Quelques aspects des bibliothèques canadiennes

Germaine Lebel

Les bibliothèques canadiennes ne cessent de se perfectionner comme en témoigne la Bibliothèque de l'Université Laval qui a entrepris l'automatisation de son service des périodiques, de son service du répertoire des vedettes-matière, de l'Index analytique et qui projette d'automatiser ses services des acquisitions et du catalogage. Le réseau de bibliothèques de lecture publique est caractérisé par l'existence de vastes bibliothèques régionales et par l'octroi de subventions calculées en fonction du nombre d'habitants

C'est à l'occasion de la 33e session du Conseil général de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires, réunie à Toronto, du 15 au 20 août 1967, qu'un groupe de vingt-quatre bibliothécaires français a pu se rendre au Canada et effectuer ensuite un voyage d'études de deux semaines au Canada et aux États-Unis.

Notre séjour canadien s'est donc limité à une quinzaine de jours, au cours desquels nous avons eu la possibilité de visiter un certain nombre de bibliothèques à Toronto, Ottawa, Montréal et Québec. Ce sont les résultats de cette expérience - trop courte à mon gré - que je veux évoquer en tenant compte également de la documentation rassemblée au cours de la session de Toronto ou obligeamment communiquée depuis par le Service des bibliothèques publiques du Québec.

Avant d'aborder cette étude, il n'est peut-être pas inutile de rappeler certains aspects particuliers au Canada - aspects qui conditionnent l'implantation et le développement des bibliothèques sur son territoire.

La première caractéristique du Canada, c'est son immensité. Pour la superficie, il se classe au second rang des pays du monde, après l'URSS et avant la Chine et les États-Unis : 9 976 000 km2, soit dix-huit fois la superficie de la France. Et, sur cet immense territoire, vivent seulement vingt millions d'habitants, dont la grande majorité est établie au Sud, non loin de la frontière des États-Unis. Huit millions de Canadiens habitent dans des villes, équipées de façon ultramoderne, à l'instar des villes américaines et pourvues de bibliothèques dotées, le plus souvent, des derniers perfectionnements de la technique.

Mais, en dehors des centres urbains, la densité de la population décroît rapidement et on atteint bientôt des territoires immenses où le peuplement est clairsemé, où l'habitat ne se présente plus que sous la forme de groupes isolés. Le climat est rigoureux, les communications difficiles. Dans de telles régions, l'implantation de bibliothèques et l'organisation de services de lecture publique présentent évidemment des problèmes ardus.

Enfin, autre caractéristique proprement canadienne : le Canada étant constitué par la fédération de dix provinces, auxquelles s'ajoutent le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, la responsabilité d'organiser les services de bibliothèques publiques incombe à l'autorité locale ou provinciale. Chacune des dix provinces est libre de faire face à ses besoins comme bon lui semble, le Gouvernement fédéral étant en outre responsable de l'administration des Territoires du Nord-Ouest. Il est bien évident qu'une telle multiplicité de juridictions rend difficile une planification à l'échelle nationale. Néanmoins, les autorités intéressées semblent converger vers l'emploi de méthodes apparentées sinon identiques, pour fournir à la population des services de lecture publique correspondant aux nécessités actuelles. La solution généralement adoptée est celle de la bibliothèque régionale, financée par des taxes locales et par une subvention provinciale.

Quant aux bibliothèques universitaires, elles dépendent directement des universités, qui sont des organismes privés et autonomes, bénéficiant d'une subvention de la province et de très importantes donations de particuliers. Dans ces universités, le nombre des facultés paraît sensiblement plus élevé qu'en France. Il existe des facultés d'agriculture, de chirurgie dentaire, de sciences de l'ingénieur, de sciences de la nutrition, de sciences des forêts, de musique, etc. De même certaines écoles sont rattachées à l'université, qui, chez nous, seraient extra-universitaires : École d'architecture, École d'infirmières diplômées, École ménagère, École de travail social, École des sports, École de bibliothécaires, etc. Par ailleurs, on trouve dans les principales universités une section consacrée à l'étude des ordinateurs, un centre de calcul et de traitement de l'information, ce qui contribue à faciliter largement l'automatisation des services de bibliothèques.

I. - Les grandes bibliothèques du Canada

Nous allons maintenant passer une revue rapide des principales bibliothèques que nous avons eu l'occasion de visiter au cours de notre séjour au Canada.

Toronto.

Bibliothèques universitaires.

La fondation de l'université de Toronto remonte au temps lointain où la région était encore couverte de forêts. C'est en 1827 que le roi George IV octroie une charte royale pour la création d'une université, appelée « King's College », dans la ville d'York, capitale du Haut-Canada. York devient, par la suite, Toronto et le Haut-Canada l'Ontario.

L'université est établie, depuis 1859, dans le vaste campus Saint-George, qui comprend actuellement une centaine de bâtiments. Les divers collèges : « University College », « Victoria College », « Trinity College », « Wycliffe College », etc., ont, pour la plupart, un aspect typiquement britannique, avec leur architecture néo-gothique, leurs vastes pelouses verdoyantes, où courent en liberté de charmants petits écureuils, leurs longs réfectoires ornés de portraits de professeurs. On se croirait à Oxford ou Cambridge. 99 diplômes différents sont décernés chaque année à quelque 30 000 étudiants, originaires de 60 pays. L'enseignement porte sur toutes les disciplines, mais l'université est particulièrement célèbre pour ses travaux scientifiques. C'est à l'université de Toronto que, en 192I, Frederick Banting, John Mac Leod et Charles Best découvrirent l'insuline.

Les diverses bibliothèques universitaires renferment 2 614 000 volumes, dont 1 310 000 pour la Bibliothèque centrale. Les collections de la Bibliothèque des sciences sont particulièrement importantes et l'on va bâtir une bibliothèque de recherche pour les sciences sociales et humaines, dont la construction coûtera 42 millions de dollars.

Signalons enfin qu'un campus universitaire suburbain est en voie de développement à 21 miles (environ 34 km) du campus central. Dans ce nouveau campus, « Scarborough College » et « Erindale College » ont chacun une bibliothèque d'environ 60 000 volumes.

Bibliothèque publique.

La Bibliothèque publique de Toronto, due à la générosité d'Andrew Carnegie, comprend 430 000 ouvrages. Elle abrite le Centre bibliographique métropolitain, ainsi que la Bibliothèque centrale du théâtre, qui est le siège de la Société nationale des acteurs canadiens et, surtout, elle est le centre administratif de la Bibliothèque régionale de la zone urbaine de Toronto, qui groupe les bibliothèques de la ville et des faubourgs avoisinants. Nous avons pu visiter plusieurs de ses succursales : Richview Branch (« Etobicoke Public Library »), Amesbury Park Branch (« North York Public Library »), City Hall Branch (« Toronto Public Library »), ainsi que la « East York Public Library » et la « Cederbrae Regional Library » (« Scarborough Public Library »).

Toronto possède, en outre, deux bibliothèques spécialisées : la Bibliothèque du Parlement (140 000 vol.) et la « Boy's and Girl's House », qui renferme l'une des plus belles collection de livres pour la jeunesse, la fameuse « Osborne Collection ».

Ottawa.

Bibliothèque nationale.

Ottawa, capitale fédérale du Canada, ville aux proportions grandioses et aux monuments imposants, est le siège de la Bibliothèque nationale.

La bibliothèque est installée, depuis 1966, ainsi que les archives de la province, dans un somptueux bâtiment qui a coûté 12 500 000 dollars (environ 56 87 5000 F.). On y compte quelque 400 000 volumes, mais ses magasins peuvent facilement contenir plusieurs millions d'ouvrages. Les différents services sont aménagés selon les principes d'une grande bibliothèque traditionnelle : immense salle de lecture, manuscrits et livres rares dont on peut admirer certains spécimens artistement présentés dans des vitrines. (A signaler un fonds important de livres et gravures de l'époque napoléonienne). Les spécialités de la bibliothèque sont les sciences sociales et humaines, la bibliographie et la musique.

La Bibliothèque nationale du Canada a pour mission primordiale de rassembler une collection aussi complète que possible de Canadiana, c'est-à-dire de livres imprimés au Canada, écrits ou illustrés par des Canadiens, ou ayant pour sujet le Canada. Son service d'acquisitions est remarquablement organisé et elle bénéficie par ailleurs, du Dépôt légal. Ce Dépôt légal diffère, sur plusieurs points, du Dépôt légal français. Tout d'abord, il n'y a pas de dépôt d'imprimeur, mais seulement un dépôt d'éditeur. Le Dépôt concerne les livres, brochures, cartes géographiques et partitions musicales, mais non les périodiques, ni les journaux, à moins que le bibliothécaire n'en fasse spécialement la demande. Enfin, le nombre des exemplaires à déposer est fixé à deux. Il peut même être réduit à un, si la valeur totale des deux exemplaires dépasse 25 dollars.

La Bibliothèque nationale assure, depuis 195I, la publication de la bibliographie nationale courante canadienne, intitulée Canadiana et paraissant chaque mois, avec des refontes annuelles. Elle est en outre le siège du National Union Catalogue, le catalogue collectif national canadien. Commencé en 1952, il comprend plus de trois millions de fiches.

Bibliothèque nationale des sciences.

En ce qui concerne l'automatisation des services de bibliothèque, c'est la Bibliothèque nationale des sciences qui fait figure de bibliothèque pilote, à Ottawa. Créée en 1966, dans le cadre du Centre national de la recherche (National Research Council) et possédant 450 000 volumes, elle joue un rôle très important sur le plan de la diffusion de l'information, en répondant chaque jour à plus de trois cents demandes de chercheurs et, surtout, elle publie l'Union list of scientific serials in Canadian libraries, qui recense plus de 30 000 périodiques et publications en série possédées par 200 bibliothèques canadiennes. La nouvelle édition de ces serials vient d'être réalisée à l'aide d'un ordinateur IBM 360, qui enregistre les données et d'une imprimante IBM 1403, à débit rapide. Le travail a pu être effectué en quelques heures, alors qu'il eût fallu un an, au minimum, avec les moyens traditionnels.

D'autres bibliothèques fonctionnent également à Ottawa. Parmi les principales, citons la Bibliothèque du Parlement (500 000 volumes), la Bibliothèque publique (402 000 volumes), et les bibliothèques de l'Université Carleton (155 000 volumes), de l'Université d'Ottawa (Université catholique et bilingue : 228 ooo volumes) et de l'Université Saint-Paul (125 000 volumes).

Montréal.

Montréal, qui se classe au septième rang des grandes agglomérations urbaines de l'Amérique du Nord, est la ville la plus peuplée du Canada. Les trente-six municipalités formant la zone urbaine groupent près de deux millions et demi d'habitants, dont les deux tiers environ sont francophones.

Le bilinguisme étant officiel dans la province du Québec, l'enseignement supérieur y est dispensé par deux universités, également réputées, l'Université Mac Gill, de langue anglaise et l'Université de Montréal, de langue française.

Université Mac Gill.

En 1813, James Mac Gill, riche marchand de fourrures d'origine écossaise, lègue sa propriété de Burnside et une somme de 10 000 livres sterling pour la fondation d'une université à Montréal. En 182I, l'Université Mac Gill est créée par charte royale. Elle est ouverte aux étudiants en 1829.

Actuellement l'Université compte 9 facultés, 9 écoles supérieures et 2 instituts et collèges affiliés. Ses laboratoires sont réputés pour leurs recherches en physique nucléaire et en électronique. 14 000 étudiants suivent les cours d'enseignement supérieur et 12 600 les cours du soir (Evening extension) ou les cours d'été.

L'ensemble des bibliothèques universitaires comprend 18 bibliothèques : la Bibliothèque centrale Redpath et 17 autres bibliothèques, telles que la bibliothèque de « Macdonald College », à Sainte-Anne de Bellevue, et des bibliothèques de facultés, d'écoles ou d'instituts. Ces 18 bibliothèques sont placées sous la direction d'un directeur des bibliothèques universitaires, qui a la responsabilité de l'ensemble. Les collections se montent, au total, à environ 1 100 000 volumes. 2697 lecteurs peuvent trouver place dans les salles de travail et le personnel des bibliothèques comprend 24I personnes.

La bibliothèque Redpath, commencée en 1855, est la bibliothèque centrale, littéraire et scientifique. Elle renferme 547 000 ouvrages et 7 785 périodiques vivants. Mais, elle possède, en outre, d'importantes collections de manuscrits et livres rares des XVIIIe et XIXe siècles, ainsi que des Canadiana. Comme la plupart des bibliothèques américaines - entre autres, celle de Harvard - elle a bénéficié de nombreux dons de particuliers, dont certains effectués en mémoire d'un parent disparu. Telle est, par exemple, l'origine de la « Blackader Library of Architecture » et de la « Lauterman Library of Art ». La « Blacker-Wood Library of Zoology and Ornithology », également due à une fondation privée, renferme une précieuse collection d'ouvrages anciens d'histoire naturelle et de biologie, dont le plus connu est le Feather Book, qui date de 1618 et contient 155 reproductions d'oiseaux et de figures humaines uniquement réalisées à l'aide de plumes et de serres d'oiseaux.

La bibliothèque Redpath est maintenant surpeuplée. On entreprend, au sud du bâtiment actuel, la construction d'une nouvelle bibliothèque, la « Mac Lennan Library », qui sera destinée aux chercheurs en sciences humaines. Au rez-de-chaussée et au premier étage seront installés les services généraux : catalogues, bibliographies, ouvrages de référence, périodiques, salles de catalogage et de classification. Cinq autres étages seront consacrés à la recherche. Chacun d'eux pourra abriter 300 chercheurs et 250 000 volumes. Des locaux sont prévus pour la lecture des microfilms, pour les séminaires et pour la frappe à la machine. Un bibliothécaire qualifié sera affecté à chaque étage. L'actuelle bibliothèque deviendra une undergraduate library, destinée aux étudiants du premier niveau. Les deux bibliothèques seront réunies par des couloirs et les services communs (acquisitions, catalogage, reliure et reprographie) resteront centralisés à la bibliothèque Mac Lennan.

Université de Montréal.

L'Université de Montréal, fréquentée par les Canadiens francophones, est une des plus grandes universités de langue française hors de France. Elle a commencé par être une filiale de l'Université de Québec.

En 1852, le Grand séminaire de Québec fondait l'Université Laval, à laquelle une charte royale était accordée la même année, par la reine Victoria. En 1878, l'Université Laval créait, à son tour, une succursale à Montréal, comprenant 4 facultés. Mais il faudra attendre 1919, pour qu'un rescrit du Saint-Siège détache de l'Université Laval les facultés de Montréal. Une loi de 1920, ratifiée par le Parlement du Québec, constituera la première charte civile de l'université. A peine, constituée, elle est d'ailleurs ravagée par trois incendies successifs, en 1919 et 1926, puis reconstruite grâce à une souscription publique rapportant 4 millions de dollars. L'accroissement du nombre des étudiants nécessite néanmoins son transfert au Mont-Royal, sur un vaste terrain donné par la ville. L'inauguration de l'immeuble principal a lieu le 6 juin 1 943 .

Le vaste campus universitaire, construit en grande partie grâce à une nouvelle souscription publique, rapportant, cette fois, 13 millions de dollars, comprend 18 pavillons, des bibliothèques, des laboratoires, un centre de traitement de l'information, une cité universitaire, un centre de sports (avec piste de ski), un centre social et un centre médical, qui groupe l'hôpital et la faculté de médecine et de chirurgie.

L'université compte 13 facultés, 2 écoles supérieures et 7 instituts, auxquels sont affiliés 5 autres écoles et 40 collèges classiques. 16 ooo étudiants suivent les cours supérieurs et 10 000 les cours du soir.

Les bibliothèques universitaires comprennent une bibliothèque centrale et 15 bibliothèques spécialisées, toutes logées dans l'immeuble principal, de même qu'une dizaine de centres de documentation et de recherche. L'ensemble des collections s'élève à 525 ooo volumes. Mais si l'on y ajoute les fonds de plusieurs écoles et instituts (École polytechnique, École des hautes études commerciales, Grand séminaire, Institut Albert le Grand, etc.), on arrive à un total d'un million de volumes. Outre des fonds d'ouvrages correspondant aux disciplines enseignées à l'Université, la Bibliothèque centrale possède une collection de quelque 20 000 manuscrits relatifs à l'histoire du Canada, de 1602 à 1905 et une douzaine d'incunables, dont quelques-uns richement enluminés. Elle reçoit régulièrement plus de 4 ooo périodiques et est dépositaire des publications officielles du Gouvernement canadien et des principaux organismes internationaux. On peut trouver dans ses collections bibliographiques les principaux catalogues des grandes bibliothèques américaines : « Library of Congress », « Peabody Museum », « Warburg Institute », « New-York Public Library », « Arts Institute, de Chicago etc., les bibliographies nationales des pays étrangers et même rare et coûteuse Knižnaja Letopis' de l'URSS. La bibliothèque est ouverte aux lecteurs du lundi au vendredi, de 9 h. à 22 h. et le samedi, de 9 h. à 16 h 30.

Bibliothèque municipale.

Le bâtiment actuel de la Bibliothèque municipale de Montréal a été inauguré, en 1917, par le Maréchal Joffre. Organisme municipal depuis 1902, la bibliothèque reçoit, depuis 1960, une subvention de la province du Québec.

A partir de 1947, des succursales ont été ouvertes dans différents quartiers de la ville; 10 bibliothèques pour adultes et 14 bibliothèques pour enfants. Un bibliobus dessert les quartiers les plus éloignés. 2 autres bibliothèques pour adultes sont en cours d'aménagement. Voici pour le présent.

Quant à l'avenir, en raison de la grande superficie de Montréal, une planification récente prévoit l'ouverture d'une douzaine de bibliothèques de districts, dont deux sont déjà en cours de réalisation. Chacune de ces bibliothèques doit former un petit centre culturel, avec salle de lecture, auditorium et salle d'expositions. Le nombre des ouvrages doit être égal au nombre d'habitants à desservir. Les services communs (acquisitions et catalogage), seront assurés par la bibliothèque centrale. Le même planning prévoit aussi la création d'une trentaine de bibliothèques pour enfants.

Pour desservir une population de 1 277 200 habitants, la Bibliothèque municipale de Montréal dispose d'un budget de 1 256 892 dollars, soit un peu moins d'un dollar par tête d'habitant. Ses collections s'élèvent à 850 000 volumes.

Ajoutons qu'une douzaine de bibliothèques gérées par des organismes privés fonctionnent par ailleurs en ville.

Bibliothèque nationale du Québec.

A Montréal, se trouve également la Bibliothèque nationale du Québec. En 1844, les Messieurs de Saint-Sulpice fondent la bibliothèque de la paroisse Notre-Dame, qui prend le nom de Bibliothèque Saint-Sulpice. Installée en 1915 dans l'immeuble actuel de la rue Saint-Denis, à proximité de la grande artère commerçante qu'est la rue Sainte-Catherine, elle doit fermer ses portes au public en 193I. Devenue la propriété du Gouvernement du Québec, elle est réouverte en 1944 et crée, en 1966, une succursale appelée l'annexe Aegidius Fauteux. La loi du 12 août 1967 - le Bill 9I - donne un nouveau statut à la bibliothèque Saint-Sulpice. Elle s'appellera désormais la Bibliothèque nationale du Québec.

Toute personne âgée de plus de 16 ans peut avoir accès à la Bibliothèque nationale. Elle est largement ouverte au public : du mardi au vendredi, de 10 h. à 22 h. le samedi, de 10 h. à 18 h., le dimanche de 14 h. à 18 h. et le lundi, de 14 h. à 22 h. Ses collections comprenaient, à la fin de 1967, plus de 227 600 volumes 2, 1133 bobines de microfilms et 50 000 documents spéciaux (cartes, plans, manuscrits, affiches, gravures, photographies et partitions musicales). Elle reçoit régulièrement 766 revues et 81 journaux. 4 salles de travail permettent d'accueillir 275 lecteurs et 10 tables individuelles sont mises à la disposition des chercheurs faisant des travaux de longue durée.

Il convient de signaler l'importance particulière des collections de Laurentiana, c'est-à-dire de documents imprimés au Québec ou relatifs au Québec. On inclut également dans cette catégorie tout document de langue française imprimé au Canada et tout document imprimé à l'extérieur du Québec, mais relatif au Canada d'expression française. Pour rassembler ces publications, la bibliothèque devra organiser son service du Dépôt légal. Les autres fonds sont encyclopédiques, mais concernent surtout les sciences sociales et humaines. La politique d'acquisitions tend à orienter les achats vers la proportion idéale de 80 % pour les sciences sociales et humaines et 20 % pour les sciences pures et appliquées. Priorité est donnée aux acquisitions d'ouvrages en langue française.

Les différents services de la Bibliothèque nationale sont répartis entre la Bibliothèque centrale et l'annexe Aegidius Fauteux : la Bibliothèque centrale abrite les magasins de livres et les salles de lecture, la Réserve, le Service des renseignements et celui des acquisitions, le bureau du prêt (consenti aux institutions extérieures à Montréal), la reprographie (photographie, photocopie et microfilm) et le service Télex, qui relie la bibliothèque aux grands établissements similaires du Canada. A l'annexe Aegidius Fauteux sont installés les périodiques, les publications officielles, les documents spéciaux, les archives sonores et le Service du catalogue.

Après avoir utilisé la classification de Dewey, la Bibliothèque nationale a abandonné ce système en 1966, pour lui substituer la classification de la « Library of Congress ». De même, le catalogue-dictionnaire fut remplacé par le catalogue systématique. Toutes les fiches étaient à refaire et il a fallu tripler le personnel du Service du catalogue. On s'emploie actuellement à réorganiser le Service de références et l'on pratique des échanges avec la Bibliothèque nationale de Paris, dans le cadre de l'entente franco-québécoise. Enfin, la bibliothèque prépare la publication d'une Bibliographie des ouvrages de consultation du Québec, première amorce d'une bibliographie nationale.

Mais les activités de la Bibliothèque nationale du Québec ne sont pas limitées au seul fonctionnement de ses différents services techniques. Elle joue le rôle d'un véritable centre culturel. Un service spécial a été créé en 1965, en vue d'organiser régulièrement des manifestations culturelles, destinées à accroître le rayonnement de la bibliothèque et à stimuler l'intérêt du public pour les activités intellectuelles. Durant la saison 1966-1967, une centaine de manifestations ont été organisées dans la salle d'expositions et l'auditorium de la Bibliothèque centrale : 29 projections de films documentaires, II spectacles de théâtre et de marionnettes, 17 soirées de musique, chant et danse, 19 conférences et séances consacrées à la culture de pays étrangers (Italie, Mexique, Japon). Durant la même période, 13 expositions ont été présentées. Ces manifestations, entièrement gratuites, ont réuni environ 12 000 personnes.

Québec.

Université Laval.

A Québec, se trouve l'une des universités les plus réputées du continent américain : l'Université Laval.

Fondée en 1852, elle groupe présentement 10 facultés et un certain nombre d'écoles et d'instituts. 31 collèges et séminaires lui sont affiliés. Le corps enseignant ne compte pas moins de 500 professeurs. Mais depuis 1948, les facultés, jusque-là logées, dans la haute ville, s'installent les unes après les autres à Sainte-Foy, quartier résidentiel de Montréal, où a été aménagée une cité universitaire.

La Bibliothèque de l'Université Laval est en plein essor. Elle comptait, en 1966-1967, environ 600 000 volumes. L'accroissement annuel de ses collections est de l'ordre de 40 000 volumes et l'on peut présumer qu'il atteindra bientôt 60 000 volumes. La bibliothèque reçoit régulièrement 8 ooo périodiques (A noter que les périodiques émargent au budget des acquisitions dans une proportion de 30 % et couvrent actuellement la moitié des rayonnages des magasins). Les salles de lecture sont ouvertes de 8 h 30 à 22 h. et les lecteurs ont accès aux rayons.

Cette extension, particulièrement rapide depuis 1963, a posé des problèmes aigus dans les différents services, submergés de travail et devenus incapables d'y faire face avec les moyens habituels. Elle a, en fin de compte, déterminé l'adoption d'une politique générale d'automatisation des services et cette expérience est l'une des plus intéressantes qu'il nous ait été donné de voir au cours de notre voyage au Canada. Elle peut, toutes proportions gardées, bien entendu, être comparée aux remarquables réalisations de la Bibliothèque nationale de médecine de Washington, ou à celles du « Massachusetts Institute of Technology », de Boston.

Automatisation :

Les conditions optima, se trouvaient, il est vrai, réunies à la Bibliothèque de l'Université Laval, pour la réussite de l'opération, délicate entre toutes, que constitue, dans le meilleur des cas, l'automatisation d'une bibliothèque.

Tout d'abord, les collections étaient arrivées à un point de développement, si l'on peut dire, idéal : 475 ooo volumes environ, en 1965. Un fonds d'ouvrages moins important n'aurait pas justifié les dépenses considérables inhérentes à l'automatisation, car l'entreprise n'eut pas été rentable. Par contre, pour une collection d'un million ou un million et demi de volumes, le changement de système eut entraîné des inconvénients majeurs dans le service et exigé une étude beaucoup plus approfondie.

Et surtout - facteur décisif en faveur de l'automatisation - l'Université Laval disposait déjà d'un Centre de traitement de l'information et d'un complexe électronique polyvalent pour l'ensemble de ses services, ce qui permettait à la bibliothèque d'intégrer ses programmes dans le système aux moindres frais et lui assurait, en même temps, un accès facile à l'ordinateur. Il est certain que le problème eut été tout différent s'il avait fallu recourir aux services d'un complexe électronique appartenant à une compagnie privée et situé à l'extérieur.

Avant de passer à l'élaboration des programmes d'automatisation, il a fallu procéder à une analyse approfondie des opérations effectuées dans les différents services et définir avec précision les objectifs qu'on se proposait d'atteindre. A cet effet, un Comité pour l'automatisation des services de la bibliothèque a été fondé le 13 septembre 1965. Y figuraient le directeur du Centre de documentation, M. Guy Forget, président du comité et les représentants des divers services concernés : Services techniques, catalogue, acquisitions, périodiques, prêt, ainsi qu'un analyste du Centre de traitement de l'information.

Après plusieurs essais préliminaires effectués au cours des années 1964-1966, les réalisations suivantes ont pu être acquises :
- Automatisation du Service des périodiques.
- Automatisation du Répertoire des vedettes-matière.
- Automatisation d'un Index analytique de périodiques français.

En outre, des projets ont été élaborés pour l'automatisation du Service des acquisitions, du Service du catalogue et pour le contrôle mécanographique de la circulation des livres dans la Bibliothèque des sciences 3.

Il ne peut être question d'entrer ici dans le détail technique de ces opérations. Contentons-nous d'énumérer les principaux résultats obtenus dans chaque domaine.

a) Automatisation du Service des périodiques.

Une feuille de travail est établie, réunissant les informations - au nombre de 18 - concernant chaque périodique 4. De ces données, mises en mémoire, on peut tirer les instruments de travail suivants :
- un registre des périodiques courants. A ce registre est attaché un calendrier permettant l'inscription quotidienne des périodiques reçus;
- une liste de renouvellement des abonnements, par date d'échéance;
- des listes par bibliothèques dépositaires;
- une liste hebdomadaire donnant l'état des collections de périodiques reçus depuis le début de l'année courante et divisée en deux sections : Sciences humaines et Sciences-Médecine;
- des listes par sujets. La première liste par sujets des périodiques de la faculté de médecine vient d'être publiée.

b) Automatisation du Répertoire des vedettes-matière :

La bibliothèque de l'Université Laval avait publié, en 1962, son Répertoire de vedettes-matière, fondé sur le répertoire de Biblio. Par la suite, le reclassement des sections Sciences et Médecine apporta des additions et corrections doublant presque le nombre des vedettes. Le problème de mise à jour des fichiers et du répertoire devint presque insoluble. C'est pourquoi l'on recourut à la mécanisation. Une première édition comprenant 12 715 vedettes, mais seulement une partie des renvois, était réalisée en 1964. En juin 1965, une deuxième édition groupait 13 900 vedettes et englobait, cette fois, tous les types de renvois. En juin 1967, une troisième édition était en préparation, devant présenter 4 ooo modifications par rapport à l'édition de 1965. Le répertoire est actuellement reproduit sous forme de volume, mais on peut également le reproduire sur fiches, de manière à tenir constamment à jour les catalogues de vedettes-matière.

c) Index analytique.

L'index analytique est préparé conjointement par la Bibliothèque de l'Université Laval et la Fédération des collèges classiques, qui groupe 96 institutions d'enseignement secondaire et pré-universitaire dans la province du Québec. C'est un index de périodiques de langue française, réalisé à l'aide d'un ordinateur électronique, selon le procédé ASYVOL (analyse synthétique par vocabulaire libre). Ce procédé consiste à ordonner alphabétiquement les rubriques utilisées dans un index, en les faisant suivre de l'analyse documentaire dont elles découlent. Le documentaliste fait une analyse succincte de l'article dépouillé; on y ajoute la référence bibliographique et la cote, et le tout est mis sur ruban magnétique, après transposition sur fiches perforées IBM. Avec ce ruban magnétique, l'ordinateur engendre cinq index :
- un index bibliographique donnant la référence complète des articles dépouillés et constituant une sorte de « sommaire des revues »;
- un index des auteurs dont les articles ont été dépouillés;
- un index des auteurs dont les ouvrages ont été recensés;
- un index systématique groupant, en dix grandes classes, tous les articles dépouillés et donnant la référence des comptes rendus les plus importants parus dans les périodiques dépouillés;
- un index analytique des rubriques utilisées pour retrouver les articles. 70 revues sont ainsi analysées : 5o revues françaises et 20 revues canadiennes de langue française.

En utilisant ce même procédé ASYVOL, quatre documentalistes du Centre de documentation de l'Université Laval ont inventorié, en moins de trois mois, plus de 20 ooo thèses soutenues dans les universités françaises et l'on a commencé, en janvier 1966, l'index d'un quotidien canadien de langue française, Le Devoir.

d) Projet d'automatisation du Service des acquisitions.

L'automatisation commence à la rédaction du bon de commande. L'ordinateur peut fournir une liste quotidienne des commandes, par auteurs et éditeurs, préparer des rappels d'ouvrages non reçus, imprimer des chèques pour régler les comptes courants, donner un état des engagements de dépenses et des soldes, rédiger des fiches pour avertir le lecteur que l'ouvrage est arrivé, établir enfin des statistiques de tous genres.

Pour des acquisitions se montant à 60 ooo volumes par an, et en prenant pour base une moyenne de 20 journées de travail par mois, on a calculé que l'ordinateur devrait fonctionner 600 minutes par mois, soit 30 minutes par jour et l'imprimante 300 minutes par mois.

e) Projet d'automatisation du Service du catalogue.

A la Bibliothèque de l'Université Laval, chaque fiche de catalogue, avant de figurer au fichier passe par huit étapes successives, dans les différentes sections du Service du catalogue et de la classification 5. On établit, entre autres opérations, tout d'abord une fiche brouillon, puis une fiche de catalogue descriptif, elle-même soumise à vérification. Le système d'automatisation envisagé pour le catalogue suppose l'automatisation préalable du Service des acquisitions. Toute nouvelle acquisition est accompagnée d'une feuille de travail contenant presque toutes les informations nécessaires au catalogue descriptif. Ces informations sont vérifiées et complétées, si besoin est, après quoi le volume est remis au catalogueur qui y ajoute la classification et les vedettes-matière et détermine le nombre de fiches requises pour les divers catalogues. Les données sont ensuite transmises directement à l'ordinateur et enregistrées dans une mémoire de réserve. Elles sont alors reproduites sur écran, ce qui permet de procéder à une vérification et d'effectuer, si c'est nécessaire, des corrections à l'aide d'un crayon électromagnétique. Cette opération terminée, instruction est donnée à l'ordinateur de procéder au traitement des données et à l'impression des fiches, dans l'ordre requis et selon les quantités indiquées. Les opérations de tri des fiches sont effectuées automatiquement et l'ordinateur peut également produire la fiche de prêt perforée du volume, la pochette imprimée et une étiquette pour le dos du livre.

Pour cataloguer 100 000 volumes dans une année, l'ordinateur devrait fonctionner 400 minutes par mois, soit 20 minutes par jour et l'imprimante 800 minutes par mois, soit 40 minutes par jour.

Quant au coût de l'opération, il est malheureusement impossible de le chiffrer exactement, la Bibliothèque de l'Université Laval ayant la chance d'utiliser un complexe électronique polyvalent, mis à la disposition de plusieurs services universitaires. Compte tenu de ces conditions particulières, la production des fiches de catalogue par ordinateur s'avère une opération économique : le coût total du fonctionnement des Services acquisitions, catalogue et prêt automatisés s'élèverait à 127 ooo dollars, alors qu'il revient à 138 ooo dollars, avec les moyens traditionnels.

f) Projet pour l'automatisation du prêt à la Bibliothèque des sciences.

Le système proposé suppose que chaque volume de prêt soit muni d'une carte IBM perforée, mentionnant la cote du volume, son titre et d'autres informations et que, d'autre part, chaque emprunteur se présente avec une carte d'identité lisible par machine. A chaque bureau de prêt, une machine IBM 1030, avec lectrice de carte, enregistre des données qui sont transmises directement à l'ordinateur. Celui-ci peut ensuite fournir toutes informations concernant la disponibilité d'un livre, les prêts et retours de volumes, l'identité et le statut des emprunteurs. Il peut également produire des listes quotidiennes de rappels et des statistiques. Selon le projet en question, pour une circulation de 15 000 volumes par mois, il suffirait que l'ordinateur fonctionne 80 à 100 minutes par mois, soit 4 à 5 minutes par jour. Pour une circulation de 100 000 volumes par mois, le travail durerait 800 minutes par mois, soit 40 minutes par jour. Quant à l'imprimante, le temps d'impression dépendrait évidemment du nombre de listes requises. On l'estime en gros à 150 minutes par mois.

Nous avons eu également l'occasion de voir, à l'Université Laval, une autre réalisation, cette fois dans le domaine du microfilm. Le Centre de documentation a mis sur pied un système de stockage et de repérage de l'information sur microfilms, avec projection sur des écrans de télévision, dans différents laboratoires.

Ces expériences si intéressantes ne sont pas le fait de la seule Université Laval. Le problème de l'automatisation est à l'ordre du jour, au Canada, dans les bibliothèques comme dans les autres branches d'activité. 45 bibliothèques sont automatisées - en totalité ou partiellement - dont 17 bibliothèques universitaires. L'Université de Colombie britannique a utilisé, pendant plus d'un an, une IBM 1030, pour le contrôle de la circulation des livres. Elle a également automatisé son Service d'acquisitions.

En avril 1965, cinq bibliothèques publiques faisant partie de la Bibliothèque régionale de la zone urbaine de Toronto (« Toronto », « Scarborough », « North York », « East York » et « Etobicoke ») ont mis sur pied un programme commun d'automatisation pour les commandes de paperbacks (livres brochés). Le pointage des livres disponibles sur les catalogues s'effectue par le moyen d'un ordinateur. La même année, une expérience analogue a été réalisée par les dix-neuf bibliothèques pour enfants de Toronto, en ce qui concerne les commandes de livres.

Télex :

Les réseaux de Télex sont relativement répandus dans les bibliothèques canadiennes. L'initiative, venue des bibliothèques publiques, a ensuite gagné les bibliothèques universitaires. 35 bibliothèques canadiennes - dont 22 dans l'Ontario - sont reliées par Télex à la Bibliothèque nationale ou à d'autres établissements analogues du Canada. Ce système permet de fournir les renseignements aux usagers avec le maximum de rapidité et facilite les prêts entre bibliothèques. Il peut aussi être utilisé pour les commandes de livres.

II. - La lecture publique au Canada

En dehors des grandes villes, le développement de la lecture publique au Canada est relativement récent. Des associations privées avaient bien fondé, ça et là, des cabinets de lecture, mais leurs ressources étaient minimes et leurs collections ne dépassaient guère quelques centaines de volumes. C'est à la générosité d'Andrew Carnegie qu'on doit la création de 125 bibliothèques publiques canadiennes, de 190I à 1917.

Le premier service de bibliothèque circulante (travelling libraries) fut établi par la Bibliothèque provinciale de la Colombie britannique, en 1898. Par ailleurs les expéditions de caisses de livres, une ou deux fois par an, les envois par poste constituaient - et constituent encore - des moyens non négligeables d'apporter un peu de culture aux régions et aux individus isolés. Néanmoins, de vastes territoires restaient encore privés de services de bibliothèques.

Bibliothèques régionales.

Pour remédier à cet état de choses, la Commission des bibliothèques publiques de la Colombie britannique prit l'initiative d'organiser une enquête sur les besoins réels en matière de lecture publique et cette enquête devait produire des résultats remarquables, puisqu'elle allait donner naissance au concept de la Bibliothèque d'Union ou Bibliothèque régionale, qui devait, par la suite, connaître un tel succès. La Commission, partant du principe que l'union fait la force, entreprit de convaincre les autorités locales de mettre en commun leurs ressources financières pour mettre à la disposition de la population des bibliothèques vraiment dignes de ce nom. Elle fit appel à la générosité de la « Carnegie Corporation » de New York, qui octroya, en 1929, une subvention de 100 000 dollars pour financer un projet pilote de Bibliothèque d'Union dans la vallée du Fraser. Au bout de trois ans, un certain nombre de municipalités acceptaient de continuer l'expérience à leurs frais et c'est ainsi que naquit, le Ier mars 1934, la « Fraser Union Library », devenue depuis la Bibliothèque régionale du Fraser, première organisation de ce genre en Amérique du Nord. Une subvention complémentaire de la « Carnegie Corporation » permit de créer, en 1936, d'autres bibliothèques régionales dans la vallée d'Okanagan et dans l'île de Vancouver. En 1937, les trois organismes desservaient 90 ooo habitants. En 1966, leurs services s'étendaient à près d'un demi-million de personnes et la circulation des volumes dépassait le chiffre de trois millions.

Au cours des trente dernières années, de nombreuses bibliothèques régionales ont été organisées au Canada. D'autres sont en voie de planification. Mais la situation diffère d'une province à l'autre et à l'intérieur même de chaque province 6.

Tout d'abord il y a contraste entre les régions du Sud et celles du Nord. Au Sud, la densité de la population et l'importance des agglomérations ont permis l'implantation de nombreux services urbains de bibliothèques. La bibliothèque régionale se présente alors sous la forme d'un organisme administratif groupant un certain nombre de bibliothèques fonctionnant en coopération. Dans les régions du Nord, au contraire, l'immensité des territoires et le caractère dispersé de l'habitat imposent une solution différente. Une grande bibliothèque, établie dans une localité importante, dessert au moyen de succursales, de dépôts et de bibliobus un arrière-pays dépourvu de bibliothèques. Les groupes et individus isolés bénéficient d'expéditions de caisses de livres et d'envois par poste.

Par ailleurs, il faut noter que le concept même de la bibliothèque régionale est actuellement en voie d'évolution. Conçue d'abord comme un service rural, destiné à desservir des régions étendues et peu peuplées, elle prend, de plus en plus, le caractère d'une association du rural à l'urbain : une grande bibliothèque met à la disposition d'une région les ressources dont elle dispose, autrement dit, les services des bibliothèques urbaines ne s'arrêtent plus aux limites de la ville, ils s'étendent à tous ceux qui en ont besoin. De là, il n'y a qu'un pas pour dire que toutes les bibliothèques d'une région - qu'elles soient publiques, universitaires ou spécialisées - doivent être intégrées dans un même système régional. Ce pas, certains bibliothécaires canadiens n'ont pas hésité à le franchir - en théorie du moins - et cette idée a été développée dans plusieurs rapports récents, concernant la planification des bibliothèques publiques, notamment dans les provinces d'Ontario et de Colombie britannique. Elle a été également discutée lors du Séminaire réuni à Stanley House (Québec), en juin 1966, auquel participaient des bibliothécaires de Montréal, Québec, Toronto, Winnipeg et Vancouver.

Néanmoins, les autorités provinciales ne paraissent pas s'être ralliées au principe de « l'intégration » de toutes les bibliothèques dans une région - principe qui nécessiterait une révision du système des impôts et des règlements en vigueur dans les bibliothèques. Il semble que l'intégration totale ne puisse être envisagée avant plusieurs dizaines d'années.

La bibliothèque régionale est normalement administrée par un bureau, le Library Board, composé des représentants des bibliothèques de la ville et du comté ou même de bibliothèques moins importantes, comme les bibliothèques scolaires. Les régions desservies diffèrent quant à la superficie et à la population. Elles correspondent généralement aux régions économiques. La somme dépensée par tête d'habitant varie également. (Elle varie de 1,64 dollar à 4,16 dollars dans l'Ontario). Les objectifs principaux de la bibliothèque régionale consistent à organiser un service central de références et d'information, si possible avec Télex, à développer le prêt entre bibliothèques, établir un catalogue collectif, organiser des bibliothèques circulantes, promouvoir des cours et conférences, administrer les succursales, entretenir une coopération avec les bibliothèques universitaires et scolaires, ainsi qu'avec les services d'éducation pour adultes, etc. Mais en réalité, ces activités ne sont pas toujours aussi bien délimitées. La formule est très souple et permet de multiples variantes. Dans certains cas, la bibliothèque principale de la région joue un rôle effectif de direction, dans d'autres, chaque bibliothèque adhérente garde sa direction propre. Certaines bibliothèques régionales ont des bibliobus, mais d'autres laissent aux bibliothèques de comté le soin d'assumer ce service. Un centre de références central peut être constitué dans la bibliothèque la plus importante, ou chaque bibliothèque peut conserver son propre service de références. Quant au financement, il est assuré par les cotisations des bibliothèques adhérentes, les contributions municipales et des subventions provinciales, d'autant plus importantes que la région est moins riche et, par conséquent, moins capable de subvenir à ses propres besoins.

Pour se faire une idée exacte du développement de la lecture publique au Canada, il n'y a pas d'autre moyen que d'étudier la question province par province 7.

Ontario.

La province la mieux équipée, sous le rapport de la lecture publique est l'Ontario. Dans cette province, la plus peuplée du Canada, 88 % de la population bénéficie d'un service de bibliothèques. On compte 450 bibliothèques, d'importance, il est vrai, fort inégale. La province est divisée en 14 régions, desservies chacune par une bibliothèque régionale et comprenant, au minimum 100 ooo habitants. La plus importante est la bibliothèque régionale de la zone urbaine de Toronto. Le « Metropolitan regional library board » administre, comme nous l'avons vu, un vaste réseau de bibliothèques, desservant 1 800 ooo habitants, le quart de la population de la province.

La Bibliothèque publique d'Ottawa, est aussi le centre de l' « Eastern Ontario regional library system », qui groupe 3 1 bibliothèques dont les plus importantes sont celles de Brockville (34 886 volumes), Pembroke (29 816 volumes) et Cornwall (60 000 volumes). Un service de prêt inter-bibliothèques fonctionne dans toute la province, mais le service de références est centralisé à la Bibliothèque publique d'Ottawa. Le financement est assuré par des subventions de la province, à l'exclusion de toute contribution municipale et par les cotisations des bibliothèques adhérant aux deux bibliothèques circulantes.

En revanche, la région du Nord-Ouest de l'Ontario, presque aussi étendue que la France, a une population d'I habitant par mile carré, et il est évidemment très difficile d'y assurer un service convenable de lecture publique. On a recours aux expéditions de caisses de livres et aux envois par poste.

La loi de 1967, concernant les bibliothèques publiques de l'Ontario, prévoit des subventions provinciales de 6 600 000 dollars en faveur des bibliothèques. Cette somme représente un peu plus de 25 % des dépenses totales des bibliothèques publiques de la province. Le reste est financé par les contributions municipales et les cotisations des bibliothèques adhérentes.

Québec.

Le Québec est la province la plus vaste du Canada. Il couvre une superficie supérieure à celles de la Grande-Bretagne, la France, l'Italie et l'Espagne réunies. Ici l'organisation systématique des bibliothèques publiques ne remonte qu'à 1960, date de la création de la Commission et du Service des bibliothèques publiques du Québec. Des enquêtes menées auprès des 1672 municipalités de la province et des bibliothèques publiques existant déjà ont permis de constater l'état précaire des bibliothèques québécoises, par rapport aux autres provinces. Ce retard est dû à plusieurs causes : absence de législation en ce domaine, indifférence des conseils municipaux qui consacrent dix fois plus d'argent aux sport qu'à la lecture et carence de la réglementation municipale : alors que dans la plupart des provinces canadiennes, il suffit d'une requête des citoyens ou d'un référendum majoritaire pour obliger les conseils municipaux à pourvoir aux frais de création et de fonctionnement d'une bibliothèque publique, dans la réglementation municipale du Québec, trois malheureux petits textes autorisent, mais n'obligent pas les conseils municipaux à voter des taxes pour les bibliothèques. A plus forte raison n'est-il pas prévu d'organisme de lecture publique à l'échelle d'une région. Enfin le Québec a connu - et connaît encore - une pénurie tragique de bibliothécaires professionnels. Cinq bibliothèques sur six fonctionnaient sans aucun bibliothécaire qualifié.

Il y avait donc fort à faire pour remonter le courant, mais le Québec s'est mis à l'œuvre avec courage et les résultats obtenus au cours des sept dernières années sont des plus encourageants.

Sur le plan professionnel, l'École de bibliothéconomie de Montréal, qui n'avait que 17 élèves en 196I, en compte maintenant III (soit une augmentation de 553 %).

Sur le plan municipal, les contributions locales sont passées de 1 093 ooo dollars, en 1960, à 2 600 ooo dollars en 1966 (augmentation de 137 %).

Sur le plan provincial, les 140 000 dollars de subvention de 1960 sont devenus, en 1967, 1 650 000 dollars (augmentation de 1 075 %).

La première tâche du Service des bibliothèques a consisté à mettre au point une réglementation à la fois précise et souple pour le calcul et la distribution des subventions aux bibliothèques. La province du Québec offre, pour la création de chaque bibliothèque, une subvention pouvant atteindre 1 dollar par tête d'habitant 8. Un supplément de 1 ooo dollars est accordé pour chaque bibliothécaire diplômé et ce chiffre a été porté récemment à 5 000 dollars, lorsqu'il s'agit d'un bibliothécaire en chef titulaire d'une maîtrise ou d'un baccalauréat en bibliothéconomie.

La province a été divisée en 23 régions scientifiquement découpées en fonction de la superficie et de la population, mais surtout des facteurs économiques et culturels. Chacune de ces régions comprend une population variant de 50 000 à 250 000 habitants. Comme dans l'Ontario, le contraste est grand entre les régions du Sud et celles du Nord. La zone urbaine de Montréal est la plus peuplée du Canada, tandis que le nord de la province comprend des territoires qui sont parmi les moins peuplés du pays.

Trois systèmes régionaux de bibliothèques sont déjà en activité : le Service des bibliothèques de la Mauricie, créé en 1962, la Bibliothèque régionale du Nord de l'Outaouais, fondée en 1964 et le Service régional des bibliothèques de West Island, organisé en 1965. Ces trois organismes ont un point commun : la réglementation municipale du Québec ne prévoyant pas l'existence d'une organisation régionale, il a fallu provoquer la création d'une société anonyme, pour servir de raison sociale à la bibliothèque.

La Mauricie avait été choisie pour premier terrain d'expérience en raison de l'existence, à Trois-Rivières, d'une Bibliothèque municipale capable de servir de pivot à un système régional. La bibliothèque régionale qui, au début, se trouvait confondue avec la Bibliothèque municipale, s'en est peu à peu détachée. Elle dessert présentement 40 municipalités rurales, de moins de 5 ooo habitants, dans les quatres comtés de Maskinongé, Saint-Maurice, Laviolette et Champlain. Sauf dans neuf localités qui n'ont que le service du bibliobus, les livres sont partout déposés dans un local fourni par les municipalités et prêtés par l'intermédiaire d'un responsable local. Les collections de la Bibliothèque régionale de la Mauricie s'élevaient, en 1967, à 62 750 volumes, 1 120 films et 570 disques. Son personnel comprenait 6 bibliothécaires professionnels et 9 commis. 144 307 volumes avaient été prêtés en 1966. Quant au financement, il est assuré dans la proportion de 90 % par le Gouvernement du Québec et 10 % par les municipalités adhérentes.

La Bibliothèque régionale du Nord de l'Outaouais, dont la bibliothèque centrale est à Hull, possède 53 ooo volumes et approvisionne une trentaine de municipalités en livres, films, disques et matériel d'expositions. Elle dispose d'un bibliobus.

Quant au Service régional des bibliothèques de West Island, il s'agissait surtout d'améliorer, dans une région suburbaine très peuplée et relativement riche, un service de lecture publique assuré par quelques bibliothèques privées. Une bibliothèque régionale s'est ouverte à Pointe-Claire, groupant les bibliothèques existantes et réalisant la centralisation de tout le travail technique : achats, classification, catalogage et centre de références. Cette centrale a commencé son activité en constituant un catalogue collectif de toutes les bibliothèques de cette partie de l'île de Montréal.

En plus de ces trois systèmes régionaux, il y a, au Québec, 2 bibliothèques circulantes, de caractère spécialisé, mais qui s'étendent à toute la province : la Bibliothèque pour enfants d'Hochelaga et la « Mac Lennan Travelling Library », établie au « Mac Donald College », à Sainte-Anne de Bellevue, qui a pour mission de desservir la population de langue anglaise dispersée aux quatre coins de la province. Ces cinq organismes ont reçu, à eux seuls, en 1967, 480 000 dollars de subvention.

En outre, depuis mars 196I, les Services des bibliothèques du Québec ont provoqué ou favorisé la création d'une trentaine de bibliothèques municipales et ont versé des subventions d'une valeur globale de 6 225 000 dollars à 103 bibliothèques publiques n'ayant jamais bénéficié d'aucune aide du Gouvernement.

En 1967-1968, la formation des nombreux centres culturels dits du Centenaire de la Confédération a dû permettre encore la création de nouvelles bibliothèques, tant sur le plan municipal que régional.

Mais, en attendant de pouvoir disposer d'un personnel suffisant pour organiser les 23 bibliothèques régionales prévues par la planification il a paru indispensable d'assurer un minimum de service aux populations rurales. C'est pourquoi l'on a envisagé la création d'une bibliothèque centrale de prêt du Québec, destinée à desservir, au moyen de dépôts rotatifs, ou par prêts individuels, tous les citoyens de langue française encore dépourvus de bibliothèques. Cette centrale aura pour mission de fournir, à l'aide de son propre fonds, la collection de base des futures bibliothèques régionales et deviendra un centre de catalogage pour toutes les bibliothèques publiques.

Colombie britannique.

En Colombie britannique, environ 84 % de la population bénéficiait de services de bibliothèques en 1964. Il y avait 3 bibliothèques régionales et 4 bibliothèques circulantes et la somme dépensée par tête d'habitant s'élevait à 2,02 dollars.

Un rapport sur les bibliothèques publiques de la Colombie britannique, publié en 1966, propose que la province toute entière soit divisée en 13 régions et que toutes les bibliothèques fassent partie du système régional. Dans la partie sud-ouest de la province, où habitent les 3/4 de la population, le service serait essentiellement urbain. Les régions plus éloignées et moins peuplées seraient plus étendues et la plus grande d'entre elles, la région de la rivière « La Paix » (Peace River), comprendrait toute la partie nord de la province, soit une superficie plus grande que celle de l'Italie, avec seulement 32 ooo habitants. Les succursales et les dépôts seraient disséminés le long des routes et autres voies d'accès.

Le rapport préconise une subvention provinciale devant s'élever à court terme, à 1 dollar par habitant, et aborde la question d'une éventuelle subvention fédérale. Le pourcentage de participation qu'il suggère est le suivant : 60 % pour les impôts locaux, 25 % pour la subvention du Gouvernement provincial et 15 % pour celle du Gouvernement du Canada.

Les trois Provinces des Prairies : Alberta, Saskatchewan et Manitoba, comprennent des régions septentrionales de faible population, où les habitants devront se contenter longtemps encore des services traditionnels de caisses de livres, expédiées une ou deux fois par an ou des envois par poste aux individus isolés.

Alberta.

70 % de la population de l'Alberta bénéficiait d'un service de bibliothèque en 1964 et la dépense par tête d'habitant était de 1,60 dollar. Pour desservir la populeuse région du Sud, on envisage l'organisation de huit systèmes de bibliothèques régionales.

Saskatchewan.

Dans le Saskatchewan, 45,5 % de la population bénéficie actuellement de services de lecture publique. On compte desservir la région du Sud, fortement peuplée, au moyen de sept bibliothèques régionales. Deux de ces bibliothèques existent déjà et trois ou quatre autres sont sur le point de fonctionner.

Dans la région de Prince Albert, la bibliothèque pilote du Nord Central a été créée en 1950. Elle desservait alors 25 ooo personnes et faisait circuler 43 000 volumes. En 1965, 80 000 habitants profitaient de ses services et le chiffre des livres en circulation se montait à 414 ooo.

Manitoba.

Quant au Manitoba - dont la moitié de la population vit dans la zone urbaine de Winnipeg - environ les deux tiers des habitants bénéficient d'un service quelconque de bibliothèque. Il y avait, en 1965, 10 bibliothèques régionales et 3 bibliothèques circulantes. Ces bibliothèques régionales, malgré l'aide considérable reçue de la bibliothèque provinciale de Winnipeg, ne peuvent malheureusement fournir un service efficace, parce qu'elles sont formées de districts trop peu nombreux et trop peu étendus. Certains comptent moins de 3 ooo habitants. Toutefois, une grande régionale semble en voie de formation dans l'ouest du Manitoba. Sa centrale serait à Brandon. 53 000 personnes jouissent déjà, dans cette région, d'un service de bibliothèque financé par les impôts.

Sur la côte de l'Atlantique se trouvent les trois Provinces Maritimes du Canada : le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Ile du Prince Édouard. Toutes trois adhèrent au principe des bibliothèques régionales.

Ile du Prince Edouard.

La « Carnegie Corporation » a organisé, en 1933, une bibliothèque pilote à l'Ile du Prince Édouard. Le Gouvernement provincial l'a prise en charge en 1936. La province étant toute petite, la bibliothèque régionale suffit à desservir toute la population.

Nouvelle-Écosse.

La Nouvelle-Écosse est desservie par 7 bibliothèques régionales et 10 bibliothèques circulantes, le tout fort bien organisé, sous l'égide de la bibliothèque provinciale d'Halifax. La dépense par tête d'habitant était, en 1965, de 1,26 dollar.

Nouveau-Brunswick.

Au Nouveau-Brunswick, il y a présentement deux bibliothèques régionales, mais il faudra en créer six autres, pour desservir tout la province.

Labrador.

Considérons maintenant l'Ile de Terre-Neuve et le Labrador. Ce dernier a 286 ooo km2, mais seulement 25 000 habitants. La majeure partie de la population vit dans de petits villages, le long de la côte, mais les distances et la rigueur du climat rendent le service des plus difficiles.

Terre-Neuve.

A Terre-Neuve, le Gouvernement provincial subvient, à peu de chose près, aux dépenses des bibliothèques publiques, qui ont pour centrale la « Gosling Memorial Library », à Saint-Jean de Terre-Neuve. De là, rayonnent cinquante bibliothèques, appelées régionales, mais qui sont plutôt des succursales ou des dépôts. Puisant dans les collections de la bibliothèque centrale, elles ont fait circuler un demi-million de livres en 1964-65. Des bibliothèques circulantes ont desservi 352 écoles et collectivités pendant la même période, indépendamment du service postal. II reste encore beaucoup à faire, étant donné l'immensité de la région et l'éparpillement de la population. Les projets du Centenaire prévoient la construction de 18 nouvelles bibliothèques.

Yukon et Territoires du Nord-Ouest.

Le territoire du Yukon est un peu moins étendu que la France, mais sa population ne dépasse pas 17 000 habitants, dont 5 000 vivent dans la capitale, Whitehorse et dans la région avoisinante. Aucune autre localité n'atteint 1 ooo habitants. Le climat est très rigoureux. Heureusement, la plupart des agglomérations se trouvent le long des deux routes principales, accessibles en tout temps : la route de l'Alaska et celle qui relie Whitehorse à Dawson City, ville rendue célèbre par la ruée vers l'or du Klondike. On utilise néanmoins largement les transports aériens, au moyen de petits avions munis de roues, de flotteurs ou de skis, selon les circonstances et la saison et capables d'atterrir et de décoller dans les pires conditions.

La Bibliothèque régionale du Yukon, fondée en 196I, est installée dans un magnifique immeuble. 6 succursales, 36 dépôts et des bibliothèques circulantes assurent la diffusion de la lecture dans une population éparpillée sur tout le territoire. On dessert par voie postale les individus ou petits groupes isolés, tels que les membres des expéditions scientifiques, le personnel technique des mines ou des groupes d'Indiens, d'ailleurs presque illettrés.

Les Territoires du Nord-Ouest sont administrés directement par le Gouvernement Fédéral canadien. Dans cette vaste région septentrionale et arctique, qui couvre une superficie grande comme six fois la France, vit une population de 29 ooo habitants. Les conditions climatiques y sont un véritable défi. Pourtant, un Service des bibliothèques publiques a été créé, en novembre 1966, dans ces régions déshéritées. On est en train de construire une bibliothèque centrale à Hay River, qui rassemblera une collection de 100 000 volumes. Il est intéressant de voir la façon dont on entend distribuer ces ouvrages : 55 ooo environ seront expédiés aux cinq principaux centres de population (Yellowknife, Hay River, Fort-Smith, Inuvik et Frobisher Bay); 10 000 seront mis en dépôt dans différentes petites localités; 15 000 seront destinés aux bibliothèques circulantes qui desserviront des groupements encore moins importants; enfin, 20 000 volumes - dont 2 ooo ouvrages de référence - formeront la collection centrale de la bibliothèque d'Hay River. Des envois de livres seront également effectués par voie postale. Un service Telex sera établi à la bibliothèque centrale et l'on espère qu'avec le temps toutes les localités importantes pourront avoir leur propre installation. Hay River possède une voie qui fonctionne toute l'année. On utilisera les transports maritimes sur le Mackenzie, pendant une très courte période de l'année et les transports par avion, évidemment coûteux, mais souvent les seuls utilisables dans ces régions.

Ainsi, la conception d'une bibliothèque régionale, née dans la vallée du Fraser en 1933, a fait son chemin et est devenue la solution-clef du problème de la lecture publique au Canada. Certes, il reste encore beaucoup à faire pour fournir à chaque individu ou à chaque groupe isolé de cet immense pays des services convenables de bibliothèque. Mais il faut avouer que les résultats obtenus sont déjà remarquables et l'on peut espérer que, d'ici dix à vingt ans, les bibliothécaires canadiens pourront, sinon atteindre, du moins approcher de très près les objectifs qu'ils s'étaient proposés.

  1. (retour)↑  Nous reproduisons ici le texte d'une conférence prononcée à l'École nationale supérieure de bibliothécaires, en mai 1968.
  2. (retour)↑  Nous reproduisons ici le texte d'une conférence prononcée à l'École nationale supérieure de bibliothécaires, en mai 1968.
  3. (retour)↑  153 833 volumes de toutes disciplines, 3I 483 Canadiana, 7800 brochures, 5 000 livres anciens de la Réserve, 12 500 ouvrages de référence dispersés dans les salles de travail et environ 17 ooo publications officielles canadiennes et étrangères.
  4. (retour)↑  Sur ce sujet, voir le Programme d'automatisation des services de la Bibliothèque de l'Université Laval. - Montréal, Association canadienne des bibliothécaires de langue française, 1967. - 27,5 cm, v-75 p.
  5. (retour)↑  Ces informations sont les suivantes : Titre (Suivant la « Library of Congress »), lieu de publication, périodicité, codification et sigle de la bibliothèque dépositaire, état de la collection, vedettes-matière, pays d'origine, langue, éditeur et son adresse, code permettant de grouper les abonnements, les dons et les échanges, renouvellement et numéro des commandes, Index dans lesquels le périodique est dépouillé, date de parution, classification de la « Library of Congress », notes bibliographiques, numéros manquants, titre selon les grands répertoires scientifiques (entrée directe), prix.
  6. (retour)↑  Le Service du catalogue et de la classification comprend les sections suivantes : Section de la recherche préliminaire, Section des catalogueurs, Section du catalogue descriptif, Section de la vérification, Section de la multiplication des fiches, Section de l'impression des fiches, Section du débrouillage et de l'intercalation des fiches, Section de l'inscription de la cote.
  7. (retour)↑  Sur ces nouvelles réalisations, voir Collison (Robert L.). - Progress in Library science 1967. - London, Butterworths, 1967. - XIII-222 p., chapitre v. Progress of Library science in Canada, par H. C. CAMPBELL traite de ces questions (p. 151-152.)
  8. (retour)↑  Notre information sur la lecture publique au Canada est due en grande partie à deux documents distribués au cours de la Session de Toronto : l'un, intitulé Le Canada, rédigé par W. Kaye Lamb, d'Ottawa, et l'autre, ayant pour titre The Regional library system in Ontario, par W. A. Roedde. Pour le Québec, le Service des Bibliothèques publiques de cette Province a bien voulu nous faire parvenir un abondant dossier sur la question, notamment un important article de M. Gérard Martin, directeur du Service des Bibliothèques publiques, sur les Bibliothèques publiques au Québec. Enfin l'étude de H. C. Campbell : Progress of library science in Canada, précédemment citée renferme des précisions intéressantes sur les dernières réalisations, en matière de lecture publique.
  9. (retour)↑  Certaines conditions sont requises : la bibliothèque doit être située dans une municipalité d'au moins 5 000 habitants, avoir une collection d'au moins I/5 de volume per capita, recevoir une contribution municipale d'au moins 0,50 dollar per capita, etc.