Nécrologie

Maurice Jusselin

Le 7 septembre 1964, après une longue maladie supportée avec un courage exemplaire, mourait Mr Maurice Jusselin, archiviste en chef honoraire d'Eure-et-Loir, membre correspondant de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

Sorti major de l'École des Chartes en 1906, il faisait partie de cette génération qui se voulait l'héritière des grands historiens du XIXe siècle. Ami de savants comme Maspéro et Massignon, il en avait les qualités d'intelligence, de précision et de clarté ainsi que l'honnêteté intellectuelle jointe à une grande largeur de vues.

Définissant en 1935 le métier d'archiviste dans la Préface à la Bibliographie des travaux de Lucien Merlet, il ajoutait : « ... Nous avons la stricte obligation, alors que les limites du devoir, pour d'autres, semblent atteintes, de réserver nos veilles pour écrire l'histoire du pays : c'est là notre rôle social le plus éminent. » Ce rôle, il l'a pleinement rempli : plus de 300 ouvrages ou articles consacrés à Chartres et à l'Eure-et-Loir. Il avait le projet, qu'il n'a malheureusement pu réaliser, d'écrire une Histoire de Chartres au XIXe siècle, histoire qui aurait sûrement dépassé, par son intérêt, le cadre local, pour apporter une contribution importante à l'histoire sociale du XIXe siècle en France.

Né à Paris, le 16 janvier 1882, il y fit toutes ses études. Chartres fut son premier poste et il ne le quitta jamais, malgré toutes les sollicitations. Il préféra se consacrer à sa province d'adoption et ne le regretta pas. Parmi ses nombreuses décorations, la distinction à laquelle il tenait le plus était la médaille d'or de la ville de Chartres, et, bien que ses travaux sur les notes tironiennes fassent autorité en Europe, c'est à la collection qu'il avait pu réunir sur Chartres et l'Eure-et-Loir qu'il attachait le plus d'importance. Il y travaillait depuis plus de cinquante ans, consacrant ses loisirs et ses ressources (il vivait très simplement) à l'acquisition d'ouvrages, manuscrits et gravures sur la région.

Dès qu'il s'est senti perdu, son plus grand souci a été de mettre à la disposition des chercheurs la presque totalité de cette collection.

C'est ainsi qu'au cours des derniers mois, en dehors de ses dons aux Archives et au Musée, la Bibliothèque municipale a reçu la plus grande partie de ses livres, estampes, manuscrits, ainsi qu'une importante collection de clichés et cartes postales.

Rappelons que M. Jusselin avait également assuré l'intérim du poste de bibliothécaire de la Bibliothèque municipale du 20 juin 1959 au 2 mars 1960 et qu'il publia en 1962 une Petite histoire de la Bibliothèque municipale de Chartres.

Tous ceux qui le connaissaient savaient que sous un aspect bourru se cachaient une très grande sensibilité et les qualités de cœur sans lesquelles celles de l'esprit ne sont rien.