Les bibliothèques universitaires
Les bibliothèques universitaires françaises sont toutes, du moins administrativement, de création récente. Héritières aussi bien à Paris qu'en province des bibliothèques des collèges, facultés ou universités d'autrefois, elles ont été organisées à la fin du XIXe siècle d'une manière très rigide et avec une idée centralisatrice dominante, manière dont elles n'ont pu partiellement se défaire qu'à l'occasion du grand bouleversement apporté à l'Enseignement Supérieur français par les événements de mai 1968. Les bibliothèques universitaires de France jouissent désormais d'un statut nouveau et d'institutions originales. Mais bien des habitudes et des contraintes demeurent.
I. Les collections universitaires avant 1870.
L'histoire des bibliothèques françaises est peu connue, celle des bibliothèques universitaires l'est moins encore. Ce qui étonne lorsqu'on étudie la composition de leurs fonds c'est, à quelques exceptions près, l'extraordinaire rareté des collections anciennes. Comment se fait-il que dans le pays qui avait accumulé aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles tant de livres, on compte en 1865 pour les bibliothèques de tous les établissements d'enseignement supérieur un total dérisoire de seulement 348 782 volumes ?
Il faut savoir que la notion moderne d'université est trompeuse pour nous. Depuis le XIIIe siècle, les brillantes universités pluridisciplinaires du Moyen âge s'étaient sclérosées. Il n'y avait plus au XVIIIe siècle d'enseignement centralisé, mis à part la Médecine et le Droit qui ont conservé leurs écoles et des bâtiments. L'Encyclopédie de d'Alembert et Diderot nous le dit : « l'université est devenue un assemblage de collèges ». Les chanoines et religieux ont obtenu le droit d'enseigner et à leurs couvents se sont adjoints des collèges d'études. Il y a là les bâtiments, le personnel instruit, les ressources financières et donc les bibliothèques. Il faut distinguer les collèges des ordres réguliers (Dominicains, Franciscains, Augustins) les plus riches, et les collèges des ordres séculiers (la maison de Sorbonne et le collège de Navarre) mais ceux-ci sont pauvres et leurs bibliothèques aussi. Ces établissements ne vivent souvent que des libéralités des princes de l'Église ou des nobles. Fait exception, la Sorbonne, où le Cardinal de Richelieu a logé la bibliothèque dans un bâtiment qui, reconstruit de 1627 à 1646, renferme 28 ooo volumes et 2 ooo manuscrits. C'est là, une collection fameuse que l'on montre aux visiteurs importants, ainsi Pierre le Grand en 1717, le roi de Danemark en 1768. Collection dépassée pourtant en importance par la bibliothèque du collège Mazarin ouvert en 1686 qui réunit 60 000 volumes. Seules les collections constituées par les Jésuites depuis le XVIe siècle dans leurs établissements sont comparables à des fonds aussi riches : telles la bibliothèque du collège Louis-le-Grand à Paris qui rassemble 50 ooo volumes et 600 manuscrits, ou la bibliothèque du collège de Toulouse qui comptait 25 à 30 ooo volumes. Ce sont ces institutions religieuses qui possèdent alors la presque totalité des bibliothèques; bibliothèques fréquentées par les enseignants et les étudiants et rassemblant des collections relativement importantes. Ainsi la bibliothèque de l'Abbaye Sainte-Geneviève compte, à la veille de la Révolution, 58 ooo volumes et 2 ooo manuscrits, la bibliothèque de l'Abbaye Saint-Victor 34 000 volumes et 1 800 manuscrits. Chez les Jacobins de la rue Saint-Jacques on trouve 14 000 livres. En province la situation est la même : la bibliothèque des Cordeliers à Toulouse offre 18 ooo volumes.
L'expulsion des Jésuites en 1762 a été un événement important pour les universités. Les biens saisis, les locaux aliénés, profitent aux corporations universitaires, mais les livres sont perdus en partie. L'Université de Paris s'installe au collège Louis-le-Grand. Dans l'aile du bâtiment qui est consacrée à la bibliothèque on ne trouve plus en 1770 que 19 350 volumes. La même année, l'Université de Douai rassemble une bibliothèque qui, fait unique, est déjà enrichie par un droit d'inscription demandé aux étudiants. Cette bibliothèque est d'ailleurs la seule qui sous l'Ancien Régime réunisse tous les fonds des facultés. Même à Paris, la bibliothèque de l'Université n'est alors que celle de la Faculté des Arts, car la Faculté de Médecine et la Faculté de Droit ont leurs propres collections spécialisées. En province, comme établissements importants on peut citer : la bibliothèque de la Faculté de Droit de Dijon, celle de l'Université de Caen qui dispose d'un local spécialement aménagé et rassemble en 1786 plus de 13 000 volumes, mais surtout la Bibliothèque universitaire centrale de l'Université de Strasbourg, où des legs, des dons et des achats ont permis de constituer des fonds conséquents. Quoi qu'il en soit, si l'on fait le total, à la fin de l'Ancien Régime, des collections-universitaires françaises, On arrive à des chiffres qui égalent ou dépassent ce qui existe à l'étranger (exception faite de la Bodléienne). Pour Paris seulement, on estime les fonds à 188 000 volumes et 4 000 manuscrits.
Dans la grande tourmente de 1789, les collections universitaires sont d'abord respectées, mais en 1795 elles sont confisquées à l'exception à Paris des bibliothèques du collège Mazarin, de celles de l'Abbaye Ste-Geneviève et de celle de la Faculté de Médecine. Tout le reste est saisi : les fonds vont être mélangés, gaspillés, dispersés dans les dépôts littéraires qui accueillirent, toutes saisies réunies, de 8 à 10 millions de volumes.
Les universités de l'Ancien Régime sont supprimées depuis 1793 et pour quelques années l'enseignement supérieur est inexistant : c'est pourquoi la grande masse des livres nationalisés fut perdue pour les futures bibliothèques universitaires. C'est la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque Mazarine, la Bibliothèque Ste-Geneviève qui vont en profiter et on créera alors la Bibliothèque de l'Arsenal, celle de l'Institut, et d'autres bibliothèques, mais rien n'est réservé pour les étudiants et les professeurs. Ainsi les fonds anciens réunissant manuscrits, incunables, imprimés, manqueront à jamais. Le grand mouvement révolutionnaire aboutira finalement à une situation très grave : un enseignement supérieur sans bibliothèques et donc des facultés fermées à la recherche. Une liste fixée une fois pour toutes énonce bientôt les besoins en livres des lycées, les étudiants des facultés étant, eux, renvoyés purement et simplement aux bibliothèques municipales. Certes les facultés sont recréées en 1808, mais, exsangues, elles manquent de moyens et ne s'intéressent qu'aux étudiants en Droit et en Médecine. De plus, elles errent de ville en ville, existantes un jour, supprimées le lendemain. Simple rouage administratif pour la délivrance des grades, elles ne sont pas des centres d'études, des noyaux où se rassemblent des étudiants assidus; elles ne peuvent donc posséder des collections de livres accumulant le savoir. On ne compte guère au milieu du XIXe en dehors de Paris, que cinq villes où les collections universitaires dépassent 10 000 volumes (à Bordeaux, Lyon, Montpellier, Rennes et Toulouse).
II. Les bibliothèques universitaires de la fin du XIXe siècle à 1945
La IIIe République va, en quelques années, mettre en place ce qui sera pendant trois quarts de siècle nos bibliothèques universitaires.
a) La création des bibliothèques universitaires.
De 1878 à 1886 se succèdent instructions, circulaires, arrêtés et décrets qui énoncent fermement des principes fondamentaux et qui aboutiront à la création de toutes pièces d'une bibliothèque universitaire par académie. Par exemple, un texte de 1878 dit :
« le système des bibliothèques distinctes est onéreux pour l'État puisqu'il
« nous contraint à acheter en double exemplaire des ouvrages coûteux et à
« multiplier sans motif le personnel des bibliothèques. »
Même état d'esprit dans une circulaire de 1885 :
« la bibliothèque universitaire est en premier chef un de ces services com
« muns par lesquels doivent s'unir et se rapprocher des facultés d'un
« même centre..... la bibliothèque universitaire, même quand elle a des
« sections différentes est une, sauf certains cas tout à fait exceptionnels;
« elle n'est pas moins faite pour les étudiants que pour les professeurs.
« Elle doit être réglementée et administrée uniquement en vue du progrès « des études. »
En ce qui concerne l'organisation bibliothéconomique, le texte fondamental de nos établissements sera pendant trop longtemps « l'Instruction générale relative au service des bibliothèques universitaires » du 4 mai 1878. Les prescriptions minutieuses qui sont données dans ce document laissaient trop peu de place à l'initiative du bibliothécaire. Mais par contre tout, dans cette instruction, cherchait à simplifier le travail du personnel et à utiliser au maximum des locaux toujours insuffisants. D'où le classement imposé des livres dans les magasins par ordre d'entrée et par format, avec inscription sur un registre qui servait à la fois d'inventaire et de liste topographique pour les récolements.
En outre, une circulaire d'application (annexée à un modèle de règlement intérieur d'une bibliothèque universitaire) du 20 novembre 1886, énonçait en une langue claire et nette des dispositions précises concernant le personnel de la bibliothèque « directement subordonné à l'autorité du recteur », le budget de l'établissement « la bibliothèque devra pouvoir atteindre la fin de l'année avec les seules ressources de son budget », les acquisitions dont la responsabilité incombe à une commission « qui ne devra pas se tenir pour obligée de satisfaire à toutes « les demandes » car « les achats d'une bibliothèque universitaire ne doivent pas « être dirigés d'après les mêmes règles que les acquisitions personnelles d'un « particulier ou même celles d'une bibliothèque destinée au grand public ». Mieux encore, il est dit dans cette même circulaire que « les ouvrages qui ne présentent pas une valeur permanente, la plupart des travaux de vulgarisation doivent être écartés », l'objectif de la commission devant être « l'enrichissement réel de la bibliothèque, l'augmentation du nombre des instruments de travail ». Enfin, cette circulaire s'occupait aussi des heures d'ouverture au public « six heures par jour », du prêt au dehors dont doivent bénéficier aussi bien les membres de l'enseignement supérieur que les étudiants « leur droit au prêt des livres est absolu » ou les membres de l'enseignement secondaire, et du prêt de bibliothèque à bibliothèque.
b) Le personnel. Il ne suffisait pas de réunir les bibliothèques des facultés en un établissement unique administré selon des règles impératives, il fallait aussi résoudre la problème du personnel appelé à gérer les nouvelles bibliothèques universitaires.
En Allemagne, les bibliothèques avaient été longtemps confiées à des professeurs qui cumulaient leurs fonctions avec celles de bibliothécaire. Ce système présentait de multiples inconvénients et on finit par comprendre que « personne ne peut être à la fois bon bibliothécaire et bon professeur ». On créa donc dans ce pays trois degrés de spécialistes formés par une longue et solide formation professionnelle. Instruite par cette expérience, la France ne tomba pas dans la même erreur. Deux arrêtés du mois d'août 1879 signés par Jules Ferry organisent le recrutement d'un personnel spécialisé qui devait être titulaire d'un certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire obtenu après un stage suivi d'un examen technique. La formation des autres catégories du personnel des bibliothèques fut également mise au point.
c) Les ressources financières. - Les bibliothèques universitaires nouvellement créées devaient disposer de ressources financières suffisantes. Dès 1873 fut institué un droit de bibliothèque fixé à 10 francs (de l'époque) que chaque étudiant devait acquitter lors de son inscription à l'Université. Une partie notable des budgets de fonctionnement fut donc fondée sur le nombre des usagers de la bibliothèque. Mais le montant du droit de bibliothèque fut loin de suivre la courbe de l'érosion monétaire. La part du budget de fonctionnement procurée par cette ressource n'était plus que de 60 % en 1937.
d) Les achats. - Tant que les bibliothèques universitaires ont été gérées par de simples commis ou employés aux écritures, il était normal que ce soient les professeurs et les doyens qui fassent les propositions d'achats ou d'abonnements. La circulaire si minutieuse du 4 mai 1878 parle encore du bibliothécaire comme « d'un gardien responsable » des collections. Mais par la suite, la qualification professionnelle étant imposée aux bibliothécaires, ils sont autorisés à proposer des listes d'acquisitions, comme le font aussi les enseignants. Ces listes sont revues par une « commission de surveillance », étudiées par un « comité de perfectionnement », puis transmises au Recteur de l'Université; elles sont envoyées par lui au Ministre qui seul en décide. Façon de faire bien trop lourde; aussi dès 1880, pour le quart des dépenses, le bibliothécaire a une complète initiative avec l'assentiment de la commission de surveillance et l'approbation du Recteur. D'ailleurs, quand on se rendra compte que le bibliothécaire, par sa connaissance générale des fonds, par ses contacts avec les lecteurs, par sa formation professionnelle, est le plus qualifié pour décider des achats, la procédure citée plus haut, procédure de contrainte et de surveillance, disparaîtra en pratique assez vite et on mettra en place une simple « commission de la bibliothèque ». Le bibliothécaire qui ne dépend que de l'autorité du Recteur, qui s'occupe en permanence du service commun qu'est la bibliothèque et qui a le plus le souci de l'intérêt général, va y jouer un rôle important. Son indépendance en matière d'achat est confirmée par l'interdiction faite en 1886 de répartir le budget entre les facultés ou les enseignements, et par l'autorisation qui lui est donnée en 1898 d'utiliser seul et dans l'intérêt de la bibliothèque, les deux cinquièmes des crédits des acquisitions des livres et abonnements aux périodiques.
III. - La situation des bibliothèques universitaires françaises après la deuxième guerre mondiale.
La France est encore divisée en dix-sept académies, y compris l'Académie de Paris et l'Académie d'Alger. Dans chaque académie il y a une université et une seule et unique bibliothèque universitaire.
a) A Paris, la Bibliothèque universitaire comprend non seulement la Bibliothèque de la Sorbonne (commune à la Faculté des Lettres et à la Faculté des Sciences), la bibliothèque de la Faculté de Droit, celle de la Faculté de Médecine, celle de la Faculté de Pharmacie, mais aussi la Bibliothèque Sainte-Geneviève (la plus ancienne de Paris et qui a été rattachée à celle de l'Université en 1930), la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine et la Bibliothèque d'art et d'archéologie.
Dans les différentes facultés il existe en outre une centaine de bibliothèques d'instituts et laboratoires. Certaines sont importantes ou constituent des fonds spéciaux de grande valeur (bibliothèques des instituts de physique du globe, de géologie, de géographie, etc.).
La Bibliothèque de l'Université de Paris proprement dite possède plus de deux millions de volumes. Mais les magasins sont très insuffisants, le nombre de places assises offertes bien trop faible.
b) En province, à côté de la bibliothèque centrale, il existe dans certaines universités deux sections (à Aix-Marseille : une section sciences et une section médecine-pharmacie à Marseille, et à Bordeaux : une section droit et une section médecine) et une section médecine à Toulouse, Lyon, Montpellier, Nancy et Lille. Les fonds se sont considérablement accrus : un million de volumes ou brochures à Strasbourg, 8 à 900 000 à Lille et Toulouse... Exception remarquable, à Clermont-Ferrand la bibliothèque municipale et la bibliothèque universitaire ont un fonds commun.
IV. - Les bibliothèques universitaires de 1945 à 1970.
La vie des bibliothèques universitaires françaises a été marquée de 1945 à 1970 par plusieurs faits importants :
a) La création de la Direction des bibliotlaèques et de la lecture publique.
Cette création répondait a un besoin depuis longtemps exprimé, celui d'une politique des bibliothèques plus active et plus homogène. Les bibliothèques universitaires ont bénéficié dès lors comme les autres bibliothèques, de l'Inspection générale, organe de contrôle et d'animation; de la présence de services centraux : bureau du personnel, bureau de la gestion et du contrôle financier, bureau des affaires générales; enfin de l'existence d'un service technique où depuis peu a été créée une section qui s'occupe des bibliothèques d'étude et de recherche (et donc des bibliothèques universitaires).
A noter que la Direction des bibliothèques et de la lecture publique gère directement le personnel des bibliothèques universitaires (à l'exception du personnel administratif et du personnel de bureau) c'est-à-dire le personnel scientifique : conservateurs en chef, conservateurs, bibliothécaires contractuels; le personnel technique : sous-bibliothécaires; le personnel ouvrier et de service : gardiens et magasiniers.
b) Les conditions nouvelles de l'enseignement supérieur. L'afflux des étudiants dans les universités dont les effectifs ont pratiquement triplé entre 1960 et 1970 (de 214 000 à 615 000) a eu évidemment de lourdes conséquences pour les bibliothèques universitaires. Le Ministère de l'Éducation nationale a dû définir de nouvelles académies, fonder de nouvelles universités ou centres universitaires, créer de nouvelles facultés. Ceci signifiait chaque fois la mise sur pied de toutes pièces d'un nouvelle bibliothèque universitaire, ou d'une section séparée d'une ancienne bibliothèque centrale et, bien entendu, la construction des immeubles nécessaires pour abriter les collections, les bureaux, les services et les salles de travail. C'est une véritable politique de construction des bibliothèques universitaires qui a dû être menée. De 1967 à 1971 près de 45 ooo m2 de plancher de bibliothèques universitaires ont été mis en service en moyenne chaque année, soit sept fois plus que dix ans auparavant. Il s'agit, la plupart du temps, de bibliothèques scientifiques (plus d'un tiers) ou de bibliothèques médicales (plus d'un quart).
Les changements intervenus dans les méthodes d'enseignement, l'évolution de la pédagogie, le fait que les cours magistraux d'autrefois ont été souvent remplacés par des travaux pratiques en groupes, sur documents et à l'aide de livres et de revues, devaient aussi avoir des effets sur les bibliothèques universitaires.
c) Les Instructions de 1962.
L'inadaptation totale des règles de fonctionnement périmées des bibliothèques universitaires à ces nouvelles conditions, imposera l'étude, puis la diffusion des Instructions du 20 juin 1962 1 qui sont le fondement bibliothéconomique des bibliothèques universitaires françaises actuelles. Une nouvelle structure a été adoptée, structure à secteurs spécialisés qui a pour but, afin de faciliter l'utilisation de la bibliothèque, de mettre en libre accès le maximum de documentation. Ce qui entraîne obligatoirement l'adoption d'un classement systématique et d'une classification. C'est la classification décimale universelle (C.D.U.) qui a été choisie, malgré ses inconvénients.
En outre il est demandé, aussi bien dans les sections Sciences et Lettres que dans les sections Droit, de distinguer deux niveaux scientifiques : un premier niveau correspondant au Ier cycle et à une partie du 2e cycle, et un deuxième niveau correspondant à la fin du 2e cycle, au 3e cycle, aux professeurs et aux chercheurs. Pour ce deuxième niveau, les instructions distinguent au sein de chaque section de la bibliothèque universitaire des secteurs spécialisés très souples constitués par grandes disciplines. L'ensemble des disciplines couvertes par les sections sciences, droit et lettres (les sections médecine ne sont pas concernées par ces instructions de 1962) a été réparti en vingt divisions spécialisées désignées par des lettres. Par exemple, dans les sections sciences et techniques on trouve à la lettre A les généralités, à la lettre B les mathématiques et l'astronomie, à la lettre C la physique et la chimie et ainsi de suite.
d) Le Décret du 23 décembre 1970.
La Loi d'orientation de l'enseignement supérieur, conséquence des événements de mai 1968, a comporté un certain nombre de textes d'application. Pour les bibliothèques universitaires, il s'agit du décret du 23 décembre 1970. L'esprit nouveau qui anime la loi : autonomie des universités, participation de tous les intéressés à l'organisation et à la gestion des universités, de l'enseignement et de tout ce qui l'entoure, a inspiré les rédacteurs de ce décret. Son article Ier définit clairement la qualité de service commun des nouvelles bibliothèques universitaires :
« afin d'assurer dans les meilleures conditions le fonctionnement des bibliothèques, les universités procèdent à la création de services communs aux unités d'enseignement et de recherche d'une université ou lorsqu'une agglomération urbaine comporte plusieurs universités, de services communs à plusieurs universités. Ces services prennent respectivement le nom de bibliothèque de l'université ou de bibliothèque interuniversitaire. Ces services communs peuvent être étendus par convention aux bibliothèques des universités situées dans une autre agglomération de l'académie [...]. Ces services ont une mission d'orientation, d'étude, de recherche et d'enseignement bibliographique et documentaire [...] .Ils établissent les relations nécessaires avec les autres bibliothèques relevant des universités et avec les bibliothèques non universitaires concourant aux mêmes objectifs. Ils sont ouverts au public non universitaire dans des conditions précisées par les autorités responsables de chaque bibliothèque universitaire ou interuniversitaire. »
Les autres articles adaptent l'administration et la gestion des bibliothèques aux structures nouvelles des universités. Alors qu'en 1968 deux organes délibératifs intervenaient d'assez loin et peu fréquemment dans la gestion des bibliothèques universitaires : le Conseil de l'Université et une commission consultative, la bibliothèque est maintenant dirigée par un directeur et administrée par le Conseil de la bibliothèque. Ce conseil comprend à égalité des membres du Conseil de l'université et des représentants du personnel de la bibliothèque universitaire. Parmi les membres issus du Conseil de l'Université se trouvent obligatoirement des enseignants, des chercheurs et des étudiants. Quant au personnel de la bibliothèque, il doit appartenir à égalité d'une part au personnel scientifique, d'autre part au personnel technique, administratif, ouvrier et de service. Le Conseil comprend aussi des personnalités extérieures choisies en raison de leur compétence par le Chancelier de l'université, recteur de l'académie.
Le Conseil de la bibliothèque a des attributions très larges : il propose le budget de la bibliothèque à l'adoption du Conseil de l'université et peut se prononcer sur tout ce qui concerne le fonctionnement de la bibliothèque (heures d'ouverture, politique d'acquisition, règlement du prêt, date de l'inventaire annuel, etc.).
Le décret du 23 décembre 1970 prévoit également l'existence pour s'occuper des achats, de commissions consultatives spécialisées. Bien que le Conseil de la bibliothèque soit libre de fixer le nombre et la composition des commissions, celles-ci doivent toujours comprendre d'une part des enseignants, des étudiants et des chercheurs désignés par les conseils des Unités d'enseignement et de recherche et d'autre part des représentants du personnel de la bibliothèque. En pratique on trouvera une ou deux commissions consultatives des achats par ancienne faculté.
Les anciennes bibliothèques universitaires et leurs sections constituent désormais administrativement conformément à ce décret, 45 bibliothèques interuniversitaires ou bibliothèques d'université.
V. - Exemple type d'une bibliothèque universitaire en 1973.
Bien que chaque bibliothèque universitaire française ait ses particularités, son caractère, une implantation variable, des moyens plus oumoins importants, essayons de décrire une de nos bibliothèques actuelles, correspondant à une université de moyenne importance, c'est-à-dire ayant de 12 000 à 15 000 étudiants. Cette université réunit dix à quinze Unités d'enseignement et de recherche d'importance variable, mais regroupées la plupart du temps suivant le cadre des anciennes facultés : un ensemble des sciences juridiques et économiques, un ensemble des lettres et sciences humaines, un ensemble des sciences exactes et naturelles, un ensemble hospitalo-universitaire et parfois une unité d'enseignement et de recherche de pharmacie et des instituts universitaires de technologie.
D'ordinaire la bibliothèque universitaire, service commun de cette université, comprend du moins en province, trois, quatre ou, plus rarement, cinq sections localisées sur les différents campus. Quels sont les moyens dont elle dispose ?
a) Le personnel. - Il comprend une soixantaine de membres avec à sa tête un directeur assisté d'un service central administratif et comptable et quelquefois d'un conservateur-adjoint. Le directeur est aidé dans son travail par des collaborateurs privilégiés qui sont les conservateurs chargés d'une section. Ces sections sont d'une importance variable (car d'ordinaire on trouve, dans une université moyenne, 5 ooo à 6 000 étudiants en lettres, 4 000 à 5 ooo étudiants en droit, 2 ooo à 2 500 étudiants en sciences, 2 ooo étudiants et plus en médecine-pharmacie) mais dans chacune il peut y avoir deux, trois ou quatre conservateurs, quatre à six sous-bibliothècaires, deux secrétaires dactylographes et cinq à six gardiens ou magasiniers.
Il faut remarquer que le personnel scientifique (conservateurs) et le personnel technique (sous-bibliothécaires) font partie chacun d'un cadre unique et peuvent exercer dans toutes les bibliothèques dépendant de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique. Il n'y a donc pas de spécialisation propre aux bibliothèques universitaires.
b) Les ressources financières. - En recettes, cette bibliothèque universitaire reçoit pour son budget de fonctionnement une subvention de l'État d'environ 675 000 francs, soit 45 francs en moyenne par étudiant et touche un droit de bibliothèque de 15 francs par étudiant et par an, mais beaucoup d'étudiants sont exonérés du paiement de ce droit. En valeur absolue, ce droit de bibliothèque a d'ailleurs diminué de plus de la moitié depuis sa création, si bien qu'aujourd'hui la subvention de l'État représente à peu près 80 % des recettes du budget de fonctionnement.
En dépenses, tous les frais dits « incompressibles » (chauffage, éclairage, nettoyage, entretien et divers) représentent environ 60 % du budget global. Il reste pour les acquisitions de livres, les abonnements aux périodiques et les frais de reliure, de 32 à 35 francs par étudiant et par an. Notons que cette somme n'est pas dépensée de la même façon dans chaque section : les sections sciences sont obligées de consacrer presque tous ces crédits aux abonnements tandis que les sections lettres doivent acheter aussi un certain nombre de livres. Par ailleurs, il faut savoir que, en ce qui concerne les crédits de premier équipement en livres et en matériel des nouvelles bibliothèques, ils sont liés aux frais entraînés par la construction. En pratique, pour une bibliothèque de section de faible ou moyenne importance, par exemple construite pour. 3 000 étudiants, on peut recevoir 450 à 500 ooo francs pour la constitution des fonds de base.
c) Les bâtiments. - S'ils sont construits depuis 196I-62, ils sont adaptés aux règles de fonctionnement édictées par les Instructions de 1962, mais sont encore parfois insuffisants du point de vue des surfaces et du nombre des places offertes dans les salles de lecture.
d) Les services. - Dans chaque section de la bibliothèque universitaire type dont il est question, on trouve :
I° des services intérieurs :
- service des commandes,
- service des entrées (enregistrement) et du catalogage. Assez souvent, les nouvelles acquisitions de la bibliothèque font l'objet d'une liste publiée plusieurs fois dans l'année.
- service des publications en série.
- service de la reliure (assez fréquemment adjoint au service des périodiques),
- service des thèses : diffusion des listes et fiches des thèses et mémoires de maîtrise soutenus à l'Université, et envoi des thèses elles-mêmes dans le cas des thèses d'État; réception et traitement des thèses françaises et étrangères reçues dans le cadre des Échanges universitaires.
- service des échanges de publications de l'Université et des doubles (listes et périodiques) de la bibliothèque avec les bibliothèques françaises et d'autres bibliothèques.
- une salle de manutention, où les ouvrages sont équipés (estampillage, étiquetage, renforcement des couvertures, petites réparations) et où sont faits sur les machines offset ou des appareils de multigraphie les tirages de fiches, listes, circulaires, etc.
2° des services publics :
- bureau des inscriptions et renseignements.
- salles de lecture des I° et 2° niveaux, pour la consultation sur place,
- service du prêt à domicile,
- service du prêt inter-bibliothèques,
- service de photocopie auquel s'ajoute parfois un laboratoire photographique,
- salle des catalogues et bibliographies : les lecteurs ont à leur disposition un catalogue alphabétique « Auteurs et anonymes », un catalogue alphabétique de matières (rendu obligatoire en 1952) et un catalogue systématique classé selon la C.D.U.
A ces catalogues s'ajoutent assez souvent un catalogue des thèses, un catalogue des publications en série, et parfois un catalogue collectif : soit de toutes les sections dé la bibliothèque universitaire, soit des bibliothèques de l'ensemble littéraire, juridique ou scientifique.
Dans le cadre des services publics, les bibliothèques universitaires organisent souvent des visites de la bibliothèque et une initiation bibliographique pour la formation de leurs lecteurs.
Bien entendu, la bibliothèque universitaire type dont nous avons parlé participe à des entreprises communes. Sur le plan national, elle collabore au « Catalogue Collectif des Ouvrages Étrangers » et à l' « Inventaire Permanent des Périodiques étrangers » en cours. Sur le plan départemental, elle a souvent la responsabilité d'établir la « liste départementale des périodiques français et étrangers ». Sur le plan local, comme dans bien d'autres pays, se pose le problème des relations avec les bibliothèques d'instituts ou de laboratoires, disséminés dans toute l'Université, et des catalogues collectifs qui seraient utiles pour avoir une bonne connaissance de tous les fonds disponibles pour les enseignants, les étudiants et les chercheurs.
L'histoire des bibliothèques universitaires françaises montre combien l'existence de nos établissements a été liée aux vicissitudes de l'Enseignement Supérieur de notre pays. Les confiscations de la Révolution auraient pu favoriser la concentration dans les collections universitaires des livres saisis. En fait, l'enseignement supérieur fut alors dépouillé. Il faudra attendre les premières années de laIIIe République pour voir exister véritablement les bibliothèques universitaires. Mais les deux guerres mondiales furent pour elles les étapes d'un déclin désastreux.
Cependant, depuis la mise en place de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique et depuis une dizaine d'années surtout, de très grands efforts ont été entrepris en faveur des bibliothèques universitaires notamment sur le plan des constructions. Souhaitons qu'elles deviennent de plus en plus, pour nos universités, de véritables services communs répondant aux besoins toujours croissants en livres, revues et documents divers des enseignants et des étudiants.