturelles une exposition sur les bibliothèques publiques danoises. Cette exposition a été présentée du 6 au 3 1 mai 1974 à la Maison du Danemark, 142 avenue des Champs-Élysées.

Outre les reproductions photographiques de diverses bibliothèques danoises, les plans, les renseignements statistiques qui représentaient l'essentiel de l'exposition, avait été reconstitué un coin pour enfant qui fonctionnait à certaines heures. Divers matériels notamment des catalogues, des bibliographies, des guides réalisés par la Centrale des bibliothèques étaient à la disposition des visiteurs. 2 films illustraient les activités culturelles des bibliothèques danoises. Dans le cadre de cette exposition fut organisée le 16 mai une conférence-débat qui permit un échange de vue entre bibliothécaires danois et français. Le numéro 2 de 1974 de la revue Scandinavian public library quarterly a été spécialement à cette occasion consacré aux bibliothèques publiques danoises. Il a fait l'objet d'une édition en français à laquelle nous empruntons l'essentiel de nos informations.

Avec cette exposition était soulignée l'importance actuellement prise par les bibliothèques publiques danoises dans la vie quotidienne des adultes et des enfants grâce à une planification rigoureuse menée depuis 1920, date de la première loi sur les bibliothèques danoises. Elle fut révisée bien des fois depuis 1. La loi actuellement en vigueur, mais dont la modification dans le sens d'une plus grande autonomie des établissements est en cours, date de 1965; elle stipule que :
- chaque commune doit disposer d'une bibliothèque publique,
- l'utilisation de la bibliothèque communale est gratuite,
- le prêt est consenti librement à toute personne, déclarée à l'état civil danois, dans toutes les bibliothèques du pays,
- le fonds obligatoire des bibliothèques comprend livres et matériel audio-visuel pour enfants et pour adultes,
- l'État verse aux communes une subvention annuelle pour le fonctionnement des bibliothèques qui s'élève environ à 30 % des dépenses totales de la commune en faveur des bibliothèques publiques et scolaires.

L'administration de la loi est confiée au Ministère des affaires culturelles et exécutée par l'intermédiaire de l'Inspection générale des bibliothèques. Les bibliothèques publiques sont des établissements communaux. Chaque commune dispose des services d'une bibliothèque. Pour 277 communes on comptait au Ier avril 1974 25I bibliothèques, certaines petites communes s'étant associées pour bénéficier d'un service plus efficace. Chacun des 14 départements possède par ailleurs une bibliothèque centrale. Il s'agit d'une institution communale subventionnée par l'État et le département qui dessert la population locale et assiste les bibliothèques du département (prêt de livres, conseils bibliothéconomiques, etc...). Le montant total des dépenses des 14 bibliothèques centrales s'élève pour l'exercice 1974-1975 à 140 millions de couronnes.

La plupart des bibliothèques publiques danoises sont des bibliothèques « dites à plein temps », les fonctions de bibliothécaire y étant assurées par un personnel diplômé. C'est le cas de 150 d'entre elles qui desservent la grande majorité de la population (environ 4 200 000 habitants) soit toutes les zones urbaines et une partie des zones rurales. Une centaine de petites communes, principalement dans l'Ouest du Danemark, n'ont pas encore engagé de bibliothécaire diplômé; d'une activité moindre, leurs bibliothèques sont dites « bibliothèques à mi-temps ». Elles desservent 800 000 habitants (16 % de la population).

Suivant la loi sur les bibliothèques publiques toute école primaire comporte une bibliothèque qui collabore avec les sections enfantines des bibliothèques publiques, elles-mêmes prescrites par la loi révisée de 1931. D'abord destinées au prêt de livres, les bibliothèques scolaires ont suivi les progrès de la pédagogie et sont devenues des centres pédagogiques dotés de matériel audio-visuel et dispensant l'initiation pratique de base (classement des livres, des fiches, etc...). L'évolution des bibliothèques scolaires a entraîné dans son sillage l'édition de toute une littérature spécialisée adaptée à leurs besoins.

Pour améliorer la desserte des populations, la loi sur les bibliothèques incite les communes à opérer une décentralisation par l'ouverture de succursales. Ainsi le public dispose-t-il aujourd'hui, en comptant succursales et bibliobus, de 1 350 bibliothèques qui sont d'importance très variable puisque 75 % ouvrent moins de 10 heures par semaine et le tiers d'entre elles moins de 2 heures. C'est pour pallier ces disparités dues à des moyens localement trop limités qu'ont été mis en service des bibliobus (45 actuellement), beaucoup plus aptes à la desserte des zones rurales. Chaque bibliobus compte 3 à 4 mille livres et disques et sa durée hebdomadaire de service est d'environ 20 à 25 heures.

Les bibliothèques publiques assurent une desserte de tous les hôpitaux, casernes, prisons et maisons de retraite. Il en est de même de la plupart des établissements d'éducation, écoles populaires supérieures, cours complémentaires et techniques. Les handicapés-moteurs et les personnes âgées peuvent se faire porter les livres à domicile. Un service spécial est assuré dans un certain nombre de lieux de travail à l'intention d'un public mal informé du rôle des bibliothèques. Outre ce service du livre qu'il est de leur nature même d'assumer, les bibliothèques sont devenues de véritables centres culturels avec des activités diversifiées qui s'inscrivent naturellement dans la vie quotidienne des populations. Elles organisent des expositions d'art, des concerts, des conférences, des séances de cinéma et de théâtre (c'est le cas de 150 d'entre elles). Elles peuvent également aider les associations et autres institutions de leur circonscription à réaliser de telles activités.

Au cours de l'exercice 1972/1973 les bibliothèques publiques et scolaires ont enregistré un total de 71 millions de prêts, soit plus de 14 par habitant. Sur ces 71 millions, 30 millions concernaient des adultes (7 volumes par habitant) et 41 millions des enfants, soit 41 volumes par jeune de moins de 14 ans. Ces emprunts ont été pour 18 millions effectués dans les sections pour enfants des bibliothèques publiques et pour 23 millions dans les bibliothèques scolaires. Les statistiques des prêts des bibliothèques publiques montrent une augmentation de 10 à 15 % en 5 ans en matière de prêt aux enfants. Pendant la même période les prêts de disques, qui ne touchent encore que 75 des 250 bibliothèques publiques s'élevèrent à 2 millions et demi.

Au Ier avril 1973 les bibliothèques publiques et scolaires comptaient 28 millions de livres soit 5 livres et demi par habitant dont 13 millions de livres pour adultes, 9 millions de livres pour enfants dans les bibliothèques scolaires et 6 millions dans les bibliothèques publiques. Elles disposaient à la même époque d'un demi-million de disques. Les fonds se sont au cours de l'exercice de 1972/1973 enrichis de 4 millions de volumes dont I,5 million de volumes pour les adultes et 2,5 millions de volumes pour les enfants destinés dans une proportion de 55 % aux bibliothèques scolaires.

Les dépenses de fonctionnement des bibliothèques publiques et scolaires prévues pour l'exercice 1974/1975 s'élèvent à 510 millions de couronnes (102 couronnes par habitant) répartis comme suit : salaire : 47 % ; matériel : 30 % ; locaux : 12 % ; divers : II%. La part des bibliothèques scolaires dans ce budget est d'environ 25 %.

Les bibliothèques publiques danoises emploient 4 000 fonctionnaires. 1 400 d'entre eux sont des bibliothécaires diplômés (soit 1 bibliothécaire pour 3 500 habitants). Ces derniers sont assistés par des aides-bibliothécaires astreints à un stage de formation à l'École nationale des bibliothécaires et chargés des tâches techniques. La formation des bibliothécaires est assurée par l'École nationale de bibliothécaires dont le siège ast à Copenhague et qui vient d'ouvrir une annexe à Aalberg. La formation s'y étend sur 4 ans dont une année de stage pratique. Les promotions annuelles sont de 170. Elles devraient être portées à 250 en 1977 pour permettre au Danemark de disposer de 2 100 bibliothécaires diplômés en 1980. L'école assure par ailleurs un grand nombre de cours de perfectionnement à l'intention de toutes les catégories de personnel des bibliothèques et c'est à elle qu'incombe la responsabilité de la recherche bibliothéconomique au Danemark.

La législation sur les bibliothèques encourage et développe la collaboration entre établissements sur les plans local, régional et national, afin de contribuer à résoudre de façon rationnelle les problèmes communs à toutes les bibliothèques du pays. Depuis 1937 l'État verse 2,5 % des subventions annuelles aux bibliothèques à un compte de crédit destiné à financer les tâches communes des bibliothèques publiques (soit un crédit de 3 millions de couronnes en 1973/1974). Derrière l'initiative de la création de ce fonds s'exprime l'action de l'Association danoise des bibliothèques créée bien avant la loi de 1920 dans le but de promouvoir « le service public des bibliothèques au Danemark » et qui continue à jouer un rôle important dans le développement de la collaboration entre les bibliothèques.

Dans cette action pour un développement harmonieux des bibliothèques, les tâches de l'État sont prises en charge surtout par l'Inspection générale des bibliothèques. L'Inspection administre la loi (répartition des subventions), conseille (en matière de planification, d'organisation des fonds, de construction, de fonctionnement, d'automatisation) et coordonne (publication de renseignements statistiques, constitution de commissions...). Également placé sous la responsabilité de l'Inspection générale, l'Office de renseignement des bibliothèques, service d'État, a pour fonction principale de répartir les demandes de prêt des bibliothèques publiques et de les transmettre aux bibliothèques danoises ou étrangères susceptibles de les satisfaire. Le prêt constitue une obligation pour les bibliothèques danoises qui doivent prêter ou emprunter à d'autres établissements les documents demandés par les lecteurs. Ce service est notoirement facilité par la Bibliothèque d'état d'Aarhus qui joue le rôle de supercentrale de prêt et, depuis sa création en 1968, par le Dépôt des bibliothèques publiques, organisme destiné à recevoir les livres rarement utilisés dont les bibliothèques publiques se séparent; ceux-ci demeurent dans le circuit des prêts en étant soit conservés sur place (on dénombrait 170 000 volumes au Dépôt en 1973), soit répartis dans d'autres bibliothèques.

La loi faisant aux bibliothèques une obligation d'adopter les mêmes règles de classification ainsi que de catalogage et d'utiliser un matériel commun, il a pu être réalisé au début des années 1960 une intensification des actions de rationalisation grâce au concours de plusieurs organismes centraux.

C'est en 1963 que la Centrale des bibliothèques a reçu sa forme et son nom actuels. Établissement autonome, la Centrale comporte une section bibliographique, une section édition et une section aménagement des bibliothèques, ces deux dernières sections fonctionnant sur une base commerciale. La Centrale est chargée de la rédaction de la bibliographie nationale danoise et du catalogage commun de tous les livres susceptibles d'intéresser les bibliothèques publiques (soit 5 500 des 9 000 titres publiés au Danemark en 1972-1973). Elle édite une liste hebdomadaire de livres qui permet l'établissement des commandes (un système identique fonctionne pour le matériel audio-visuel) ainsi que la plus grande partie des affiches, guides, signets utilisés par les bibliothèques. La section aménagement dispose d'un service d'expertises pour l'élaboration des plans et l'aménagement des bibliothèques nouvelles et d'un service de vente de mobilier.

La Centrale de reliure, organisme autonome, sert d'intermédiaire aux bibliothèques pour leurs achats de livres. Ceux-ci sont fournis reliés, munis de leur cote (correspondant au catalogage de la Centrale des bibliothèques) et équipés pour le prêt. La normalisation dans ce domaine a permis une réduction notable des coûts. Pour 1972-1973, 1,8 million des 4 millions d'acquisitions des bibliothèques publiques et scolaires a été traité par la Centrale de reliure.

Une extension de l'offre des services centraux et l'utilisation croissante de ceux-ci ont entraîné un allégement des tâches des bibliothécaires et par suite un meilleur service du public. Devant cette évidence et dans l'impossibilité de rationaliser davantage les opérations manuelles, il a été envisagé en 197I d'automatiser les bibliothèques au plan national d'où le projet Faust (Folkebibliotekernes AUtomationssySTem) qui permettra de poursuivre cette politique de développement.

  1. (retour)↑  Le Bulletin des bibliothèques de France a présenté et publié dans son n° 6, juin 1961. p. 267-277, la Loi sur des bibliothèques publiques danoises telle qu'elle fut révisée en 1959. Lecture et bibliothèques a par ailleurs sous le titre Vent du nord. A la découverte des bibliothèques danoises a consacré son numéro 7-8, juillet-décembre 1968 à la lecture publique au Danemark.