La bibliothèque nationale

Roger Pierrot

Si l'on peut faire remonter l'origine de la Bibliothèque nationale à la collection de manuscrits réunis par le roi Charles V à la Tour du Louvre, il faut signaler les Lettres patentes de François Ier instituant le dépôt légal (Montpellier, 28 décembre 1537) en ordonnant la remise d'un exemplaire de tout livre imprimé sur le territoire du royaume à la « librairie » du roi, alors située au château de Blois.

Au XVIIe siècle, l'impulsion définitive sera donnée par Colbert qui installe la Bibliothèque sur une partie de son emplacement actuel. La législation du dépôt légal est précisée par un arrêt du Conseil d'état du Roi de 1704, prévoyant en plus des livres le dépôt des « feuilles et estampes ». Dès 174I, la Bibliothèque royale est divisée en sections correspondant encore à l'essentiel de ses structures actuelles : Manuscrits (avec les Titres et Généalogies), Imprimés, Estampes, Médailles. La Révolution enrichira ses collections de 300 000 volumes imprimés et de plusieurs milliers de manuscrits.

Actuellement la Bibliothèque nationale est un établissement public doté de l'autonomie financière, dépendant du Ministère de l'Éducation nationale (Direction chargée des bibliothèques et de la lecture publique) elle est dirigée par un administrateur général (M. Étienne Dennery depuis 1964) qui est également directeur chargé des bibliothèques et de la lecture publique. L'administrateur général est assisté d'un secrétaire général.

La bibliothèque est divisée actuellement en neuf départements. A la tête de chaque département se trouve un conservateur en chef. Ces départements sont issus des quatre grandes divisions du XVIIIe siècle; des Imprimés, ont été détachés Entrées (dépôt légal, acquisitions, dons et catalogage des livres), Cartes et plans, Musique et Périodiques. Il faut y ajouter la bibliothèque de l'Arsenal qui constitue administrativement un département de la Bibliothèque nationale. Le service des échanges internationaux, service ministériel rattaché à la bibliothèque, est également dirigé par un conservateur en chef.

Le personnel comprend, en 1973, plus de 1 000 personnes réparties suivant la structure générale du personnel des bibliothèques françaises dépendant de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique en cinq catégories principales : personnel scientifique (conservateurs en chef et conservateurs) ; 219; personnel technique (sous-bibliothécaires) : 149; personnel administratif : 114; personnel de service (gardiens et magasiniers) : 289; personnel ouvrier (relieurs, restaurateurs, etc.) : 93. A ces fonctionnaires titulaires recrutés sur concours des différentes catégories il faut ajouter un certain nombre de contractuels : bibliothécaires spécialistes, sous-bibliothécaires, assistants, agents sur contrats.

Par la richesse de ses collections, la Bibliothèque nationale reste l'une des plus prestigieuses bibliothèques du monde. Le Département des manuscrits conserve 230 000 volumes reliés (de nombreux volumes contenant plusieurs centaines de pièces) divisés en « fonds » par langues : latin (23 000), grec (5 000, la plus riche collection du monde), français, orientaux, etc. Parmi les manuscrits médiévaux des différents fonds, plus de 10 000 sont enluminés. Les accroissements concernent principalement le fonds français : 159 volumes (renfermant plusieurs milliers de pièces) en 1972. La même année, près de 30 ooo lecteurs ont consulté 76 ooo volumes. Les fonds orientaux disposent d'une salle particulière où l'on peut également consulter les livres imprimés d'Extrême-Orient (75 000 imprimés chinois) (Accroissements en 1972 : 22 manuscrits, 1 700 imprimés).

Le Département des imprimés conserve plus de 7 000 000 de volumes. Les accroissements traités par les « Entrées » en 1972 ont été de 75 000 unités (Dépôt légal, y compris les thèses : 3I 500; acquisitions : 10 000; échanges internationaux : 20 000; dons : 13 500). La salle de travail a accueilli 212 000 lecteurs qui ont consulté 93I 000 volumes. Les livres rares (dont 12 000 incunables) sont conservés à la « Réserve » qui dispose d'une salle particulière où ont été accueillis en 1972, 15 000 lecteurs à qui 34 000 volumes ont été communiqués.

Le Département des périodiques conserve les journaux de grand format et les revues postérieures à 1959. Une partie des collections se trouve à l'annexe de Versailles. 250 000 collections de périodiques (129 000 à l'annexe de Versailles) dont 25 500 en cours (18 500 français; 7 000 étrangers). 60 000 lecteurs en 1972 ont fréquenté la salle des périodiques de Paris; 1 750, celle de Versailles.

Au Département des estampes se trouvent plus de 12 000 000 de gravures, des dessins artistiques ou documentaires et également 2 ooo ooo de photographies. Les accroissements en 1971 ont été de 1 200 gravures et 8 ooo photographies.

Le Département de la musique, dont dépendent les bibliothèques du Conservatoire et de l'Opéra, conserve un million de partitions d'œuvres musicales et de nombreux manuscrits musicaux. Accroissement en 1971 : 8 ooo partitions d'oeuvres musicales et livres. Ce département est installé depuis 1964 dans l'annexe de la Bibliothèque nationale, 2, rue de Louvois.

Plus de 800 ooo cartes et plans, des atlas, des globes, des cartes manuscrites anciennes constituent le fonds du Département des cartes et plans. Accroissements en 1971 : 1 850 cartes entrées par dépôt légal.

Issu du Cabinet du Roi, le Cabinet des médailles et antiques renferme un des plus grands cabinets de numismatique du monde : 300 000 monnaies et médailles et une riche collection d'objets antiques et médiévaux. Accroissements en 197I : 1 164 pièces de monnaies.

Conservatoire de la production imprimée française (livres, journaux et revues, estampes, cartes, partitions musicales) et d'une incomparable collection de manuscrits médiévaux ou modernes, la Bibliothèque nationale est aussi une bibliothèque encyclopédique avec une tendance à la spécialisation dans les sciences humaines. Elle s'efforce de concilier sa fonction de conservation du patrimoine - les supports du livre sont fragiles - avec une consultation libéralement accordée à des chercheurs qualifiés. Son rôle de conservation indéfinie de documents fragiles, la relative exiguïté de ses locaux, ne lui permettent pas d'accueillir les simples curieux et la contraignent à limiter la consultation de ses divers documents à des chercheurs français et étrangers qui ne pourraient mener à bien ailleurs des études très précises. Néanmoins, comme on l'a vu plus haut, la masse des communications est considérable, le prêt à domicile est exclu et le Département des imprimés ne prête aux autres bibliothèques que ses doubles.

Les expositions temporaires - comme celles du Livre en 1972 et des Trésors d'Orient en 1973 - permettent à un large public de voir des pièces particulièrement belles ou rares, appartenant aux différents départements de la Bibliothèque, à d'autres établissements, ou à des particuliers. Ces expositions accroissent le champ de son rayonnement culturel, de même que les nombreux prêts à des expositions organisées en France et à l'étranger.

Centre bibliographique national, la Bibliothèque nationale assure la rédaction de la partie officielle de la Bibliographie de la France qui recense chaque semaine la production nationale des livres. Cette bibliographie et les catalogues rétrospectifs (Catalogue général des livres imprimés : auteurs, en voie d'achèvement; Catalogue général des livres entrés de 1960-1969, en cours de publication), apportent une aide considérable au travail de catalogage des autres bibliothèques, rôle qui s'accroîtra, dans un proche avenir, grâce à l'informatique qui va permettre d'automatiser la Bibliographie de la France et de diffuser rapidement les notices bibliographiques des livres nouveaux, sous forme de bandes magnétiques ou de fiches imprimées, ce qui constituera une importante contribution au Contrôle bibliographique universel.

Le Service des échanges internationaux, celui du prêt interbibliothèques, le catalogue collectif des ouvrages étrangers, services communs rattachés à la Bibliothèque nationale, sont également en contact constant avec de nombreuses bibliothèques françaises, leur permettant d'accroître leurs collections ou d'obtenir en prêt des volumes qui leur font défaut.

L'accroissement rapide de la production française et étrangère de livres, le développement de la recherche, multipliant les lecteurs potentiels, posent à la Bibliothèque nationale, dont les tâches se diversifient rapidement, des problèmes d'équipement, de personnel, de place et donc de crédits.

Les accroissements du Département des imprimés (1969 : 69 000; 1970 : 72 000; 1971 : 81 ooo; 1972 : 75 000) provenaient en 1972 pour 42 % du dépôt légal (en y incluant les thèses françaises), 13 % des achats, 25 % des échanges, 20 % des dons. Sur le total des entrées : 5I % de livres français et 49 % de livres étrangers. Les achats de livres à l'étranger ont représenté, en 1972, 9 500 volumes, en augmentation sensible sur les années précédentes : même en tenant compte de l'importance des ouvrages étrangers provenant des échanges (9 500 également, en excluant les publications officielles), ce nombre reste insuffisant et les crédits d'achat devront être accrus de même que ceux destinés à l'acquisition de précieux manuscrits médiévaux, de papiers d'écrivains, de livres anciens, de monnaies, etc. faisant partie du patrimoine national et manquant à la Bibliothèque.

L'état des collections et leur développement, l'afflux croissant des lecteurs imposent également une augmentation très sensible des crédits affectés à l'entretien des livres et autres documents. Une importante restructuration de bâtiments anciens, peu fonctionnels, la construction d'annexes près du quadrilatère de la rue de Richelieu ou à Versailles s'avèrent nécessaires malgré les nombreux travaux entrepris depuis une quarantaine d'années et sont prévues par le VIe plan de développement économique et social (107I-1075) dont les objectifs pour la Bibliothèque nationale sont de mieux utiliser l'acquis, accélérer l'accroissement des ressources bibliographiques, préparer l'avenir.