Une Bibliothèque des jeunes à Villeurbanne

Geneviève Guillien

Description des locaux et de l'équipement de la section des jeunes de la Bibliothèque municipale, inaugurée le 12 décembre I960. Salle de lecture divisée en deux parties : JI (enfants de 6 à 12 ans environ) et J2 12 à 15-16 ans); salle du conte comportant un tableau recouvert de flanelle, un électrophone stéréophonique, etc. Fonctionnement de la bibliothèque et, en particulier, des activités de la salle du conte.

Le 12 décembre dernier, le maire de Villeurbanne procédait à l'inauguration d'une « Bibliothèque des jeunes ».

Elle est située près de l'intersection des rues Louis-Becker et Hippolyte-Kahn, soit à 300 mètres environ de la Bibliothèque municipale dont elle dépend. Le bâtiment neuf qui l'abrite fait partie d'un ensemble de constructions scolaires, mais elle y occupe le premier étage d'un immeuble détaché du Groupe Édouard-Herriot et réservé au logement des instituteurs. Ainsi, de la rue Hippolyte-Kahn, on accède directement à l'escalier de la bibliothèque. Le palier du premier étage offre deux entrées; l'une d'elles s'ouvre sur la salle de lecture, au-delà d'un tambour vitré; par l'autre, on pénètre dans la salle du conte.

La salle de lecture, claire, spacieuse, mesure environ 12,50 m X 7,50 m. Ses murs, de couleurs gaies, bleu, jaune, orange pâles, sont percés de douze larges baies ménagées dans la partie supérieure, à 1,60 m au-dessus du niveau du plancher. Le sol est revêtu d'un linoléum jaspé. Le plafond, insonorisé, est équipé d'un double système d'éclairage. Des tubes fluorescents fournissent une lumière d'ensemble que complètent des lampes incandescentes placées plus bas, et dont les diffuseurs sont coiffés d'abat-jour bleus, verts, jaunes, violets et noirs, autant de notes vives qui se détachent sur la teinte des murs.

Le mobilier est de chêne clair ciré; les sièges sont en rubanyl de couleurs diverses, tressé à la manière d'un cannage, autour d'armatures en tube laqué noir. On a cherché à reproduire ici le jeu d'harmonie des tons qui avait guidé le choix des peintures et celui des abat-jour.

Le long des murs, la totalité de l'espace disponible au-dessous des fenêtres est occupé par des rayonnages à tablettes amovibles. Les surfaces partiellement encombrées par les radiateurs ont été utilisées dans leur partie supérieure : des panneaux d'isorel perforé les recouvrent, qui permettent l'accrochage de plantes vertes ou la fixation d'affiches aisément renouvelables. Ce sont autant de conseils aux lecteurs, de consignes au sujet du rangement des livres, d'indications relatives à leur classement. Cette formule nous a semblé plus vivante, par suite préférable à l'apposition du règlement à l'entrée de la bibliothèque.

C'est également au-dessus des radiateurs qu'ont été fixés, en les isolant de la chaleur, le support mural d'exposition des périodiques, la vitrine des récentes acquisitions et enfin les fichiers.

Près de l'entrée et à proximité du bureau de la bibliothécaire se trouve le service du prêt. Autour d'un meuble bas, pourvu de rayons inaccessibles aux lecteurs, on a disposé le matériel nécessaire au fonctionnement de ce service, le fichier des lecteurs, le registre des inscriptions.

Le plan de la salle de lecture - un rectangle allongé - a permis de la scinder en deux au moyen d'un double épi de rayonnages bas, fixé perpendiculairement au mur et suivant l'axe transversal de la salle. La Bibliothèque des jeunes se trouve ainsi divisée en deux sections, J 1 et J 2.

La première, celle dans laquelle on pénètre aussitôt franchi le tambour d'entrée, est réservée aux plus jeunes, de six à douze ans environ; plus exactement, elle groupe les enfants dont le niveau scolaire est inférieur à la classe de cinquième. On a choisi, pour la meubler, cinq tables rondes. Quatre d'entre elles mesurent 0,66 m de haut; le plateau de la plus grande est à 0,70 m au-dessus du sol.

Les sièges, chaises légères, tabourets faciles à déplacer sans bruit, sont également de hauteurs diverses. L'accès aux rayonnages, le long de l'épi central, a été complété par l'adjonction d'une large marche sur laquelle les enfants peuvent s'asseoir, mais sur laquelle, aussi, ils peuvent se tenir debout afin d'utiliser le plan incliné des pupitres qui forment la partie supérieure du meuble.

On contourne cet ensemble et l'on pénètre ainsi dans la deuxième moitié de la salle réservée aux aînés, de douze à quinze ans. Le niveau scolaire des lecteurs s'étend ici de l'entrée en cinquième à la fin de la troisième (fin du premier cycle). Ce sont parfois déjà de grands adolescents, aussi bien a-t-on cherché à donner au mobilier un aspect plus sérieux. Tables rectangulaires, dont la hauteur est proche de la normale : 0,72 m à 0,75 m, chaises plus importantes que dans la section voisine, tabourets plus hauts. Nous retrouvons le même meuble, délimitant la séparation, équipé de rayonnages profonds et surmonté de pupitres, mais la marche d'accès n'existe pas. C'est dans cette deuxième section que sont placés la vitrine des récentes acquisitions et le panneau des périodiques. Là, également, une bibliothèque groupe des usuels.

Quant aux fichiers, fixés le long du mur au centre de la salle, ils sont accessibles aux lecteurs des deux sections.

On peut s'interroger sur l'intérêt que présentait cette division de la Bibliothèque des jeunes. Était-il indispensable d'imposer aux lecteurs pareil cloisonnement ? Fallait-il souligner ainsi le décalage de niveau de certains livres par rapport à d'autres?

Si nous l'avons cru, c'est parce que l'expérience antérieure nous avait guidé vers cette solution.

En effet, jusqu'au mois de décembre 1960, les jeunes lecteurs ne bénéficiaient, à la Bibliothèque municipale de Villeurbanne, que d'un espace restreint prélevé sur la salle du prêt aux adultes. Là, tous les enfants avaient accès aux mêmes rayonnages, donc aux mêmes livres. A peine, pour les petits, les albums étaient-ils rassemblés dans un meuble plus bas, nettement différencié.

De cette confusion résultait un certain désordre : les plus jeunes encombraient sans profit l'abord des rayons pendant que les plus âgés se réfugiaient dans la lecture d'albums enfantins. Certains d'entre eux désertaient même la bibliothèque, pour ne pas risquer d'y être confondus avec leurs cadets.

Afin d'atténuer cette situation on avait été amené à abaisser jusqu'à treize ans l'âge limite d'inscription à la Bibliothèque des enfants. Mais pour les adolescents de treize à seize ans, le problème délicat du contrôle des lectures se présentait constamment. Les employés chargés de la distribution des livres ne pouvaient le résoudre que de façon superficielle et très empirique. Il en résultait, on le conçoit, d'inévitables inégalités et de fréquentes vexations. C'était, psychologiquement, autant d'erreurs.

Ainsi fut-il décidé que la nouvelle Bibliothèque des jeunes serait dotée de deux sections, la seconde pouvant retenir les lecteurs jusqu'à l'âge de quinze ou seize ans. Les lecteurs ont donc été séparés, compte tenu de leur niveau d'études. Les ouvrages ont été répartis, non seulement en fonction de la difficulté du texte ou de son adaptation, mais encore en considération de la présentation du livre et, notamment, de la valeur de l'illustration. Sur le dos de chaque volume, sur chaque fiche, une lettre placée au-dessus de la cote précise son affectation : J 1 ou J 2.

Telle est, dans son ensemble, la nouvelle organisation matérielle. Mais c'est surtout dans son fonctionnement qu'apparaît l'intérêt de cette division.

Nous considérons que dans le cadre de la première section, la Bibliothèque des jeunes doit, d'abord, éveiller chez l'enfant le goût de la lecture. Le livre, ici, est avant tout source de distraction. Une large place y est faite aux albums et aux contes qui sont séparés des romans et des documentaires. Les grands formats étant plus attirants, c'est pour les recevoir que le long meuble bas surmonté de pupitres a été conçu. Les enfants sont nombreux autour de cette marche qui souligne le domaine des livres très illustrés.

Mais, à papillonner de la sorte, l'enfant risque de prendre l'habitude de la dispersion. Il convient donc de lui apprendre, très tôt, qu'il doit choisir et se fixer, que cette liberté totale dont il dispose, il lui appartient de l'orienter vers tel genre, tel sujet ou tel livre. C'est pourquoi, sur le panneau le plus proche de l'entrée, une phrase l'accueille dans ces termes :

« Jeune lecteur, cette maison est la maison des livres et tous les livres sont « des amis. Il t'appartient de les choisir. Tu entreras discrètement pour ne pas « gêner tes camarades, tu viendras aussi souvent que tu le désires : tu es ici chez toi. »

C'est également dans cette première section que les enfants se familiariseront avec le rangement des livres. On les initie, par petits groupes, aux secrets du classement. Des conseils à ce sujet sont affichés sur les panneaux.

Mais le travail sérieux d'initiation s'effectue grâce à la salle du conte. Elle a été aménagée dans le même esprit que la salle de lecture. Sous réserve de certaines différences qui ont été cherchées - peintures plus froides, sièges plus confortables - on y retrouve le même souci de clarté, d'insonorisation, de moyens d'éclairage et d'affichage.

Il convient pourtant de préciser que, pour accentuer ici le climat de confiance, les tables ont été supprimées ainsi que les bibliothèques en hauteur. Sur les murs, deux panneaux d'isorel disposés dans un angle, au-dessus d'une tablette, sont destinés à recevoir les expositions organisées par les jeunes lecteurs. Un tableau, beaucoup plus important celui-là, occupe toute une paroi. Il est recouvert de flanelle grise, à l'imitation du « flanellographe » de la Bibliothèque de Tours. C'est ce tableau que les enfants animeront à l'heure du conte.

Un écran à projections, un électrophone stéréophonique complètent cet équipement.

Comment les activités de la salle du conte sont-elles organisées ? Elles ont pour but essentiel de ramener l'enfant vers le livre, de l'obliger à le lire entièrement, mais sans heurter pour autant sa personnalité. Nous lui laisserons donc la plus grande part d'initiative. De jeunes stagiaires, élèves d'une école de jardinières d'enfants, participent à ces réunions qu'elles encadrent. Mais leur rôle y demeure très effacé.

Chaque jeudi matin, trois groupes se succèdent dans la salle du conte. Les lecteurs qui désirent en faire partie s'inscrivent à l'avance sur des listes qu'ils établissent ainsi eux-mêmes. Au cours de la première réunion, un bref débat suivi d'un vote, fixe le choix du conte qui va retenir l'attention pendant un certain temps, et c'est tantôt la majorité, tantôt la minorité qui décide. Le jeudi suivant, chacun ayant lu ou relu le texte, on se partage les rôles qui se concrétisent alors sous la forme de silhouettes, dessinées d'abord, découpées ensuite dans de la feutrine. Une nouvelle séance permet le montage, le récit étant fait par l'un des enfants, pendant que ses camarades appliquent leurs silhouettes sur le tableau tendu de flanelle.

Le groupe élargit alors le centre d'intérêt ainsi créé. Au sujet de l'auteur, à propos du pays ou de l'époque dans lesquels se situe le conte, de courtes expositions seront organisées au moyen des livres de la bibliothèque. Par une affiche qu'il rédige lui-même, le groupe, enfin, invite tous ses amis lecteurs à venir visiter l'ensemble qu'il a réalisé.

Et l'on entrevoit les possibilités offertes d'enrichir tout cela par quelque audition musicale ou par une série de projections.

Ainsi l'enfant, à son insu, a noué avec le livre des liens plus étroits. Il a dû choisir, lire et relire avec attention, analyser parfois, résumer l'intrigue, la situer dans son cadre. C'est beaucoup mieux que le simple plaisir de feuilleter un album illustré.

Pour la deuxième section, la bibliothèque n'est plus une simple initiation, elle devient un apprentissage.

Certes, le livre est encore un moyen d'évasion, pourtant l'accent est mis sur son utilité. Dès lors les contes, les images, se confondent ici avec les romans. En revanche, les ouvrages classés sont nombreux et souvent très illustrés. Sur le panneau d'isorel, une table décimale de classification (système Dewey) permet au lecteur d'orienter ses recherches.

Le dernier numéro paru de quelques périodiques soigneusement choisis éveille chez lui le désir d'information.

Il est tenu au courant des récentes acquisitions grâce à la vitrine dans laquelle les derniers livres achetés sont exposés.

Et, pour lui donner la mesure de sa participation à la vie de cette bibliothèque des jeunes, il collaborera, s'il le désire, à l'établissement du graphique placé au-dessus des fichiers et qui traduit les statistiques quotidiennes enregistrées par le service de la bibliothèque.

Enfin, dans la salle du conte, transformée alors en salle de réunion, les lecteurs de la deuxième section auront, eux aussi, la possibilité de se grouper pour choisir un centre d'intérêt. Il servira de thème soit à une exposition, soit à une audition musicale, soit à un commentaire de projections. Dans tous ces cas, le jeune lecteur devra utiliser les sources d'information que la bibliothèque lui offre. Il apprendra à coordonner des recherches dans les catalogues et dans les rayons, à esquisser une bibliographie, à rapprocher le livre et la vie.

Il sera ainsi préparé à bénéficier pleinement de son droit d'entrée au « Cercle des jeunes ». C'est la troisième étape. Elle a été créée dans le cadre de la Bibliothèque municipale en même temps que la « Bibliothèque des jeunes » dont elle constitue le prolongement. Ce Cercle des jeunes, qui tend à rapprocher les lecteurs de seize à dix-neuf ans, correspond au niveau des études du second cycle ; mais surtout il permet aux grands adolescents dont les études sont terminées de demeurer en contact avec une source de culture adaptée à leur âge, à leurs besoins et à leurs goûts.

Il n'est pas dans notre intention d'étudier ici le fonctionnement de ce Cercle. Nous voulions simplement faire mention de son existence parce qu'il est, nous semble-t-il, la transition nécessaire entre la Bibliothèque des jeunes et la lecture publique des adultes.

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