FONCTIONNEMENT ET ANIMATION DES ANNEXES DE PRÊT

Claude Bernard

Grenoble offre cette particularité qu'un service de lecture publique y a été créé très tôt et s'est ensuite développé régulièrement, en même temps que la ville grandissait. Des bibliothèques de quartier s'échelonnent du centre vers la périphérie, de plus en plus modernes dans des quartiers de plus en plus neufs.

La plus ancienne, rue Abbé de La Salle, remonte à 1883. La conformation du local ne permet pas l'accès aux rayons, mais elle garde ses lecteurs fidèles. Les achats ayant été faits de façon très régulière et très soigneuse depuis sa création, elle possède un fonds de livres précieux, certaines éditions étant devenues introuvables.

A la limite du vieux Grenoble, l'annexe Randon, créée en 1945, comportait dès l'origine deux grandes salles, une pour adultes avec prêt de livres et de revues, lecture sur place et fichier de critiques de films, une pour enfants, ouverte tous les jours avec heure du conte le jeudi. Les deux sont toujours très fréquentées, mais aucune réparation n'ayant été faite depuis l'origine, les locaux sont devenus d'une vétusté alarmante.

S'ouvrit ensuite, dans un quartier très commerçant, près de la gare, une bibliothèque installée dans un ancien magasin avec une vitrine ouvrant largement sur une des grandes rues de Grenoble : le Cours Berriat. Destinée aux adultes uniquement, c'est en ce domaine l'annexe la plus active, que gêne seulement pour une plus grande extension une superficie beaucoup trop restreinte. Un essai va être tenté pour compenser par des heures d'ouverture plus larges le manque de place afin d'étaler au maximum le passage des lecteurs. Vint ensuite un peu plus loin, une bibliothèque pour enfants située près d'un groupe scolaire, avec également une grande vitrine. Elle devint bien vite, elle aussi, trop petite.

En ces dernières années, Grenoble a été l'une des villes de France dont l'essor a été le plus spectaculaire; c'est aussi une de celles où la municipalité s'est le plus souciée de ne pas créer de grands ensembles sans âme, peuplés de déracinés, et l'action des Unions de quartier peut s'appuyer sur un équipement socio-culturel solide. C'est ainsi que trois nouvelles bibliothèques furent créées : La Bajatière, Les Alpins et le Village Olympique.

La Bajatière 1 : assez proche du nouveau centre de ville, elle est située à l'extrémité d'un groupe scolaire. Chaque semaine elle reçoit la visite de certaines classes, en particulier des classes de perfectionnement. Les adultes viennent également de plus en plus nombreux, de classes sociales et d'âges très variés : jeunes du lycée voisin, habitants d'une maison de vieillards, jeunes ménagères, enseignants ingénieurs. Une fois de plus, la place manque. Une extension serait possible.

Les Alpins 2 : C'est un quartier neuf entouré de grosses entreprises, remarquable par la bonne entente qui règne entre les responsables des divers équipements socio-culturels : bibliothèque, centre social, résidence de personnes âgées, maison des jeunes. La bibliothèque située à la limite du quartier a dû lutter pour se faire connaître, ce qui a amené la responsable à organiser très tôt des séances d'animation pour les enfants d'abord, plus récemment pour les adultes. Cette animation a généralement pour base une exposition prêtée par le Centre régional de documentation pédagogique qu'enrichissent des apports divers : diapositives, disques, objets apportés par les parents et les voisins, conférences et films par des groupements de la ville ou des voyageurs. Une seconde exposition regroupe les dessins par lesquels les enfants expriment ce qui les a le plus frappés.

Le Village Olympique 3 est actuellement la pointe extrême de Grenoble et le terrain d'expérience préféré des sociologues et des urbanistes dans un quartier construit pour abriter les athlètes pendant les Jeux. Il compte 7 000 habitants environ. La bibliothèque, le centre social, la maison des jeunes et la Halte-Garderie, sont dans le même bâtiment de style montagnard, en bois et en béton, face à la maison de l'enfance installée dans une ancienne ferme restaurée. Chaque semaine, les responsables de ces divers équipements se réunissent pour coordonner leur action. La bibliothèque avec des rayonnages en pin d'orégon et un sol en briques aux tons fauves très doux est très belle et agréable, malgré quelques imperfections dues à une construction trop hâtive. La salle pour adultes est toute en lignes verticales et horizontales, très sobre. Pour les enfants, une longue table sinueuse, des poufs de couleurs vives et des lampes multicolores mettent une note de fantaisie. Du groupe scolaire voisin, des classes viennent régulièrement avec leur instituteur. A l'heure du conte arrivent aussi les petits de la maison de l'enfance. Le décor s'enrichit souvent des œuvres réalisées dans les ateliers de la maison des jeunes (poteries, émaux, menuiserie...) et aux expositions propres à la bibliothèque s'ajoutent celles qui sont communes à l'ensemble du bâtiment. Enfin, chaque semaine le « Club 1900 » regroupe à la bibliothèque les personnes âgées du village; des conférences accompagnées d'une exposition de livres sont organisées à leur demande sur le sujet qu'elles ont choisi, sujet qui correspond souvent à un désir d'enracinement dans ce quartier si neuf (explication des sculptures modernes, des noms de rues...). A ce réseau déjà fourni de bibliothèques, vont s'en ajouter d'autres encore en 1969 et 1970, soit dans les quartiers neufs (Malherbe, Teisseire, Mistral) soit dans le vieux Grenoble, dans le cadre magnifique de l'ancien hôtel de ville, en un rez-de-chaussée s'ouvrant sur le beau jardin où traditionnellement les Grenoblois viennent goûter le soleil en surveillant les ébats des enfants, à deux pas des grands magasins et des arrêts de cars et d'autobus. Enfin le bibliobus assure chaque semaine neuf stationnements en des points éloignés des bibliothèques fixes. Datant de 1956, il est devenu lui aussi beaucoup trop petit pour le nombre de lecteurs qui l'assaillent et devrait être remplacé par un car plus vaste et plus clair. De cette description rapide se dégagent deux caractères essentiels :

a) la structure des bibliothèques de lecture publique dans une grande ville peut être conçue de deux manières : ont peut soit créer un petit nombre de bibliothèques assez importantes, éloignées les unes des autres et dotées d'un grand choix de livres et d'un personnel relativement important, soit faire tout un réseau de petites bibliothèques gérées par une seule personne. C'est cette deuxième politique qui a été choisie à Grenoble. A première vue, elle peut sembler plus onéreuse, beaucoup de livres devant être achetés en un grand nombre d'exemplaires; elle nécessite aussi un personnel de remplacement plus important. Mais ces petites bibliothèques ont le gros avantage de s'intégrer parfaitement à la vie d'un quartier et de ne pas devenir des supermarchés où se débitent des livres. Le contact humain entre le responsable de l'annexe et les lecteurs reste très vivace et permet de résoudre sans heurts bien des problèmes, notamment ceux des adolescents, en usant de dialogue et non d'interdiction. Ces bibliothèques ne prennent cependant toute leur valeur que si une bibliothèque plus importante au centre commerçant de la ville et un fonds commun s'accompagnant d'un catalogue à la disposition de tous les lecteurs, permettent de combler très rapidement leurs lacunes. Cette bibliothèque doit prendre place dans l'ancien hôtel de ville. Le fonds commun sera installé avec les bureaux boulevard Maréchal Lyautey, près de la bibliothèque d'étude. Une camionnette portera chaque matin dans les annexes les livres demandés la veille par téléphone.

b) Cette intégration dans la vie du quartier, en collaboration étroite avec le centre social, la maison de l'enfance, la maison des jeunes, la résidence des personnes âgées, reflète la volonté très marquée de la municipalité de créer des liens entre les divers équipements socio-culturels. Il n'est pas possible aux bibliothèques de Grenoble de rivaliser avec la maison de la culture, le conservatoire ou le théâtre municipal, où se multiplient les spectacles et conférences de qualité. Elles peuvent et doivent donner un écho et un prolongement au plaisir d'une soirée en offrant des livres qui permettront de l'approfondir. La maison de la culture étant éloignée du centre de la ville, certaines de ses animations, littéraires en particulier, pourront être reprises à la bibliothèque de l'ancien hôtel de ville. Des expériences commencent aussi avec certains groupes scolaires, notamment l'école pilote annexe de l'école normale, la bibliothèque devenant la base des disciplines d'éveil et par là même de l'éducation permanente.

  1. (retour)↑  L'annexe de prêt de la Bajatière pour adultes et pour enfants, projetée par délibération du Conseil municipal de 1964, a été ouverte fin 1967.
  2. (retour)↑  L'annexe de prêt des Alpins pour adultes et pour enfants, projetée par délibérations du Conseil municipal de 1964 et de 1966, a été ouverte en février 1967.
  3. (retour)↑  L'annexe du Village Olympique pour adultes et pour enfants, projetée par délibération du Conseil municipal de 1966, a été ouverte en septembre 1968.