La section médecine

Jacquette Reboul

La construction des facultés des lettres, des sciences et de médecine sur trois campus distincts a entraîné l'éclatement de l'ancienne Bibliothèque universitaire de Rennes et l'édification de nouveaux bâtiments à proximité de chacune de ces facultés. Ces trois sections de la Bibliothèque universitaire, réalisées selon les Instructions de 1962, ont été dotées de tous les aménagements exigés par la distinction de deux niveaux. Dans chaque cas le développement rapide des bibliothèques a entraîné l'étude d'un programme d'extension, déjà réalisé en lettres, pour permettre à ces établissements de remplir leur rôle dans les meilleures conditions.

En 1896, l'École de Médecine de Rennes occupait les nouveaux bâtiments du boulevard Laënnec. En 1954 cette École devenait Faculté mixte de Médecine et de Pharmacie. Elle fut inaugurée officiellement le 8 et le 9 décembre 1956, lors de la rentrée universitaire. A la même époque, la Bibliothèque municipale reversa son fonds médical, composé surtout d'ouvrages anciens, à la Bibliothèque universitaire où il vint enrichir les collections de la jeune Section Médecine.

Jusqu'en 1967, tout le fonds de la Bibliothèque universitaire était rassemblé dans des locaux anciens, rénovés en 1960, mais déjà par trop exigus pour l'ensemble des disciplines, à proximité de l'ancienne Faculté des Lettres, place Hoche. La Faculté de Médecine étant alors située à l'autre extrémité de la ville, les étudiants et surtout le corps enseignant fréquentaient peu la bibliothèque : 307 inscrits pour l'année scolaire 1966-1967. Pour remédier à l'éloignement, on créa dans les locaux mêmes de la Faculté, boulevard Laënnec, une petite annexe de la bibliothèque qui offrait aux professeurs et aux étudiants avancés des ouvrages de références et les années récentes des périodiques en cours.

Mais, en 1963, une nouvelle faculté sortait de terre à proximité du grand hôpital de Pontchaillou, le futur Centre hospitalier universitaire de Rennes. Ainsi, à la suite des facultés qui allaient l'une après l'autre s'installer sur des campus universitaires aux environs de Rennes, la Bibliothèque universitaire se devait d'éclater à son tour. Le problème se posa donc de savoir où l'on situerait la nouvelle bibliothèque médicale. C'est une solution heureuse qui fut adoptée, même si elle semble plus coûteuse qu'une autre : la bibliothèque fut logée dans un bâtiment très proche de la Faculté de Médecine, mais totalement indépendant. Autre avantage, elle n'était qu'à quelques centaines de mètres de la nouvelle bibliothèque littéraire.

Ce voisinage est en effet assez heureux, car il permet la consultation d'ouvrages dans les disciplines marginales, qui touchent à la fois à la médecine et aux lettres : psychanalyse, psychiatrie littéraire ou artistique, rééducation, etc. Nombre de lecteurs fréquentent ainsi également les deux établissements. En revanche, la Section Sciences, située sur le campus scientifique de Beaulieu, se trouve malheureusement à l'autre extrémité de la ville, distante de plusieurs kilomètres. On pallie cet éloignement par des échanges de fiches documentaires concernant les ouvrages communs aux deux sections (biologie, biochimie, etc.) et par des relations quotidiennes effectuées par la voiture du service.

Description d'ensemble

Située sur le campus universitaire de médecine, dans la banlieue nord-ouest de Rennes, la bibliothèque est cependant à proximité immédiate de la ville et bien desservie par plusieurs lignes d'autobus. Elle a été construite par M. Louis Arretche, architecte en chef, et M. L. Chouinard, architecte d'opération. Comme nous le verrons plus loin, une seconde tranche est prévue.

Elle se présente comme un parallélépipède rectangle de 12 mètres de haut et de 34 mètres de façade, orienté nord-sud, de style résolument moderne. La façade est en béton, formée de panneaux gris et blancs alternés, rompue par la menuiserie métallique en aluminium. Un jeune bois de peupliers commence à ombrager les abords de la construction bordée au sud par un parterre de roses et de géraniums. On peut admirer combien les lignes géométriques du bâtiment se marient harmonieusement avec les éléments naturels.

Les murs, les faux plafonds légers « concorde » et les panneaux de liège assurant l'insonorisation des salles sont peints en blanc. L'harmonie des couleurs est donnée par les teintes du sol : revêtement en dalflex pierre naturelle dans les salles et les bureaux, bleu Nattier dans le hall d'entrée et le hall de l'escalier; par les bandes de couleurs qui encadrent les fenêtres : vert véronèse au rez-de-chaussée et ocre jaune au premier étage; enfin par les rayonnages en acajou et les éléments de signalisation.

L'architecte a prévu un éclairage artificiel incandescent pour l'ensemble des locaux et fluorescent pour les magasins. Il a conçu des lampes originales, formées d'un abat-jour cylindrique en matière plastique blanche translucide, qui permettent un bon éclairage tout en évitant l'éblouissement.

Le chauffage est à air chaud pulsé sans conditionnement d'air, avec appoint par convecteurs. L'eau chaude en est fournie par une chaufferie qui alimente à la fois le campus universitaire et la « ville nouvelle » de Villejean, à partir de l'usine d'incinération des rebuts ménagers de la ville de Rennes.

Au titre de la première tranche de travaux, on n'a pas pu installer d'ascenseur malgré les cinq niveaux de magasins, mais l'emplacement en est prévu à la jonction du bâtiment en service et de celui projeté. Un simple monte-livres dessert actuellement les étages. Cette insuffisance des liaisons est un défaut grave de la bibliothèque tant que les extensions ne seront pas réalisées.

Le plan général des bâtiments est le même que celui que le Conservateur, en liaison avec l'architecte, a adopté pour toutes les bibliothèques de Rennes : un magasin central, fermé au rez-de-chaussée, accessible au premier étage, et entouré de salles de lecture. Ce plan permet une spécialisation heureuse de la bibliothèque en deux niveaux.

La superficie du bâtiment est de 2 100 m2 dont 647 m2 pour les magasins, 1 005 m2 pour les salles et 166 m2 pour les bureaux. On remarque tout de suite que, s'il était intéressant de prévoir des salles de lecture étendues afin de mettre le plus grand nombre possible de livres en libre accès, les magasins se sont révélés trop petits pour loger les 130 000 volumes du fonds. On a dû faire monter des rayonnages dans des locaux qui n'étaient pas destinés à cet usage en attendant la construction de la seconde tranche.

Les magasins sont garnis de rayonnages métalliques autoporteurs fournis par les Forges de Strasbourg. Dans les salles, les Établissements Borgeaud ont réalisé des habillages et des rayonnages de couleur acajou, de forme classique, mais épousant la structure des convecteurs fixés aux murs. De même que ceux des magasins, ces rayonnages ont une hauteur de 2,20 mètres.

Le personnel se compose actuellement de deux conservateurs, trois sous-bibliothécaires, trois employées de bureau, cinq magasiniers et un surveillant vacataire. Il a plus que doublé en deux ans, en liaison avec l'augmentation du nombre des lecteurs : de 1 710 inscrits pour l'année scolaire 1968-1969, ceux-ci sont passés à 2 300 pour l'année 1969-1970, avec une moyenne, pendant la période de plus grande activité, de 700 à 1 100 entrées par jour.

Les services publics

Quand on franchit les grandes portes vitrées extérieures de la bibliothèque, on pénètre dans un hall aménagé en salle d'accueil et de détente : quelques fauteuils, des cendriers, des plantes vertes, deux panneaux d'affichage en bois verni portant l'un des informations de type médical (annonce des congrès médicaux, etc.), l'autre les jaquettes des nouvelles acquisitions agréablement disposées en un savant désordre. Bien souvent, les lecteurs viennent réclamer tel ou tel livre dont la jaquette aux vives couleurs les a frappés. On envisage d'installer également dans ce hall des vitrines d'exposition pour présenter le fonds ancien ou, au contraire, les derniers livres reçus.

Suit la salle des catalogues qui est en quelque sorte la plaque tournante de la bibliothèque. En effet, par ses larges vitrages, les magasiniers peuvent surveiller discrètement les lecteurs assis dans les différentes salles. D'autre part, c'est là que s'effectuent les contrôles d'entrées et de sorties, ainsi que le prêt. Enfin, les magasiniers assurent dans cette salle le compostage des livres, derrière la banque de communication.

Les fichiers de couleur acajou sont disposés contre les murs. A l'entrée, deux petites banques originales sont placées l'une à côté de l'autre dans un renfoncement. La première est occupée par un magasinier qui surveille les entrées et les sorties et préside au prêt des documents. L'autre par une sous-bibliothécaire ou une employée de bureau, qui inscrit les lecteurs, reçoit les demandes de photocopies et répond aux questions des lecteurs. En face, à l'entrée des magasins, se déploie la grande banque de communication où se tiennent en permanence d'autres magasiniers. Un escalier descend aux toilettes du sous-sol, tandis que le vestiaire occupe le fond de la salle des catalogues, à demi-dissimulé par le fichier alphabétique de matières. Des panneaux d'affichage en bois verni, semblables à ceux du hall, offrent aux lecteurs toutes les informations nécessaires sur le fonctionnement de l'établissement. Deux tables entourées de tabourets servent aux étudiants qui veulent travailler en groupe ou ont besoin de communiquer à voix haute.

Au-dessus du catalogue alphabétique d'auteurs et d'anonymes, un grand panneau d'altuglas vert foncé, lettres blanches et or, semi-mobile, donne le plan général de la National Library of Medicine classification qui a été adopté par la bibliothèque. Ainsi, le lecteur apprend très vite à reconnaître les lettres qui symbolisent telle ou telle discipline. Dans les salles, des cubes d'altuglas de même couleur, portant une lettre sur une face, permettent de retrouver aisément les ouvrages recherchés dans une discipline donnée. Toute la signalisation, très étudiée, a été réalisée par un artisan local. D'autre part, pour faciliter la consultation des catalogues, on a dessiné un tableau en couleur représentant une grande fiche commentée. Ainsi, le lecteur apprend aisément à distinguer l'indice de la cote, ce qui est essentiel dans une bibliothèque où les livres sont classés par sujets. Au-dessus de la table sur laquelle les lecteurs rédigent leurs bulletins de communication ou de prêt, un autre tableau leur offre des modèles de bulletins convenablement remplis. Enfin, sur les différents meubles, on a disposé sous pochettes transparentes le plan de la classification et des notices explicatives concernant, par exemple, les règles du catalogue alphabétique de matières.

Deux salles de lecture de 196 places destinées aux étudiants occupent le rez-de-chaussée de part et d'autre du magasin : une petite salle réservée aux sciences fondamentales et une salle plus grande à la médecine. Tous les livres édités depuis moins de 10 ans sont classés en accès libre, ainsi que quelques périodiques généraux. On a essayé de multiplier les exemplaires d'usuels (de 5 à 15 selon l'importance de l'ouvrage), afin d'en exclure quelques-uns et de laisser sortir les autres, ce qui diminue sensiblement les risques de vol. Des pastilles de couleur permettent de reconnaître les volumes exclus du prêt.

Dans la petite salle, un coin occupé par le fonds de culture générale (romans, documentaires et revues) connaît un réel succès auprès des étudiants.

Les salles sont meublées de tables de plateau de 1,80 X I,20 m en lamifié clair à piètement métallique, très mobiles, qui peuvent être facilement mises bout à bout pour former de grandes surfaces de travail. Des chaises Mullca, tabac et vert sombre, alternées, rappellent les tons de la décoration murale. Les banques de surveillance, conçues par l'architecte, restent inutilisées, car, jusqu'à présent, il n'y a jamais eu de problèmes de discipline.

On a disposé le fichier des thèses dactylographiées, assez peu consulté, dans le hall de l'escalier. Ce hall, ainsi que la belle cage d'escalier sont agréablement ornés de plantes vertes.

L'étage, qui offre 95 places est accessible aux professeurs et aux étudiants avancés. Immédiatement à l'entrée, on trouve le fichier systématique et les fichiers de périodiques (les périodiques sont également signalés dans le fichier alphabétique d'auteurs et d'anonymes au rez-de-chaussée). Un magasinier installé derrière une banque oriente les lecteurs, qui peuvent aussi consulter les panneaux de signalisation. En effet, l'étage a été divisé suivant le plan de la classification en 4 secteurs spécialisés, délimités d'une façon très souple par les rayonnages de bois : sciences fondamentales, médecine (généralités), systèmes, spécialités.

Les secteurs sont meublés de tables de plateau de 2,00 X 1,20 m en lamifié clair et piètement bois, dessinées et réalisées spécialement par les Établissements Borgeaud, et de fauteuils Thonet de mêmes coloris que les chaises du rez-de-chaussée. On y a ajouté des présentoirs où sont exposés les périodiques les plus consultés. Les lecteurs trouvent sur les rayonnages les livres très spécialisés ou en langue étrangère, et les années récentes des périodiques de la même discipline. Les têtes de collections sont en magasins.

A droite s'ouvre la salle de bibliographie. Une sous-bibliothécaire s'y tient en permanence pour orienter les lecteurs dans leurs recherches et recevoir les demandes de prêt inter-bibliothèques. Cette pièce, fort agréable, est meublée de tables rondes de 1,20 m de diamètre, en lamifié clair, à piètement bois. Elle est très appréciée par les professeurs, car c'est souvent le service de renseignements bibliographiques qui fait le succès d'une bibliothèque. Il a été conçu ici comme le service-clé.

A l'extrémité de l'étage, quatre « carrels », fermés et obscurs, destinés aux professeurs, ont été aménagés pour la lecture des microfilms.

Un grand bureau a été transformé en salle des machines. Il contient entre autres un appareil de reprographie électrostatique Polyclair Arcor. Cet appareil, particulièrement adapté aux travaux des bibliothèques, connaît un succès considérable auprès des lecteurs, tant étudiants que professeurs. Il a permis également d'exclure du prêt les périodiques récents, ce qui offre des avantages pour la consultation et la conservation de ces documents.

Les services intérieurs

Le personnel dispose de 3 bureaux au rez-de-chaussée et de 2 au premier étage, nombre suffisant pour l'instant. Il est agréable de travailler dans ces pièces, car elles sont vastes, claires et calmes (orientées sur les pelouses du campus).

Le sous-sol, outre le vide sanitaire, la station électrique et la chaufferie, a été aménagé, car il jouit d'un éclairage naturel par des fenêtres hautes. La cantine, confortable et bien équipée, est très appréciée du personnel qui y prend le repas du midi. La grande salle de manutention a dû être transformée en magasin et sert de réserve pour le fonds ancien provenant de la bibliothèque municipale. Ce dernier contient nombre de pièces intéressantes, comme, par exemple, un atlas d'obstétrique orné de gravures sur cuivre, publié en 1759 chez Charpentier : Démonstration de la matrice d'une femme grosse et de son enfant à terme, par Charles Nicolas Jenty, ou encore le Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui sont accouchées, par François Mauriceau, publié à Paris par la Compagnie des libraires en 1740, ainsi que maints autres ouvrages remarquables dont plusieurs datent de la Révolution française. Malheureusement, les conditions d'aération et d'éclairage n'ayant pas été prévues pour des livres, ceux-ci risquent à la longue d'en souffrir. Une petite salle sert à la confection des paquets et aux gros travaux.

Du fait de sa proximité de la Faculté et de son organisation rationnelle, la bibliothèque connaît un succès croissant auprès des lecteurs. Un élément qui contribue pour sa part à ce succès est la constitution d'un catalogue collectif des périodiques médicaux reçus dans les divers organismes de Rennes. Cet inventaire, effectué dans un esprit de collaboration et d'information auprès des professeurs, a permis à ces derniers de mieux comprendre le rôle et l'utilité de la bibliothèque universitaire. De même le catalogue sur fiches des périodiques a été imprimé et très largement diffusé, même auprès des utilisateurs potentiels 1.

Mais précisément en raison du succès rencontré auprès des lecteurs qui utilisent déjà à plein les salles publiques et du fait de l'exiguïté des magasins devenus insuffisants, la construction d'une seconde tranche, qui fera plus que doubler la surface du bâtiment actuel, s'est avérée nécessaire. Le programme pédagogique de cette extension est en cours d'établissement et il faut souhaiter que, dans le délai d'une année, celle-ci pourra être entreprise pour une mise en service à la fin 1973.

Ces quelques considérations paraissent apporter des arguments en faveur de la conception des bibliothèques universitaires en sections spécialisées et à deux niveaux, au moins en ce qui concerne les disciplines scientifiques. Si l'on en juge par l'accroissement de la fréquentation et par l'opinion des lecteurs, elle répond vraiment à un besoin. Et malgré les quelques réserves que certains ont pu faire : coût élevé de la construction et du fonctionnement des bâtiments, répartition parfois arbitraire des fonds, n'est-ce pas une des conditions pour que ces bibliothèques jouent de mieux en mieux dans l'avenir le rôle de centre de recherche bibliographique et documentaire que beaucoup attendent d'elles ?

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Bibliothèque universitaire de Rennes. Section médecine. Sous-sol

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Bibliothèque universitaire de Rennes. Section médecine. Rez-de-chaussée

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Bibliothèque universitaire de Rennes. Section médecine. 1er étage

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Tableau comparatif des caractéristiques techniques des 3 bibliothèques

  1. (retour)↑  BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE DE RENNES. – Catalogue des périodiques anciens et en cours à la Bibliothèque universitaire de Rennes, Section Médecine. – Rennes, 1970. – 27 cm, 94 ff.