La documentation en géologie

Jean Roger

La définition du champ scientifique que cette documentation doit couvrir apporte aussi quelques réflexions générales sur les principes qu'il est souhaitable de suivre. L'état présent de la documentation géologique dans les différents pays est passé en revue. Avec plus de détail sont exposées les réalisations du Service d'information géologique du Bureau de recherches géologiques et minières en France

Il conviendrait de prendre le mot « document » dans un sens large (tel que le définit J. Muszkowski par exemple 1), surtout en géologie, car de plus en plus l'objet observé, les résultats de son étude plus ou moins confidentiels, les publications synthétiques auxquelles donnent lieu ces résultats, seront étroitement associés dans les travaux de recherches.

Cependant dans le présent article, je ne ferai état que du document « publié » sous une forme plus ou moins classique, c'est-à-dire, en y comprenant les textes accessibles aux intéressés, sous forme de microfilms ou autres procédés de reproduction. La « documentation » (ou mieux peut-être la documentologie) consiste précisément à faire connaître et à rendre accessibles dans les meilleures conditions de rapidité tous les documents nécessaires à une étude donnée.

La liaison entre les problèmes de documentation et toute recherche scientifique fondamentale ou pratique est de tous les temps. Cependant la place que tiennent ces problèmes doit être examinée à chaque époque, compte tenu des conditions contemporaines, puisqu'il s'agit avant tout de faire le point des connaissances acquises à un moment donné, sur un sujet donné, en vue de pousser plus avant la recherche.

Théoriquement par son ampleur et ses méthodes, cette tâche préliminaire doit s'adapter aux conditions, mais, en fait, la documentation n'ayant jamais donné lieu à l'établissement de prévisions, elle se trouve toujours (et de plus en plus) en retard sur « son temps », perdant ainsi une grande part de son efficacité

L'étude sommaire que je me propose de faire de la situation présente dans le domaine de la documentation géologique n'aurait pas de sens si elle n'était pas mise en relation, au moins à titre indicatif, avec les conditions de la recherche actuelle dans les disciplines des sciences de la terre et si elle n'était pas confrontée avec les prévisions possibles du développement scientifique dans les mêmes secteurs.

Insistant sur la notion fondamentale, à mon sens, de la nécessité d'un approfondissement des problèmes documentaires par des organismes spécialisés à un champ de disciplines formant une unité 2, il me faut donc tout d'abord définir cette unité naturelle. La terre, y compris la couche d'atmosphère qui l'entoure 3, constitue cette unité qui sera étudiée en se limitant plus spécialement aux temps géologiques et aux phénomènes directement perçus par les sens ou par l'intermédiaire d'instruments, l'observateur lui-même étant dans une certaine mesure compris dans le but de la documentation. Les subdivisions de cette unité naturelle sont plus délicates à établir car elles se trouvent basées sur des critères de natures différentes donnant des délimitations qui, nécessairement, interfèrent.

A titre indicatif et très sommairement 4 nous pouvons fonder les divisions sur celles de l'objet lui-même et distinguer : atmosphère, hydrosphère, biosphère, lithosphère et intérieur de la terre. Cependant on ne peut éviter d'envisager aussi des catégories schématiquement et essentiellement de trois natures différentes :
a) substantielle, par exemple la minéralogie, la pétrographie, au moins à leur origine, au sens de Wernert;
b) existentielle spatiale, par exemple la tectonique, la géomorphologie, la stratigraphie (nous pourrions évoquer ici le nom de W. Smith pour situer cette catégorie dans l'historique des sciences);
c) existentielle temporelle, par exemple la pétrogénèse, le diastrophisme, l'évolution organique.

Afin de donner une idée des disciplines, de leurs relations et d'un plan de documentation, nous avons tracé le croquis ci-contre (fig. I), sur lequel un cadre en trait continu entoure le groupe de disciplines d'autant plus strictement géologiques qu'elles sont plus proches du centre, ou autrement dit qu'elles ont des rapports plus étroits avec le temps géologique. Les disciplines comprises dans le cadre en tracé mixte considèrent surtout l'état présent du globe, ou tiennent surtout compte de « l'observateur ». Les lignes droites continues ou interrompues signalent les inter-relations essentielles, plus ou moins serrées entre disciplines.

Il semble donc que l'unité des sciences de la terre soit assez nettement délimitée par rapport aux autres groupes de disciplines. Cela n'empêche que la géologie se divise en plusieurs disciplines et que ce phénomène va en s'accroissant. Par contre les connexions entre ces différentes disciplines sont de plus en plus recherchées, elles s'avèrent de plus en plus nécessaires. Il y a, dans ces remarques, une justification nouvelle à la notion fondamentale énoncée ci-dessus: la nécessité des centres spécialisés couvrant un champ scientifique ayant une unité naturelle et n'étant ni trop vaste, ni trop restreint.

Une revue rapide des organismes s'occupant de la documentation géologique apportera une preuve supplémentaire 5.

Nous trouvons d'abord des organismes de documentation s'occupant de toutes les sciences (ou d'un grand nombre) à l'échelle mondiale, de façon plus ou moins complète, plus ou moins superficielle, plus ou moins analytique. Il y a tendance à la création d'un tel centre dans chaque pays. Citons parmi les plus connus : le Bulletin signalétique du Centre de documentation du C.N.R.S. en France, l'Institut d'information scientifique de l'Académie des sciences d'U.R.S.S. avec son Referativnyj Zurnal, un homologue existe en Bulgarie, un autre équivalent pour l'Amérique latine existe à Mexico, etc... Dans ces différents centres et dans leurs publications, la géologie constitue une des sections.

D'autres organismes ou publications sont strictement géologiques ou couvrent une partie plus ou moins grande des sciences de la terre. Leur diversité est considérable et nous ne pouvons qu'en donner une idée. Quatre catégories essentielles peuvent être distinguées :
I° Bibliographies régionales, parfois analytiques, ou simplement signalétiques, ou parfois critiques, pouvant être rétrospectives ou courantes. A titre de simple indication, sans nullement chercher à être complet, je citerai : Bibliographie géologique annuelle d'Amérique du Nord et la même bibliographie pour les pays extra-américains; les bibliographies publiées par la Pologne (annuelle et rétrospective), la Tchécoslovaquie, la Hongrie, les Pays-Bas, le Portugal (sur fiches et rétrospective), la Suisse, Madagascar, l'Algérie, le Maroc, le Sahara, le Congo et Ruanda-Urundi (annuelle et rétrospective), le Brésil, la Nouvelle-Zélande, etc...
2° Bibliographies imprimées, plus ou moins sélectives, sur un sujet donné, généralement annuelles et paraissant avec un retard souvent considérable. Parmi les disciplines donnant lieu à de telles bibliographies, citons : la micropaléontologie (plusieurs bibliographies); les ostracodes; la palynologie (plusieurs bibliographies) ; la spéléologie; la préhistoire; la géophysique (trimestrielle), les mesures de 14C, le Carbonifère, etc...
3° Bibliographies accompagnant les biographies ou les exposés de travaux de candidats à divers postes.
4° Bibliographies de bibliothèques.

Nous devrions citer aussi la multitude des inventaires de périodiques, la foule des dictionnaires plus ou moins spécialisés et plus ou moins bien faits 6, tous moyens qu'un chercheur doit utiliser, ce qu'il tente de faire, mais de façon très imparfaite, il y a trop de dispersion, il ne dispose pas du temps nécessaire, il n'est pas guidé. Il manque un centre spécialisé assurant, aux laboratoires et aux scientifiques, la fourniture des informations et les conseils pour organiser leur propre travail de documentation.

Cependant je crois utile d'exposer avec quelques détails les réalisations développées depuis une quinzaine d'années en France et ayant abouti à la création du Service d'information géologique du Bureau de recherches géologiques et minières.

Bien entendu chaque service géologique, chaque institut, chaque bureau minier, chaque laboratoire et même chaque individu est à la fois utilisateur de documentation et fabricant-organisateur de documentation. Les principes fondamentaux du documentaliste sont valables autant pour l'organisation centrale que pour les organismes plus ou moins restreints, mais le centre doit précisément décharger ces derniers de la part la plus grande possible de fabrication de documentation.

C'est dans cet esprit que sous le nom du Centre d'études et de documentation paléontologiques (C. E. D. P.) commença vers 1945 à s'organiser ce service dont je donnerai très rapidement l'historique. L'union de tous les efforts, en évitant les gaspillages de temps provenant de multiples duplications, devait, dans mon esprit, permettre assez rapidement de forger un instrument de documentation qui manquait en paléontologie et dans les sciences de la terre. Ainsi commença le C. E. D. P:, ainsi s'explique ce nom et sa situation initiale au Museum national d'histoire naturelle. En relation de fait constante avec le Bulletin analytique (signalétique) du C. N. R. S., le C. E. D. P. s'accrut rapidement et, dès 1948, il pouvait se présenter au Congrès géologique international de Londres comme ayant une vocation largement internationale. Le volume pris par le C. E. D. P. nécessita en 1958 son transfert au Bureau de recherches géologiques et minières. Les moyens très importants dont il put alors disposer ont suscité un nouvel accroissement de son activité sous le nom de Service d'information géologique (S. I. G.).

A la fois et simultanément, expérience et réalisation pratique, le S. I. G. a permis de dégager des notions concrètes essentielles que je signalerai d'abord brièvement.

I° La documentation dans le domaine des sciences de la terre est particulièrement abondante et d'une considérable diversité : disciplines, langues, nature des documents et des recherches.

2° La nécessité de relations coordonnées entre les divers organismes de documentation, autrement dit la réalisation d'une structure, est apparue comme fort importante.

3° La conscience des besoins de la documentation n'est claire et sa préparation n'est efficace que si ceux qui s'en occupent ont eux-mêmes pratiqué la recherche scientifique.

4° De même, plus un organisme de documentation joue un rôle central, plus il doit être capable de prévoir les besoins futurs. Là encore la connaissance et une pratique de la recherche sont indispensables à ceux qui dirigent un tel organisme.

En somme, la documentation devrait être considérée comme une discipline scientifique et les documentalistes comme remplissant une fonction scientifique.

Voyons quelles sont les tâches qu'actuellement remplit le S. I. G. :

I° Grâce à un dépouillement suivant un rythme hebdomadaire de la littérature des sciences de la terre, le S. I. G. donne, sous forme de fiches imprimées (format 125 X 75 mm) distribuées mensuellement, une information très rapide et très complète. En outre, ces fiches sont codifiées suivant un plan des sciences de la terre, qui comporte environ 1.200 rubriques et qui est traduit en 6 langues (français, anglais, allemand, italien, espagnol et russe). Cette codification qui tient compte non seulement du titre mais aussi du contenu des articles constitue un premier moyen de tri. La moyenne du nombre des notions extraites de chaque article est de 5.

Grâce à la collaboration des grandes bibliothèques, de divers services et des auteurs eux-mêmes, le S. I. G. porte son dépouillement sur plus de 3.500 périodiques se répartissant approximativement comme suit en tenant compte seulement des principaux :
France..................... 450
Belgique ................... 84
Italie....................... 129
Suisse ..................... 69
Allemagne ................. 200
Pays-Bas ................... 64
Autriche ................... 43
Pays nordiques ..... 110
Péninsule ibérique ........... 82
Est Européen ..... 250
Grande-Bretagne ............ 171
U. R. S. S. ..... 190
États-Unis ................. 361
Canada .................... 68
Asie ....................... 240
Afrique .................... 170
Océanie .................... 9I

La production mensuelle de fiches est indiquée sur le graphique ci-après (fig. 2). La moyenne générale arrive à 2.500 et les derniers mois (septembre, octobre, novembre 1960), le nombre de fiches dépassant 3.600, cette moyenne augmente nettement.

La répartition moyenne dans les différentes subdivisions du plan s'établit comme le montre le graphique ci-après.

Ces fiches peuvent être distribuées chaque mois classées suivant le plan.

2° L'abondance de l'information scientifique même dans un domaine peu étendu est telle que les chercheurs doivent pouvoir effectuer une sélection parmi les références portées à leur connaissance. Les résumés d'auteurs, les condensés, les analyses peuvent remplir ce rôle. Le S. I. G. peut fournir la copie des résumés, des articles signalés, par un signe spécial sur les fiches. Le S. I. G. considère que la préparation des résumés ne doit pas être une fin en soi, mais que les abrégés représentent un moyen de sélection utile.

3° Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour rendre accessibles au chercheur et le plus rapidement possible les articles qui lui sont nécessaires. En même temps ils doivent être rendus directement utilisables. Outre la consultation sur place, les ouvrages peuvent être fournis sous forme de microfilms, de photocopies, etc. En général les recherches de publications correspondant aux fiches courantes sont satisfaites à près de 100 %, car à peu près toutes les fiches sont établies d'après les publications elles-mêmes. En moyenne on peut compter 10 % d'échec en ce qui concerne les références anciennes ou des publications qui ne sont pas parvenues en France. Ces résultats satisfaisants sont possibles grâce à des relations avec des chercheurs de divers laboratoires étrangers, ou, mais plus rarement, avec des organismes de documentation d'autres pays.

Afin de rendre directement utilisables les publications, le S.I.G. possède un service de traductions. Pour que ce secteur joue pleinement son rôle, il faut associer à un prix aussi faible que possible, la rapidité d'exécution. Le S.I.G. effectue des traductions en français sur demande; il prend l'initiative de traductions de périodiques ou de mémoires importants susceptibles de combler des lacunes existant dans la littérature géologique française; il propose aussi des ensembles de traductions sur un thème donné. Afin d'éviter les duplications, le S.I.G. centralise, dans toute la mesure du possible, les traductions effectuées par divers organismes (Service des mines de Madagascar, Service de la carte géologique d'Algérie, Institut français du pétrole, Institut de géographie de la Sorbonne, etc.). Un fichier des traductions géologiques effectuées en anglais dans d'autres pays est tenu à jour. Les travaux traduits sont pour une grande majorité de langue russe (85 % environ). Toutes les illustrations sont reproduites.

Le nombre des traductions nouvelles est suffisant pour alimenter une liste mensuelle. En octobre 1960 la liste complète de ces traductions comportait 2.684 titres, ce qui représente un total de plus de 30.000 pages.

Certaines traductions ont été diffusées sous forme imprimée. Pour la majorité elles sont multigraphiées.

Nous considérons que, surtout dans la situation présente de la recherche en géologie, la fourniture de traductions aux organisations scientifiques doit avoir le sens d'un véritable service public et ne doit pas être laissée aux aléas restrictifs de considérations de prix.

4° Par son service de traductions, le S.I.G. établit un contact très net avec la recherche fondamentale et appliquée. Notamment, le groupement de traductions sur un sujet donné, est une préparation à la rédaction de revues, de mises au point bibliographiques. Cette condensation de la documentation dans des revues critiques périodiques est, en raison de l'abondante littérature, un problème d'ordre international.

Il est intéressant de noter que lors de la XXIe session du Congrès géologique international, la délégation portugaise a proposé la création d'une Commission internationale de documentation géologique.

Les relations avec la recherche sont encore plus accentuées par la participation du S.I.G. à l'organisation de rencontres de spécialistes sur des sujets limités, sous forme de colloques, symposiums, conférences.

5° Une extension de cette activité à l'échelle mondiale se traduit par le rôle que le S.I.G. joue dans la rédaction et la publication de revues telles que le Lexique stratigraphique international et Palaeontologia universalis.

Il n'est pas possible d'entrer ici dans des détails plus techniques des activités du S.I.G., mais ce court exposé suffit pour montrer que les tâches qu'il remplit forment à l'échelle internationale un ensemble coordonné et approfondi.

L'organisation de la recherche à l'échelon mondial semble fortement gênée par le fait qu'il n'est pas possible de prévoir des organismes supra-nationaux qui en soient chargés et qu'on ne peut admettre que très difficilement le financement d'organismes nationaux remplissant ce rôle. Il y a là une situation fâcheuse que je souligne à cette occasion.

Nous tournant maintenant vers l'avenir, voyons quelle est l'évolution prévue pour ce Service d'information géologique.

Les développements actuellement en cours s'orientent en tenant compte de deux groupes d'éléments essentiels : les besoins de la recherche en géologie; les relations économiques.

Particulièrement en France au moment présent, les besoins documentaires des laboratoires de recherches, tant universitaires que ceux des sociétés et compagnies, sont en accroissement considérable, notamment du fait de la multiplication du personnel scientifique. Il va de soi que le nombre de chercheurs augmentant, la documentation augmente et l'accroissement des besoins n'est donc pas simplement directement proportionnel à celui du nombre des travailleurs.

Ajoutons à cela que les études effectuées sont de plus en plus nombreuses du fait de la multiplication de conférences, de colloques sur des sujets variés. On répète souvent que ce nombre considérable, cet afflux de notes, communications, articles est en partie dû à des répétitions. Le fait est certain, mais il est précisément du devoir du documentaliste de rendre malgré tout contrôlable l'ensemble, dans des conditions de temps acceptables pour les chercheurs.

Il y a plus d'ailleurs, car toute communication peut contenir des données qui sont nécessaires pour échafauder les hypothèses, les théories, les idées générales. Il n'y a pas de doute que les recherches dans une série de domaines de la pétrographie, la stratigraphie, la paléontologie doivent maintenant faire appel à une quantité tellement accrue de faits bruts que les méthodes et techniques d'étude utilisées par nos prédécesseurs doivent s'en trouver affectées.

Le problème est étroitement lié aussi aux questions économiques. L'exploration géologique des pays, même ceux d'Europe occidentale est loin d'être terminée, par contre elle est à peine commencée pour d'énormes étendues en Afrique, en Asie et ailleurs. Maintenant on peut s'attaquer, pour des besoins pratiques, à l'étude des fonds océaniques et les possibilités qu'offre la technique sont énormes, leur application à la recherche est simplement une question de crédits.

Il est d'ailleurs très facile, sans enquête prolongée et laborieuse, de se rendre compte de l'accroissement de documentation en géologie qui peut résulter de l'étude plus poussée d'une région en raison de son développement économique. Il suffit pour cela de comparer le volume et la qualité de la production scientifique géologique et paléontologique de l'U.R.S.S. avant 1930 et en 1960.

Nous pouvons donc dire qu'il y a une perspective de moissons extrêmement abondantes de données et c'est certainement en perfectionnant et en modifiant même totalement les vues de la documentation que la recherche fondamentale pourra en profiter.

Des progrès considérables ont été réalisés en géologie (au sens large) depuis une trentaine d'années dans les moyens et les techniques d'observations. Par contre, dans la plupart des domaines, les généralisations, les larges hypothèses, les théories n'ont pas sensiblement avancé et souvent ne sont conservées qu'en raison de l'absence de vues plus satisfaisantes. Cette situation est due, à mon sens, pour une grande part à l'incapacité de réunir, dans un temps suffisamment court, une quantité considérable de données éparses dans une littérature énorme ou issues d'observations nouvelles qu'il faut souhaiter aussi abondantes et précises que possible.

La méthode actuellement utilisée d'analyse des publications par codification devra être poussée à un plus grand degré de finesse. Il est donc nécessaire d'entreprendre l'étude d'une normalisation des concepts, des termes, de leur hiérarchie, de leur sens dans plusieurs langues. A cette fin un groupe pour la Terminologie des sciences de la terre est en création et commence à fonctionner.

Les résultats ainsi obtenus ne seront utilisables que si, en même temps, se trouve résolu le problème de l'usage de machines pour la documentation. En effet le procédé des fichiers habituels, même les méthodes mécaniques de tri de fiches deviennent vite insuffisants quant à la rapidité et se heurtent à des impossibilités matérielles insurmontables quand l'information qu'ils traitent est trop abondante. Nous sommes donc amenés à nous tourner vers les machines électroniques modernes. Il est frappant de constater qu'à ma connaissance on n'a jamais étudié une seule machine en vue de la documentation scientifique, mais que toujours, occasionnellement presque, pour des problèmes spéciaux le plus souvent, on a cherché à adapter, grâce à quelques retouches, des machines prévues dans un autre but. Il semble nécessaire, pour l'immédiat, de poursuivre dans cette voie, mais en effectuant des expériences sur des quantités suffisamment grandes de documentation et dans des secteurs scientifiques variés. Il convient de tenter ces expériences dans un court délai et sur des types de machines divers tant dans leurs principes que dans leur puissance. Le S.I.G. espère pouvoir donner des résultats de telles expériences en 196I.

Enfin plusieurs secteurs des sciences de la terre ont des problèmes propres, notamment ceux relatifs à la taxionomie 7, à sa documentation particulière et aux questions de détermination des unités taxionomiques. Outre les services inappréciables que les machines apporteraient dans ce domaine de la recherche aussi bien en paléontologie qu'en zoologie et botanique, on peut prévoir que des notions beaucoup plus générales seront mises en évidence. Les expériences en ce sens devraient être réalisées au cours de 196I.

Ce programme ne donnerait pas de résultats valables si on ne prévoyait pas le développement ultérieur. On peut concevoir que la préparation de mémoires documentaires se ferait dans un organisme central disposant des machines les plus puissantes. Des machines moins coûteuses pourraient être exploitées par des organismes de recherche à partir de copies de tout ou partie des mémoires du centre. Le même organisme central pourrait aussi fournir des réponses extrêmement rapides aux demandes qui lui seraient adressées. Il faudrait donc, pour lui, prévoir une machine à grande vitesse d'exploitation.

D'ailleurs une véritable éducation des chercheurs serait à entreprendre dès maintenant, car tant l'acuité des problèmes que l'organisation méthodique de leur propre documentation leur sont très souvent étrangères. Il est certain que cela entrerait dans le cadre général d'un enseignement documentologique pour les chercheurs et comportant aussi des conseils pour la rédaction et l'édition.

Ce panorama général rapidement esquissé de la documentation géologique risque d'être très incomplet, et des renseignements venant de divers pays, tenant compte notamment des organismes documentaires que j'ai pu omettre, me seront précieux. Une vue sur l'avenir est esquissée, là nous laisserons au futur le soin d'apporter une confirmation ou un démenti.

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Figure 1

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Figure 2

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Figure 3

  1. (retour)↑  Muszkowski (J.). - Documentation et documentologie. La vie de la science. Varsovie, t. 2, 1946, n° 9-10, pp. 209-225 (trad. Service d'information géologique - S.I.G. - n° 65).
  2. (retour)↑  Les services documentaires couvrant l'ensemble des connaissances de toutes les sciences doivent jouer un rôle coordinateur, indicatif et technique.
  3. (retour)↑  Cette unité n'est évidemment pas dans un isolement absolu et ses relations avec le cosmos sont évidentes. C'est ainsi que dans le plan de documentation du Service d'information géologique, dont il sera question plus loin, figurent, par exemple, une rubrique « rayons cosmiques » et une rubrique « lune ».
  4. (retour)↑  Pour plus de détails voir : Koch (L. E.). - Tetraktys. The system of the categories of natural sciences and its application to the geological sciences. (In: Australian journal of science (suppl.), t. II, 1949, n° 4, pp. I-3I, 2 fig.); Tomkeieff (S. J.). - Geology in historical perspective (In : Advanc. Sci., t. 7, 1950, n° 25, pp. 63-67, 1 fig.); Roger (J.). - Série d'articles 1950-1951. (In : Bull. trimestriel. Centre d'études et de documentation paléontologique (C.E.D.P.), Paris).
  5. (retour)↑  Nous traiterons à part du Service d'information géologique du Bureau de recherches géologiques et minières (B. R. G. M.).
  6. (retour)↑  Je laisse de côté la question des multiples collections d'objets (fossiles ou roches) dont aucun inventaire tant soit peu général n'existe et dont cependant les chercheurs ont bien besoin.
  7. (retour)↑  Beaucoup écrivent taxonomie; l'Académie des sciences a recommandé taxinomie; il semble que l'étymologie indique taxionomie comme orthographe exacte.