L'organisation mécanographique du Service central de documentation du Commissariat à l'énergie atomique

André Chonez

Nécessité d'améliorer la consultation de la Bibliographie scientifique hebdomadaire signalétique du Service central de documentation et d'endiguer l'accroissement des fichiers par l'établissement d'index-matières et auteurs cumulatifs et de listes de référence. Le problème est résolu par l'emploi conjugué de machines à écrire à bande perforée (Friden), et d'un équipement classique à cartes perforées de modèle réduit I.C.T.- SAMAS à 40 colonnes. Cet équipement permet la confection rapide et économique de cartes-matières, auteurs et de référence. Organisation conçue essentiellement pour la production des index imprimés, mais aussi instrument efficace de sélection, limité pour le moment par l'emploi de la classification alphanumérique du C.E.A

I. L'organisation ancienne. Ses défauts

Le Service central de documentation édite depuis sa création une Bibliographie scientifique hebdomadaire signalétique destinée à informer les chercheurs et ingénieurs du C. E. A., quelle que soit leur spécialité, des documents nouveaux susceptibles de les intéresser. Cette publication offre chaque semaine près de 2 ooo références regroupées en sections suivant la forme des documents : articles de périodiques, traductions, rapports, comptes rendus de conférences et ouvrages; seule la section relative aux articles de périodiques, la plus volumineuse, présente un classement par sujets : très rudimentaire, il regroupe les périodiques en quelques classes fondamentales : revues scientifiques générales, revues de physique et de mathématiques, d'électronique, de technologie, de chimie, et de biologie, sous chacune desquelles les références sont citées dans l'ordre alphabétique des titres de périodiques.

Dactylographiée sur stencils, la Bibliographie hebdomadaire donnait lieu à deux tirages de diffusion inégale : l'un, de grand format, sur cartons imprimés au recto seulement, permettant le découpage en fiches de format international 75 X 125 mm, pour alimenter les fichiers centraux du Service de documentation, les fichiers des autres établissements du C. E. A., et certains fichiers particuliers, à l'intérieur ou à l'extérieur du C. E. A.; l'autre, après réduction photographique et impression recto verso sur papier ordinaire, donnait les fascicules de la Bibliographie distribués aux chercheurs, fascicules contenant de l'ordre de deux cents pages chaque semaine.

Cette publication constituait donc la base du traitement de la documentation scientifique au C. E. A., au double titre de l'information rapide des chercheurs (trois à quatre semaines après l'arrivée des documents), et de la recherche rétrospective des références. Mais son exploitation devenait de plus en plus difficile de ces deux points de vue : la présentation de la Bibliographie, imposée par la rapidité avec laquelle il faut la préparer, exigeait de la plupart de ses lecteurs qu'ils parcourent intégralement plusieurs de ses sections, et l'intégration des nouvelles fiches hebdomadaires (environ 4 000 fiches auteurs et 4 000 fiches matières pour 2 ooo documents) aux fichiers centraux auteurs et matières de type traditionnel, contenant ensemble plusieurs millions de fiches, occupait en permanence plusieurs personnes à une tâche jugée disproportionnée à l'utilisation relativement réduite des fichiers.

2. Les données du problème

Le problème le plus urgent posé au Groupe d'automatisation des fonctions documentaires était donc d'améliorer la consultation de la Bibliographie hebdomadaire et d'endiguer l'accroissement prohibitif des fichiers centraux. Pour répondre au premier objectif, on se proposait de doter chaque fascicule de la Bibliographie hebdomadaire d'un index-matières 1. L'équipement et les méthodes adaptés à cette tâche autorisant aussi la confection d'index-matières et d'index-auteurs cumulatifs, on pouvait envisager la suppression des fichiers centraux, à la condition de pallier les inconvénients résultant de leur remplacement par des index imprimés. Il fallait en particulier être en mesure d'établir très rapidement des listes de références en réponse aux demandes des lecteurs, soit pour leur éviter la consultation de multiples index hebdomadaires entre deux cumulations, soit pour les dispenser de se reporter à la collection complète de la Bibliographie hebdomadaire afin d'identifier les documents repérés dans les index. Pour les mêmes raisons, on souhaitait pouvoir effectuer périodiquement de nombreuses bibliographies signalétiques spéciales sur les principaux sujets intéressant l'activité du C. E. A.

On s'imposait comme condition fondamentale que cette nouvelle organisation devait s'incorporer ou se juxtaposer à l'ancienne organisation sans y entraîner de changement important, en particulier sans allonger les délais d'exécution de la Bibliographie hebdomadaire, dont le planning très serré ne permet de consacrer à la préparation de l'index hebdomadaire que quelques heures. On convenait de présenter les index-matières, au moins en première étape, suivant le plan de la Classification alphanumérique utilisée au C. E. A. depuis 1953, légèrement remaniée afin de normaliser plus étroitement l'écriture de ses indices, et réordonnée dans l'ordre alphabétique de ceux-ci. La présentation ancienne de la Bibliographie devait être conservée ainsi que la possibilité d'effectuer un tirage sur carton pour découpage de fiches au format international.

3. La solution actuelle

On décidait, dès le début de l'étude, d'utiliser des machines à écrire à bande perforée au stade initial de préparation de la Bibliographie, la bande perforée, sous-produit « gratuit » de l'étape nécessaire de dactylographie des stencils, pouvant alimenter directement l'ensemble de traitement des données chargé de préparer les index et de tenir à jour les mémoires. L'étude comparative des différentes solutions possibles, utilisant du matériel classique ou spécial à cartes perforées ou à bandes magnétiques, associé ou non à des techniques photographiques, a conduit au choix d'un équipement à cartes perforées de modèle réduit I. C. T. - SAMAS 40 colonnes, choix dicté, entre autres raisons, par le fait que cet équipement classique pouvait être mis en service très rapidement sans aucun risque et qu'il offrait une solution intéressante à l'un de nos problèmes les plus difficiles à résoudre, comme nous le verrons plus loin.

3,1. L'organisation dactylographique.

Elle est basée sur l'emploi de machines 'à bande perforée Friden FLEXOWRITER SPD, machines à écrire auxquelles sont incorporés par construction un lecteur et un perforateur de bande, et auxquelles il est possible de connecter un lecteur et un perforateur auxiliaires.

Dans notre organisation actuelle, chaque machine possède un lecteur auxiliaire, dans lequel défile une bande-programme qui pilote la dactylographe et introduit dans la bande produite les codes fonctionnels nécessaires pour convertir ultérieurement celle-ci en cartes perforées. Le lecteur principal - celui qui est incorporé à la Flexowriter - est utilisé pour dactylographier automatiquement les données semi-permanentes, c'est-à-dire celles qu'il y a lieu de répéter plusieurs fois, par exemple le titre et les autres éléments d'identification (volume, numéro, date) d'un périodique dont le dépouillement donne naissance à plusieurs notices signalétiques dans la Bibliographie. Ces indications semi-constantes sont perforées dans un fragment de bande joint au document considéré, à partir de fiches perforées Friden qui assurent leur présentation uniforme et, en particulier, le respect des règles d'abréviation des titres de périodiques. L'opératrice, qui travaille directement à partir des documents eux-mêmes, sur lesquels les documentalistes ont coché et indexé les textes à signaler, introduit dans le lecteur principal de sa machine le fragment de bande correspondant. Lorsqu'au cours de la dactylographie d'une notice signalétique, le programme s'est déroulé jusqu'au moment où interviennent ces semi-constantes, la bande-programme ordonne la lecture automatique du fragment de bande placé dans le lecteur principal.

La bande produite pendant la dactylographie des notices signalétiques ne comporte, dans notre organisation actuelle, que les éléments nécessaires à la confection des cartes perforées, c'est-à-dire le numéro de la notice, les indices-matières caractéristiques, et les noms des auteurs du document, éléments auxquels s'ajoutent les codes fonctionnels indispensables. C'est la bande-programme qui met en fonction ou hors fonction le perforateur de la machine, au moment voulu, déterminé par le pas du programme auquel est parvenue l'opératrice.

3,2. L'organisation mécanographique.

Notre installation à cartes perforées I. c. T. - SAMAS comprend les machines suivantes :
- une poinçonneuse de cartes, connectée à un lecteur de bande perforée;
- une interprète;
- une trieuse;
- une interclasseuse;
- une tabulatrice.
- La poinçonneuse exécute, en un seul passage de la bande issue des machines Flexowriter, le jeu de cartes correspondant à chaque notice signalétique : une carte pour chaque indice-matière caractéristique et une carte pour chaque auteur du document qu'elle représente (voir figure). Ces cartes, indispensables pour préparer les index, ne contiennent, outre l'indice ou l'auteur, que le numéro de la notice signalétique correspondante.
- L'interprète imprime à la partie supérieure des cartes la traduction de leurs perforations.

- La trieuse permet d'abord de séparer les cartes-matières des cartes-auteurs, puis de trier les premières dans l'ordre alphanumérique des indices, et les secondes dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs.
- L'interclasseuse permet principalement :
- dans la préparation des index-matières, d'intercaler des cartes titres de rubriques explicitant les indices;
- de mettre à jour automatiquement les fichiers-matières et auteurs généraux en y intercalant les nouvelles cartes hebdomadaires. (Ces deux fichiers, intégralement classés, se présentent donc comme des fichiers traditionnels, à cela près qu'ils ne fournissent comme information relative aux documents retrouvés que le numéro de leur notice signalétique dans la Bibliographie hebdomadaire).
Elle autorise aussi éventuellement la sélection de cartes portant un indicatif donné, et facilite des opérations logiques complexes combinant plusieurs indices (intersection, réunion, et exclusion). C'est elle qui permet d'extraire automatiquement du fichier de références décrit plus loin les cartes signalétiques répondant à une question.
- La tabulatrice imprime sur papier tout ou partie du contenu des cartes réordonnant les informations qu'elles contiennent de manière à obtenir une présentation plus favorable des documents imprimés (qui sont essentiellement les index-matières et les index-auteurs, et les listes de numéros de documents répondant aux questions posées à l'installation).

Le document signalé par cette notice, écrit par deux auteurs, est indexé par les trois indices-matières : RS160, NA320, et NA220. Il est donc représenté par trois cartes-matières et deux cartes-auteurs, en plus de la carte-référence.

A l'exception de l'interclasseuse, modifiée spécialement à notre intention, toutes les machines de notre installation appartiennent à la gamme normale des machines I. c. T. - SAMAS pour cartes à 40 colonnes.

Le format réduit (119 X 51 mm) des cartes utilisées (dont la capacité de quarante colonnes demeure largement suffisante dans notre application) offre l'avantage très sensible de permettre de loger l'ensemble des machines et des fichiers annuels (en tout 500 000 cartes) dans une pièce relativement modeste (4 X 5 mètres). Mais surtout, et grâce au principe des machines correspondantes qui effectuent une lecture mécanique des cartes à l'arrêt et sont, de ce fait, beaucoup moins exigeantes sur la qualité des cartes que les machines classiques à lecture électrique, il nous a permis de confectionner très rapidement et économiquement les cartes de référence indispensables à une exploitation automatique des références bibliographiques.

Sur ces cartes, une zone reproduit le texte complet de la notice signalétique; dans l'autre zone, est perforé le numéro de la notice (voir figure). Ces cartes de référence sont imprimées comme les tirages sur carton de la Bibliographie hebdomadaire, par feuilles de huit notices, mais sur carton « peau d'âne » identique à celui qui sert à confectionner les cartes mécanographiques; elles sont ensuite découpées de manière semi-automatique sur une presse à platine, feuille par feuille, soit huit cartes à la fois, au format des cartes I. c. T. 40 colonnes, puis elles sont perforées manuellement. Pour obtenir ce résultat, il a fallu recomposer la page de bibliographie de telle sorte que les notices puissent être découpées soit dans ce format de carte, soit dans le format international 75 X 125 mm, au choix.

Les cartes de référence sont destinées surtout à préparer rapidement de manière semi-automatique les bibliographies signalétiques spéciales que nous envisageons de publier régulièrement. Rangées dans l'ordre numérique, elles peuvent être extraites en interclasseuse par comparaison de leurs numéros avec ceux des cartes-matières correspondant au sujet traité. Les cartes-référence ainsi sélectionnées, convenablement disposées sur une table de mise en page appropriée, sont reproduites par photographie ou xérographie pour donner les plaques offset d'impression des bibliographies spéciales. Pour répondre rapidement aux lecteurs en leur fournissant de courtes listes de réfésrences les dispensant de se reporter à la collection de la Bibliographie hebdomadaire, un second fichier de référence, sur fiches ordinaires celui-ci, a été constitué. Ses fiches, extraites manuellement, sont reproduites sur notre machine Rank Xerox 914.

On aura noté que, si nos fichiers sont alimentés et tenus à jour automatiquement, leur exploitation à des fins de recherche documentaire peut demeurer entièrement manuelle. Elle est donc complètement indépendante de la charge de l'équipement mécanographique, et demeure possible même en cas de panne de celui-ci.

L'importance des fichiers-auteurs et matières (environ 200 000 cartes par an pour chacun d'eux) limite pratiquement leur exploitation mécanographique à l'année en cours; les fichiers annuels ne seront donc pas fusionnés l'un dans l'autre, et ne seront plus, en principe, traités mécaniquement après préparation des index annuels. Ils pourront cependant être conservés, au moins partiellement, dans la mesure où, à l'expérience, ils se révèleraient nettement plus commodes que les index pour préparer rapidement des listes de références portant sur plusieurs années. Par contre, le fichier de référence (100 000 cartes par an) sera conservé indéfiniment.

A l'exception de la poinçonneuse, les machines de l'installation mécanographique sont relativement peu chargées par le travail hebdomadaire. Aussi envisageons-nous de leur confier progressivement des tâches supplémentaires intéressant divers autres secteurs d'activité du Service de documentation : contrôle des acquisitions, contrôle des prêts, travaux d'inventaire, préparation et mise à jour fréquente de listes documentaires diverses, préparation et mise à jour d'index-auteurs et matières aux publications du C. E. A., etc. L'installation permettra aussi de tenir et d'exploiter, après leur conversion en cartes perforées 40 colonnes, de petits fichiers très spécialisés, mis en dépôt chez nous dans ce but par les chercheurs ou documentalistes qui les ont élaborés.

3,3. Améliorations envisagées.

L'organisation et l'installation actuelles donnent entièrement satisfaction en ce qui concerne la préparation des index de la Bibliographie hebdomadaire et la tenue à jour des fichiers centraux; compte tenu de l'accroissement prévisible du nombre des documents à traiter, elles suffiront dans les quelques années à venir.

Par contre, la solution adoptée pour restituer les notices signalétiques, assez rudimentaire ne l'a été qu'à titre provisoire, faute de mieux, et nous envisageons de la perfectionner dans un avenir relativement proche, en faisant appel à des techniques photographiques plus évoluées. Par exemple, une caméra à alimentation automatique photographierait sur film de 16 ou 35 mm les cartes de référence, pour constituer une bande de référence des notices prises dans l'ordre numérique. Ce film serait monté dans un lecteur-reproducteur approprié, à déroulement continu, qui permettrait d'effectuer la reproduction, après contrôle visuel, des seules notices signalétiques réellement intéressantes de la liste numérique notée dans les index ou délivrée par le fichier mécanographique. Des lecteurs-reproducteurs peu coûteux permettraient d'équiper ainsi efficacement les divers établissements intéressés. On pourrait même songer à les doter d'un dispositif électronique simple permettant la recherche des vues intéressantes par composition de leur numéro sur un clavier. Un appareil un peu plus complexe, directement interrogé par cartes perforées, résoudrait complètement le problème au niveau du Service central de documentation. Les cartes de référence serviraient alors à la confection automatique du film codé, par photographie simultanée de leur zone signalétique et de leur zone perforée, et ne joueraient plus qu'un rôle transitoire dans les recherches mécanographiques : constituer un fichier d'attente, le temps, d'accumuler le nombre de cartes justifiant la confection d'une nouvelle bobine de film.

4. Conclusion

Six mois d'exploitation de la nouvelle organisation, mise en service en janvier 1962, permettent d'affirmer qu'elle répond bien aux exigences initialement posées : l'index-matières hebdomadaire, confectionné en quelques heures, facilite considérablement l'exploitation de la Bibliographie scientifique hebdomadaire par ses lecteurs, et les fichiers mécanographiques généraux, ou les premiers index cumulatifs, permettent de répondre quasi instantanément aux demandes, par une liste numérique de documents, même lorsqu'une comparaison en interclasseuse est nécessaire pour retrouver des documents caractérisés simultanément par plusieurs indices.

La restitution des notices signalétiques intégrales est évidemment plus longue, puisqu'elle exige une étape supplémentaire : l'extraction des fiches de référence, manuelle ou mécanique suivant le nombre des documents répondant à la question. En fait, si l'indexage des documents est convenablement effectué, et la question posée relativement précise, la réponse ne doit signaler qu'un nombre très restreint de documents, et l'extraction manuelle des fiches signalétiques correspondantes est suffisamment rapide. La recherche mécanique des cartes de référence ne sera effectuée, en principe, que pour préparer, périodiquement ou sur demande spéciale, des bibliographies sur des sujets assez généraux auxquels correspondent plusieurs centaines de documents.

Nous insistons sur le fait que notre organisation a été conçue essentiellement pour produire très rapidement et économiquement des index imprimés, tant pour l'information rapide des chercheurs que pour leurs recherches rétrospectives dont ils seront l'instrument principal. Notre installation n'est pas une installation de sélection documentaire; mais l'organisation des fichiers mécanographiques, nécessaire pour confectionner les index cumulatifs, en fait cependant un instrument très efficace de sélection, dont l'efficacité n'est actuellement limitée que par la structure de la classification utilisée. La classification alphanumérique du C.E.A. a été conservée faute de pouvoir élaborer assez rapidement un système plus satisfaisant. Mais la souplesse de l'organisation adoptée, et le dessin des cartes mécanographiques utilisées, permettront sans difficulté, malgré la capacité réduite de celles-ci, de passer ultérieurement à tout autre système d'indexage jugé plus favorable, y compris éventuellement un système à mots-clés.

Illustration
Le jeu de cartes perforées correpsond à une notice signalétique de la Bibliographie scientifique hebdomadaire

  1. (retour)↑  La périodicité hebdomadaire et l'ampleur de la Bibliographie interdisaient a priori d'envisager un regroupement des références par sujets, compte tenu de la condition fondamentale mentionnée plus loin.