Situation et rôle d'une bibliothèque médicale en Afrique d'expression française

L'expérience de la section de médecine de la Bibliothèque universitaire de Dakar

Marc Chauveinc

La situation physique et culturelle d'un pays tropical impose des caractères spécifiques aux bibliothèques qui doivent s'adapter à des conditions géographiques, climatiques et sociologiques particulières. Le cas précis étudié ici est celui de la section médecine de la Bibliothèque universitaire de Dakar

Les bibliothèques existent trop souvent par la force de l'habitude et les hasards de leur croissance. Or, tout comme les entreprises industrielles ou commerciales à but lucratif, elles ont besoin, pour se développer, d'un programme fixant à l'avance leurs fins et leurs moyens puis déterminant leurs conditions d'existence. Il est temps d'introduire dans les bibliothèques une certaine notion de rentabilité, pas uniquement financière d'ailleurs, mais correspondant à une adaptation aussi parfaite que possible des moyens aux fins (et réciproquement). Il faut, par conséquent, préciser d'abord ce que la bibliothèque doit faire, à qui elle s'adresse, puis, comment elle doit assurer sa tâche et quels moyens lui sont nécessaires pour cela.

Toute bibliothèque ouverte au public est au service d'une communauté (pays, ville, université, institut...) et elle se définit par ses fonctions à l'intérieur de celle-ci. De la bibliothèque dépendent, pour une large part, la qualité du travail et le niveau intellectuel de la communauté. Mais c'est la situation physique, sociale et culturelle de celle-ci qui détermine les fonctions de la bibliothèque. Il faut donc définir la situation de la communauté pour en déduire la fonction de la bibliothèque.

Nous voudrions ici préciser la place et le rôle d'une bibliothèque universitaire spécialisée au service d'une Faculté mixte de médecine et de pharmacie, en pays tropical.

Comme les conditions matérielles et morales sont prépondérantes, nous les verrons en premier, recherchant d'abord les conditions et fonctions générales de toute bibliothèque spécialisée, puis les conditions et fonctions locales. Nous verrons ensuite les différentes tâches que ces conditions imposent à la bibliothèque et, enfin, les moyens qui lui sont nécessaires. Il ne pourra être question dans un article de cette dimension de décrire la bibliothèque dans sa totalité, mais seulement d'insister sur les caractères particuliers qu'impose à notre bibliothèque sa situation. Pour le reste, nous renvoyons aux manuels courants de bibliothéconomie.

I. Conditions générales

Avant d'être soumise aux conditions locales, une bibliothèque doit obéir aux normes de toute bibliothèque du même type; dans notre cas, il s'agit d'une bibliothèque universitaire, spécialisée en médecine, devant servir l'enseignement et la recherche, avec les impératifs que cela comporte sur le plan des lecteurs et sur celui des livres.

A) Les lecteurs :

« Les besoins des utilisateurs doivent être prépondérants, si ces besoins ne sont pas satisfaits, qu'importe l'ingéniosité du système ou l'élégance du matériel 1. » Avant d'organiser une bibliothèque, il est donc nécessaire de connaître les lecteurs, les documents qu'ils utilisent et la façon dont ils les utilisent.

Les usagers de notre bibliothèque sont des chercheurs déjà spécialisés (professeurs, médecins, étudiants) que leurs études ont sélectionnés et dont les besoins documentaires sont spécifiques. Ils ne cherchent pas les mêmes documents, par exemple, que les lecteurs d'une bibliothèque de lecture publique, ni surtout de la même façon. Les services doivent en tenir compte.

Trois types de lecteurs peuvent se présenter à notre bibliothèque :

I° Les étudiants dont les besoins sont relativement simples : pour les examens universitaires, les livres de cours et manuels courants d'un niveau moyen leur suffisent. Ces manuels sont des synthèses adaptées à l'enseignement, écrites dans la langue officielle de l'Université. Des manuels en langues étrangères sont inutiles, sauf cas exceptionnel d'un étudiant étranger ou d'un professeur qui en a besoin pour préparer son cours. Ces manuels se trouvent aisément dans le commerce et ne posent d'autre question que celle de leur quantité et du risque de leur perte. L'idéal serait d'en avoir autant que d'étudiants, ce qui est impossible; le minimum paraît être de 5 à 20 exemplaires de chaque manuel possible au prêt à domicile et de 5 à Io en usuels pour la lecture en salle. Les étudiants passent en effet une grande partie de leur temps à l'hôpital et le reste est pris par les cours; il en reste peu pour venir à la bibliothèque.

D'autre part, pour les concours hospitaliers, les étudiants ont besoin de questions préparées qui existent aussi sous une forme multigraphiée ou en feuillets détachables destinés aux dossiers personnels. Ces questions doivent être achetées par les étudiants et les exemplaires de la bibliothèque ne pas sortir, car ils ne résisteraient pas longtemps à un travail aussi assidu qu'une préparation d'internat.

La bibliothèque doit aussi offrir aux étudiants les grands traités, dictionnaires, encyclopédies qui forment la base de tout fonds d'usuels. Elle doit enfin guider ces étudiants dans leurs recherches et leur usage de la bibliothèque.

Les professeurs et les chercheurs sont, pour la bibliothèque, d'un tout autre intérêt et doivent retenir plus sérieusement son attention. La distinction entre enseignants et chercheurs est trompeuse, car ce sont les mêmes personnes qui, la plupart du temps, pratiquent l'enseignement et la recherche; ce sont deux activités ayant des besoins différents.

2° Les besoins de celui qui enseigne sont relativement simples : grands traités, encyclopédies, manuels et cours déjà préparés en français ou en langue étrangère (Handbook), ouvrages spécialisés de synthèse et de mise au point (Advances, Annual reviews, Exposés annuels, Actualités...), enfin quelques monographies ou numéros spéciaux de revue (La Revue du praticien).

3° C'est au chercheur que l'essentiel de notre travail doit être consacré, car la recherche est la condition et la source de l'enseignement; c'est d'elle que dépend la valeur d'une Faculté de médecine.

« On estime aujourd'hui, écrit Pierre Auger, que ceux qui enseignent la médecine gagnent à faire de la recherche, et que la formation de l'étudiant en médecine est meilleure si l'on y introduit certains éléments de recherche 2. » Et cette recherche a des besoins bien précis.

Notre expérience de treize années nous a prouvé, en particulier, que la documentation médicale est avant tout spécifique ; qu'elle est ensuite urgente et nécessaire et enfin qu'elle est plus analytique que synthétique, plus détaillée que systématique. Le sujet de travail d'un chercheur médical est le plus souvent limité; c'est un point très précis qu'il s'agit d'éclairer le plus vite possible pour continuer une expérience ou mettre au point une étude. Ce sont des cas pathologiques identiques qu'il s'agit de trouver dans la littérature mondiale pour aider au diagnostic ou améliorer le traitement d'un patient qui a une maladie bien précise et doit être soigné d'urgence. C'est parfois aussi une recherche systématique et complète de tous les articles publiés depuis plusieurs années sur une maladie particulière ou une technique chirurgicale précise pour en faire le bilan. Qelquefois, aussi, il s'agit, avant d'éditer un travail, de rechercher quelques références pour en compléter rapidement et artificiellement la bibliographie, tout en vérifiant que des résultats identiques n'ont pas déjà été publiés.

Il est bien rare de se voir poser la question générale : « Qu'avez-vous en ophtalmologie ? » Très peu de lecteurs veulent connaître « tout ce qui a paru en cancérologie récemment ». Ce n'est donc pas n'importe quel ouvrage sur la médecine que le lecteur demande, mais tel article ou tel livre de tel auteur, sur tel sujet, paru à telle date, dans telle revue, que la référence en soit connue du lecteur auparavant, recherchée dans une bibliographie ou trouvée dans le catalogue de la bibliothèque. C'est cette spécificité de la recherche documentaire scientifique dans sa plus grande part, qui est l'essentiel. Cette recherche est, par ailleurs, urgente car le malade (ou la publication) n'attend pas.

C'est bien parce que la recherche médicale est analytique que la plus grande bibliographie courante actuellement publiée dans ce domaine, l'Index medicus, se présente sous la forme d'une liste alphabétique de sujets et non d'un classement systématique 3.

Le lecteur d'une bibliothèque scientifique spécialisée est donc un professionnel pour qui le document est un instrument de travail nécessaire et en général urgent. Il vient rarement à la bibliothèque scientifique pour son plaisir ou pour sa distraction. La fonction de distraire tout en informant est dévolue à la bibliothèque de lecture publique dont le but, les moyens et l'organisation seront par conséquent différents 4.

« Trois problèmes se posent donc (à la bibliothèque scientifique) :
a) il faut que le chercheur puisse repérer rapidement et sans erreur les articles intéressant son sujet de recherche;
b) il faut qu'il puisse obtenir ces articles, si possible sous une forme qui lui permette de les conserver;
c) il faut pouvoir obtenir dans les mêmes conditions des textes traduits 5. »

La bibliothèque doit être organisée pour répondre à ce type de demande, dans les conditions de temps et de forme exigées.

B) Les livres :

Si les lecteurs ont certaines exigences, les livres aussi imposent à la bibliothèque leurs conditions.

En effet, en tant que bibliothèque scientifique, notre institution doit utiliser les documents où se développe la science et doit tenir compte de la nature et du mode de vie de ces documents. Ces documents sont principalement : I. - Les périodiques : les revues sont prépondérantes, car ce sont elles qui diffusent les derniers progrès de la science et toute recherche bibliographique concerne principalement des articles pour les raisons données au § 1 A. Les dimensions de l'article suffisent pour exposer le « cas » spécifique et limité, sa publication rapide permet au chercheur de prendre rang sans attendre la publication lointaine d'un ouvrage. D'ailleurs, même parmi les articles de revues, s'établit déjà une hiérarchie chronologique; certaines revues comme Nature (London) se réservant la publication ultra-rapide de courtes notes préliminaires, d'autres au contraire, publiant des articles plus élaborés, donc plus tardifs. On voit même certaines revues annoncer à l'avance en « previews » les articles qu'elles vont publier (Biochemica and biophysica acta) et d'autres publier à l'avance les sommaires de leurs prochains numéros (Current contents 6).

2. - Les rapports imprimés ou même souvent multicopiés. Que ces rapports soient le résultat d'une mission, d'un stage, d'un contrat, d'un projet, d'une enquête ou destinés à un congrès, qu'ils soient le bilan annuel du travail effectué dans un laboratoire, ils sont trop importants pour une revue, mais pas assez élaborés pour un livre. Ils sont diffusés (mal) par le chercheur lui-même à ses relations scientifiques, ne figurent dans aucune bibliographie et sont difficilement accessibles à la bibliothèque par les voies officielles. Mais leur importance est telle que la bibliothèque ne peut s'en passer (ex. : Contrats du « Public Health Service » avec les universités américaines; thèses dactylographiées).

3. - Les bilans : Progress, Advances, Year Book, Actualités, Mises au point..., qui figurent entre l'article et le livre comme une récapitulation des progrès réalisés dans un domaine pendant six mois, un an ou cinq ans. Préparés par d'excellents spécialistes, ils font la synthèse de tous les articles parus récemment et constituent d'excellentes bases de départ pour un travail approfondi. Ils évitent au chercheur des lectures inutiles en triant les meilleurs articles, et lui font ainsi gagner un temps précieux.

4. - Les monographies, dont l'importance va décroissant, car si elles constituent des études approfondies et originales sur un sujet, si elles forment des synthèses plus complètes et plus accessibles qu'un article, elles sont souvent trop tardives pour la recherche quotidienne. Il faut en excepter, pourtant, les traités tenus régulièrement à jour, car ils sont pour l'étudiant la source d'une conférence ou la base d'une thèse et pour le professeur la synthèse qui lui permet de préparer son cours, et certaines monographies écrites avec soin, qui restent dans certains domaines des ouvrages de référence permanents. « Écrire un livre est toujours un gros travail qui comporte maintes phases ennuyeuses ou agaçantes. Mais, s'il est réussi, le rendement, l'efficacité sont grands, bien plus grands qu'une série d'articles ou de revues dont seul l'auteur possède la collection complète 7. » Le livres correspond donc à une synthèse élaborée, qui jalonne d'une façon définitive la route de la science, mais c'est justement parce que la science actuelle est trop mobile que ces synthèses sont difficiles, vite périmées et que leur nombre décroît. Ainsi, en médecine, il ne paraît chaque année que quelque 2 000 8 ouvrages français, dont la moitié à peine sont importants. 5. - Ces quatre types de documents ont certains caractères communs. D'abord leur dépréciation relative dans le temps; il faut éviter de généraliser, dans ce domaine, car si la science va vite et si les articles se périment rapidement surtout dans les sciences cliniques, il n'est pas rare que soient toujours nécessaires les articles princeps ou essentiels parus il y a quinze ou vingt ans. Pour une thèse en médecine, la bibliographie remonte facilement à quarante ou cinquante ans 9.

Deux besoins complémentaires s'expriment donc : celui d'être informé rapidement des dernières découvertes, mais aussi celui de s'appuyer sur les bases solides d'articles majeurs, parus il y a plusieurs années.

Cette dépréciation est donc essentiellement variable selon les sciences et selon la nature des travaux en cours. Il ne faut pas en faire une règle générale et supprimer de la bibliothèque tout ce qui a plus de cinq ans.

Ces deux besoins conduisent à deux obligations. Celle d'avoir un fonds actuel vivant, restreint et toujours sélectionné et celle d'avoir un fonds ancien important très complet, pouvant répondre à toute demande d'information quelles qu'en soient la source et la date.

Le minimum reconnu aux États-Unis pour soutenir un programme de recherches médicales est de 100 000 volumes.

6. - Ensuite leur surproduction : la bibliothèque scientifique subit, plus peut-être que la bibliothèque publique, car la documentation y est nécessaire, les contrecoups de la surproduction littéraire actuelle.

Un rapport 10 présenté par le « Comité d'étude, documentation », en avril 1963, à M. le Ministre d'État chargé de la recherche scientifique en France évalue le nombre des pages scientifiques publiées dans le monde en 1958 à 13 millions et à 16 millions en 1963. Clapp 11 évalue la production mondiale annuelle à 300 ooo livres, 70 ooo revues et 300 ooo journaux, P. Auger (op. cit.) donne le chiffre de 100 000 revues scientifiques en 1960 et en prévoit 1 million à la fin du siècle.

La 3e éd. de la World List of scientific periodicals en 1952 comprenait 53 000 titres de 1900 à 1950. La 4e éd. 20 000 de plus, dix ans après. Le British Union Catalog of periodicals recense avec son supplément plus de 150 000 titres et l'Union list of serials (5e éd.) : 156 449.

Pour la seule médecine la « National library of medicine » de Bethesda reçoit 13 000 titres de revues et l'Index Medicus analyse annuellement 250 000 articles sélectionnés dans 2 000 revues.

Ces chiffres dépassent très largement les possibilités d'achat et de mémoire d'un individu, l'obligeant à un recours de plus en plus fréquent à la bibliothèque sur laquelle va reposer de plus en plus lourdement la charge de la documentation scientifique. Mais ces chiffres dépassent aussi, ce qui est plus grave, les possibilités de la plupart des bibliothèques : d'après certaines recherches américaines 12, au rythme d'accroissement actuel (et rien ne permet d'en prévoir le ralentissement) les bibliothèques doivent doubler de volume tous les seize ans 13; c'est dire que sous la pression des livres, la bibliothèque est réduite à ce dilemme : se laisser étouffer ou renoncer.

Non seulement la quantité de livres augmente, mais leurs prix ne cessent de croître et atteignent des niveaux peu accessibles : le Chemical abstracts vaut$700 par an (3 500 F), or quelle bibliothèque chimique peut s'en passer ? Le nouveau Science citation index coûte $I 000 d'abonnement annuel. Le moindre ouvrage médical vaut de 50 à 100 F quand ce n'est pas 300 à 400 F. La nouvelle édition de l'Union list of serials vaut 750 F.

Là aussi, la bibliothèque, aux moyens traditionnellement limités, va devoir rapidement abandonner la partie et renoncer à un certain nombre d'achats, ce qui veut dire, renoncer à servir un certain nombre de lecteurs.

II. Rôle de la bibliothèque

A) Rôle vis-à-vis des étudiants.

Nous avons vu que les étudiants avaient des besoins en livres surtout quantitatifs. Les manuels doivent être suffisamment nombreux et suffisamment accessibles pour que chacun puisse préparer ses examens.

Mais les horaires des étudiants en médecine sont particuliers et ceux de la bibliothèque doivent en tenir compte. Ouvrir les portes de la bibliothèque très largement est une nécessité de plus en plus pressante dans les campus universitaires bruyants, car la bibliothèque est le seul endroit où les étudiants peuvent travailler.

Donc, pour les étudiants : nombreux usuels et heures d'ouverture les plus larges.

Mais en plus de ces services généraux passifs, la bibliothèque doit activement apprendre à l'étudiant, mal préparé par les études secondaires, le maniement du livre et le fonctionnement de la bibliothèque. L'ignorance des étudiants, en ce domaine, est telle, qu'elle nuit à leurs études. Cet enseignement qui portera d'abord sur l'organisation de la bibliothèque et les moyens de l'utiliser, puis sur la bibliographie médicale détaillée, c'est-à-dire, sur les moyens de rechercher les documents et de se les procurer devra se faire sous forme de cours aux élèves de Ire année (4 à 6 heures par an) et de conseils particuliers aux étudiants qui se lancent dans la recherche. Mais il doit aussi leur apprendre un certain respect du livre, propriété collective, et une certaine discipine du prêt.

B) Rôle vis-à-vis des chercheurs.

Mais, c'est vis-à-vis de la recherche médicale que la bibliothèque a sa principale responsabilité. Or nous avons vu que cette recherche exige une documentation de plus en plus complète, de plus en plus rapide, de plus en plus précise, mais qu'elle se heurte à une masse de documents de plus en plus nombreux, de plus en plus chers, de plus en plus difficiles à trouver, et qui posent de délicats problèmes de traitement et de prêt.

La bibliothèque est tiraillée entre deux forces; son rôle est de les surmonter pour être l'intermédiaire idéal entre la question du lecteur et la réponse du livre; elle doit prendre en charge le flot documentaire, le canaliser, le régulariser et le diffuser selon les besoins; elle doit être une machine qui reçoit les documents à l'état brut, et, après un certain travail de classement, d'indexation et de dépouillement, les fournit à la demande, triés, individualisés, directement utilisables par leur lecteur.

Ce rôle, neuf encore, souvent désapprouvé par les bibliothécaires et inconnu des usagers, est imposé à la bibliothèque scientifique par l'évolution actuelle de la science qui risque, sans la bibliothèque, de s'asphyxier elle-même et d'aboutir à l'absurde situation d'une quantité de chercheurs produisant une masse de documents de plus en plus nombreux, mais de moins en moins lus. Cette situation rend la bibliothèque de plus en plus nécessaire à la recherche, et, en contrepartie, de plus en plus responsable vis-à-vis des chercheurs.

Évidemment, une solution possible serait de modifier, non pas la science, mais son moyen de diffusion : plusieurs s'en sont occupés, sans succès jusqu'à présent, et de toute façon, le nombre des chercheurs croît avec l'élargissement du domaine scientifique (leur nombre est, dans certains pays, très insuffisant) et les publications ne peuvent qu'augmenter.

Toutefois, cette nouvelle fonction de la bibliothèque est déjà admise par certains bibliothécaires, comme en témoigne cette définition de la bibliothèque donnée par A. Mc Leish :

« La bibliothèque est un groupe d'êtres humains qui acceptent la responsabilité de mettre tout le savoir à la disposition de la société, par n'importe quel moyen jugé le plus intelligible et le plus efficace 14. »

Il faut donc premièrement donner au lecteur le document qu'il cherche, le plus rapidement possible, et sous une forme qu'il puisse conserver.

Mais le rôle de la bibliothèque ne peut se limiter à cette fourniture passive; il faut aller plus loin et informer les lecteurs des documents qui peuvent les intéresser; c'est pourquoi, notre bibliothèque doit avoir une fonction bibliographique.

C'est le travail du service de référence; pour beaucoup, ce service est considéré comme n'étant pas du domaine de la bibliothèque « stricto sensu », mais de celui des centres de documentation; cette distinction est périmée (elle n'existe d'ailleurs pas aux États-Unis et ne peut être, de bonne foi, justifiée vis-à-vis de l'usager).

Une bibliothèque scientifique moderne doit être un centre de documentation : l'attitude passive traditionnelle est peut-être valable dans les disciplines littéraires et historiques moins soumises au temps que les sciences biologiques et dans lesquelles la bibliographie doit être faite par le chercheur lui-même, puisqu'il travaille directement sur les textes. Dans les sciences physiques, biologiques, ou naturelles, la bibliographie est accessoire, l'essentiel du travail se faisant à la paillasse; c'est donc la bibliothèque qui doit la prendre en charge autant que faire se peut.

Le service de référence consiste essentiellement à fournir au lecteur certains renseignements généraux qu'il ne sait où trouver et à l'informer des documents qui existent et qu'il ne connaît pas.

I. - La bibliothèque doit pouvoir fournir toute information d'ordre général : adresses (de revues, de chercheurs, d'instituts, de fournisseurs), définitions, formules, répertoires...

2. - Elle doit, dans la mesure du possible, répondre à toute demande bibliographique, soit vérification de références, soit recherche d'un titre, d'un éditeur, d'une date d'édition, soit mise au point d'une bibliographie, soit établissement d'une bibliographie complète sur un sujet.

3. - Elle doit établir chaque année la liste des travaux publiés par les chercheurs de son institution; ce bilan existe fréquemment aux États-Unis comme en Europe et, largement diffusé, il fait connaître l'institution et peut lui procurer des appuis. C'est une forme de publicité. Il nécessite le dépouillement de toutes les revues où les chercheurs sont susceptibles d'écrire, ce qui rend leur collaboration souvent nécessaire.

4. - L'ensemble de la médecine est déjà recensé dans de grandes bibliographies qu'il est inutile de doubler, mais il y a intérêt, dans son propre domaine à les compléter en indexant les revues qui n'y figurent pas.

5. - Elle a le devoir de centraliser la documentation disponible localement sous forme de catalogues collectifs. Elle doit devenir la plaque tournante documentaire locale.

6. - Mais, surtout, la bibliothèque doit atteindre le lecteur jusque dans son laboratoire et pour cela l'informer des bibliographies et catalogues existants, les compléter en publiant au maximum ses catalogues et en les diffusant largement : listes hebdomadaires, puis mensuelles, d'acquisitions, catalogues de périodiques, de certains fonds, dépouillement de certaines revues. C'est le type même de bibliothèque dont les catalogues, quels que soient leurs lacunes et leurs défauts, doivent être publiés en volumes et non seulement laissés en fichiers à la seule disposition des lecteurs présents. Toutes les bibliographies citées aux paragraphes 3, 4, 5, 6, seront établies sous deux formes : une liste alphabétique d'auteurs et une table alphabétique de matières, selon des normes communes ; cela, afin de pouvoir éventuellement les fusionner et pour que les recherches soient uniformisées. La liste des vedettes matières sera soigneusement et fermement établie pour servir dans tous les cas. De préférence, il faut utiliser une liste reconnue internationalement (Index Medicus).

7. - Le nombre des chercheurs est trop grand et les sujets de recherche trop changeants en médecine pour que soit envisagé le dépouillement systématique des revues en fonction de leurs travaux. Celui-ci pourra intervenir à la demande pour un sujet précis et un temps limité. Dans ce cas, toutes les revues sont dépouillées et les articles intéressant le chercheur lui seront signalés.

8. - Elle doit pouvoir traduire les articles en langues étrangères, ou, du moins, savoir où ils peuvent être traduits et à quel tarif.

9. - L'institution est souvent éloignée de tous les éditeurs, libraires et imprimeurs. La bibliothèque doit se charger des rapports avec ces différents fournisseurs en centralisant les commandes et les abonnements de tous les services.

En tant qu'organisme spécialisé dans l'imprimé, elle doit avoir la haute main sur tout ce qui s'imprime et s'édite. Elle a les moyens d'obtenir des réductions de prix, des groupages d'envois et d'effectuer les recherches pour identifier un livre ou une revue. Cela lui permet de coordonner les achats à l'échelon Faculté et d'établir par la suite un catalogue collectif.

10. - Elle doit s'occuper aussi de tous les problèmes d'édition et de reliure pour les services de la Faculté qui en ignorent tout, en général. Pour la présentation d'une revue ou d'une thèse, la rédaction d'un index, elle doit fournir les règles et les normes en vigueur et conseiller sur le choix d'un imprimeur, sur la qualité ou le prix d'une édition. Elle doit, pour cela, posséder les répertoires d'imprimeurs et d'éditeurs, les listes des caractères et connaître les diverses méthodes d'impression.

II. - Elle doit pouvoir conseiller les chercheurs sur tout ce qui concerne la documentation : classification, fiches perforées, classement des dossiers médicaux, établissement des fichiers documentaires. Elle doit donc posséder des modèles des différents systèmes documentaires simples, des classifications de maladies, des modèles de fiches, et pouvoir expliquer leur fonctionnement.

Il ne faut pas se leurrer, ces deux tâches, celle d'informer le lecteur et celle de lui fournir le maximum de documents dans les meilleurs délais, sont immenses et représentent des idéaux vers lesquels, étape par étape, nous devons tendre selon les moyens mis à notre disposition; nous verrons ces moyens plus loin. Auparavant, il faut déterminer notre responsabilité vis-à-vis des livres. Car, si la collecte des livres est, avant tout, un moyen de répondre à la demande actuelle de l'usager, elle peut être, dans certains cas, une fin en soi.

C) Rôle vis-à-vis des livres.

En effet, les bibliothèques nationales et les bibliothèques d'étude doivent, au-delà d'un usage immédiat, prévoir tout usage éventuel futur, former un tout homogène et cohérent, exister pour elles-mêmes, en elles-mêmes quelle qu'en soit l'utilisation présente. Constituer un fonds scientifique de valeur est dans certains cas, une finalité suffisante. Il faut se méfier, dans une certaine mesure, de l'usage immédiat, car il suffit qu'un professeur change pour que tout un fonds devienne inutile. Ce qui importe avant tout, c'est la cohérence du fonds et la clarté de sa définition. Le lecteur doit pouvoir identifier aisément la bibliothèque et savoir à l'avance ce qu'il peut y trouver; il s'adresse, en effet, là où il sait avoir le maximum de chance de trouver un document. Il est donc inutile (et même nuisible) d'éparpiller son fonds en conservant des livres sur des sujets très divers ou d'époques disparates, car personne n'aura l'idée d'y chercher le livre exceptionnel, chronologiquement ou par sujet. Il est, par exemple, inutile d'avoir un fascicule de l'année 1895 d'une revue dont la collection n'est complète à la bibliothèque qu'à partir de 1950. Mais, quand on couvre un domaine, il faut le couvrir en entier.

Il est donc nécessaire de définir avec précision et officiellement la nature d'un fonds. Celui d'une bibliothèque médicale doit s'étendre à toutes les sciences médicales, pharmaceutiques et connexes. Il concerne donc essentiellement « l'homme », sa biologie et sa pathologie.

Mais celles-ci sont de plus en plus influencées par des éléments extérieurs qui viennent compliquer la tâche des bibliothèques. En effet, le médecine fait de plus en plus appel à d'autres sciences, non proprement médicales, comme la chimie, la physique, la botanique et aussi la sociologie, la psychologie, le droit, la démographie, l'agriculture ou l'urbanisme. Nos achats doivent en tenir compte et s'étendre à tous ces domaines dans la mesure où ils concernent la biologie ou la pathologie humaine (droit médical, radiobiologie) et où ils n'existent pas dans une autre bibliothèque spécialisée. Notre bibliothèque doit en revendiquer l'achat. Les franges sont parfois floues, mais il vaut mieux aller au-delà de ses limites qu'en deçà.

Chaque livre pose évidemment un problème particulier qu'il peut être malaisé de résoudre. C'est le cas, par exemple, des livres de microbiologie, d'histologie et de biochimie qui intéressent à la fois les zoologistes, les histologistes ou les chimistes, les cancérologues et les bactériologistes. La décision ne peut être qu'individuelle et relative aux conditions locales. Une coopération des achats et un catalogue collectif s'imposent alors. Celui-ci est, finalement, la meilleure solution aux problèmes épineux.

Le domaine d'une bibliothèque médicale étant ainsi officiellement défini, il faut, nous l'avons dit, couvrir ce domaine en entier. V.W. Clapp, dans son ouvrage The Future of the research library, pose ainsi le problème des bibliothèques d'étude :

« Si la bibliothèque veut remplir sa fonction, elle doit être capable de donner à ses lecteurs un accès immédiat à "la plus grande partie possible du total documentaire disponible" ».

Sa principale responsabilité vis-à-vis des livres est donc, par quelque moyen que ce soit (emprunt, microfilm, don, échange, achat) de se procurer, dans les limites de son domaine, le plus grand nombre de documents.

Ce n'est pas une tâche facile; chaque bibliothèque doit l'accomplir, selon ses moyens, dans les conditions où elle est placée (nous verrons comment une bibliothèque africaine peut y arriver) mais, prise entre la multiplication des livres, celle des lecteurs et la modicité de ses moyens, elle risque de ne pouvoir tenir tête aux deux et de voir s'instituer un décalage croissant et néfaste pour elle entre ses obligations et la réalité de ses services. Combler ce décalage doit être le souci constant de tout responsable d'une bibliothèque scientifique.

III. Conditions particulières

Dans la première partie de cet article, nous avons décrit les conditions théoriques qui s'imposent à toute bibliothèque scientifique et précisé les fonctions essentielles de celle-ci.

Mais une bibliothèque vit dans un milieu qui comporte certaines contraintes dont il faut tenir compte. Son existence sera un perpétuel compromis entre les buts précédemment définis et les possibilités de sa situation.

La Bibliothèque de la Faculté mixte de médecine et de pharmacie de Dakar est placée dans un contexte bien particulier qui mérite d'être analysé dans ses composantes géographiques, climatiques et sociologiques, car il aura des conséquences importantes sur son organisation.

Dakar est en effet située à la pointe de l'Afrique de l'Ouest, entre le 10e et le 20e parallèle, c'est-à-dire entre le Tropique du Cancer et l'Équateur, entre la zone tropicale humide au Sud et la zone désertique au Nord. Ce continent se caractérise par son immensité et par son climat.

A) Climat :

Le climat de Dakar est appelé sub-canarien. C'est un climat tropical, chaud et humide, modifié par la proximité de la mer qui le refroidit et permet aux alizés de souffler huit mois sur douze. Deux saisons se partagent donc l'année, la saison fraîche, sans pluie et ventée de novembre à juin et la saison chaude et pluvieuse, de juin à octobre, appelée hivernage. Ceci en gros, mais parfois, entre l'alizé du Nord et la mousson du Sud, s'établit l'harmattan, vent d'Est, sec, brûlant et chargé des sables du désert.

Le climat tropical 15 est essentiellement fait de quatre éléments :
- l'humidité, importante presque toute l'année, même pendant la saison dite sèche; de l'ordre de 70 à 99 %, elle provoque des moisissures, rouille le métal (se méfier des trombones ordinaires ou des coupe-papiers), et colle la poussière.
- la chaleur, tantôt très sèche quand souffle l'harmattan, tantôt très humide, est, de toutes les façons, néfaste pour les livres, soit qu'elle les racornisse, soit qu'elle colle les pages glacées et décolle les reliures. Les variations de température sont souvent importantes entre le jour et la nuit.

Ces deux éléments, chaleur et humidité, sont particulièrement propices aux insectes et animaux nuisibles, blattes qui rongent la toile des reliures, mouches maçonnes qui font leurs nids de terre sur les rayonnages, termites qui s'installent dans tout meuble en bois et passent de là dans les livres, lépismes, vrillettes ou anobiums qui creusent des galeries dans les reliures et dans le papier, moustiques qui interdisent l'ouverture de nuit, sauf fenêtres closes malgré la touffeur.

- le troisième élément du climat africain est le vent, moins connu que les précédents, mais qui le domine sous les deux tropiques, pendant six à dix mois de l'année; ce sont les alizés, vents réguliers, souvent violents qui sont particulièrement gênants par le sifflement continu qu'ils produisent aux fenêtres mal jointes et par la poussière qu'ils soulèvent 16.

Cette poussière s'infiltre dans le moindre interstice et, collée par l'humidité ou soufflée par le vent, fait office de toile émeri qui corrode rapidement les métaux. (Des rayonnages métalliques fabriqués en usine, laissés au vent par suite de l'absence de fenêtres pendant trois mois, ont été complètement rouillés.)

Nous aboutissons donc à deux exigences contradictoires : aération pendant la période d'hivernage (de juin à novembre) chaude, humide, pluvieuse et fermeture soignée pendant le reste de l'année.

- la lumière enfin, intense presque tout le temps, fatigue la vue et jaunit rapidement ce qui lui est exposé : dos des reliures, pages, dossiers; même les meubles perdent leurs couleurs sous la violence du soleil. Il faut donc prévoir pour les salles de lecture des stores ou des claustrats à l'extérieur (protection anti-thermique) des vitres à verres filtrants, et, pour les magasins, une obscurité presque totale.

B) La géogyaphie :

L'Afrique se caractérise par d'énormes distances et de vastes régions désertiques, qui ne sont pas traversées par des moyens de transports suffisants.

Le continent africain a 7 800 km du Nord au Sud et 7 300 d'Ouest en Est; Dakar est à quelque 4 500 km de Paris, 2 000 d'Abidjan, 4 500 de Brazzaville, 7 300 de Captown, 300 du Caire et 6 000 de Nairobi. Ces distances et les transports défectueux (peu de routes, peu de trains, seuls l'avion survole et le bateau contourne ce désert) compliquent les relations avec les autres pays d'Afrique. Des paquets de livres venant de Nairobi à Dakar, doivent passer par le cap de Bonne Espérance! et le courrier de Dakar à Madagascar passe... par Paris.

A cet éloignement physique s'ajoute un isolement culturel. La zone intertropicale correspond en gros aux régions sous-développées du globe, c'est-à-dire qu'elle est encore relativement pauvre d'une part en institutions scientifiques et d'autre part en circuits commerciaux (éditeurs, imprimeurs, libraires) susceptibles d'approvisionner par achat ou par échange les chercheurs qui y travaillent.

S'il existe en Afrique des imprimeurs, il n'existe pas encore d'éditeurs susceptibles de publier à un prix compétitif les travaux préparés sur place (exception faite de l'Afrique du Sud et de quelques presses universitaires qui se créent actuellement 17). Le nombre des ouvrages scientifiques publiés en Afrique est encore infime par rapport à la production mondiale et la plus grande partie des livres achetés portent l'estampille de Paris, Londres, New York, Philadelphie ou Berlin. Les libraires locaux, outillés pour la vente des livres courants, ne le sont pas pour les livres et revues scientifiques, surtout si ceux-ci sont publiés à l'étranger. Il faut donc utiliser les services d'un libraire européen ou américain.

Le nombre des instituts d'Afrique est aussi très limité; leur réalité est souvent fugace et leurs moyens souvent si faibles qu'il est difficile de les localiser; il n'y a pas, actuellement, de répertoire à jour des instituts de recherche africains. La plupart ne sont que des stations d'instituts européens, consacrés de plus à la seule réalité africaine : ethnologie, linguistique ou zoologie; il n'y a pas encore en Afrique d'institut de recherche générale portant sur autre chose que le pays (physique, chimie par exemple) et seuls les africanistes ne s'y sentent pas trop désavantagés. Ces instituts, d'ailleurs, publient leurs travaux en Europe ou simplement les multigraphient, compliquant ainsi sérieusement la tâche des bibliothèques qui veulent les acquérir.

Les bibliothèques rattachées à ces instituts sont encore insuffisantes. On aurait pu envisager de passer outre les inconvénients de distance et s'adresser pour un prêt, un échange ou un microfilm aux autres bibliothèques d'Afrique; mais ces bibliothèques ne sont pas assez riches pour justifier le risque d'un retard inutile. Les plus importantes sont les bibliothèques universitaires. Celle de l'« University College d'Ibadan » ne compte pourtant dans toutes les disciplines que 160 ooo volumes et 3 150 périodiques (1961), celle du Ghana a 160 ooo volumes et 3 600 périodiques, l'Université de Dakar 160 ooo volumes et 4 000 périodiques, et Lovanium 180 000 volumes et 2 000 périodiques 18.

Pour se procurer un document avec certitude, il est donc finalement plus prudent de s'adresser à une bibliothèque ou à un libraire de la zone tempérée Nord, principalement en Europe et aux États-Unis.

Heureusement, les transports verticaux à destination de l'Europe ou des États-Unis sont plus rapides et plus fréquents que les transports intérieurs 19, drainant la majeure partie de nos relations vers ces pays.

Et pourtant, malgré cette relative facilité, le minimum de temps pour recevoir un livre commandé à Paris est de 30 à 45 jours si le livre est publié sur place, mais s'il est étranger, il faut compter 4 à 6 mois; nous nous estimons contents de recevoir 15 jours plus tard un microfilm commandé à Paris par avion. Mais ce qui est plus grave pour une bibliothèque scientifique, c'est le retard avec lequel arrivent les revues (2 mois), au point qu'un article est parfois cité avant que la revue où il se trouve ne nous soit parvenue; le coût prohibitif de la voie aérienne, qui aurait pu résoudre ce problème de distance, la fait rejeter sauf pour des cas exceptionnels.

Par conséquent, dans quelque direction qu'elles se tournent, les bibliothèques d'Afrique doivent subir les conséquences de leur isolement, à savoir, l'absence de documents sur place, des délais de livraison trop longs et des frais de transports particulièrement élevés.

Cela est aussi vrai pour la fourniture du matériel (fiches, machines à écrire ou appareils de reproduction); si le matériel existe sur place, il est plus cher; s'il n'existe pas, il faut l'attendre six mois et de plus le choisir uniquement sur catalogue. Pour certains appareils, il est même impossible de se les procurer.

C) Conditions sociologiques :

Du fait de leur isolement géographique, les bibliothèques scientifiques dont la densité est faible sont seules de leur genre et de leur spécialité dans leur pays et souvent même dans une aire géographique beaucoup plus vaste. Ainsi, la bibliothèque de la Faculté de médecine de Dakar est la seule actuellement de quelque importance, en médecine, pour tous les pays de l'Afrique occidentale francophone. Elle a donc le devoir de s'occuper des lecteurs et des documents sur un territoire plusieurs fois grand comme la France.

En effet, si sa première responsabilité est de servir les membres de l'Université, notre bibliothèque doit, du fait de son isolement, étendre ses services hors de l'Université et même hors de la ville, aux chercheurs des instituts locaux, aux hôpitaux de brousse et aux médecins isolés qui n'ont pas, sur place, la documentation suffisante. Les demandes venues de Bamako, Ouagadougou, Conakry, doivent être satisfaites même si, pour les raisons étudiées plus haut, la distance retarde un peu le service. Avant de s'adresser à la France, ces médecins non universitaires s'adressent d'abord à nous et nous devrions pouvoir répondre à leurs demandes 20. Il est temps que l'Afrique cesse, pour sa documentation, de dépendre de l'étranger.

Ces bibliothèques de la zone intertropicale ont donc des charges beaucoup plus étendues que leurs sœurs d'Europe ou d'Amérique; or, elles souffrent d'une insuffisance congénitale de moyens; étant pour la plupart de création récente 21, elles ne peuvent s'appuyer sur des fonds anciens accumulés au cours des siècles et sur un personnel longuement formé 22, et, d'autre part, les pays en voie de développement ne peuvent, pour des raisons évidentes, consacrer aux bibliothèques scientifiques les sommes nécessaires à leur accroissement.

C'est pourquoi les fonds sont encore insuffisants et les lacunes trop visibles. Jusqu'à présent des capitaux venus d'outre-mer ont assuré un bon démarrage; mais cette solution ne saurait se poursuivre suffisamment longtemps ni en quantité suffisante pour assurer à la bibliothèque une croissance indispensable à la satisfaction des immenses besoins documentaires de l'Afrique.

Cette croissance est aussi entravée par le manque actuel de personnel qualifié. Là encore, des experts, conseillers techniques ou responsables, venus d'outre-mer, ont organisé les premières bibliothèques, et plusieurs écoles de bibliothécaires voient le jour en Afrique. Mais ce personnel étranger n'est pas assez nombreux et risque de ne pas rester assez longtemps pour assurer le développement harmonieux des bibliothèques. Le personnel actuellementformé sur place 23 est surtout destiné aux bibliothèques de lecture publique car il n'y a pas un niveau culturel suffisant pour gérer une bibliothèque scientifique. Qui prendra la relève ? S'il y a quelques bibliothécaires africains dans les écoles spécialisées d'Europe, leur nombre est encore insuffisant.

De plus, même pour les tâches d'exécution, le personnel quelle que soit son origine (européenne ou africaine) n'a pas eu de formation suffisamment poussée et de situation suffisamment stable 24 pour donner à son travail la rigueur, la précision et le sérieux sans lesquels la bibliothèque devient un chaos. Actuellement, tout travail doit être longuement contrôlé, que ce soit la frappe des fiches (on sait l'importance d'une faute d'orthographe) le classement des livres (importance d'une erreur de n°) ou la préparation de la reliure. D'où une perte de temps nuisible aux travaux proprement scientifiques et une fatigue supplémentaire pour le bibliothécaire. Ce personnel technique insuffisant en qualité l'est aussi en quantité. C'est donc à tous les niveaux que le manque de personnel qualifié se fait sentir et entrave le développement de la bibliothèque.

Conclusion :

Pourtant ces conditions défavorables dans leur ensemble ne sont pas les seules. Comme éléments favorables, il faut citer d'abord l'espace. Cette place qui est chichement mesurée aux bibliothèques des pays anciens nous est largement distribuée et permet toutes les extensions, dans la mesure où des crédits pour construire sont disponibles.

Ensuite, il faut citer la régularité du climat. Même s'il est très humide ou très venté, le climat de Dakar est très agréable. La température ne descend pas en dessous de 16° et ne monte pas au-dessus de 35°. La moyenne se situe presque toute l'année vers 25°. Donc chauffage inutile.

La climatisation nécessaire pour les livres presque toute l'année, ne l'est, pour les personnes, que quelques mois par an. Enfin il faut ajouter que jusqu'à présent les crédits alloués pour le démarrage ont été suffisants pour constituer rapidement un fonds de première nécessité, et que l'aide aux pays sous-développés se manifeste par de nombreux dons et de nombreux échanges.

D'autre part, la bibliothèque est pratiquement seule et s'occupe localement d'un nombre de lecteurs assez réduit. Ces lecteurs n'ayant pas de bibliothèques d'institut fréquentent la bibliothèque assidûment et s'adressent à elle pour toute difficulté. Ils sont donc connus, et le service peut être beaucoup plus personnalisé que dans une grande institution où sont prises de longues habitudes souvent défavorables à la bibliothèque centrale. Cela implique des rapports excellents avec les professeurs et une intégration quasi totale dans la Faculté qui se traduit par des appuis matériels non négligeables.

Ces conditions climatiques, géographiques et sociologiques ne sont pas spéciales à Dakar, elles s'imposent plus ou moins lourdement à la plupart des bibliothèques situées dans des pays sous-développés, que ce soit en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie. Leurs problèmes sont semblables. Quant aux solutions, nous voudrions exposer celles qui furent tentées à Dakar, compromis entre les difficultés de la situation et les besoins de la recherche et quelle fut l'incidence des conditions sur l'organisation de la bibliothèque, disons plus simplement quelle aurait pu, ou dû, être l'organisation de notre bibliothèque telle qu'elle nous est apparue après treize ans d'expérience et telle que nous aurions voulu qu'elle soit. La réalité bien sûr, pour toutes sortes de raisons, n'est pas toujours à la hauteur des intentions. Beaucoup a pu être réalisé, c'est malheureusement loin d'être suffisant.

IV. - Rôle particulier de la bibliothèque.

A) Vis-à-vis des lecteurs :

En dehors de ses devoirs généraux, notre bibliothèque doit, du fait des conditions locales, effectuer certaines tâches particulières.

Les étudiants sont dans une situation différente de celle des étudiants d'Europe; issus presque toujours de milieux très pauvres, ils sont boursiers, vivent en cercle fermé à la cité universitaire et ne peuvent acheter les livres dont ils ont besoin. D'où nécessité d'une aide plus grande de la bibliothèque, en quantité de livres fournis, en heures d'ouverture.

D'autre part, mal préparés aux bibliothèques, ils ont besoin d'une mise au courant plus conséquente qui doit aller de la visite commentée de la bibliothèque, des instructions sur l'usage du fichier, du système de prêt, des usuels, aux réprimandes pour la non-restitution des livres. La discipline du prêt doit y être très stricte.

Enfin, dès qu'ils avancent dans leurs études, ils ont besoin de nombreux conseils bibliographiques. Le début des recherches en ce domaine leur paraît toujours inutile et obscur. Au bibliothécaire de rendre la bibliographie vivante et utile.

Il faudra donc augmenter le nombre d'heures d'instructions sur la bibliothèque et les conseils particuliers.

Mais la première responsabilité de la bibliothèque concerne, nous l'avons vu, les professeurs et chercheurs de l'Afrique francophone.

Il nous faut essayer de les servir dans les meilleurs délais en ayant sur place le maximum de documents accessibles directement. Aux lecteurs éloignés, nous devons envoyer des copies aux dimensions de l'original, car ils ne possèdent pas de lecteurs de microfilms.

Enfin, l'éloignement va nécessiter du service de référence plus de travail et plus de compétence qu'ailleurs. En effet, n'ayant pas sous la main le moyen de se renseigner, c'est à la bibliothèque que les professeurs vont effectuer leurs recherches bibliographiques 25 et y trouver les documents. C'est là le gros travail de la bibliothèque qui doit, par ses seuls moyens, préciser les références et se les procurer.

Tous les services précisés au § B, Chapitre II doivent être mis en œuvre.

B) Vis-à-vis des livres :

Nous avons vu que le rôle de la bibliothèque vis-à-vis des livres était aussi important que vis-à-vis des lecteurs. Ceci est encore plus vrai pour une bibliothèque en pays sous-développé. Ce rôle de catalyseur propre à toute bibliothèque s'impose avec plus de force à la nôtre, du fait de son isolement.

A première vue, étant donné notre situation géographique, on pourrait croire que la « Médecine tropicale » est notre unique et véritable domaine. C'est vrai dans une mesure qu'il faut nuancer.

Notre bibliothèque sert essentiellement la médecine tropicale et doit recevoir tout ce qu'on appelle traditionnellement de ce nom et qui est souvent trop « parasitologique » ; par conséquent, elle doit aussi rechercher ce qui concerne les incidences de ce climat sur la physiologie et la pathologie de l'Européen. Notre documentation sur ces sujets doit être exhaustive de tous les temps et de tous les pays.

Mais on s'est vite aperçu que cette pathologie tropicale n'était pas aussi spécifique qu'on l'avait d'abord cru, et que de nombreuses maladies européennes existaient sous les tropiques : tuberculose, cancer, etc. 26. D'autre part, la Faculté enseigne la médecine dans sa totalité et délivre des diplômes équivalents à ceux de France. Pour ces deux raisons, notre fonds doit donc couvrir en plus de la médecine tropicale, la médecine dans sa totalité, comme toute bibliothèque médicale.

Nous avons vu que toute bibliothèque doit essayer de fournir au lecteur le plus grand nombre de documents. De là dépend son succès ou son échec.

Pour atteindre ce but, la bibliothèque a deux possibilités : partager les ressources d'autres bibliothèques ou se suffire à elle-même. Dans les régions où la densité des bibliothèques est forte, où les transports sont rapides et peu onéreux, il est plus facile de bénéficier du prêt interbibliothèque. Mais ce n'est pas notre cas et notre isolement nous oblige à une « local self-sufficiency ». Attendre un prêt 45 jours ou un microfilm 20 jours n'est pas une solution satisfaisante, et l'Afrique ne peut perpétuellement dépendre de l'Europe. Elle doit avoir sa documentation sur place dès maintenant, afin que celle-ci coûte, plus tard, beaucoup moins cher.

Longtemps encore, la règle, pour les bibliothèques d'Afrique, sera donc d'acquérir, par tous les moyens, tous les documents possibles. Ce fut notre tâche depuis dix ans, celle par laquelle nous devions commencer et qui nous a peut-être fait négliger l'autre versant de la bibliothèque : l'information proprement dite.

Mais acheter tous les livres qui paraissent dans toutes les langues et s'abonner à toutes les revues en complétant les collections anciennes n'est matériellement pas possible. Aussi, une sélection s'impose-t-elle :
I. - La production médicale française doit être couverte dans sa quasi-totalité, sauf pour les ouvrages de niveau trop élémentaire ou pseudo-médicaux (la santé par les plantes ou l'harmonie conjugale en dix leçons).
2. - La production étrangère doit être couverte plus sélectivement; seuls les ouvrages de valeur certaine doivent être acquis; il faut distinguer plusieurs critères :
a) Les livres de référence (bibliographies, répertoires, catalogues de bibliothèques, listes de sociétés, adresses de chercheurs et de médecins, etc.) quelles que soient leurs langues, doivent être achetés. Ils permettent l'identification bibliographique des ouvrages qui ne se trouvent pas à la bibliothèque et peuvent faciliter le prêt interbibliothèques.
b) En médecine tropicale, nos acquisitions doivent être aussi complètes que possible, dans toutes les langues et de tous les temps; tout ce qui concerne l'Afrique au point de vue médical et anthropologique, et, plus largement, tout ce qui concerne (livres et revues) la pathologie des pays chauds (paludisme, fièvre jaune, onchocercose, physiologie de la chaleur, maladies de la nutrition, etc...) doit exister à la bibliothèque en original ou en copie.
c) Pour le reste, deux critères doivent intervenir : la langue d'une part, et la qualité d'autre part. Il y a peu d'intérêt à se procurer des ouvrages écrits dans des langues inconnues du chercheur de langue française; les achats devront pratiquement se limiter à l'anglais et à quelques livres allemands (Handbücher) à moins que les critères précédents n'interviennent.
d) Il est pourtant un domaine qu'il faut distinguer, c'est celui des publications originaires d'Afrique 27; pour elles, notre bibliothèque doit jouer un rôle d'archives; elle doit rassembler et soigneusement conserver tous les documents publiés en Afrique, surtout si ces documents sont des rapports multigraphiés, officiels ou privés, de diffusion restreinte et nulle part recensés. Leur recherche et leur acquisition se heurtent à une indifférence et à une incurie générales que la distance ne fait qu'aggraver; la première chose à établir est, évidemment, la liste et l'adresse des organismes africains susceptibles de publier, puis il faut se mettre en rapport avec eux et négocier l'envoi de leurs publications; cela ne va pas sans de nombreuses difficultés dont la moindre n'est pas, pour les pays anglophones qui refusent l'échange, de payer les petites sommes demandées en monnaie locale, que les frais de change dépassent souvent largement.

C) Périodiques :

Pour les revues, le problème est à la fois plus complexe et plus simple. Plus complexe parce qu'il paraît un nouveau titre médical presque tous les jours et qu'on ne peut multiplier à l'infini les abonnements qui constituent déjà la plus grosse partie de nos dépenses (les 2/3). L'accroissement est déjà de 150 titres par an. D'autre part, il ne suffit pas de s'abonner à un titre; celui-ci n'est rentable que si la bibliothèque acquiert une importante collection antérieure. Mais le critère de sélection est plus simple que pour les livres, car la langue joue beaucoup moins. Il est plus facile de faire traduire un article de dix pages qu'un livre de trois cents pages et il arrive de plus en plus que des résumés traduits suivent les articles. D'autre part, il est possible de s'en procurer un certain nombre par don ou échange.

Toutes les grandes revues françaises et étrangères doivent exister à la bibliothèque en collection complète, voire en double ou triple collection pour les principales (Presse médicale, Revue du praticien). Le choix pourra se fonder sur des catalogues de quelques grandes bibliothèques (« National library of medicine », Faculté de médecine de Paris), sur des répertoires divers (World medical journals) et sur les propositions des professeurs. Il est bon de noter toute demande de prêt non satisfaite et dès que le nombre des demandes pour un titre devient trop important, il faut s'y abonner.

Toutes les petites revues locales françaises ou étrangères qui prolifèrent en médecine ne valent pas un abonnement. Mais on peut, pour un grand nombre d'entre elles (Revues françaises, Revues des régions tropicales du globe, Revues de Sociétés médicales), essayer un échange dont la réussite est presque toujours certaine. La facilité d'obtenir ces revues en échange incite à multiplier les collections même si elles ne sont pas très utilisées. Il vaut mieux être prêt à répondre à toute demande inattendue.

Les collections antérieures seront complétées par les échanges de doubles.

On peut ainsi prévoir deux mille à deux mille cinq cents titres comme nécessaires à la recherche médicale courante.

V. - Moyens

Ayant déterminé le rôle de la bibliothèque, il nous reste à chercher maintenant les moyens qui lui sont nécessaires; ils sont de plusieurs ordres : humains, matériels et financiers, moraux; nous verrons ensuite comment intégrer ces moyens dans une organisation cohérente.

A) Moyens humains :

Le personnel d'une bibliothèque de recherche médicale doit être nombreux et qualifié. Nombreux car nous avons vu que les tâches de la bibliothèque étaient nombreuses. Qualifié, car les délicats travaux de commande, catalogage et de bibliographie ne peuvent être confiés à des personnes incompétentes; ce personnel manie des livres difficiles : il doit comprendre les recherches spécialisées des lecteurs et souvent analyser leurs demandes. Il doit savoir ce qu'est la recherche, ses buts, ses méthodes, son esprit; il doit identifier un auteur, une ville, une revue ou une notion scientifique (ADN, enzymes). Pour cela, le personnel scientifique doit avoir des connaissances géographiques (où se trouve Poona ?), littéraires, scientifiques d'un niveau au moins égal à la licence. Des expériences effectuées avec des personnes ayant un niveau culturel insuffisant justifient cette exigence. Ce personnel doit-il être médecin ? C'est fortement recommandé pour le chef de service, car plus il sera proche de ses lecteurs, meilleurs seront les services rendus et plus haut sera le niveau de la bibliothèque; pour les adjoints, il est recommandé qu'ils soient de formation scientifique (un chimiste, un sociologue); cette formation évitera au catalogueur comme au bibliographe des erreurs regrettables et du flottement, au début, dans l'attribution des vedettes matières.

Il faut exiger, en tout cas, de ce personnel, la connaissance de plusieurs langues étrangères qui sont essentielles aussi bien pour le catalogage que pour la correspondance (échange).

En plus de la licence, le personnel doit avoir une bonne formation professionnelle de bibliothécaire ou de documentaliste (un à deux ans d'études après la licence). Pendant cette préparation, le personnel sera sélectionné selon ses qualités intellectuelles et son goût pour la recherche. Un diplôme professionnel doit être exigé qui témoignera non seulement d'une formation générale de bibliothécaire, mais aussi d'une spécialisation pour les bibliothèques médicales.

Enfin, dans une bibliothèque d'étude, la proportion du personnel scientifique du niveau le plus élevé, par rapport au personnel technique et de bureau doit être plus forte qu'elle ne l'est actuellement et surtout qu'elle doit l'être dans une bibliothèque de lecture publique; cette augmentation correspond à l'accroissement des tâches scientifiques.

Le personnel nécessaire à notre bibliothèque doit donc être théoriquement le suivant :
- 1 conservateur, licencié, si possible médecin, avec le diplôme supérieur de bibliothécaire. Il doit être assimilé au rang des professeurs chefs de service.
- 2 bibliothécaires de même niveau, avec diplômes professionnels, dirigeant chacun un des deux services de la bibliothèque (public, intérieur). Leur grade est celui d'assistant.
- 4 sous-bibliothécaires du niveau baccalauréat avec un diplôme professionnel.
- 4 commis-magasiniers niveau brevet ou certificat d'études primaires.
- 2 sténodactylographes;
- 2 dactylographes,
- 1 photographe,
- 1 mécanographe.

Ce personnel, qui dépasse les moyens actuels de beaucoup de bibliothèques spécialisées d'Afrique, est pourtant absolument nécessaire si l'on veut rendre les services prévus. C'est un besoin qui n'est pas encore officiellement admis, mais sur lequel il faut, dès maintenant, insister.

D'autre part, si les dépouillements analytiques et critiques sont organisés, deux personnes supplémentaires sont à prévoir, ayant des qualifications médicales et linguistiques sans avoir forcément des diplômes professionnels; une dactylographe doit les seconder; ces trois personnes sont rattachées au service de référence.

Nous verrons plus loin la répartition des tâches entre les différents services.

B) Moyens matériels :

I. - Construction : Nous avons vu au début que la bibliothèque était située dans une région au climat difficile; pour remplir complètement le rôle que nous lui avons assigné, elle doit être d'un aspect agréable, d'un séjour confortable et d'une utilisation aisée.

Le bâtiment doit être central par rapport à l'organisme desservi, à proximité des salles de cours, laboratoires et secrétariat, d'un accès facile, si possible au rez-de-chaussée avec parking proche 28. Le climat impose à la construction certains caractères. Deux moyens sont possibles pour lutter contre celui-ci : la climatisation et l'aération.

a) Climatisation : C'est une solution onéreuse, mais très supérieure à la simple aération. Nouvellement apparue en Europe et en Afrique, elle prend pied et se généralise de plus en plus. Elle devient pratiquement la norme, surtout dans les pays tropicaux. Dans la mesure du possible il faut l'adopter pour l'ensemble du bâtiment 29. Elle seule permet la fermeture hermétique des salles et magasins, donc le minimum de poussière, d'humidité et de chaleur. Elle seule permet, à certaines périodes, aux lecteurs de travailler et seule, elle assure aux livres une conservation adéquate en toutes saisons.

Le bâtiment doit être alors très compact avec un minimum d'ouvertures. La forme rectangulaire ou carrée semble la meilleure sur un ou plusieurs étages, selon les besoins, avec des plafonds relativement bas (4 m).

Les fenêtres seront basses et longues (I m du sol et I,50 au plus de hauteur) et largement protégées à l'extérieur par des auvents horizontaux ou des stores à lamelles de bois. Les fenêtres à la française sont plus agréables. Il faut éviter dans les salles de lecture les fenêtres hautes qui laissent pénétrer la réverbération aveuglante du ciel.

Des claustrats métalliques mobiles verticaux ou horizontaux sont d'une protection très efficace contre les soleils rasants du matin et du soir. La construction devra être en matériau très isolant, et les murs très épais 30.

b) Aération : Si les crédits sont insuffisants pour installer la climatisation totale, on doit se rabattre sur les courants d'air pour rafraîchir et dessécher l'atmosphère des salles. Pour cela, il faut des ouvertures vastes s'ouvrant et se fermant facilement (aux périodes de grand vent). Dans les salles de lecture, les fenêtres seront basses, mais très larges, situées de part et d'autre d'un bâtiment étroit (5 à 10 m) et long, avec des plafonds élevés (6 à 7 m). L'espace devra être largement accordé.

Pour activer encore cette circulation d'air, il faut prévoir :
1° des portes-fenêtres donnant sur un large balcon extérieur alternant avec les fenêtres;
2° un double toit très enveloppant posé à 30 ou 50 cm du plafond de la salle et protégeant tous les murs y compris le balcon, du soleil. Ce double toit n'empêche pas de prévoir devant les fenêtres des auvents mobiles ou des stores en bois, qui, comme dans les villes du midi de la France, protègent les yeux de la réverbération solaire en les reposant sur la verdure environnante. Les stores vénitiens sont à proscrire car ils emmagasinent la chaleur à l'intérieur du bâtiment;
3° des ouvertures longues et étroites au ras du plafond, par lesquelles l'air chaud peut s'échapper. Mais il faut absolument que ces ouvertures puissent être hermétiquement fermées à la saison des vents, par des châssis mobiles actionnés par des leviers;
4° des verres athermiques à toutes les fenêtres;
5° des brasseurs d'air.

Il y a intérêt à s'inspirer pour ce bâtiment des anciennes constructions tropicales, quand la climatisation n'existait pas.

La construction elle-même devra être en matériau léger, mais aussi isolant que possible pour augmenter l'inertie thermique du bâtiment.

Ces systèmes d'aération conviennent aux salles publiques et aux bureaux. Pour les magasins, il faut prévoir le même système d'aération bilatéral mais avec des ouvertures beaucoup plus petites et plus espacées. De simples hublots de 20 cm X 20 cm suffisent pour faire circuler l'air et donner un éclairage ambiant. Ils doivent pouvoir se fermer aisément avec crochets ou poignées, sans tringles coulissantes que la rouille coince facilement.

Le bâtiment doit, dans ce cas, être orienté Est-Ouest pour éviter les soleils rasants et dégagé de tout autre bâtiment.

c) Un système mixte, magasin climatisé et salles ventilées, peut être adopté. Il est plus économique, mais assure une bonne conservation des livres. Les lecteurs seront toutefois moins tentés de venir à la bibliothèque.

La solution doit donc être choisie dans toute la mesure du possible. Les salles suivantes doivent être prévues 31 :

1° un hall d'entrée, vaste salle des pas perdus qui permet au lecteur de s'acclimater à la bibliothèque avant son entrée officielle et contrôlée et d'y bavarder librement;

2° une seule salle des catalogues, commune aux étudiants et aux professeurs, suivra ensuite proche de la banque de prêt, et parfois incluse dans le hall d'entrée;

3° salle de lecture : une très grande salle carrée ou rectangulaire 32 vide à l'origine (60 X 100) (40 m X 50 m) selon le système modulaire (piliers à intervalles réguliers) que l'on divisera ensuite, avec les rayonnages, en petites salles de travail plus intimes, par sujets; une partie, ne groupant que des tables, sera réservée aux étudiants; une autre, plus petite, sera aménagée plus confortablement pour les chercheurs (y seront groupés les périodiques). Dans cette grande salle unique sera classée, en accès libre, la partie vivante de la collection, divisée elle-même en deux parties : usuels pour étudiants, livres pour professeurs.

- sur les bords, des petites salles pour groupe d'études (10 personnes) et de petits « carrels » individuels. Toutes ces salles seront insonorisées.

4° Bureaux : le personnel devra être largement logé, car la chaleur exige un volume d'air supérieur à la normale (cette remarque vaut aussi pour les lecteurs) :
- 3 bureaux de bibliothécaires,
- 4 d'adjoints,
- 4 de dactylographes,
- 1 grande salle de manutention,
- 1 grand bureau pour le service bibliographique,
- 3 ateliers de reliure, photocopie et multigraphie.

5° Magasins : ceux-ci ne seront jamais assez grands. Il n'est pas déraisonnable de prévoir 300 000 volumes. Ce magasin peut être en sous-sol de la salle de lecture ou à côté; il n'a pas besoin d'être immédiatement contigu car il contiendra la partie plus ou moins morte de la collection. L'espace ne manquant pas, il peut être construit sur un seul étage (sous-sol ou rez-de-chaussée) en utilisant le système compactus. Dans la mesure du possible, il faut éviter les étages nombreux et les liaisons verticales compliquées et onéreuses (ascenseur).

2. - Mobilier : Le mobilier doit être en métal ou en bois; le métal est d'apparence plus fraîche et résiste mieux que le bois au climat tropical; une couche de peinture suffit à lui redonner l'aspect du neuf.

Le métal est la règle dans les magasins, mais le bois dont l'aspect est plus confortable peut être utilisé dans les bureaux, il faut dans ce cas le traiter avec un produit anti-termites (Xylophène).

Un mobilier simple et standard suffit pour les étudiants, mais pour les chercheurs, il faut soigner le confort et offrir une salle de travail agréable, garnie de tables individuelles et de fauteuils-bridge; pour feuilleter les revues, un coin genre salon, proche des casiers à périodiques, avec des tables basses, des fauteuils de détente, des tapis, des plantes vertes et des cendriers qui lui donnent un aspect moins officiel et plus intime.

Les présentoirs à revues doivent être d'un accès facile et montrer clairement les revues qu'ils contiennent sur des plans inclinés, car, la mémoire visuelle étant plus développée, le chercheur reconnaît mieux la couverture qu'il ne se souvient du titre d'une revue.

Quelques étagères basses présenteront les dernières acquisitions de la bibliothèque, sous une forme un peu publicitaire (livre à plat).

3. - Moyens mécaniques : Si la construction et le mobilier sont étudiés par de nombreux ouvrages auxquels on peut se référer, les moyens mécaniques sont plus inhabituels dans une bibliothèque et, par conséquent, doivent être l'objet d'un soin tout particulier.

Une bibliothèque d'étude, doit, pour répondre à sa fonction et fournir au lecteur le maximum de documents dans un minimum de temps, se mécaniser de plus en plus. Si les ordinateurs électroniques sont, dans nos pays, un idéal encore inaccessible, d'autres moyens sont à notre disposition pour faciliter et accélérer notre tâche. Les progrès constants en ce domaine nous empêchent de préciser les marques, mais on peut donner les types d'appareils nécessaires dans une bibliothèque d'étude.

a Photocopie : La bibliothèque doit posséder un bon équipement photo comprenant un appareil de copie directe, sans bain, sans réglage trop délicat, rapide, simple à manier, même en plein jour, robuste, n'exigeant ni préparation, ni technique spéciale et donnant une copie de bonne qualité, durable et surtout économique. Les procédés électrostatiques semblent pour le moment répondre à ces conditions.

b) Microcopie : La bibliothèque doit pouvoir établir, soit pour ses archives, soit pour ses lecteurs éloignés, des microfilms ou des microfiches. Un appareil de microfilm avec tout le matériel accessoire (bains, sécheuse, développeuse) est donc nécessaire.

Elle doit, d'autre part, permettre la lecture d'un microfilm reçu de l'extérieur et son agrandissement; un bon lecteur est donc nécessaire, plus un agrandisseur photo avec accessoires pour les gravures en demi-teinte, et enfin, un lecteur-agrandisseur pour les textes courants donnant instantanément la page développée; cet appareil doit répondre aux mêmes conditions que le photocopieur.

c) Multigraphie et impression : La bibliothèque doit pouvoir multigraphier ses propres fiches de catalogue ou ses fiches bibliographiques par différents procédés (xérographie, stencils à perforation, diazocopie, offset ou machine à écrire à bande perforée, encore qu'aucun procédé ne soit actuellement parfait 33).

Elle doit pouvoir aussi éditer des listes d'acquisitions ou des bibliographies directement à partir de ses catalogues sur fiches, en évitant la frappe de stencils.

Pour cela, les procédés de photocopie et d'offset ont fait de tels progrès qu'il est possible de reproduire directement sur typon offset ou sur stencil n'importe quel texte, puis de l'imprimer en plusieurs milliers d'exemplaires. Cela est possible aussi avec les stencils ordinaires à perforation, grâce à la perforatrice électronique de stencils. Mais, dans un cas comme dans l'autre, l'original doit être excellent et par conséquent la première frappe (obligatoire de toute façon) doit être faite par une machine à écrire électrique avec ruban-carbone qui est le premier élément de la chaîne. Les machines à bandes perforées conviennent aussi à cet usage.

En résumé, il faut donc une (ou plusieurs) machine à écrire électrique, avec un ruban de papier carbone, une (ou plusieurs) machine à bandes perforées, une machine offset de bureau (ou un duplicateur à stencil) et un appareil de préparation des typons (ou de stencils), ce dernier peut ne faire qu'un avec l'appareil électrostatique, car beaucoup de ces appareils donnent d'excellents typons exactement comme une photocopie. 34

Cet appareillage doit aussi permettre à la bibliothèque d'éditer des ouvrages de l'organisme qu'elle dessert (thèses, monographies,...).

d) Reliure : la bibliothèque doit pouvoir relier ses propres collections et les ouvrages qu'elle édite. Pour ceux-ci un matériel simple de reliure flexible, à la colle ou d'agrafage est suffisant; pour celles-là, il est parfois plus simple d'utiliser un atelier en ville. Dans le cas où cette solution est impossible, un atelier plus complet doit être installé, avec massicot, presses, cisailles, cousoirs, etc. Pour beaucoup de volumes peu utilisés, la reliure à la colle (sans couture) est suffisante.

e) Sélection : sans posséder un centre électronique de traitement de l'information, notre bibliothèque doit pouvoir faire de la documentation et établir des bibliographies rapidement. Les fichiers classiques sont souvent suffisants. Mais à partir d'une certaine quantité de fiches, la mécanisation doit intervenir, avec des machines simples, encore que l'on soit très vite dépassé et qu'on doive viser très loin. C'est pourquoi l'on devrait aussi pouvoir utiliser les services d'un centre national ou international bibliographique disposant de gros calculateurs 35.

Les fiches à préperforations marginales sont aussi utiles pour les travaux intérieurs de la bibliothèque (contrôle du prêt, bulletinage des périodiques, contrôle des échanges, etc.) mais elles ne sont pas utilisables pour la documentation.

C) Moyens financiers :

Le personnel et le matériel demandés coûtent cher. Le personnel surtout, car, sans salaires convenables, aucun bibliothécaire, aucune dactylographe, aucun employé de qualité ne pourront être recrutés. Si le responsable doit être médecin, et ses adjoints hautement qualifiés, des salaires en conséquence doivent leur être assurés. De plus, le personnel technique doit être, nous l'avons dit, nombreux et stable. Ceci implique donc des salaires décents. La bibliothèque ne doit plus être le service pauvre de la Faculté et le secours de quelques épouses en mal de travail. Le matériel aussi coûte cher, et de sa qualité dépendront les services de la bibliothèque. Mais on peut penser qu'une fois l'investissement fait, le prix de revient sera relativement faible et ne grèvera pas trop le budget de fonctionnement de la bibliothèque.

D) Moyens moraux :

Il ne suffit pas que la bibliothèque ait des moyens matériels puissants, il lui faut aussi une position morale forte. Elle doit acquérir une respectabilité et une considération qu'elle ne possède pas encore, il faut bien le dire, aussi bien en France qu'à l'étranger. Et ceci n'est pas une question de simple vanité. Cette méconnaissance générale des bibliothèques (les slogans ironiques abondent) pose à tout bibliothécaire une question : pourquoi ? car elle a sûrement une raison qui justifie une réflexion d'ensemble sur ce métier et peut-être une réforme de ses buts, moyens et fonctions. Comment obtenir ce minimum de respect auquel aspirent tant de bibliothécaires de par le monde ?

Certes, l'importance des moyens matériels (confort du local, personnel bien payé, achats suffisants) importe beaucoup pour le renom de la bibliothèque, mais c'est essentiellement par la qualité et l'importance des services rendus que celle-ci surmontera le préjugé qui lui est défavorable et se fera admettre comme une institution indispensable et vivante.

Par sa culture, sa personnalité, par son travail, le bibliothécaire doit refuser d'être traité comme une simple boîte aux lettres mais il ne suffit pas de le refuser, il faut justifier ce refus. Gérant un organisme efficace, le bibliothécaire sera reconnu à l'intérieur de la Faculté comme responsable d'un Service et admis à participer aux conseils de Faculté. Il doit être informé de la vie de la Faculté, des problèmes et des transformations de l'enseignement et de la recherche. Il peut faire part des incidences de ceux-ci sur la bibliothèque. Il y a là un esprit de caste à briser et un nouveau lien à reconnaître.

Et je ne crois pas que ce soit en essayant de s'assimiler aux professeurs par des recherches érudites que le bibliothécaire fera reconnaître son métier, car, même s'il est admiré comme éudit, le professionnel des bibliothèques n'y aura rien gagné, au contraire; il aura simplement prouvé que ce métier n'est qu'un gagne-pain accessoire, laissant suffisamment de temps pour des choses plus sérieuses; c'est en se consacrant à son métier à plein temps pour en améliorer le fonctionnement, en faire un objet de recherche, en développer l'efficacité et la rentabilité, que le bibliothécaire démontrera l'existence d'une profession réelle et d'un travail spécifique, caractérisé et susceptible de susciter des vocations propres.

VI. - Administration.

A) Rattachement :

Tout en étant administrativement rattachée à la Bibliothèque universitaire, la section Médecine doit établir de nombreux liens avec la Faculté de médecine. Beaucoup plus proche de la recherche, elle pourra ainsi mieux connaître ses besoins. Les contacts avec les professeurs seront plus étroits et plus cordiaux. Étant de la même maison, professeur et bibliothécaire, surtout si ce dernier est aussi médecin, seront sur un pied d'égalité et leur collaboration sera plus naturelle ; que ce soit pour les demandes de crédits ou pour les services à fournir, la compréhension réciproque sera plus grande. Sans compter les facilités que procure aux chercheurs la proximité matérielle de la bibliothèque. Les petites bibliothèques de service perdront de leur nécessité. La bibliothèque centrale deviendra le laboratoire bibliographique de la Faculté, s'installant ainsi dans sa spécificité, sur le même pied que les autres laboratoires.

La bibliothèque, service commun, doit se trouver dans le même bâtiment, à proximité des autres services communs, secrétariat et salles de cours.

Ce rapprochement est aussi favorable au personnel de la bibliothèque qui se verra assimilé au personnel de la Faculté.

b) Organigramme (voir figure)

Cet organigramme montre la répartition des personnes et des tâches. Il faut séparer les services intérieurs des services publics, afin de faciliter le travail de chacun, d'éviter que les services intérieurs ne soient toujours dérangés par les lecteurs et de consacrer les services extérieurs entièrement à l'information du lecteur.

I. - Le conservateur, chef de service, est chargé de la direction, des relations avec la Faculté (il doit assister au conseil de la Faculté, sauf pour les questions de personnel) et détermine la politique de la bibliothèque en fonction des besoins. Il contrôle les commandes et le catalogage. Il contrôle la comptabilité et administre le personnel. Enfin, il doit effectuer des travaux professionnels de bibliothéconomie, se tenir au courant des progrès en ce domaine par la lecture de revues ou la fréquentation des Congrès. Il doit diriger les publications bibliographiques de la bibliothèque (tables de revues, catalogues, bibliographies).

2. - Le service intérieur comprendra trois parties : livres, échanges et périodiques. Cette division est meilleure que la division par tâches 36 (acquisition, catalogage) car elle permet à chacun de suivre le même document depuis la commande jusqu'à la mise en rayon et évite la monotonie du travail.

D'autre part, le traitement des livres et celui des périodiques sont trop différents (commandes et abonnements, catalogage et bulletinage) pour être confiés à la même personne.

Pour les livres et thèses une seule personne suffit au départ, mais deux seront rapidement nécessaires, se divisant le travail par matières. Elles sont aidées d'une ou plusieurs dactylographes pour taper les fiches; le service des périodiques est divisé en deux, une personne ayant les échanges de doubles et courants, une autre s'occupant du bulletinage des périodiques (réclamation, reliure). C'est un minimum, il est même à prévoir que, dès que le nombre des titres à enregistrer dépassera 2 ooo, il faille augmenter le service d'un troisième sous-bibliothécaire. Le bulletinage (avec les réclamations et le dépouillement) prend beaucoup de temps si l'on veut le faire complètement.

Le bibliothécaire s'occupe des commandes, de la correspondance et de la recherche bibliographique de tous les documents difficiles à se procurer. Il contrôle les échanges et les abonnements. Il commande les collections anciennes.

3. - De l'autre côté, le service public sera principalement chargé du prêt et de la surveillance des rayons. Trois commis y sont affectés afin qu'il y en ait toujours un au guichet pour répondre aux lecteurs. Un contrôle permanent de l'ordre sur les rayons est nécessaire.

A ce service du prêt est adjoint l'atelier photo, qui, comme nous l'avons vu, dispose principalement d'un appareil d'électrocopie et des appareils de microfilms.

Enfin, le service de référence, principalement fait par le bibliothécaire, secondé par un sous-bibliothécaire et une dactylographe pour la frappe des bibliographies et des listes. L'atelier mécanographique s'occupera de leur diffusion.

A ce service est adjoint le service de dépouillement (deux médecins non bibliothécaires) qui dépouillent et indexent toutes les revues de la bibliothèque et établissent les listes prévues au chapitre II-B.

VII. - Organisation.

Nous avons vu que notre bibliothèque avait certaines obligations, d'une part, envers plusieurs catégories de lecteurs, et, d'autre part, envers certaines catégories de livres. Nous avons vu aussi les moyens nécessaires pour répondre à ces obligations. Comment les organiser ?

Dans cette partie, nous ne ferons qu'insister sur certains points particuliers à une bibliothèque scientifique en Afrique noire, sans décrire l'organisation générale d'une bibliothèque. Nous ne pouvons entrer dans le détail.

A) Acquisition :

Dans son isolement, notre bibliothèque doit se suffire à elle-même, nous l'avons vu. Depuis dix ans, tous nos efforts consacrés aux achats n'ont pas suffi, car la production dépasse largement nos possibilités. Nous avons sélectionné nos achats. C'est encore insuffisant. Par quel moyen se rapprocher au maximum de la « local self-sufficiency » ?

I- Il faut tout d'abord améliorer les achats qui restent la base de l'accroissement des collections et pour cela obtenir des réductions importantes des librairies (15 %), puis lutter contre la durée et le prix des transports; si la plupart des livres et revues doivent, pour des raisons économiques, nous arriver par bateau avec un délai de 1 à 6 mois, il ne faut pas hésiter à commander par avion certains livres et à prendre pour certaines revues l'abonnement avion (Presse médicale, Current Contents,...). En tout cas, les techniques de commande, de livraison et de catalogage doivent être accélérées au maximum pour que les livres soient en rayon quand les analyses paraissent dans les revues. Le libraire choisi doit répondre à ces deux critères de rapidité dans l'envoi des livres, et d'importantes remises sur les prix.

2- Microcopie. Mais ceci est très insuffisant. Comment avec des moyens limités, acquérir la plus grande collection possible ?

Selon Clapp, le secours nous vient des techniques de reproduction, depuis l'imprimerie jusqu'à la photocopie.

Il préconise alors, pour sauver de l'espace et de l'argent, l'utilisation de la microphotographie à grande réduction (300 fois au lieu de 10 fois pour le microfilm actuel); celle-ci permet, moyennant certains aménagements de matériel et de diffusion, de rendre accessible le maximum de textes dans toute bibliothèque, à un prix modique. Une collection sous cette forme doit obligatoirement être complétée par un catalogue imprimé car l'utilisation d'une collection de microcopies est d'un accès difficile.

En attendant ces aménagements, le microfilm ordinaire et la microfiche dont l'envoi par poste aérienne est moins onéreux que celui de photocopies grandeur nature, sont les seuls moyens de se procurer certains documents, à condition toutefois, d'avoir sur place l'agrandisseur-développeur permettant de fournir au lecteur la copie lisible dans un très bref délai. La microfiche semble prendre le pas sur le microfilm et doit être préférée (place plus réduite, maniement plus aisé, stockage plus facile dans les fichiers ordinaires, titre toujours plus lisible) pour les livres ou collections importantes. Son prix réduit permet aussi de l'utiliser pour les articles isolés mais l'avantage est alors moins évident, car la bibliothèque s'encombre alors de nombreux articles dépareillés et difficilement utilisables.

Il ne faut pourtant pas surestimer l'emploi de ces micro-reproductions, car le lecteur préfère toujours lire l'original, et le temps de l'agrandissement risque de provoquer un embouteillage autour de l'appareil. Le coût de cet agrandissement augmente sérieusement le prix de revient du microfilm. D'autre part une récente étude 37 a démontré que la conservation du microfilm dans sa forme actuelle était plus onéreuse que celle de l'original. La micrographie de grande réduction changera, paraît-il, le résultat. Le microfilm n'est donc qu'un pisaller. Il vaut mieux compléter, au maximum, les collections par achat ou par échange; cela, à longue échéance, revient moins cher.

3 - Echanges : Une autre solution est l'échange. S'il est bien organisé et pratiqué avec soin, il est d'un excellent rendement. Deux types d'échanges sont possibles :
- l'échange courant, dans le cas où l'institution publie une revue et autorise la bibliothèque à l'utiliser pour ses échanges 38. En la proposant systématiquement à toute nouvelle revue, 50 % de succès sont pratiquement assurés. Par cette méthode, nous recevons près de 1 ooo titres courants en échange de cinq revues publiées localement.
- l'échange de doubles permet de compléter les collections à moindre frais, mais il demande du temps et un personnel compétent. C'est un gros travail de rangement, tri, sélection, expédition, préparation des listes, etc.

Le mieux est d'organiser un réseau de nombreux correspondants qui s'envoient mutuellement leurs listes de doubles. Les systèmes organisés par la « Medical library association » ou la bibliothèque de l'Organisation mondiale de la santé sont très efficaces. De toute façon, l'échange de doubles est d'un tel rendement que l'on s'étonne de le voir si peu pratiqué. Presque la moitié de nos collections nous est arrivée par échange.

B) Classement :

Il ne suffit pas de rassembler d'importantes collections, il faut encore les rendre accessibles. Et ce n'est pas la moindre tâche car plus la collection s'accroît, plus l'information risque d'être perdue. La nécessité d'une large collection qui nous est imposée par l'éloignement risque d'autre part de rendre cette documentation inutile et confuse.

La solution préconisée est celle utilisée dans de nombreuses bibliothèques américaines, à savoir l'utilisation d'un dépôt. Si, en effet, une importante collection est nécessaire sur place, elle n'est pas toujours ni tout de suite utilisée. Il est donc possible de stocker dans un magasin compact proche, les 3/4 de la collection, classée par ordre numérique simple et par format. Un bon catalogue de ce fonds 39 permet d'en retirer un ouvrage dans l'heure ou la 1/2 journée qui suit la demande. Seront stockés dans ce magasin les ouvrages qui, selon un critère empirique, ne sortent plus du tout ou qu'une fois l'an. Ce fonds peut être estimé entre 100 000 et 300 ooo volumes.

Le reste de la collection que l'on peut estimer à 30 000 volumes doit être en accès libre. Ce système peut encore rencontrer des réticences, mais il devient une règle quasi générale. L'expérience seule peut donner des raisons valables pour son maintien ou sa suppression 40. Ce fonds, correspondant au 2e niveau organisé dans les bibliothèques françaises, doit comprendre environ en médecine 10 000 ouvrages fréquemment consultés : traités, encyclopédies, dictionnaires, répertoires, livres anciens mais importants et livres parus depuis 5 ans. En sont exclus les livres de cours ou manuels pour étudiants, qui sont classés à part dans un fonds particulier d'usuels accessibles à tous les étudiants.

Ces livres devront être classés systématiquement (seul moyen de permettre l'accès libre aux rayons). Différents systèmes peuvent être adoptés avec précaution, pourvu que celui choisi ne soit ni trop détaillé, ni trop compliqué, car il ne s'agit que d'un classement sur les rayons et non d'une classification théorique 41.

Et de toute façon, les livres ne sont pas l'essentiel. Dans notre bibliothèque, les 3/4 des prêts concernent les périodiques.

Les 20 ooo volumes reliés de revues disponibles immédiatement pour le lecteur seront choisis avec soin. Selon l'importance de la revue on gardera I, 2, 4 ou 20 ans (par exemple la Presse médicale sera conservée pendant 20 ans sur place, de même que le Journal of biological chemistry et la Revue du praticien).

Ces revues seront classées par ordre strictement alphabétique. Pour certaines, une double ou triple collection sera mise en rayon à côté de la première et ne sortira jamais 42.

Enfin, un fonds spécial de bibliographies et ouvrages de référence sera maintenu aussi complet que possible dans la salle de lecture ou dans une salle spéciale en accès libre. Ce fonds doit être à proximité du bureau de prêt afin de faciliter les recherches et le contrôle des références.

C) Catalogues :

Il ne suffit pas d'emmagasiner, il faut encore orienter. Le risque est grand de perdre dans le fonds nombre de documents importants, et il faut éviter que la recherche ne soit trop longue et ne donne l'impression d'un tour de force. La partie « voies d'accès » doit donc être particulièrement soignée.

Dans le catalogue auteur, il ne faudra pas craindre de multiplier les fiches d'entrées : éditeurs, collections, traducteurs, titres, sociétés éditrices, etc. Les citations bibliographiques faites par une annonce publicitaire, par un critique, par un chercheur, par une bibliographie ou par un catalogue de bibliothèques sont très différentes, mais un bon catalogue doit pouvoir les retrouver toutes, sans effort particulier, ni enquête policière. Les règles habituelles des bibliothécaires sont souvent trop absconses pour les usagers et inutilement subtiles.

Il en sera de même pour le catalogue alphabétique de matières qui doit être plus détaillé qu'il ne l'est d'habitude, afin d'éviter de longues recherches, mais aussi plus organisé avec de nombreux renvois, du particulier au général et du général au particulier.

Ce catalogue est fondamental pour la recherche qui, l'expérience nous l'a prouvé, est surtout analytique et détaillée. Il faut donc multiplier les vedettes matières.

L'idéal serait de faire figurer dans ces catalogues le dépouillement de toutes les revues reçues à la bibliothèque, car l'expérience prouve aussi que les chercheurs ne savent pas chercher dans une bibliothèque et ignorent les subtils « distinguo » bibliothéconomiques, comme la séparation entre suites, collections, congrès et monographies. D'ailleurs, beaucoup de revues publient des suppléments monographiques et des comptes rendus de congrès. S'il y a intérêt, pour le classement, à séparer les documents selon leur forme, pour le lecteur il y a intérêt à les rassembler dans le même catalogue. A mon avis un fichier-dictionnaire unique contenant les livres, les articles, congrès, etc., avec fiches aux auteurs, sociétés, éditeurs, titres, sujets, collections, aura la préférence des lecteurs sur de multiples fichiers par catégories.

Plus les moyens d'accès seront simples, mieux cela vaudra. C'est là que peuvent intervenir les techniques de la documentation, car un fichier ordinaire sera vite dépassé par le nombre de références et les recherches y seront trop longues.

La plupart des bibliothèques de ce niveau peuvent rarement s'offrir l'équipement nécessaire. Et le fichier unique est contraire aux règles en vigueur. A défaut, voici la solution proposée :
- Indexer dans les catalogues ordinaires (auteurs et matières) les numéros spéciaux de revues, les articles importants, petites monographies tenant tout un numéro, les suppléments et surtout les comptes rendus de congrès qui paraissent en revue.
- Mettre à la disposition des lecteurs le maximum de bibliographies générales et spécialisées (tabac, cancer, hôpitaux...); celles-ci, surtout les grandes bibliographies courantes comme l'Index medicus, remplaceront les défaillances du fichier.
- Malheureusement, si le fichier est insuffisant, la bibliographie fournit des références de livres n'existant pas à la bibliothèque et ne fournit pas les références d'articles parus dans les petites revues locales. Les dépouillements prévus au précédent chapitre, et la fusion des catalogues doivent compenser ces lacunes.
- Que l'on utilise un catalogue-dictionnaire unique ou deux fichiers séparés, il est indispensable de prévoir à côté un catalogue systématique, suivant la même classification que les livres en rayon, mais plus détaillé (plusieurs fiches par livre), pour répondre aux éventuelles recherches de synthèse.
- Il faut aussi prévoir des fichiers de thèses 43 (importantes en langue française) par ville et par année, ainsi que plusieurs fichiers pour les bibliographies publiées sur fiches (bibliographie du cancer, de l'Institut G. Roussy). Toutefois, cela risque de multiplier les fichiers, donc d'accroître la confusion des lecteurs. Pour l'éviter, il est souhaitable d'intégrer dans les catalogues de la bibliothèque toutes les fiches de dépouillement faites sur place et celles reçues de l'extérieur, lorsque l'article et le livre signalés existent à la bibliothèque. Le lecteur n'a ainsi qu'un seul répertoire à dépouiller, lui fournissant les références de documents directement accessibles. Mais cette intégration implique un gros travail de vérification, d'indexation selon les vedettes de la bibliothèque et de cotation des fiches reçues. Le service rendu, toutefois, mérite cet effort. Cet exemple illustre bien le besoin essentiel d'un système d'indexage médical commun, utilisable par tous les producteurs de bibliographies et par les bibliothèques, afin de pouvoir mélanger les diverses sources documentaires. La dispersion actuelle est néfaste à la recherche.

Cette unification doit se faire aussi bien pour la classification que pour les listes de vedettes matières.

D) Prêt :

I. - Le prêt doit être simplifié au maximum. La rédaction d'une fiche complète de prêt doit être supprimée pour des méthodes plus rapides utilisées dans les bibliothèques publiques : la méthode de Newark avec double fiche dans le livre ou le système Gaylord qui est un Newark mécanisé. Ce système peut être perfectionné par l'utilisation de cartes perforées latéralement, ils ont l'avantage d'éviter au lecteur d'écrire sa fiche de prêt, car il écrit souvent peu lisiblement et oublie des renseignements importants. Utiliser des fiches prédactylographiées et des cartes de lecteurs en relief accélère le prêt et donne une plus grande sécurité.

2. - La durée normale du prêt, de 15 jours, est nettement insuffisante pour un manuel, mais le prêt annuel est impossible puisqu'il lèse les étudiants malchanceux, arrivés trop tard à la bibliothèque. Une solution possible est de supprimer le prêt de tous les manuels pour étudiants. Nous l'avons adoptée pour une collection bien particulière : les cours multigraphiés de l'Association générale des étudiants en médecine de Paris qui sont rares et fragiles, et certaines conférences de préparation à l'internat. Ces livres ne sont lus qu'en salle mais nous conseillons aux étudiants de les acheter personnellement. Dans la plupart des cas cette mesure est excessive, il vaut mieux avoir en rayon plusieurs exemplaires des manuels pour le prêt et surveiller soigneusement ce prêt afin de les répartir équitablement entre les étudiants. Mais jamais nous n'en aurons autant que d'étudiants et ceux-ci disposent de peu de temps pour venir travailler à la bibliothèque aux heures normales! La seule méthode efficace pour répondre à leurs besoins est l'ouverture extensive de la bibliothèque aux heures où les étudiants sont libres, c'est-à-dire le soir. La bibliothèque devrait être ouverte tous les jours jusqu'à 22 heures, avec plusieurs exemplaires de chaque usuel, disponibles en salle. Les problèmes de personnel ne sont pas insolubles. La prêt devrait aussi fonctionner jusqu'à cette heure tardive. Il peut être aussi nécessaire, à certaines périodes, de laisser la bibliothèque ouverte entre midi et 3 heures. On peut donc préconiser une séance continue de 9 heures à 22 heures par exemple, tous les jours de la semaine, sauf le dimanche.

3. - Les articles de revue constituent la masse la plus importante de nos prêts. Dans la majorité des cas (articles ne dépassant pas 30 pages, revues très demandées, fascicules non reliés), pour les professeurs et les chercheurs, ce prêt doit être remplacé par la photocopie, à condition qu'elle puisse être immédiate et de bonne qualité. L'appareil à copier doit être ainsi au centre de la bibliothèque, proche du bureau de prêt. Au lieu d'emporter la revue, le lecteur emporte la photocopie faite immédiatement par lui ou par un employé, ce qui est plus satisfaisant pour tout le monde. Cette méthode n'est pas utilisable pour les ouvrages trop longs à photocopier. Le prêt normal est utilisé dans ce cas.

4. - Pour les périodiques, une table d'exposition doit être prévue où seront disposées, librement, à plat et en vrac, pour un jour ou deux, les revues arrivées dans la journée. Chaque exemplaire sera daté à son arrivée ce qui permet de trier régulièrement la table tous les jours ou tous les 2 jours.

5. - Ce service sera complété par la circulation des fascicules à l'arrivée. C'est le prêt automatique du dernier fascicule aux chercheurs qui en ont fait la demande. Une fiche agrafée à la couverture porte la liste des destinataires et un cahier de transmission contrôle les allées et venues. Des fiches de prêt sont établies chaque fois.

6. - Un petit rayonnage (I m au plus) exposera, près de la table à périodiques, les nouvelles acquisitions; changement tous les 15 jours ou tous les mois. Les livres sont ensuite mis dans le fonds en accès libre, systématiquement classé, qui se trouve dans la salle de lecture.

VIII. Techniques particulières

Après cette vue générale sur l'organisation, voyons plus en détail comment peuvent fonctionner certains services et quelles techniques peuvent être employées pour améliorer et accélérer le travail.

A) Commandes :

Le service des commandes doit utiliser un système à fiches multiples avec carbone intercalaire, qui permet en une seule frappe de préparer toutes les fiches nécessaires à la commande d'un livre. Ces fiches, dont la dernière est en bristol blanc et les autres en papier de différentes couleurs, sont utilisées ainsi :
- 2 vont chez le libraire qui en retourne une avec le livre commandé,
- 1 va au fichier de commande (bristol),
- 1 va au fichier auteur, en attendant les fiches définitives.

Sur ces fiches tous les renseignements concernant la commande doivent figurer et notamment la mention de la source bibliographique et la suite donnée à la commande.

b) Le service des échanges :

Ce service doit être parfaitement organisé pour éviter le désordre qui s'y installe facilement. Il faut distinguer l'échange des doubles de l'échange courant. Pour celui-ci, la base du travail sera un fichier d'adresses formé de plaques de machines à adresser en métal ou plus simplement en papier hectographique entouré d'un cadre en plastique. Ces plaques peuvent être utilisées directement pour l'expédition d'un paquet ou d'une lettre. Les cadres plastiques sont de couleurs différentes, correspondant aux différents titres envoyés en échange. A côté de ce fichier, un fichier des titres reçus lui correspondra.

Le premier fichier sera classé géographiquement par pays, par ville, puis alphabétiquement. Des dossiers de correspondance seront classés dans le même ordre géographique. Chaque institut aura le sien.

Pour les échanges de doubles, un fichier, à part, des correspondants réguliers selon le même modèle, servira à l'envoi des listes de doubles. Mais ces correspondants souvent éphémères ne justifient pas un dossier. Aussi sera-t-il plus aisé de classer la correspondance annuellement selon d'autres critères : listes reçues, lettres, demandes, listes envoyées, commandes, envois. Le travail est ici important, il faut classer ses propres doubles, en multigraphier la liste et l'expédier, puis au retour, trier les revues et en faire l'envoi.

D'autre part, il faut contrôler sur les fiches de bulletinage toutes les listes de propositions et demander les fascicules qui manquent. Ce service est long, mais efficace, car il permet ainsi, pour un prix modique, de compléter de nombreuses collections de périodiques. C'est un gros travail de patience.

C) Pérodiques : L'organisation du service des périodiques est plus délicate

Il faut :
- des fiches abonnements et comptables d'un format assez grand (13,5 X 21) dans des registres à reliure mobile. Ce format suffit et se manie plus facilement que des registres 2I X 27;
- des fiches de même format dans un fichier rotatif (contenance 10 000 fiches), mises dans le sens de la longueur pour l'inscription des fascicules à leur arrivée.

Il est souhaitable d'utiliser des fiches à préperforations marginales (ou des onglets types synoptic) pour faciliter certaines sélections (étrangers, français, par matières ou par périodicité, etc.) qui sont surtout destinées aux statistiques.

Nous séparons ces deux fichiers car le fichier de bulletinage contient, par ordre alphabétique et en fiches de couleurs différentes (ou avec des onglets), les abonnements, les échanges et les dons, éventuellement les revues des services. Il serait trop compliqué de sortir chaque année toutes les fiches d'abonnement de ce fichier. Il est plus simple d'avoir d'autres répertoires, différents selon les origines : dons, échanges, abonnements. Les abonnements se font rapidement, au mois d'octobre, d'après les fiches comptables 44, à un seul libraire qui groupe tout. Cela simplifie la tâche de la bibliothèque. Sur ces fiches sont portés successivement : la date et le numéro de la commande, le volume, l'année et le numéro du premier fascicule reçu, le prix, le numéro de la facture et la date de règlement. Ces renseignements suffisent pour contrôler tous les aléas des périodiques.

Le bulletinage se fait normalement sur les fiches décrites plus haut, numéro par numéro, sans cadre préétabli. Cela permet de conserver les mêmes fiches plusieurs années sans avoir à les copier.

Les tables de revues étant souvent tardives, on ne peut relier, donc jeter la fiche annuelle, que trop tard (un ou deux ans après, parfois), ce qui oblige à conserver plusieurs fiches par titre qui encombrent le fichier.

Ces fiches de bulletinage doivent comporter le titre, l'adresse, le fournisseur, la périodicité, la nature, la cote, la reliure, les destinataires pour les revues qui circulent.

d) Le service de référence :

Ce service, dont nous avons parlé, utilisera des formules qui permettent aux lecteurs de préciser leurs demandes (sujet, date, langue,...) et à la bibliothèque de garder trace des recherches effectuées.

Son travail bibliographique sera complété par la fourniture, le cas échéant, des documents eux-mêmes, le plus souvent sous forme de photocopie, puis leur traduction.

Enfin, si le document n'existe pas à la bibliothèque, ce service fera tout pour se le procurer par achat, ou en reproduction. La copie agrandie sera fournie au lecteur.

IX. Conclusion

Cette organisation de la bibliothèque a été décrite succinctement, uniquement pour signaler les points particuliers nécessités par la situation physique et culturelle de notre institution.

L'essentiel est que la bibliothèque accepte pleinement les responsabilités qui sont les siennes, dans les conditions données, même si, comme c'est notre cas, ces responsabilités sont très larges et les conditions difficiles. Il nous faut reconnaître nous-mêmes et faire reconnaître par les autres que de la bibliothèque dépend, en grande partie, l'information scientifique de la Faculté. Il faut l'affirmer avec force, car admettre la moindre exception, c'est réduire la bibliothèque à un rôle accessoire.

Il faut ensuite qu'elle sache se procurer les moyens pour faire face à ces responsabilités et démontrer clairement à ses lecteurs par ses actes et services, quel sont son rôle et sa spécificité. L'acceptation pleine et entière de ses devoirs, franchement énoncée, et clairement démontrée par les services rendus et le travail effectué, sera la meilleure preuve de la nécessité et de l'importance de la bibliothèque et lui apportera le meilleur soutien de la part des autorités compétentes.

Illustration
>Organigramme

  1. (retour)↑  SHERA, in : Bull. de l'Unesco Bib., 1962, 16, 70.
  2. (retour)↑  AUGER (P.). - Tendances actuelles de la recherche scientifique. -Paris, Unesco, 1961. - p. 108.
  3. (retour)↑  Les Excerpta medica systématiquement classés, sélectifs et analytiques, correspondent aux besoins de l'information courante et peuvent difficilement être utilisés pour la recherche documentaire. D'importants index alphabétiques leur sont d'ailleurs adjoints.
  4. (retour)↑  Un rapprochement toutefois apparaît actuellement entre les deux types de bibliothèques, car par certains côtés, la bibliothèque de lecture publique tend à devenir scientifique et la bibliothèque scientifique, trop fermée, emprunte à la lecture publique certaines méthodes expérimentées par elle (libre accès, classement systématique des livres en rayons). Une unification des techniques bibliothéconomiques est donc en train de se produire. La différence n'apparaît plus maintenant que dans la nature des fonds, celle des lecteurs et dans des techniques de pointe, comme la documentation.
  5. (retour)↑  AUGER (P.). - Tendances actuelles de la recherche scientifique. - Paris, Unesco, 196I. - p. 239.
  6. (retour)↑  La correspondance privée, libre ou organisée, est un moyen très utilisé et encore plu rapide de communication interscientifique.
  7. (retour)↑  BACQ (Z.-M.). Préface à MATHE (G.), AMIEL (L)... : L'aplasie myéolymphoïde de l'irradiation totale. - Paris, Gauthier-Villars, 1965. - p. v.
  8. (retour)↑  Exactement 2 325 en 1965 dont les thèses et de nombreux ouvrages de vulgarisation, d'hygiène personnelle, ou de soins de beauté.
  9. (retour)↑  Les nombreuses réimpressions de périodiques scientifiques anciens témoignent de leur valeur actuelle.
  10. (retour)↑  FRANCE. Recherche scientifique et technique (Délégation générale). Documentation (Comité d'étude). - Rapport à M. le Ministre d'État... - Paris, Documentation française, 1963, 51 p.
  11. (retour)↑  CLAPP (V. W.). - The Future of the research library Urbana, Unv. of Illinois Press, 1964.
  12. (retour)↑  Fremont RIDER, cité par CLAPP : idem, p. I.
  13. (retour)↑  Pour P. AUGER, l'activité scientifique double tous les dix ans.
  14. (retour)↑  Cité in : A. W. Calhoun medical library self study, Atlanta, Emory University, 196I. - p. 2.
  15. (retour)↑  Cf. J. Rousset de Pina in : Bull. Unesco. Bibl. 196I, 15, 278-285.
  16. (retour)↑  Cette poussière est faite de sable, soit des environs, soit venu de très loin avec les grands vents de sable du Sahara.
  17. (retour)↑  A trip to Africa. Oct.-Dec. 1963. Report of the African subcommittee, International cooperation committee, Association of American university Presses, New York, 20 West 42nd. Street. 1964.
  18. (retour)↑  Cf. Bull. Unesco. Bibl., 196I, 15, 269 et DADZIE (E. W.), STRICKLAND (J. T.). -Répertoire des archives, bibliothèques et écoles de bibliothéconomie d'Afrique, Unesco, 1965.
  19. (retour)↑  Cf. « A trip to Africa »... (op. cit.).
  20. (retour)↑  Actuellement avec un fonds de 60 000 volumes et 2 100 périodiques nous n'arrivons à satisfaire que 60 % des demandes, ce qui est insuffisant et nécessite un usage intensif et fâcheux du microfilm.
  21. (retour)↑  Dakar date de 1952, Ghana de 1948, Ibadan de 1948, Lovanium de 1954.
  22. (retour)↑  Elles ne peuvent non plus, nous le verrons, s'appuyer sur le prêt interbibliothèque, faute de voisin immédiat.
  23. (retour)↑  Notamment par le Centre régional de formation de bibliothécaires, créé à Dakar par l'Unesco et qui forme annuellement 15 bibliothécaires ayant le niveau du baccalauréat ou du brevet. Le problème du recrutement est délicat car les Africains titulaires d'une licence sont attirés par des professions plus honorifiques ou plus lucratives.
  24. (retour)↑  Il n'est pas rare de changer de sous-bibliothécaire chaque année, le recrutement s'effectuant sur place, parmi les remplaçants, au pied levé.
  25. (retour)↑  Ils écrivent aussi à des organismes spécialisés en France qui leur envoient des bibliographies toutes faites.
  26. (retour)↑  PAYET (M.), PENE (P.) et SANKALE (M.). - Cliniques africaines. Paris, Gauthier-Villars, 1966, p. 14. « Ainsi il est vain de penser que les affections proprement tropicales constituent l'essentiel de la pathologie médicale en Afrique noire. Les maladies cosmopolites occupent une place de premier rang, dans les préoccupations courantes du médecin d'Afrique noire. »
  27. (retour)↑  Celles-ci ne s'identifient pas forcément aux publications du § B.
  28. (retour)↑  La situation sur pilotis présente de nombreux avantages : meilleure aération, protection contre les termites, esthétique meilleure, mais coût plus élevé.
  29. (retour)↑  Un appareil central est plus économique et moins bruyant que des appareils individuels.
  30. (retour)↑  On comprend, à cet égard, les constructions américaines quand on connaît le climat qui règne aux États-Unis. Les bâtiments presque aveugles, perpétuellement éclairés en lumière artificielle et entièrement climatisés (l'air est rafraîchi et surtout filtré) surprennent le visiteur français, mais quand on sait que dans certains États il fait en été un climat tropical et en hiver un froid sibérien, cet isolement presque total du milieu extérieur s'explique très bien. Il se justifierait aussi dans les pays à climat excessif comme l'Afrique.
  31. (retour)↑  De simples indications sont ici données. Nous ne pouvons entrer dans les détails.
  32. (retour)↑  En cas de non-climatisation prévoir la salle beaucoup plus longue que large ou mieux deux salles de 10 à 15 m de large sur 40 à 50 m.
  33. (retour)↑  Le choix ne peut être fait dans le cadre de cet article. Notre expérience nous a toutefois fait choisir la machine à bandes perforées pour la frappe jusqu'à 10 exemplaires. Après, l'offset ou la xérocopie sont plus rapides, encore qu'elles nécessitent un deuxième passage des fiches sur la machine à écrire pour l'inscription des vedettes.
  34. (retour)↑  Nous sommes à la disposition des lecteurs pour tout renseignement complémentaire.
  35. (retour)↑  Cf. : RENTCHNICK (P.), RENOLD (A.). - Exigences particulières et incidence de la médecine contemporaine sur la conception et le fonctionnement des bibliothèques universitaires (In : Les Bibliothèques dans l'Université. Colloque de l'AUPELF. Genève, 1965. -Montréal, AUPELF, 1965. - pp. 63-70.).
  36. (retour)↑  Elle est peut-être moins rentable.
  37. (retour)↑  CLAPP et JORDAN. - Reevaluation of microfilm as a method of book storage. [In Coll. Res. Lib. 1963, 24, 5-15.]
  38. (retour)↑  Cette autorisation sera immédiate si la bibliothèque fait partie de la Faculté.
  39. (retour)↑  Alphab. auteur, matières et systématique.
  40. (retour)↑  Une bonne surveillance peut éviter les pertes ainsi qu'une éducation systématique des lecteurs. Si les pertes restent trop importantes, le prêt peut être réservé aux professeurs et étudiants de 4e année et au-delà par exemple; deux fonds d'accès libre sont ainsi prévus : manuels seulement jusqu'en 3e année; toute la collection à partir de la 4e année, dans la salle réservée aux chercheurs.
  41. (retour)↑  C.D.U., N.L.M. Barnard ou Cunningham. La C.D.U. doit être proscrite pour la seule médecine. La « N.L.M. Classification » paraît être la meilleure et la plus sûre, car elle a été prévue pour l'usage précis de classer des livres médicaux en rayon. Elle est d'autre part tenue à jour.
  42. (retour)↑  Un système de photocopie systématique payant peut éviter ces doubles collections, mais il est impossible à Dakar par manque de matériel adéquat.
  43. (retour)↑  Elles figurent déjà dans les trois précédents catalogues.
  44. (retour)↑  Ces fiches comptables sont en usage à la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris.