Bibliothèques publiques et éducation permanente

Colloque de Namur. 24-29 octobre 1966

Un Colloque a réuni à Namur, du 24 au 29 octobre 1966, trente-deux représentants de dix-sept nations et de la F.I.A.B., sous l'égide du Conseil de l'Europe. Il s'agissait d'étudier le rôle des bibliothèques publiques dans l'éducation permanente des adultes. Les conclusions auxquelles le Colloque a abouti reflètent l'importance de la part qui nous incombe en ce domaine

Organisé par le gouvernement belge sous l'égide du Conseil de l'Europe, un colloque réunissait à Namur, du 24 au 29 octobre, sous la présidence de M. A. Van Aelbrouck, conseiller chef de service au service des bibliothèques publiques belges, trente-deux représentants ou observateurs de dix-sept nations et de la Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires autour d'un thème et de deux objectifs 1.

Le thème : bibliothèques publiques et éducation permanente.

Les objectifs : étudier les problèmes les plus importants suscités par le thème et préparer le stage que le gouvernement norvégien a accepté d'organiser en 1968.

Le sujet n'était donc pas les bibliothèques publiques en elles-mêmes, mais les rapports, déjà établis ou à instaurer, entre elles et cette notion dont l'importance se révèle tous les jours davantage : l'éducation permanente des adultes. De très nombreux ouvrages ou articles sont publiés qui soulignent l'intérêt capital de cette idée récente, aussi bien pour les pays de vieille culture que pour les nations en voie de développement; certaines institutions ont déjà frayé la voie en ce domaine, mais elles sont encore très fragmentaires eu égard aux besoins déjà fortement ressentis, et elles seront tout à fait insuffisantes par rapport aux exigences qui se manifesteront sans doute dans une dizaine d'années. Les bibliothèques, riches d'expérience et de traditions, organisées souvent en fonction de conceptions intellectuelles liées étroitement à l'enseignement ou à la recherche, sont en mesure de jouer, grâce à leurs collections de livres et de matériel audio-visuel, un rôle considérable dans l'éducation permanente. Mais sous quelles formes, dans quelles conditions, selon quelles méthodes?

Les problèmes posés par les relations possibles entre les bibliothèques publiques et l'éducation permanente des adultes sont immenses. Il n'était donc pas question de proposer des solutions, mais plus simplement de confronter des expériences, de comparer les stades d'évolution atteints par chacune des nations participantes, d'échanger des points de vue, de formuler des propositions et des vœux qui puissent être utiles aussi bien au Conseil de l'Europe, s'il entend mettre au point un programme en matière de bibliothèques publiques, qu'au gouvernement norvégien qui aura la tâche délicate d'organiser le stage au cours de l'année 1968.

Deux exposés introduisirent les travaux du Colloque, l'un de M. Paul Lengrand, Directeur au Département de l'éducation des adultes et de la jeunesse de l'Unescô, sur « La politique de l'éducation permanente »; l'autre de M. Marcel Hicter, Directeur général de la jeunesse et des loisirs en Belgique, sur « La Philosophie des loisirs ».

Au cours des journées qui suivirent furent étudiés :
- l'organisation des bibliothèques publiques du point de vue des loisirs;
- l'organisation des bibliothèques publiques du point de vue de l'éducation permanente;
- les activités d'extension de la bibliothèque publique;
- les principes pour une définition de la bibliothèque publique;
- l'influence des moyens de communication de masse et de la littérature de masse sur la bibliothèque publique;
- le bibliothécaire et sa formation dans le cadre de l'éducation permanente;
- les locaux et l'équipement des bibliothèques publiques.

Qu'il nous soit permis d'exprimer un regret : alors que le Colloque traitait d'un ensemble de problèmes relationnels, l'éducation permanente n'avait qu'un seul représentant, M. Georges Jean, professeur à l'École normale d'instituteurs du Mans, représentant l'association « Peuple et culture ». Les questions auraient dû être abordées tantôt du point de vue de l'éducateur permanent formulant des exigences nouvelles et demandant à la bibliothèque publique de se transformer pour s'y adapter, tantôt du point de vue du bibliothécaire s'interrogeant pour savoir s'il répond ou non aux voeux d'un public qu'il désire de plus en plus nombreux et diversifié, c'est presque toujours cette dernière attitude qui a prévalu. Il serait sans doute souhaitable d'obtenir une représentation plus égale lors d'une autre réunion.

Nous reproduisons ci-après les conclusions du Colloque. Sous une forme volontairement simple, dépouillée de termes techniques comme d'emphase idéologique, ces conclusions adoptées à l'unanimité lors de la dernière séance de travail, après avoir fait l'objet d'une préparation minutieuse par une commission ad hoc, représentent une prise de conscience des devoirs d'une bibliothèque publique et de ses animateurs. S'il s'y manifeste des exigences, c'est en fonction des buts à atteindre : elles ne sont que des moyens au service d'une fin.

Conclusions du colloque

Préambule

Le Colloque a trouvé difficile de maintenir l'examen de cette question dans des limites bien définies. En effet, les concepts d'éducation permanente et d'utilisation des loisirs sont intimement liés aux activités et aux responsabilités des bibliothèques publiques.

Le Colloque a souligné qu'il était impossible de délimiter avec précision les différents champs d'activité des bibliothèques publiques et les domaines où s'exerce l'éducation permanente. Cette constatation ressort clairement des conclusions ci-annexées, élaborées par le Colloque.

Conclusions

I. Le Colloque estime que les bibliothèques publiques ont à jouer un rôle important dans le domaine de l'éducation permanente et de l'utilisation intelligente des loisirs. De plus, les bibliothèques publiques contribuent à l'épanouissement et au bonheur de l'individu, pour le plus grand bien de la collectivité.

2. Le Colloque considère que les bibliothèques publiques ne peuvent jouer ce rôle que si elles possèdent un équipement adéquat, leur permettant de répondre aux aspirations et aux besoins des individus et des divers groupes sociaux.

A cet effet, le Colloque a passé en revue les services que les bibliothèques publiques peuvent rendre, à l'heure actuelle et à l'avenir, afin de faciliter autant que possible la réalisation des objectifs ci-dessus mentionnés.

3. Le Colloque se réfère au Manifeste de l'UNESCO de 1949 sur « La bibliothèque publique, force vive de l'éducation populaire », auquel il adhère sans réserves.

Au cours de ce premier colloque sur les bibliothèques publiques, placé sous l'égide du Conseil de l'Europe, les participants se sont efforcés d'élargir la portée du Manifeste de l'UNESCO et de le compléter.

4. Le Colloque reconnaît que le développement des services rendus dans différents pays par les bibliothèques publiques dépend de nombreux facteurs et que les conditions régionales et locales déterminent les besoins. Néanmoins, le Colloque a formulé les principes généraux sur lesquels doit être basée l'organisation des bibliothèques publiques.

5. La bibliothèque publique doit assurer la diffusion des connaissances, de l'éducation et de la culture dans tous les groupes de population, en liaison avec leurs besoins culturels, économiques, sociaux, collectifs et individuels.

6. Les bibliothèques publiques doivent offrir tous les moyens nécessaires à la diffusion de l'information et des idées, essentiellement en fournissant des livres et autres documents imprimés, et en donnant des conseils quant à leur utilisation.

Pour que cela soit fait de façon efficace, elles doivent donner accès à une collection appropriée et encyclopédique de livres et autres documents qui fourniront aux lecteurs la possibilité d'étudier chaque branche de la connaissance, sans restriction.

Le Colloque recommande que ces services soient fournis gratuitement.

7. La bibliothèque publique doit comporter, outre les livres, des documents audio-visuels. Elle doit être à même de permettre l'exercice d'autres activités éducatives et culturelles.

8. Il est nécessaire d'assurer à la bibliothèque un personnel compétent et suffisant et d'établir une collaboration étroite entre les bibliothécaires et les personnes qui s'occupent de l'éducation des adultes et des enfants.

Il faut aussi que les bibliothécaires travaillent en coopération étroite avec les autorités responsables de l'organisation de manifestations culturelles et de la direction d'activités de loisirs. La formation professionnelle du bibliothécaire doit inclure une initiation à l'éducation permanente et à l'utilisation des loisirs.

9. La construction des bibliothèques publiques doit être considérée comme un élément important de l'aménagement régional.

Dans le cadre de l'équipement culturel communautaire, chaque bibliothèque doit être bien située et conçue de façon à être attrayante et commode pour les utilisateurs.

La conception doit en être souple, pour permettre le développement et l'expansion de ses activités.

10. Les activités d'une bibliothèque publique bien organisée en ses différents services de base, sont complétées par les activités d'extension.

Ces activités ont pour but d'encourager les gens à la lecture, particulièrement ceux qui ne considèrent pas les livres comme leur principale source d'information.

Par « activités d'extension » on entend, d'une part, les activités culturelles qui sont organisées par des groupes dans les locaux et avec les moyens techniques de la bibliothèque publique et, d'autre part, les activités organisées directement par la bibliothèque publique, dans l'intérêt de la collectivité.

Certaines bibliothèques peuvent être considérées comme étant des centres culturels efficaces, alors que d'autres travaillent en étroite collaboration avec les institutions culturelles.

11. Considérant que les bibliothèques publiques sont un moyen de communication de masse, comparable à la presse, la radio, le cinéma, la télévision, etc., le Colloque estime qu'une coopération doit être créée entre les bibliothèques publiques et ceux-ci. Les bibliothécaires doivent prendre l'initiative d'établir des contacts avec eux et s'efforcer d'influencer leurs activités.

12. Le Colloque conclut que chaque pays devrait tenir compte des considérations formulées ci-dessus dans la promulgation de sa législation concernant les bibliothèques publiques.

Cette législation doit prévoir la constitution d'un système de bibliothèques publiques, ainsi que les dispositions administratives et financières appropriées.

Les autorités gouvernementales doivent soutenir les initiatives locales et intervenir, en cas de nécessité, en faveur des régions qui ne possèdent aucune bibliothèque publique.

  1. (retour)↑  Voir ci-dessous, p. 14, la composition de la délégation française.