États-Unis

Problèmes courants du catalogage aux États-Unis

Wyllis E. Wright

Étude de l'évolution des principes de catalogage aux États-Unis et des tendances vers la simplification des règles qui se sont manifestées notamment en 1953 dans l'étude de Lubetzky. Solutions préconisées par les spécialistes américains sur les divers points qui doivent être examinés par la Conférence internationale

Pour comprendre les sérieuses discussions sur les principes de catalogage qui se poursuivent actuellement aux États-Unis, il faut avoir présentes à l'esprit les grandes lignes des développements qui ont conduit à la tentative présente de révision de notre code des règles de catalogage. Le poids du passé affecte à la fois ce que nous voudrions faire et ce qu'il nous sera possible de faire. Une grande partie des discussions au cours des réunions de notre Comité concerne ce que nous avons appris ou ce que nous aurions dû apprendre au cours de notre expérience du catalogage durant le siècle qui vient de s'écouler.

Les pratiques américaines de catalogage se sont développées en même temps que l'adoption générale dans notre pays du catalogue sur fiches en forme de dictionnaire. Avec l'absence de limitation du nombre de fiches secondaires qu'il était permis de faire et avec le classement dans le même catalogue des fiches de titres et de matières, il n'était pas nécessaire de se préoccuper des entrées dites « naturelles », c'est-à-dire du type d'entrée tirée du libellé arbitraire de la page de titre. De tels types ne subsistaient que dans quelques cas seulement : entrée des procès sous le nom des défendeurs, entrée des comptes rendus d'expéditions scientifiques sous le nom du navire, etc...

Les vedettes de forme, de la catégorie normale dans les catalogues plus anciens, surtout les catalogues imprimés à une seule entrée, furent abandonnés et leurs fonctions assurées en grande partie par les fiches matière qui furent étendues pour couvrir les formes de publication aussi bien que le contenu du sujet. Quelques rares vedettes de forme furent conservées comme sous-vedettes sous les noms des pays - « Lois, Statuts, etc. », « Constitutions », « Traités » - ; sous les noms de villes - « Chartes », « Ordonnances » - et sous les noms de dénominations religieuses - « Liturgie et rituel ».

La théorie de la collectivité-auteur, d'après laquelle les corps organisés doivent être regardés comme les auteurs de leurs publications, a toujours été la pierre angulaire du catalogue américain. Cette théorie a été appliquée, non seulement aux publications purement administratives de tels corps ou aux ouvrages dépourvus de titres distinctifs, mais à toutes les publications dont le groupe peut être considéré comme responsable. Cette théorie fut même trouvée si commode qu'elle fut étendue aux groupes non organisés chaque fois qu'une forme quelconque de verbiage a pu être torturée pour faire une entrée possible.

Un des grands problèmes, lorsqu'on utilise l'entrée à la collectivité, est de décider quelle est la forme sous laquelle le nom devra être exprimé. Certains organismes collectifs sont bien connus sous leurs noms tandis que d'autres sont connus d'abord par le nom de l'endroit où ils ont été situés. Depuis la première édition par Cutter de ses règles de catalogage, les catalographes américains ont pris l'habitude de diviser les collectivités en sociétés qui doivent être entrées sous leur nom et en institutions - caractérisées principalement par le fait que leur implantation matérielle est leur trait distinctif - qui doivent être entrées sous le nom du lieu où elles sont situées. Dans chaque groupe, il y a de nombreuses exceptions, des sociétés plus connues sous le nom de leur siège et des institutions plus connues par leur nom. En particulier durant la période située entre l'apparition des règles anglo-américaines en 1908 et la première apparition de la seconde édition des règles américaines en 1941, les règles traitant des types spécifiques de collectivités se multiplièrent beaucoup, avec des directives pour l'entrée sous le nom ou sous le lieu si enchevêtrées que la première intention de distinguer entre les deux types généraux en était fort obscurcie.

Durant la même période, les règles pour l'entrée des « classiques anonymes » et des livres saints furent élargies afin de permettre le groupement dans le catalogue de toutes les éditions et traductions de ces ouvrages. Concurremment beaucoup de bibliothèques adoptèrent des pratiques analogues pour rapprocher les éditions, ayant reçu des titres variés, des œuvres des auteurs classiques et des auteurs ayant beaucoup écrit, bien que ces pratiques ne fussent pas spécifiées dans le code des règles officiel. Puisque les catalogues systématiques sont presque inconnus aux États-Unis, le regroupement des diverses éditions doit être opéré - si l'on estime qu'il doit l'être - par le catalogue auteurs. Quelques bibliothèques, notamment la Bibliothèque du Congrès, placent toutes les traductions et les diverses éditions sous le titre original au moyen de notes au crayon qui servent de guide pour le classement des fiches dans le catalogue.

Le premier projet de la seconde édition des règles américaines demandait aussi l'emploi des noms complets de tous les auteurs, avec leurs dates de naissance et de mort et une description complète et exacte de la forme physique de chaque publication.

Lorsque ce projet parut, l'administration de quelques-unes des plus grandes bibliothèques protesta parce que les règles étaient inutilement compliquées, que leur application exigeait plus de temps et d'efforts que cela ne se justifiait et augmentait de façon prohibitive le coût du catalogage. Le projet fut là-dessus soumis à nouveau au Comité qui l'avait préparé. A ce moment il s'avéra impossible de simplifier les règles pour l'entrée et celles-ci furent finalement publiées en 1948 comme seconde édition des règles de l'ALA.

Les règles pour la description bibliographique furent déférées à un second comité fonctionnant sous la direction de la Bibliothèque du Congrès et ce comité opéra une simplification rigoureuse, en considérant seulement ce qui serait nécessaire pour identifier une publication particulière et la distinguer d'autres éditions portant le même titre. Bien qu'il s'éleva quelques regrets pour la perte de renseignements précédemment fournis par les fiches, la forme plus simple de description a été généralement acceptée.

La Bibliothèque du Congrès, à peu près à la même époque, prit le parti d'utiliser la forme du nom figurant sur la page de titre au lieu d'établir le nom officiel complet avec dates, ceci à moins qu'il n'y ait « conflit » avec le même nom porté par un autre individu. Cette manière de faire a également été acceptée de façon assez générale mais non universelle, il s'en faut.

Avec le succès des règles descriptives simplifiées s'éveilla l'intérêt pour la possibilité d'une simplification semblable des règles de l'entrée. M. Seymour Lubetzky fut chargé de préparer une critique du code, critique publiée en 1953 sous le titre de « Cataloging rules and principles ». Ce fut assez convaincant et accablant pour conduire à la décision de préparer une nouvelle édition qui serait plus simple et plus cohérente que celle qui la précédait. M. Lubetzky fut invité à jouer le rôle d'éditeur scientifique de cette entreprise.

Les imperfections de l'ancien code parurent si graves qu'il fut décidé, non pas de tenter une révision mais plutôt de repartir à nouveau et de construire un code entièrement neuf. Les nouvelles règles devraient être aussi simples, aussi cohérentes et aussi logiques que possible et devraient manifester les fins pour lesquelles le catalogue est établi. Il a été reconnu depuis le début qu'il sera peut-être impossible d'appliquer un code entièrement nouveau dans l'avenir immédiat, puisque le total des changements nécessaires pour les documents figurant déjà au catalogue pourrait dépasser les ressources des bibliothèques. Toutefois, on jugea préférable d'établir le code le meilleur possible et de faire ensuite les modifications que les nécessités économiques pourraient imposer. En pratique, il n'a pas été possible au cours de notre travail d'exclure la considération du prix de revient, mais un effort est fait constamment pour considérer une règle proposée d'après ses mérites avant de considérer le nombre de changements que son adoption rendrait nécessaire.

L'éditeur scientifique a préparé à titre d'essai de nombreux projets partiels pour des portions du nouveau code, projets qui ont été examinés d'abord par un Comité-directeur de six personnes, puis par le Comité plénier et ses conseillers, en tout environ soixante-dix personnes et finalement par deux « instituts » à chacun desquels prenaient part approximativement deux cents personnes. La discussion a été longue et détaillée et l'unanimité a été rarement atteinte, mais certaines recommandations semblent finalement avoir été adoptées.

Le principe que toutes les éditions et traductions d'une même œuvre doivent être réunies par l'emploi de fiches principales a été proposé par le Comité-directeur mais a été rejeté par le Comité plénier, excepté pour ce qu'on nomme les « classiques anonymes » et pour les œuvres des auteurs classiques et des auteurs qui ont beaucoup écrit. Dans le traitement des autres œuvres, les relations mutuelles des éditions seraient indiquées par des notes et des renvois mais non par des fiches secondaires comme le propose Mlle Verona dans son document de travail de la FIAB.

Les noms des auteurs, auteurs personnes physiques et collectivités-auteurs, devraient être donnés sous la forme employée par les auteurs eux-mêmes dans celles de leurs œuvres qui ont été publiées, excepté si une spécification ultérieure au moyen de dates ou d'autres désignations était nécessaire pour distinguer entre deux noms identiques. Dans le cas de changement de nom des organismes ou dans le cas des périodiques, l'entrée serait faite sous les différentes formes employées successivement, bien que les noms des individus soient utilisés sous la dernière forme adoptée par ceux-ci.

Un problème affectant les catalographes de tous les pays est la méthode appropriée pour les vedettes des noms composés, en particulier les noms avec préfixes, dans les différentes langues. Sur ce point, notre projet de code demande l'entrée conformément à l'usage de la langue dans laquelle écrit l'auteur, sans considérer la nationalité légale de cet auteur. Nous espérons qu'un des résultats de la Conférence de la FIAB sera l'adoption, par les pays qui ne l'ont pas encore fait, de règles déterminées concernant la méthode appropriée d'entrée des noms de leurs propres nationaux et l'accord sur des règles uniformes d'entrée entre les différents pays employant une même langue.

La vieille distinction entre sociétés et institutions a été abandonnée et désormais tous les organismes collectifs doivent être entrés sous leurs noms. Une attention particulière a été accordée aux institutions locales - églises, cimetières, bibliothèques, hôpitaux, musées - qui fréquemment n'ont pas de noms distinctifs, mais il a été finalement décidé qu'une règle simple, ne comportant pas d'exceptions, était préférable. Les organismes gouvernementaux doivent être entrés sous leurs noms si ceux-ci sont intelligibles sans le nom du gouvernement, à l'exception des plus grands corps administratifs, législatifs et judiciaires de chaque juridiction qui seront toujours subordonnés au nom de la juridiction.

Les sous-vedettes de forme doivent être abandonnées. Dans quelques cas, elles seront transformées en « titres normalisés », procédé qui s'est développé avec les années pour le catalogage des partitions musicales et des enregistrements phonographiques et qui consiste à ajouter, en dessous de la vedette d'auteur, un titre arbitraire permettant le classement systématique de documents ne portant que des titres vagues qui ne sont pas facilement identifiables par eux-mêmes. Si le traitement par les « titres normalisés » n'est pas possible, l'entrée sera faite sous le nom de la juridiction seulement.

Les noms des parties subordonnées d'organismes collectifs doivent être traités comme des noms indépendants s'ils se suffisent à eux-mêmes et n'exigent pas le nom de l'organisme supérieur pour être intelligibles. Le critère est la forme du nom seulement, sans considérer l'affiliation officielle.

Des changements aussi considérables que ceux qui sont proposés seront très coûteux à opérer et quelques discussions ont eu lieu sur la meilleure manière de les effectuer, soit en commençant un nouveau catalogue, soit en n'appliquant les nouvelles règles qu'aux vedettes nouvellement établies et en laissant les anciennes sous leur forme actuelle. De la même façon qu'en 194I, beaucoup d'administrateurs avaient estimé qu'ils ne pouvaient supporter les frais d'un changement pour les règles complexes proposées alors, beaucoup estiment aujourd'hui qu'ils ne peuvent faire les frais d'un changement pour les règles simples actuellement en préparation.

Quelques études sont en cours pour déterminer ce qui occasionnera le plus grand nombre de changements et il est possible qu'il soit nécessaire de trouver des compromis, conservant un petit nombre de nos règles actuelles comme exceptions au traitement général des documents similaires, si cela parvient à réduire dans une large mesure l'incidence des changements proposés. Dans de tels cas, on espère que mention sera faite que c'est seulement pour des raisons d'économie que ces règles ont été conservées et non parce que l'on est persuadé qu'elles constituent la meilleure manière possible de procéder.

  1. (retour)↑  Traduit de l'anglais par Mlle M.-E. Mallein, bibliothécaire au Service technique de la Direction des bibliothèques de France.
  2. (retour)↑  Traduit de l'anglais par Mlle M.-E. Mallein, bibliothécaire au Service technique de la Direction des bibliothèques de France.