Bibliographies cartographiques

Myriam Foncin

En 1936, le Comité national français de géographie publie une Bibliographie cartographique de la France, transformée en I939 en Bibliographie cartographique française. En 1949, s'inspirant de l'exemple français paraît la première Bibliographie cartographique internationale dont la publication avait été annoncée dès 1938.Préparation au Département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale (correspondants nationaux, vingt-deux pays en 1961); description (bibliographie sélective et critique); lacunes.Bibliographies cartographiques nationales (URSS, Brésil)

Depuis 1891 l'information bibliographique est assurée dans le domaine de la Géographie par une excellente bibliographie courante 1. Très complète pour ce qui est des livres et des articles de revues, elle ne signale pas les documents cartographiques à quelques exceptions près. Alors que les cartes prenaient une importance chaque jour accrue, que leur nombre grandissait et que des disciplines très différentes y avaient recours comme moyen de recherche ou d'expression, il y avait là une lacune qui devait être comblée.

Un premier essai fut tenté. En 1936, le Comité national français de géographie faisait paraître une Bibliographie cartographique de la France qui signalait les cartes de France, publiées en France. Cette modeste liste avait été dressée au Département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale par Mme Sommer et moi-même. Emmanuel de Martonne, alors secrétaire général du Comité national français de géographie, qui avait compris l'intérêt d'un nouvel instrument de travail avait, pour montrer ce qui pouvait être fait, tenu à la publier. Au XVe Congrès international de géographie (Amsterdam, juillet 1938) elle retenait l'attention des géographes et l'Union géographique internationale décidait « qu'une bibliographie cartographique internationale serait publiée sous les auspices de l'Union géographique internationale, suivant les principes adoptés pour la Bibliographie cartographique de la France présentée au Congrès national français de géographie ». En 1939, pendant que s'organisait le travail sur le plan international, la Bibliographie cartographique de la France se transformait en Bibliographie cartographique française et était étendue à toute la production française (Métropole et France d'outre-mer) quel que soit le pays cartographié.

La guerre vint rendre impossible toute entreprise internationale et il fallut se contenter pour les années 1939-1945 de ne recenser encore que les seules cartes françaises.

C'est au début d'avril 1949 qu'a paru la première bibliographie internationale qui fut présentée à Lisbonne au XVIe Congrès international de géographie. Elle signale en 671 notices les cartes publiées au cours des années 1946-1947 dans huit pays européens (Belgique, Danemark, Finlande, France, Pays-Bas, Portugal, Suède et Suisse).

L'expérience de la Bibliographie cartographique française avait prouvé que la production cartographique d'un pays ne peut être utilement recensée que dans ce pays même par des spécialistes qui ont la possibilité de connaître d'une façon rapide et complète la parution des documents et d'examiner chacun d'eux directement. Dès l'origine il a donc été décidé de se limiter aux seules indications données par des collaborateurs travaillant sur le plan national, sans avoir recours, pour les pays où aucune collaboration n'existe, à des moyens d'informations qui resteraient toujours fragmentaires et qui ne permettraient pas une discrimination critique (catalogues de grands services ou d'éditeurs, listes d'entrée dans des cartothèques, comptes rendus de revues, etc.). Peu à peu le champ géographique de la Bibliographie cartographique s'est élargi, des collaborations lui étant assurées dans de nouveaux pays. Pour la bibliographie consacrée à l'année 1948 ce furent l'Argentine, le Canada, l'Italie et la Norvège; pour 1949, l'Allemagne, les États-Unis, la Grande-Bretagne; 1950, l'Autriche; 195I-1952, le Brésil et la Turquie; 1953, Israël; 1957, la Pologne ; 1959, l'Australie; 1960, la Hongrie 2. Ainsi les 2890 notices de la quatorzième bibliographie consacrée à l'année 196I rendent compte de la production cartographique de vingt-deux pays et, malgré de grands trous (Chine, Espagne, U.R.S.S., Union Sud africaine, etc.) recensent une très grande partie de la production mondiale.

Dans chaque pays, le correspondant, qui signale la production cartographique nationale, organise comme il l'entend le recensement. Les fiches, rédigées par ses soins d'après les règles adoptées pour l'ensemble de la publication, sont envoyées à Paris où elles sont réparties entre les différentes divisions du cadre de classement adopté pour l'ouvrage. Le manuscrit est préparé au Département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale. L'ouvrage est publié avec l'aide financière du Centre national de la recherche scientifique et de l'Unesco par l'intermédiaire de l'Union géographique internationale. Pour certains pays le travail de recensement est fait dans une cartothèque (Allemagne, Australie, Belgique, Danemark, États-Unis, Finlande, France, Grande-Bretagne, Norvège, Pays-Bas, Suisse, Turquie), pour d'autres par de grands services cartographiques (Argentine, Canada) ou dans des instituts de géographie (Autriche, Brésil, Hongrie, Israël, Italie, Pologne, Portugal, Suède).

La Bibliographie cartographique internationale est sélective et critique. Les cartes commerciales publicitaires, certaines cartes à très petite échelle ou d'une facture trop négligée, sont éliminées. Les cartes ayant paru en annexe à un ouvrage ou à un article de revue ne sont pas signalées. Par contre la distinction entre une nouvelle édition ayant fait l'objet d'une révision et un simple tirage étant très délicate à faire, les cartes rééditées sont mentionnées.

Une courte analyse critique, rédigée en français, précise, chaque fois que le titre n'est pas assez explicite, ce que la carte apporte, indique s'il y a lieu les sources dont elle dérive, les procédés graphiques qu'elle emploie, l'intérêt particulier qu'elle présente.

Pour la description bibliographique, les règles de catalogage pour les cartes variant avec les pays et les bibliothèques, ce sont les règles en usage au Département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale qui ont été adoptées. Nos collaborateurs, auxquels souvent elles ne sont pas familières, s'efforcent de les suivre avec une grande bonne volonté. Cependant, il est nécessaire de procéder à une révision générale afin d'assurer une unification que nous souhaiterions plus complète encore.

Chaque notice porte une vedette dont le premier terme est toujours le nom géographique qui indique aussi exactement que possible l'étendue territoriale que le document représente. Le second terme signale pour les cartes générales l'échelle, pour les cartes particulières (ou thématiques) l'ordre des faits qu'étudie le document (aviation, chemin de fer, géologie, routes, etc...).

Un cadre de classement systématique géographique basé sur les divisions politiques a été adopté, les différents états étant classés par ordre alphabétique à l'intérieur des parties du monde. Pour chaque pays, l'ordre de classement envisage d'abord la nature des documents (cartes et plans ou atlas), distingue les cartes d'ensemble, générales ou particulières, et les cartes régionales. Une liste des catalogues des grands services cartographiques, des index (index des auteurs, index des éditeurs (avec leurs adresses), index analytique) complètent la publication.

La Bibliographie cartographique présente, et nous sommes les premiers à le déplorer, de très regrettables lacunes. Tout d'abord, comme nous l'avons indiqué, ses recensements se limitent aux pays où une collaboration lui est assurée. Mais d'autre part, et ceci est beaucoup plus grave, dans plusieurs pays dont elle recense la production cartographique, il lui est interdit de signaler certaines cartes qui sont justement parmi les plus importantes. La politique du secret en matière cartographique sévissait déjà à l'époque des découvertes. Alors qu'Espagnols et Portugais fixaient la ligne de démarcation qui leur partageait le monde, le secret était jalousement gardé sur les routes suivies vers les terres nouvelles et sur les côtes, jusque là inconnues, où abordaient les navires. Les cartes étaient parmi les plus précieuses prises de guerre et l'activité des agents secrets était bien souvent consacrée à s'emparer de documents cartographiques étrangers. Si ce sont aujourd'hui des levés par photographies aériennes dont les gouvernements essaient d'empêcher la divulgation, rien au fond n'a changé. Non seulement la vente des cartes est strictement reglementée ou interdite 3, mais encore aucune précision n'est donnée sur les travaux cartographiques à grande échelle. Depuis des années dans les pays de l'Europe orientale, il n'est fait mention que de cartes à une échelle inférieure à I/300 000. Aux États-Unis, l' « Army map service » se refuse désormais à signaler les cartes qu'il dresse pour les pays étrangers à I/50 000, à I/100 000 ou à des échelles voisines. Les indications que la Bibliographie cartographique donnait à leur sujet sont interrompues depuis 1960 et, comme nous l'écrivions alors, il y a là pour la recherche scientifique une gêne qu'il nous paraît bien difficile de justifier par des préoccupations d'ordre militaire, puisque les agents secrets continuent certainement à faire leur métier.

En terminant, il convient d'indiquer que certains pays ont entrepris ces dernières années d'établir une bibliographie cartographique nationale. L'U. R. S. S. continue à faire paraître la Kartografičeskaja letopis', organ Gosudarstvennoj bibliografii SSSR, établie par la Chambre fédérale du Livre et qui a débuté en 1931; le « Centro de Pesquisas de Geografia do Brasil », en partant des précisions réunies pour la Bibliographie cartographique internationale, a fait paraître en 1953 la première Bibliografia cartografica do Brasil consacrée à l'année 1951. Cet exemple sera certainement suivi. Déjà l'Autriche et l'Italie ont manifesté l'intention d'utiliser de la même façon leur contribution à la Bibliographie cartographique internationale. Au moment où des Comités nationaux de cartographie se forment dans de nombreux pays pour adhérer à l'Association cartographique internationale constituée à Paris en 1962, de telles intitiatives ne peuvent que se multiplier.

  1. (retour)↑  La bibliographie ouverte en 1891 par Louis Raveneau dans les Annales de Géographie que Vidal La Blache venait de fonder. Reprise en 1920 par l'Association des géographes français, elle est devenue en 1931 la Bibliographie géographique internationale. Voir : P. George. Bibliographie géographique internationale (Annales de Géographie. Paris, 1962, t. LXXI, n° 384, p. 22I.)
  2. (retour)↑  Des recensements nous sont parvenus du Mexique pour les bibliographies 1954, 1955 et du Japon pour celles de 195I-52, 1953, 1954, 1955, 1956, 1957. Nous espérons bien retrouver des responsables dans ces deux pays.
  3. (retour)↑  Dans un pays aussi libéral que la Suède, les exemplaires de la carte économique à I/10 000 sont numérotés pour empêcher les « fuites ».