L'année 1964

1964 est la vingtième année de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique, créée par le décret du I8 août I945, mais dont les structures et le programme ont été établis dans les derniers jours d'août et les premiers jours de septembre 1944, aux heures de la libération de Paris, par Marcel Bouteron, qui fut le premier directeur, et par M. Pierre Lelièvre.

1964 est l'année des départs. Celui d'abord de M. Roger Paul, sous-directeur depuis le Ier janvier I960 et qui nous a quittés en avril I964 pour occuper le poste d'adjoint au directeur des personnels enseignants des établissements scolaires ; celui, ensuite, de M. Pierre Lelièvre qui avait été, avec Marcel Bouteron, le créateur de la Direction des bibliothèques, qui était inspecteur général et adjoint au directeur depuis I945 et qui, après vingt années consacrées à la Direction et aux bibliothèques françaises, a été nommé, à compter du Ier septembre I964, recteur d'Académie et mis à la disposition du Gouvernement de la République du Sénégal afin d'exercer les fonctions de recteur de l'Université de Dakar.

1964 est l'année de la mise à la retraite de M. Julien Cain, membre de l'Institut, qui, depuis le Ier mai I930, occupait rue de Richelieu le fauteuil d'administrateur général de la Bibliothèque nationale, et avait succédé, le I8 avril I946, à Marcel Bouteron à la Direction des bibliothèques de France et de la lecture publique.

M. Cain quitte les bibliothèques mais, dans les fonctions qu'il assume au Conseil exécutif de l'Unesco, au Comité consultatif de bibliographie, de documentation et de terminologie de l'Unesco, à la Commission française de l'Unesco dont il est le président, au Conseil d'administration de l'O.R.T.F., à la présidence de l'Inventaire des richesses d'art de la France, au Musée Jacquemart-André, il continuera à servir les lettres et les arts et, nous en sommes certains, à défendre la cause des bibliothèques françaises.

1964 aura vu l'entrée en fonctions du successeur de M. Julien Cain, M. Étienne Dennery, ambassadeur de France à Tokyo, qui a pris ses fonctions à la Bibliothèque nationale et à la Direction des bibliothèques et de la lecture publique le I5 septembre.

Normalien, agrégé d'histoire, M. Dennery enseigna jusqu'à la guerre à l'École libre des sciences politiques, à l'École des hautes études commerciales et à l'Institut des hautes études internationales et occupa en même temps le poste de secrétaire général du Centre d'études de politique étrangère. Rallié en I94I à la France combattante, il occupa successivement le poste de directeur de l'information du Comité national et le poste de directeur des services extérieurs de l'information à Alger en I943. Intégré dans les cadres du Ministère des affaires étrangères à la Libération, il fut successivement nommé directeur d'Amérique, ambassadeur à Varsovie puis à Berne, et enfin à Tokyo. M. Dennery est commandeur de la Légion d'honneur et titulaire de la médaille de la Résistance.

A l'occasion de la dernière visite faite par M. Julien Cain, rue Saint-Dominique le II septembre, une allocution a été prononcée par M. l'Inspectetcr général Masson, au nom du personnel de la Direction des bibliothèques, réuni autour de lui.

« Chacun de nous, Monsieur le Directeur général, sent davantage ce qu'il vous doit, lorsqu'il mesure le chemin parcouru depuis que vous avez pris en main les intérêts de la profession. La force de notre institution ne vient pas des textes qui l'ont organisée en I945, mais du rayonnement qu'elle doit à celui qui les a animés, après en avoir jeté les fondements antérieurement aux textes. Sans en porter encore le titre, vous étiez déjà avant la guerre directeur général des bibliothèques de France le jour où l'isolement des bibliothécaires a cessé, parce que vous aviez donné une extraordinaire impulsion à la Bibliothèque nationale et qu'en même temps vous tendiez la main aux bibliothécaires de province. »

Après avoir rappelé dans quelles conditions la Direction des bibliothèques, dont les premiers fondements avaient été jetés avant la guerre, prit officiellement naissance au lendemain de la Libération, M. Masson poursuit :

« A votre retour d'Allemagne, en 1945, l'heure des réalisations a commencé, et elles se sont multipliées à un rythme inespéré : la reconstitution des bibliothèques sinistrées, la création d'un réseau de bibliothèques circulantes rurales, qui couvre aujourd'hui la moitié de la France et distribue chaque année des millions de volumes en pénétrant dans les plus humbles villages, de très larges crédits de l'État en faveur des bibliothèques universitaires qui, antérieurement, n'avaient d'autres ressources que les droits de bibliothèque payés par les étudiants, la construction ou l'aménagement de nombreuses bibliothèques favorisé par une politique efficace de subventions.

« La profession de bibliothécaire, trop longtemps inorganisée, a été dotée d'un statut. Le nombre des emplois du cadre scientifique a doublé et l'attrait de la carrière rehaussé par la création de nombreux postes de conservateurs en chef. La formation professionnelle, naguère limitée à quelques conférences en marge d'une autre institution, s'est progressivement développée, pour donner récemment naissance à l'École nationale supérieure de bibliothécaires. »

L'Inspecteur des bibliothèques évoque ensuite le souvenir des amis et des collaborateurs de M. Julien Cain, d'abord les disparus : Marcel Bouteron, Henri Vendel, Louis-Marie Michon. Il rappelle le rôle joué par Robert Brun, qui a pris sa retraite prématurément, et par Pierre Lelièvre, qui vient d'être appelé à de hautes fonctions universitaires. Il décrit quelques-unes des étapes de la carrière de M. Julien Cain, et il conclut :

« Votre talent, Monsieur le Directeur général, a été de donner à chacun l'illusion qu'il faisait tout dans son petit domaine. Mais nous savions, dans notre for intérieur, que rien de cela n'aurait abouti sans l'impulsion que vous donniez. Au cours de mes tournées d'inspection, j'ai recueilli à votre sujet des gages de dévouement et d'affection qui, à mes yeux, ont plus de prix que les distinctions officielles. C'est que vous avez fait mentir le vieil adage du droit romain « de minimis non curat praetor », en vous astreignant, au prix d'un labeur écrasant, à ne rien ignorer des plus petits détails de la vie des bibliothèques et c'est là l'un des secrets des vastes transformations accomplies depuis vingt ans. »