L'ordinateur dans le monde des bibliothèques

Quelques réflexions sur le sujet

Rosario de Varennes

A la lumière de quelques expériences de bibliothèques canadiennes et américaines sont esquissées les modifications qu'entraîne l'automatisation dans la profession et sur le comportement du bibliothécaire

Introduction

Ce n'est qu'au cours des dix ou quinze dernières années que les bibliothécaires ont commencé à être sensibilisés à l'impact de l'automatisation dans leur sphère d'activité. Ils se sont éveillés tardivement, comme groupe, aux possibilités d'adaptation des ordinateurs au travail de bibliothèque et, aujourd'hui encore, plusieurs sont réfractaires à toutes ces innovations techniques qui ou bien leur font peur par leur nouveauté et leur complexité apparente ou bien leur semblent une menace monstrueuse à la qualité humaniste traditionnelle de la profession ou encore leur paraissent un luxe réservé à quelques institutions privilégiées.

En revanche, des initiatives de plus en plus nombreuses et variées voient le jour en Amérique et en Europe; des cours d'introduction aussi bien que des cours réguliers et des symposia sur l'informatique et l'automatisation des différents services de bibliothèque se multiplient d'année en année; des programmes assortis aux besoins particuliers de diverses bibliothèques sont mis à leur disposition, après avoir été élaborés par les plus importantes sociétés productrices de machines automatiques ou des agences de « consultants » en informatique. Fait plus important encore peut-être, le monde de l'automatisation et celui des bibliothèques ont trouvé un terrain de rencontre et un dialogue très intéressant s'est engagé.

Révolution culturelle

On le voit, la machine prend de plus en plus de place en bibliothéconomie et, bon gré mal gré, nous nous engageons sur une voie irréversible. Ou comme le dit de façon plus générale et plus pittoresque Jean Geoffroy dans le Nouvel Observateur du 17 janvier 1968 : « Les enfants de « Bessie » ont déjà envahi les bureaux, les usines et les laboratoires. Et désormais, pour le meilleur ou pour le pire, on ne pourra plus rien faire sans eux » [1]. C'est qu'au fond nous sommes ici en présence d'un phénomène de civilisation proprement dit, qu'on pourrait nommer révolution de l'imprimé et de la diffusion de l'information, dont les répercussions sur l'évolution de l'humanité seront encore plus marquantes que celles de la révolution industrielle d'il y a deux siècles. En effet, l'ère des télécommunications consécutive à l'invention des ordinateurs est en train de faire redécouvrir à l'homme, par tous ses sens, l'univers qui l'entoure et par réciprocité son propre univers physique et mental au point de bouleverser jusqu'à son mode de penser [2]. Pour reprendre une expression de Mc Luhan, l'homme sort de la galaxie Gutenberg, caractérisée par un mode d'expression et de pensée linéaire, fragmenté, séquentiel, pour s'engager dans une voie élargie, caractérisée par un mode d'expression et de pensée multidimensionnel, intégral, immédiat (c'est-à-dire faisant appel à plusieurs ou à toutes les sources de perception à la fois). On délaisse graduellement le concept de ligne droite, de symétrie consécutive qui s'est imposé plus ou moins consciemment à l'homme civilisé dans tous les domaines depuis l'invention de l'alphabet et plus particulièrement depuis l'avènement de l'imprimerie et on s'oriente vers les concepts à symétrie concurrente de modules, réseaux, etc. qui s'imposent à leur tour à l'homme de l'ère électronique.

Somme toute, la révolution culturelle, dont les prolégomènes apparaissent à nos yeux, va nous acheminer vers un nouvel humanisme intégral appelé à se développer à la même vitesse que la science nouvelle, sous l'impulsion d'un phénomène identique. De même que la fission nucléaire a introduit l' homme au cœur de la matière, lui livrant en même temps des ressources énergétiques insoupçonnées, ainsi la fission culturelle qui s'opère sous nos yeux, provoquée par l'impact des télécommunications de l'ère cosmique, introduira l'homme au cœur de l'esprit lui révélant en même temps des profondeurs insoupçonnées. Évidemment cette floraison nouvelle de l'esprit cache également des menaces terribles de déshumanisation par asservissement aux robots électroniques ou d'anéantissement total par désintégration atomique. Il est inutile d'insister.

Répercussion sur l'éducation et le professions

Il appert qu'une révolution culturelle a des répercussions immédiates sur le contexte éducatif d'abord et par redondance sur le monde des professions. Le sujet a été fort bien traité aux derniers colloques de l'automne 1968 des Diplômés de l'Université de Montréal [3] et des Anciens de Laval [4]. Qu'il suffise de noter que dans le nouveau contexte éducatif créé par la révolution des télécommunications - McLuhan dit : « The medium is the message » puis « The medium is the massage » - l'éducation se ramène au processus dirigé de la créativité individuelle à l'intérieur de cadres physiques très diversifiés, sous la dépendance d'organismes scolaires proprement dits mais en étroite collaboration avec le gouvernement et les corps intermédiaires de la société.

Dans ce processus de formation de la personnalité, la scolarité au sens strict n'intervient que pour une partie, le professeur devient essentiellement un guide éclairé de l'effort créateur de l'élève avec l'aide de tout l'appareillage diversifié des moyens d'enseignement et l'école en tant que local a de moins en moins d'importance. On peut consulter à ce propos l'ouvrage tout récent de MM. Jean-Marie Hamelin et Roch Duval de l'Université Laval : « L'école sans murs, l'éducateur sans frontières ». Autres caractéristiques du monde de demain, la sociologie en tant que forme nouvelle de culture générale exercera de plus en plus d'attrait - on parle d'humanisme planétaire; la recherche scientifique sera de plus en plus politisée, comme le soulignait à la fin de mars à l'Université de Toronto, le sénateur Maurice Lamontagne, président du Comité spécial du Sénat sur la politique scientifique et les professions s'orienteront vers un néocorporatisme comme les confréries au Moyen âge.

Répercussion sur le bibliothécariat : double défiI

Notre profession est étroitement entée sur l'éducation et se situe vitalement sur la chaîne indéfinie de la communication de l'information. Aussi est-ce inévitable qu'elle soit fortement touchée par la révolution culturelle de l'ère électronique des télécommunications.

I. Techniques nouvelles.

D'une part il faudra que le bibliothécaire apprenne à connaître et vise à maîtriser diverses techniques qui lui étaient jusqu'ici assez étrangères; d'abord les techniques de stockage et de repérage automatique de l'information, jusqu'à pratiquer même certains métiers spécifiques de l'informatique comme l'analyse et la conception de systèmes et l'analyse-programmation. Cela implique connaissances techniques mais aussi apprentissage du travail en équipes multi-professionnelles, coopération à l'échelle régionale, provinciale, nationale et même internationale à l'intérieur de réseaux automatisés polyvalents et efforts vers la normalisation. Des exemples existent déjà sous nos yeux avec des systèmes comme : MARC II de la Library of Congress (Machine Readable Catalog Project) dont le format-machine pour les monographies est déjà une norme internationale; SYMBIOSIS (System for Medical and Biological Sciences Information Searching) qui dessert neuf bibliothèques médicales dans la région de New York; MEDLARS (Medical Literature Analysis and Retrieval System); ASCA (Automatic Subject Citation Alert) et son équivalent canadien SDI (Selective Dissemination of Information) à la Bibliothèque scientifique nationale, etc. On peut signaler également la création récente, au niveau de l'AUCC (Association des Universités et Collèges du Canada), d'un Comité pour l'automatisation des bibliothèques au Canada dont le but avoué est l'établissement de normes canadiennes pour l'automatisation des services de bibliothèque. Au Québec, on annonce tout juste la formation, par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec en collaboration avec la Direction générale de l'enseignement supérieur, de deux comités de travail : CESBIQ et CESIUQ, dont le premier portera sur les modalités de la mise en place d'un système de bibliothèques interuniversitaires au Québec et l'autre sur les implications de la mise en place d'un système d'informatique pour les universités québécoises. Tout cela ressemble étrangement, il me paraît, au système anticipé de BIBLO-QUEBEC décrit par le R.P. Filion [5].

Le bibliothécaire devra approfondir également les techniques d'administration des affaires au sens propre, en appuyant sur les méthodes de contrôle de la production, de façon à améliorer considérablement la rentabilité de son entreprise tant au point de vue de la qualité du produit offert qu'au point de vue du rendement du personnel. Il pourra avantageusement ici se prévaloir des capacités de l'ordinateur pour faire de la recherche opérationnelle en administration de bibliothèques. Des études de ce genre ont déjà été entreprises à l'Université John Hopkins et à l'Université Purdue aux États-Unis et il conviendrait que cet exemple suscite d'autres efforts dans ce domaine encore peu exploré. Administration des affaires implique aussi administration du personnel, relations humaines, contrat de travail, associations et syndicats, etc. Le bibliothécaire aura de plus en plus à se familiariser avec ce domaine très complexe des relations du travail. Somme toute, il semble que le bibliothécaire de demain soit appelé à devenir un homme d'affaires. Pour extrême qu'elle puisse paraître à certains, cette opinion fut émise récemment lors d'un colloque sur le bibliothécaire de demain tenu à l'École de bibliothéconomie de l'Université de Pittsburgh en octobre 1968 sous les auspices de LARC (Library Automation Research and Consulting Services) [6].

Ainsi, d'une part, il apparaît que la profession, en ce dernier quart du xxe siècle, affronte un défi que je qualifierais de physique et d'opérationnel amené par l'éclatement quantitatif de l'information et la révolution technique des télécommunications. Je serais porté à parler de défi plutôt externe, à savoir d'une situation d'urgence ou de crise, point de saturation du système qui risque de le paralyser totalement. Il faut revivifier le système par l'application de techniques nouvelles; c'est le premier temps de la relation ordinateur-bibliothécaire, déjà bien engagé depuis une décennie ou deux.

2. Conceptions nouvelles.

D'autre part la profession doit faire face à un défi intellectuel constituant un deuxième temps pour ainsi dire de la relation ordinateur-bibliothécaire. On pourrait parler ici de défi interne mettant en cause la nature même de la profession et ses objectifs fondamentaux et visant les démarches intellectuelles propres au bibliothécaire. Heureusement pour nous, la profession est déjà sensibilisée au problème et est en train de relever ce deuxième défi, comme le prouve l'orientation nouvelle des cours de bibliothéconomie au Canada, l'augmentation marquée des études doctorales et post-doctorales en bibliothéconomie aux États-Unis, favorisées par des plans de bourses gouvernementaux dans le cadre du HEA (Higher Education Act), la prolifération de cours de recyclage ou de perfectionnement souvent subventionnés par le gouvernement - il n'y a qu'à consulter la liste imposante « Continuing Education for Librarians... » préparée par The Office for Library Education de l'ALA - également la distinction de plus en plus marquée entre professionnels et bibliotechniciens sanctionnée par le développement rapide de cours à ce deuxième niveau et l'établissement d'instituts ou corporations professionels comme l'Institute of Professionnal Librarians of Ontario et la toute récente Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec, sans compter les études variées sur la philosophie ou la sociologie de la bibliothéconomie.

Mais s'il est assez évident que la profession se ressaisit et se repense en recherchant une structure mieux adaptée à une société fortement dominée par la technologie et l'automatisation, il est aussi évident que l'effort de conceptualisation exigé du bibliothécaire, surtout depuis l'avènement des ordinateurs de troisième génération, est à peine entamé. Les choses se présentent comme si, au cours des dix dernières années, avec des ordinateurs de deuxième génération, le bibliothécaire encore sceptique sur la valeur réelle de l'ordinateur pour l'aider à accomplir ses tâches proprement intellectuelles, même s'il avait pu l'apprécier comme outil précieux dans l'accomplissement de ses tâches routinières et comme moyen d'impression, avait à son tour lancé un défi aux architectes-logiciens qui conçoivent les machines. En effet, pour travailler efficacement, le bibliothécaire a ordinairement besoin d'un accès direct et immédiat à sa documentation, et ne peut se contenter d'un accès linéaire en différé. Or, avec la troisième génération d'ordinateurs, vieille à peine de quatre à cinq ans, le défi a été relevé du côté des fabricants de machines. Le bibliothécaire se voit désormais offrir des systèmes autonomes ou à temps partagé, disponibles en tout temps, munis d'une part de mémoires à accès direct, d'une capacité suffisante pour répondre à tous ses besoins et d'un coût d'opération abordable, d'autre part de stations terminales d'entrée et de sortie ou d'interrogation avec claviers et écrans d'affichage qu'on peut disposer où il en est besoin et d'imprimantes offrant toute la gamme des caractères et symboles désirés.

Il n'en va pas de même malheureusement du côté du bibliothécaire. Disposant désormais d'un instrument de travail infiniment précis et rapide qui exige que tout soit disséqué en ses éléments logiques ou statiques avant d'être absorbé, le bibliothécaire réalise combien boîteuses étaient ses méthodes comptables, combien imprécises ou peu significatives ses statistiques, combien inconsistantes ses méthodes de signalisation bibliographique. Plus fondamentalement, habitué en général à une démarche intellectuelle orientée vers l'identification plutôt large du contenu des ressources de la bibliothèque, il a de la difficulté à définir les paramètres des méthodes d'indexation ou d'analyse en profondeur des sources et par suite à établir des méthodes consistantes d'interrogation de la machine. Cette situation rend difficile l'établissement de normes dans l'élaboration de systèmes automatiques de recherche rétrospective de l'information propres aux bibliothèques, d'autant plus qu'on est forcé d'utiliser dans ces systèmes les nombreux index et résumés analytiques hautement spécialisés préparés, à défaut de bibliothécaires, par des analystes et documentalistes professionnels.

Ajoutons toutefois, à la décharge du bibliothécaire, qu'il ne faut pas trop se surprendre que les réalisations à ce niveau en soient encore au stade expérimental et embryonnaire, si l'on considère qu'il s'agit en l'occurrence d'inventer de nouvelles avenues intellectuelles débouchant automatiquement sur la quintessence des textes. Or l'on sait que l'ordinateur est incapable d'imagination créatrice, même si certains chercheurs opérationnels pensent le contraire. Aussi longtemps que les données bibliographiques se présentent en éléments fixes et facilement identifiables comme par exemple dans les entrées de catalogue, le travail est assez simple et c'est surtout le facteur économique qui entre en jeu. Mais dès qu'il s'agit d'établir des corrélations de faits ou de concepts à partir du contenu global de livres ou d'articles de revues, il en va tout autrement et bien du chemin reste à faire avant qu'on aboutisse à un bibliothécaire de référence-robot adéquat. On rejoint ici les difficultés propres à la linguistique, à la sémantique, etc. et il semble qu'il faille s'attendre, avec l'indexation automatique, aux mêmes déboires qu'avec la traduction automatique. Voici, au hasard, quelques-uns des problèmes qui doivent solliciter l'attention de la profession : règles de mise en filière ou de mise en ordre alphabétique, méthodes de classification et d'indexation et problème connexe de vocabulaire libre (descripteurs, thesauri) ou contrôlé (vedettes-matière), organisation ou présentation analytique de l'information par rapport à la démarche intellectuelle du chercheur ou du client (domaine quasi inexploré jusqu'à ce jour).

Je me permets d'appuyer quelque peu sur le dernier problème mentionné. Je souscris volontiers aux paroles du président de l'ACBLF, M. Maurice Auger, dans son communiqué de mars 1969 : « Le lecteur, ce grand oublié que nous avons pourtant mission de servir, se classe souvent bien bas dans l'échelle de nos préoccupations ». N'y a-t-il pas lieu, dans cette ambiance de redécouverte de l'homme total suscitée par la révolution des télécommunications, de partir plus spécialement à la découverte de notre clientèle à tous les niveaux! Ce qu'il faut avant tout, c'est approfondir la psychologie du dialogue homme-homme et du dialogue homme-machine et orienter notre action en conséquence. Il y aurait avantage ici à consulter un ouvrage comme « Je et tu » du philosophe Martin Buber [7], même s'il ne s'agit pas là d'une lecture facile. J'aime particulièrement, à propos du dialogue homme-machine, l'expression « tacit dimension » utilisée par Michael Polanyi [8]. Il faut en venir à connaître tellement bien la mentalité du client, ses besoins, les ressources d'information disponibles, les approches conceptuelles possibles à cette documentation et les supports logiques et physiques des programmes automatiques établis qu'on soit comme imprégné par cet ensemble et qu'on agisse par seconde nature comme un parfait catalyseur entre l'information et le client, ayant éliminé toute barrière le long du réseau de transmission, un peu à la façon du chauffeur privé expérimenté qui connaît par intuition et expérience toutes les possibilités de son véhicule et aussi le tempérament et les habitudes de son patron et sait répondre avec à propos à tous ses désirs. Il est rarement question de moteur ou de système d'allumage entre les deux, non plus que de capacité d'octets ou de circuits électroniques de l'ordinateur entre le bibliothécaire et son client. Toutefois, à la différence du patron qui est en général motivé et fait appel régulièrement à son chauffeur, le client de la bibliothèque est souvent peu motivé et s'avère même paresseux dans l'utilisation des services mis à sa disposition, si excellents soient-ils. Le bibliothécaire devra ici faire appel à la psychologie de la mise en marché et de la vente pour développer ses services, ce qui influencera ses programmes de relations avec l'extérieur.

Ces recherches intellectuelles de la part du bibliothécaire se poursuivront en même temps que se prépare déjà une quatrième génération d'ordinateurs plus éblouissante que les précédentes. Il est bien évident que la bibliothéconomie est engagée pour l'immédiat dans une importante révolution et que ses membres devront faire preuve de beaucoup d'imagination et d'esprit de travail, non seulement pour s'adapter à la nouvelle ambiance mais encore pour se tenir à l'affût des derniers développements.

Quelques statistiques

Devant la multiplication des travaux d'automatisation entrepris ou projetés par différentes bibliothèques aux États-Unis et au Canada, dont quelques-uns seulement ont fait l'objet de rapports dans la littérature professionnelle, le besoin s'est fait sentir d'un inventaire de ces initiatives diverses. Je me contenterai de présenter ici les résultats comparatifs globaux de trois sondages effectués au milieu de 1966, au début de 1967 et 22 mois plus tard en septembre 1968, le premier par la firme Creative Research Services, Inc. [9] pour le compte de la Documentation Division de la Special Libraries Association et du Library Technology Program de l'American Library Association, le deuxième par The Science Press, Inc. et le troisième par The LARC (Library Automation Research and Consulting Services) [10]. Les pourcentages s'établissent sur 6 150 réponses à environ 10 000 questionnaires dans le premier cas et sur un échantillon de 1 000 et 400 bibliothèques dans les deux autres cas. Les résultats obtenus sont les suivants : au milieu de 1966, 10 % des bibliothèques étaient engagées dans l'automatisation de l'une ou l'autre de leurs fonctions et 8,3 % projetaient de le faire; au début de 1967, 12 % avaient automatisé certains services et 8,2 % projetaient de le faire en 1967 et 1968; en septembre 1968, 20 % poursuivaient effectivement des travaux d'automatisation - ce qui confirme la projection de la deuxième enquête - et 15 % projetaient de le faire en 1969 ce qui donnerait un total de 35 % de bibliothèques ayant des réalisations en cours à la fin de 1969.

Situation au Canada, à Laval en particulier

Au Canada, les réalisations les plus marquantes se situent au niveau des bibliothèques d'université et de recherche et remontent à peine à 1963. Voici une énumération des sources essentielles sur le sujet. D'abord le relevé sommaire fait par la Research Section de la Canadian Library Association et publié en juin 1965 [11]. Ensuite le compte rendu de la « Journée d'étude sur l'automatisation dans les bibliothèques canadiennes » [12] tenue à l'université Laval en mars 1966. Le Rapport Downs sur les « Ressources des bibliothèques d'université et de recherche au Canada » en fait état ainsi que des réponses à un questionnaire distribué par l'équipe d'étude de l'AUCC (Association des Universités et Collèges du Canada) au cours de cette enquête [13]. Ce texte constitue encore la meilleure mise au point sur la situation canadienne. Viennent ensuite les communications présentées durant la première « Session d'étude de l'ACBCU sur l'automatisation des bibliothèques » tenue à Vancouver en avril 1967 [14] et celles, encore inédites, de la deuxième session du même organisme tenue à Toronto en mars 1968. Enfin, d'ici quelques semaines, paraîtront les résultats d'un nouveau questionnaire préparé par le Comité de l'AUCC pour l'automatisation des bibliothèques au Canada en mai 1969. L'objectif principal de ce comité est de pallier le manque de planification à l'échelle nationale en matière d'automatisation souligné en ces termes par le Rapport Downs : « L'activité intense qui s'exerce dans les bibliothèques au Canada et ailleurs est en grande partie dénuée de coordination. Il y a double emploi d'expériences, de plans de systèmes, et de programmation » (p. 173).

En dehors des projets d'automatisation réalisés par les bibliothécaires d'universités canadiennes, une autre source se limite spécifiquement aux réalisations des documentalistes au niveau de l'industrie, du gouvernement, des universités et des associations. Il s'agit de l'ouvrage de F.T. Dolan : « Information retrieval in Canada; a preliminary survey » [15].

Il y a également quelques sources se rapportant à des projets particuliers, par exemple : « The Ontario new universities library project » [16] et le project MARC à l'Université de Toronto [17, 18]; la circulation automatique à l'Université Victoria [19]; les listes de références à l'Université de Waterloo [20]; l'interrogation en direct des fichiers à la bibliothèque publique de Toronto [21]; le programme d'acquisitions à l'Université Dalhousie [22]; « Asyvol » [23], Recordak Miracode [24, 25], le Centre de documentation [26] et le système de périodiques en temps réel [27, 28, 29, 30] à l'Université Laval, sans compter son programme d'ensemble publié en août 1967 par les soins de l'ACBLF, Montréal [31] - ce texte maintenant largement dépassé et d'ailleurs épuisé sera mis à jour et prochainement réédité.

En terminant, qu'il me soit permis de souligner le rôle de chef de file assumé par la bibliothèque de l'Université Laval, bien à son insu, il faut le dire, et que reconnaît en termes élogieux, trop élogieux même, le Rapport Downs : « Les progrès réalisés à l'Université Laval sont des plus étendus... Un programme unique en son genre, nommé ASYVOL (Analyse synthétique par vocabulaire libre) et établi à Laval, ne limite pas le nombre de termes retenus pour l'indexage... » (p. 164) « Mention a été faite ci-dessus de certaines des initiatives exceptionnelles et importantes prises à Laval dans le domaine de l'automatisation. Les applications de l'informatique aux opérations bibliographiques y sont les plus étendues, les plus complètes et les plus poussées qu'on puisse trouver dans toute autre université canadienne et, sans doute, dans toute autre université américaine... » (p. 166) -suit une description du système Miracode.

Il est bien vrai que Laval a fait figure de pionnier glorieux jusqu'ici et a rallié les énergies sur la voie de la normalisation au plan national, avec sa conférence de 1966, mais « Honor Onus » dit l'adage ancien : il lui faudra prendre garde à la tentation de se reposer sur ses lauriers.

  1. (retour)↑  Édition abrégée et légèrement retouchée de deux textes de l'auteur : I) « Utilisation de l'ordinateur dans une bibliothèque d'études : le point sur la situation actuelle ». Communication présentée au Colloque sur les implications administratives de l'automatisation dans les grandes bibliothèques. Université de Montréal, 9-II mai 1968 et parue dans les Actes 1969, p. 43-56; 2) « Bibliothèques et bibliothécaires d'aujourd'hui et de demain à l'ère électronique. Quelques réflexions sur le thème du prochain congrès de l'ACBLF. Information, communication et bibliothèque ». In : Bulletin de l'Association canadienne des bibliothécaires de langue française, Vol. XV, n° 2, juin 1969, pp. 59-66.
  2. (retour)↑  Édition abrégée et légèrement retouchée de deux textes de l'auteur : I) « Utilisation de l'ordinateur dans une bibliothèque d'études : le point sur la situation actuelle ». Communication présentée au Colloque sur les implications administratives de l'automatisation dans les grandes bibliothèques. Université de Montréal, 9-II mai 1968 et parue dans les Actes 1969, p. 43-56; 2) « Bibliothèques et bibliothécaires d'aujourd'hui et de demain à l'ère électronique. Quelques réflexions sur le thème du prochain congrès de l'ACBLF. Information, communication et bibliothèque ». In : Bulletin de l'Association canadienne des bibliothécaires de langue française, Vol. XV, n° 2, juin 1969, pp. 59-66.