La nouvelle Bibliothèque universitaire de Rennes

J. A. Sansen

L'extension de la Bibliothèque universitaire de Rennes, en même temps d'ailleurs que celle de la Bibliothèque municipale qui a longtemps utilisé la même salle de lecture, a été réalisée par tranches successives, sans interruption du service, entre 1956 et 1960. Les liaisons entre magasins, salles publiques et bureaux ont été particulièrement étudiées. Les magasins, répartis sur 8 niveaux, offrent 24 km de rayonnages, et les salles de lecture (salle des périodiques, salle des professeurs et salles de travail) environ 250 places.

Après les années de guerre où elle connut de très près les servitudes matérielles de l'occupation et put craindre à plusieurs reprises pour l'intégrité de ses locaux, la Bibliothèque universitaire de Rennes se retrouvait cependant avec des collections de livres intactes, dans un bâtiment construit au XIXe siècle qui ne paraissait plus menacé que par une précoce vétusté. L'ancien séminaire de Rennes édifié par Labrouste à proximité de la place Hoche, en un quartier que le Second Empire pouvait considérer comme le début de la banlieue et qui est maintenant devenu très central, formait un quadrilatère encore signalé dans tel manuel d'architecture pour la noble simplicité de son plan. Les faces ouest, nord et sud ont été dévolues à la Faculté des lettres qui l'occupe aujourd'hui encore. La face est, prolongée plus encore vers l'est par l'ancienne chapelle, fut affectée à notre Bibliothèque et à sa voisine municipale. Il était tentant de transformer la chapelle en salle de lecture, solution qu'on ne manqua pas d'adopter. Ces locaux avaient l'inconvénient majeur de n'avoir jamais été conçus pour l'usage qu'on en faisait; les magasins de livres surtout étaient peu adaptés à leur fonction, d'autant plus qu'un long couloir les séparait de la salle de lecture. Celle-ci ne disposait d'aucun local voisin où les catalogues puissent trouver place. Quant aux bureaux ils se trouvaient à grande distance de la salle. Bref, le passé ne s'adaptait pas ou mal aux exigences du présent.

Les transformations à prévoir.

Sans doute aurait-on vécu avec ce handicap, si les besoins des générations nouvelles ne s'étaient pas révélés si importants. Elles se pressaient aux portes de l'Université, dès le lendemain de la guerre, avec une insistance qui ne tenait pas seulement à leur nombre, mais encore à un souci de promotion sociale. Cette situation était particulièrement sensible à Rennes, centre d'une région agricole qui s'éveillait largement aux possibilités de la vie moderne. La vocation de l'enseignement supérieur s'en trouvait modifiée en très peu de temps et les bâtiments universitaires devenaient très insuffisants au regard des besoins nouveaux.

C'était le cas pour notre Bibliothèque, mais aussi pour les Facultés dont elle accueillait les étudiants. Pour assurer l'avenir de la bibliothèque, il était nécessaire d'observer de très près les décisions prises dans ce domaine par l'Enseignement supérieur, puisque notre rôle est de fournir à ses recherches une indispensable infrastructure et de compléter par le livre les enseignements magistraux. Ces décisions pouvaient s'orienter, soit dans la voie de l'extension sur place des bâtiments existants, soit vers l'abandon de ces bâtiments pour projeter à quelques kilomètres de la ville un campus universitaire dont la surface au sol ne serait pas chichement mesurée. Tout dépendait de l'exposant dont il convenait d'affecter les accroissements à prévoir. Sans doute le problème se posa-t-il trop vite et avec trop d'urgence pour que la hardiesse ait le temps de faire son chemin dans les esprits. Trois facultés sur quatre décidèrent leur reconstruction sur place, ou sur des terrains tout proches. Il n'était pas question pour la bibliothèque universitaire, fidèle auxiliaire de cet enseignement, d'adopter pour sa part une autre solution.

S'il est permis d'exprimer quelques regrets de n'avoir pu construire à neuf avec la liberté que cette situation autorise, il est essentiel d'observer qu'en tout état de cause et même si les besoins universitaires débordent assez vite du cadre où on avait voulu les maintenir, une partie des Facultés rennaises et des Écoles de statut voisin a pris la décision de rester définitivement dans le centre de Rennes, et qu'il était nécessaire de créer à leur usage un ensemble de salles de consultation assez vaste. Tel qu'il est aujourd'hui édifié, cet ensemble a le grand mérite de comprendre avec notre établissement la Bibliothèque municipale et de constituer ainsi, en plein centre de la ville, un pôle d'attraction culturel qui restera toujours irremplaçable, même si nous souhaitons le compléter à quelques kilomètres de là par des bibliothèques spécialisées, réservées à cette banlieue universitaire dont la création paraît bien imposée par l'ampleur croissante des besoins.

La décision étant prise de reconstruire sur place plusieurs facultés et, pour leur usage, une bibliothèque universitaire, l'agrandissement de celle-ci ne pouvait être différé. En effet, la petite partie de l'ancien séminaire où elle fonctionnait ne suffisait même plus aux accroissements de livres et la salle de lecture était d'autant plus petite qu'elle devait être partagée avec la Bibliothèque municipale. Cette symbiose des deux bibliothèques qui offrait par elle-même de nombreux avantages et qui subsiste aujourd'hui encore à bien des égards, avait cependant été poussée trop loin par le règlement ministériel de 19II qui fixait, jusque dans le détail, toutes les conditions d'une vie commune. Contrairement à ce que bien des lecteurs ont pu croire, les deux établissements n'ont jamais établi entre eux une véritable fusion organique comme c'est le cas à Clermont-Ferrand, mais les conditions matérielles de cette fusion existaient sans que les moyens d'action administratifs permettent de la mettre efficacement en œuvre. Seule la salle de lecture était commune, tandis que les magasins de livres, les catalogues, les statuts et plus encore les méthodes de travail restaient entièrement distincts. Les inconvénients de cette situation étaient d'ailleurs plus sensibles encore pour la Bibliothèque municipale, dont les lecteurs, avec l'afflux croissant des étudiants, se voyaient en fait privés de tout lieu de consultation. En effet, les étudiants disposaient, outre leur nombre, d'un avantage matériel appréciable dans la disposition des locaux : cette salle de lecture n'était accessible qu'à partir de la cour d'honneur de la Faculté des lettres. Il était si simple d'aller entre deux cours à la Bibliothèque universitaire, qu'on pouvait la considérer comme une annexe de la Faculté et occuper toutes les places aussi complètement que dans une salle de cours.

Le nombre des lecteurs ne permettait donc pas de maintenir l'ancien système de la salle de lecture partagée entre deux établissements. Tel était le premier impératif d'un plan d'extension qui devait par ailleurs faire une place raisonnable aux habitudes prises et enfin insérer la bibliothèque dans l'ensemble universitaire en cours de reconstruction dans le centre de Rennes.

Le plan d'extension.

Cette extension sur place était favorisée par une circonstance assez rare : l'existence de terrains disponibles de part et d'autre de l'ancienne chapelle devenue salle de lecture. A peine encombrés par quelques constructions précaires, ces terrains n'avaient jamais été vraiment utilisés. Le hasard des plans d'urbanisme aurait pu faire d'eux un jardin public, mais les architectes les trouvaient encore libres de tout usage définitif : il devenait possible de prévoir de nouvelles salles de lecture et un important magasin de livres.

Dès 1950, le programme des travaux était précisé d'après les nécessités techniques par la Direction des bibliothèques de France. Ce programme recueillait l'approbation de M. le recteur Henry qui allait assumer à partir de cette date les responsabilités permanentes de maître d'œuvre de la construction. Celle-ci fut subventionnée intégralement par la Direction des bibliothèques, puisqu'il s'agissait pratiquement d'un bâtiment d'État. La première tranche de travaux, de loin la plus importante, engageait 285 millions d'anciens francs, qui allaient être complétés en seconde tranche par une centaine de millions.

La conception du plan et sa réalisation sont dues à M. Félix Brunau, inspecteur général des Bâtiments civils et palais nationaux, constamment assisté, à Rennes même, par M. Henry Coüasnon, architecte des Bâtiments de France. M. Félix Brunau eut à cœur de réaliser cette œuvre en complet accord avec les utilisateurs et de s'enquérir constamment des besoins très particuliers que nous cherchions à satisfaire. Si la Bibliothèque universitaire répond aujourd'hui aussi pleinement aux désirs de nos lecteurs, c'est à cet effort de compréhension qu'ils le doivent. Dans cet esprit, une collaboration féconde s'établissait entre les architectes responsables et la Direction des bibliothèques, qui pouvait tenir compte ici de l'expérience faite en d'autres villes universitaires.

Les projets mis au point par M. l'inspecteur général Brunau prévoyaient, en même temps que l'entière utilisation du terrain libre, une refonte complète des bâtiments anciens. Le 6 mai 1952, les plans détaillés établis dans ce sens recevaient l'approbation du Conseil général des Bâtiments de France, mais c'est seulement le 16 février 1955 que le permis de construire était obtenu. Une partie des locaux fut mise à notre disposition dès 1958, et l'ensemble achevé en 1960. Il va de soi qu'il n'était pas facile de faire progresser le chantier tout en maintenant la bibliothèque ouverte au public. Les architectes ont réussi à tenir cette gageure, particulièrement difficile chaque fois que le chantier devait transformer de nouveaux locaux maintenus jusqu'alors en service. La bonne volonté mutuelle a permis de concilier les intérêts des lecteurs et ceux de la construction, mais celle-ci ne pouvait évidemment pas être aussi rapide que si elle avait progressé librement sur un autre terrain.

Le retard initial de 1952 à 1955 était imputable à quelques difficultés matérielles, et, bien entendu également, à la mise au point des dossiers d'adjudication. Mais ce délai indispensable permettait de coordonner notre plan d'extension avec celui de la Bibliothèque municipale, qui fut confié par la Ville aux mêmes architectes. Ainsi put être préservé le lien fonctionnel entre les deux bibliothèques. Celui-ci subsiste, bien qu'il ne soit plus question d'une salle de lecture commune et que chaque établissement dispose maintenant, sur son propre terrain, de toute la place nécessaire à l'implantation de ses services.

Aspects extérieurs.

Quand on visite aujourd'hui la nouvelle Bibliothèque universitaire, on se rend compte à quel point la réalisation de ce plan a fidèlement traduit dans les faits les objectifs initiaux. Cette fidélité est si visible qu'elle donne à notre construction des caractéristiques très précises, parfois déroutantes pour le visiteur non informé, mais très adaptées aux buts poursuivis. Comme dans le passé, on accède à la Bibliothèque universitaire par la cour d'honneur de la Faculté des lettres, puisque l'expérience a montré que cet accès était le plus commode pour les étudiants. Les architectes ont eu à cœur de conserver l'esthétique de cette cour et de ne pas rompre par une entrée monumentale le charme du cloître qui l'entoure. Ainsi des bâtiments aujourd'hui importants sont-ils annoncés par une entrée particulièrement discrète qui laisserait volontiers croire au visiteur qu'il pénètre dans une grande salle de cours de la Faculté : impression dissipée dès qu'il franchit le tambour d'entrée, et découvre la très belle salle des catalogues aménagée dans ce qui fut la chapelle du séminaire, puis notre salle de lecture.

Cette discrétion de l'entrée se retrouve dans le bloc-magasins édifié à l'autre limite du terrain, plus à l'est, en bordure de propriétés privées. Ce quartier de Rennes, tout proche du centre commerçant de la ville, est cependant de construction récente et comporte surtout des villas qui lui ont conservé son caractère résidentiel. Le bloc-magasins, que seule une dérogation a permis de construire assez élevé, sur cinq niveaux au-dessus du rez-de-chaussée, devait trouver place dans cet ensemble urbain sans en détruire l'harmonie. C'était en quelque sorte un tour de force à réaliser, et l'architecte n'a pu y parvenir qu'en éloignant de la rue cette partie plus élevée de nos bâtiments et en l'édifiant en bordure des jardins des villas situées entre la rue de La Borderie et la rue Lesage.

La Bibliothèque universitaire prolonge donc la Faculté des lettres à qui elle emprunte ses moyens d'accès, et s'insère tout naturellement, malgré son élévation relative, dans un quartier résidentiel qu'elle relie précisément à la Faculté. Ce double voisinage, s'il imposait d'un côté comme de l'autre une certaine discrétion destinée à assurer l'unité architecturale, n'a pas empêché la Bibliothèque de se développer beaucoup plus librement dans sa partie médiane, en particulier le long de la rue Lesage où le passant peut admirer une longue façade de soixante mètres dont la partie centrale est occupée par les superbes baies d'une salle de lecture. Cette façade suit la rue Lesage à quelques mètres de distance et en est séparée par une grille complétée par le portail d'accès aux bureaux. L'ensemble, d'allure très classique, se raccorde harmonieusement aux constructions de la Faculté des lettres. Cette belle façade donne une nouvelle valeur au bâtiment ancien dont elle respecte l'inspiration tout en le dotant d'une ampleur qui lui faisait défaut jusqu'ici.

Cette description extérieure permet d'apprécier combien le plan d'extension de la Bibliothèque universitaire a fortement soudé celle-ci à la Faculté des lettres. Il a exprimé mieux encore les liens qui l'unissent à sa voisine municipale : le lecteur qui, franchissant la cour d'honneur de la Faculté, a pénétré dans l'ancienne salle de lecture devenue désormais salle des catalogues, peut y retrouver d'autres visiteurs qui parviennent à cette même salle par le couloir d'accès direct reliant la Bibliothèque municipale à la nôtre.

Salle des catalogues.

Comme on vient de le voir, la salle des catalogues est bien le lieu d'accès à la Bibliothèque. L'ampleur de cette salle, la hauteur inusitée de son plafond, sont dus à sa destination primitive puisqu'il s'agit de l'ancienne chapelle du séminaire. Ces dimensions rendaient difficile un cloisonnement qui aurait permis par exemple d'isoler d'une salle des catalogues proprement dite un hall de circulation en direction des trois salles de travail. Mais on a dû tenir compte, dans la disposition du mobilier, de ces deux fonctions assez différentes remplies par un même local. Dans l'ensemble, les fichiers ont été installés le long des murs, leur consultation étant facilitée par quelques tables légères placées à proximité, tandis qu'une surface assez importante était laissée libre pour que les allées et venues soient canalisées par cet axe de circulation et ne gênent pas les personnes qui consultent les catalogues. En fait, leur travail n'est pas sérieusement troublé car on peut considérer la recherche en catalogue comme un effort intellectuel relativement simple et qui suit des règles assez vite assimilées par le lecteur. En revanche, on a dû renoncer à grouper dans ce même local des bibliographies, dont la consultation exige déjà une attention plus soutenue. S'il était tentant de les rapprocher des catalogues, suivant une pratique généralement très justifiée, il n'était pas moins souhaitable de les écarter d'un lieu de passage. Fort heureusement, la salle des périodiques se trouvait à proximité immédiate, et la place suffisante y restait libre pour accueillir les bibliographies sans les éloigner vraiment de nos fichiers. La salle des catalogues a donc abandonné au local voisin l'une de ses fonctions possibles, mais elle en a retrouvé une autre, plus adaptée à sa situation : pour dégager les tables de lecture, huit pupitres doivent permettre la consultation des cartes géologiques, placées entre un rhodoïd et une surface vitrée éclairée par l'intérieur. Il s'agit là d'une forme de consultation qui se rapproche déjà de l'activité de laboratoire et qui d'année en année prend une importance croissante et apparaît assez peu conciliable avec les méthodes de travail et de contrôle appliquées dans les salles de lecture. Le travail sur pupitre, dans une ambiance moins silencieuse, convenait à ce genre de documents. Les fichiers, placés en bordure de l'axe de circulation, pouvaient avoir ces pupitres pour voisins.

Le sous-sol de la salle a été lui-même aménagé de façon à doter l'ensemble de l'établissement d'un vestiaire important et de toilettes. En outre, de chaque côté de la salle, plusieurs portes marquent l'entrée de petits locaux annexes, vestiges de la construction précédente issus du fractionnement d'un ancien couloir : ils sont mis à la disposition des professeurs ou des personnes dont les recherches ne peuvent être facilement menées à bien dans une salle publique. C'est là en particulier qu'un lecteur de microfilms a été installé.

Les fonctions remplies par cette grande salle sont donc particulièrement variées, mais le tableau en serait incomplet si on oubliait son rôle le plus évident qui est d'introduire vraiment au livre en établissant le contact du lecteur avec le magasin. Sans doute, pour les étudiants tout au moins, ce contact reste-t-il indirect puisque les ouvrages ne sont accessibles que par l'intermédiaire du bulletin remis aux employés, mais il est assuré dans les meilleures conditions d'efficacité. Devant l'entrée du magasin, une grande banque de communication permet aux employés une bonne distribution des livres et se développe en un large mouvement circulaire qui la place à proximité des catalogues; réalisée en chêne clair, elle s'harmonise avec la teinte des fichiers en bois de même essence. Ce mobilier annonce celui des salles de lecture où nous allons maintenant pénétrer.

Les salles de consultation.

En quittant la salle des catalogues pour explorer plus avant la Bibliothèque universitaire, on a le choix entre deux issues placées à chaque extrémité de ce vaste local d'entrée : d'un côté la salle des périodiques qui longe la cour d'honneur de la Faculté des lettres, de l'autre une salle de lecture qui est située à l'opposé du terrain et reste mitoyenne des magasins de livres. Ce choix entre deux orientations différentes s'explique par le fait que nos grandes salles sont groupées en quadrilatère autour d'une cour intérieure de vingt mètres sur vingt-cinq, qui a été délimitée par le plan d'extension là où il n'existait naguère encore que des terrains très peu aménagés. La salle des périodiques et la salle de lecture A, comme nous l'appelons, se développent donc parallèlement, séparées par cette cour intérieure, et sont reliées l'une à l'autre soit par la salle des catalogues où le lecteur a déjà pénétré, soit par une deuxième salle de lecture (dite B), la plus vaste, édifiée à peu de distance de la rue Lesage et qui occupe la partie centrale de notre grande façade sur cette rue.

Si elle ne facilite pas la surveillance, cette disposition des lieux qui était du reste imposée par le terrain n'est pas sans avantage pour permettre une certaine spécialisation des salles. Mais fixons tout d'abord les possibilités offertes aux lecteurs : 60 places pour la salle des périodiques, 74 dans la salle A, 92 dans la salle B. Celle-ci rejoint les Périodiques par un vestibule qui s'ouvre également sur la salle des professeurs de 16 places, aménagée elle aussi en façade de la rue Lesage et placée à proximité de celle des périodiques. Si l'on ajoute qu'un local plus modeste (8 places) a également été réservé aux professeurs dans un étage du magasin de livres, on aura une vue d'ensemble des possibilités de consultation offertes aux différentes catégories de lecteurs. Au total (74, 92, 60, 16 et 8 places), nous pouvons accueillir 250 lecteurs, sans parler des tables mobiles disposées dans la salle des catalogues. En outre, comme on le verra plus loin, le souci d'assurer de bonnes conditions de travail a conduit à fixer actuellement un total de places inférieur à la capacité virtuelle de ces locaux.

Entre les surfaces réservées aux recherches des membres de l'Enseignement supérieur et celles qui sont mises à la disposition des autres enseignants ou des étudiants, la salle des périodiques est appelée à jouer un rôle mixte, encore accru par le fait déjà signalé que les bibliographies y ont été également réunies. On pouvait imaginer de réserver ce lieu de travail semi-spécialisé à certaines catégories de lecteurs. Mais, d'une part l'aflluence des étudiants dans les deux salles de lecture surtout en hiver, d'autre part les inconvénients à la fois administratifs et psychologiques, qui résulteraient de la création de catégories intermédiaires de lecteurs, nous ont amenés à ouvrir largement aux étudiants cet ensemble de locaux si visiblement accessible à tous. Cela n'empêche pas de faire une distinction d'usage entre le local et les documents eux-mêmes : la limite de notre générosité est marquée par la présence dans la salle des périodiques d'un surveillant qui contrôle l'accès aux revues, placées dans un couloir le long du mur du fond, et qui n'en permet la consultation qu'à bon escient. Les fascicules de l'année en cours et de l'année précédente ont pu trouver place ici.

Comme la partie du local laissée libre par les périodiques est occupée par les bibliographies, la plupart des étudiants de licence ne s'y installent qu'en cas de nécessité, et préfèrent en général les deux salles de lecture en raison du grand nombre d'ouvrages usuels plus courants qui y sont mis à leur disposition. Dans la salle A qui longe le magasin de livres ont été placés les usuels de médecine, sciences et droit, tandis que la salle B est réservée aux seuls usuels littéraires, en raison du nombre élevé d'étudiants en lettres qui fréquentent nos locaux tout proches de leur faculté. Une certaine spécialisation est donc instituée, sans être vraiment imposée au lecteur. L'ensemble des deux salles conserve son unité fonctionnelle et c'est là, bien entendu, la partie la plus fréquentée de la bibliothèque, celle où l'étudiant s'installe volontiers pour un travail de plusieurs heures, parfois même de toute la demi-journée. Il n'est pas rare en hiver que toutes les places soient occupées, et c'est alors que la salle des périodiques est appelée à jouer le rôle complémentaire indiqué ci-dessus.

Même pendant ces journées chargées, fatigantes pour le personnel, et où les salles de lecture sont pleinement utilisées, la consultation reste cependant agréable pour le lecteur grâce à l'ambiance de confort et même de calme dont il continue de bénéficier. C'est ici qu'apparaît toute l'efficacité des choix qui ont pu être faits dans le domaine des aménagements intérieurs et du mobilier. Le sol d'abord, qui joue un rôle primordial : un caoutchouc épais, de teinte neutre, étouffe le bruit des pas et donne l'illusion de très rares allées et venues, alors même qu'une sortie de cours modifie sensiblement la composition de la salle. La teinte bleu pâle des murs et des plafonds repose la vue et ne présente aucun obstacle au regard qui s'éloigne un instant du livre. De grandes baies diffusent une lumière naturelle que des stores à lamelles orientables permettent au besoin de tamiser. Pendant les soirées d'hiver, un éclairage d'ambiance indirect suffit à la consultation. Il peut à l'occasion être remplacé par un éclairage direct, fourni par les mêmes lustres, mais les circonstances ont permis de renoncer aux lampes individuelles : cette économie paraîtra sans doute un peu risquée puisque dans bien des locaux les lampes individuelles se révèlent nécessaires à l'usage, mais une formule simplifiée pouvait être plus facilement envisagée pour des salles de lecture comme les nôtres où le plafond et les murs de teinte très claire sont doués d'un grand pouvoir réfléchissant.

Le mobilier proprement dit a été réalisé en chêne clair d'après les plans de M. Arbus, décorateur. Les tables de quatre places peuvent facilement être groupées deux par deux en tables de dix, grâce à l'adjonction d'une allonge médiane. C'est la solution que nous avons en général adoptée, de façon à pouvoir accueillir un plus grand nombre de lecteurs, mais l'allonge reste amovible et l'ensemble de ce mobilier conserve donc une certaine souplesse d'utilisation. Dans tous les cas, il offre à chaque lecteur une surface de travail de 0,92 X o,69 m, et le confort supplémentaire d'une tablette inférieure tenant lieu en quelque sorte de tiroir pour abriter tout ce qui n'est pas indispensable dans l'immédiat (sac à main, porte-documents, journaux, etc...). Les chaises à dossier canné, rembourrées et recouvertes de tissu plastique vert, sont également très confortables. Sur toutes les surfaces murales disponibles, et jusqu'à une hauteur de 2,05 m, ont été appliqués des meubles d'usuels dont les tablettes sont de profondeur et d'écartement variables, de façon à pouvoir placer commodément des livres de dimensions très différentes. Ici encore, comme dans la salle des catalogues, le chêne clair donne à notre bibliothèque sa note dominante : c'est lui qui a été choisi pour les meubles d'usuels, ainsi que pour les tables de lecture, sur lesquelles un vernis spécialement résistant permettra de lutter efficacement contre les taches d'encre. Cet ensemble est complété par les grands lustres qui correspondent exactement au centre de chaque table et dont la teinte bronze médaille reste en accord avec les autres pièces de mobilier.

Un effort très particulier a donc été consenti pour le confort des lecteurs, et l'on a délibérément accepté de sacrifier toute la surface indispensable à ce résultat : sans doute aurait-on pu accroître le nombre théorique de places disponibles en diminuant chaque aire de travail et en transformant en étroits couloirs les allées de circulation. Mais de telles solutions, pleinement justifiées dans une bibliothèque de construction ancienne qui tente de se survivre pendant quelques années encore, ne pouvaient être adoptées dans un établissement neuf qu'en renonçant au but poursuivi, qui est de retenir le lecteur dans un cadre où il perdra enfin la crainte de la consultation sur place et le désir exagéré d'emporter le livre à domicile, et de l'accaparer ainsi pendant une bonne quinzaine de jours sans que ce prêt corresponde à un besoin réel. Cet aspect de la question n'est pas négligeable dans une bibliothèque où de nombreux étudiants recherchent en même temps le même ouvrage, à titre de complément d'un cours. Pour retenir le lecteur, et, grâce à lui, les livres, une installation moderne devait donner à chacun l'aire de travail bien aménagée dont il ne dispose pas toujours dans sa chambre d'étudiant, éviter à tout prix cette impression d'entassement qu'on éprouve en pénétrant dans certains lieux publics et qui décourage par avance tout essai de réflexion sérieuse.

Le résultat recherché a été pleinement atteint dans ces deux salles de lecture. Il l'a été aussi dans la salle des périodiques, troisième lieu de consultation dont le mobilier, sensiblement identique à celui qui vient d'être décrit, est complété par l'installation propre aux périodiques qui retient particulièrement l'attention des visiteurs. L'atmosphère de ces trois salles ne serait pas complètement décrite si on ne mentionnait pas les grandes portes vitrées dont les glaces transparentes permettent toujours au lecteur de reposer plus loin son regard et d'éprouver en quelque sorte l'unité de toute la bibliothèque. Chacune des salles fait prévoir la suivante et se situe facilement dans l'ensemble plus vaste dont elle fait partie. De belles perspectives ont pu ainsi être dégagées.

Magasins de livres et services intérieurs.

Ces lieux de consultation ne vivent que par un contact étroit avec le magasin de livres tout proche, dont l'entrée est marquée par la banque située à une des extrémités de la salle des catalogues, et qui est implanté tout au long de la première salle de lecture, à l'est de notre construction. Comme on l'a déjà remarqué, il s'agit d'un bloc-magasins de type désormais classique, bien isolé de l'ensemble par ses assises architecturales et les garanties de sécurité qu'il présente, et cependant très lié au reste de nos locaux puisqu'il communique d'un côté avec les catalogues, de l'autre avec les services intérieurs qui sont placés à l'articulation des deux salles de lecture. Deux sous-sols, un rez-de-chaussée, cinq étages, constituent un ensemble de huit niveaux de hauteur normalisée (2,10 m), dont chacun peut loger 3 km de rayonnages, si l'on admet une moyenne de cinq tablettes mobiles et une tablette basse. Sur huit niveaux, le total est donc de 24 km, et ces possibilités sont portées à 27 km par l'existence de magasins secondaires en d'autres parties du bâtiment. C'est évidemment beaucoup plus qu'il n'est encore nécessaire pour nos 350.000 volumes actuels, mais certainement pas trop pour un avenir qu'il est déjà permis de prévoir. Ces rayonnages métalliques, facilement réglables par un système de tasseaux, ont pour 9/10 de la longueur totale une profondeur de 22 cm, étendue à 27 cm pour le dixième restant.

Les magasins sont desservis par un monte-charge et des monte-livres placés dans le carré de travail qui les sépare de la banque de prêt et des magasins de la Bibliothèque municipale, tout proches des nôtres et en quelque sorte jumelés avec eux. Ce carré de travail est évidemment très utile aux employés qui disposent ainsi de toute la surface nécessaire à leurs travaux, à l'endroit même où sont assurées les liaisons verticales avec la partie supérieure du bloc-magasins. Les mêmes surfaces se retrouvent tous les deux niveaux (pour leur donner une hauteur de plafond suffisante), et c'est le carré du deuxième niveau qui a été aménagé en local réservé aux professeurs, facilitant ainsi leurs consultations directes en rayon et donnant à la salle des professeurs principale une sorte d'annexe avancée qui permet de la réserver aux recherches plus prolongées.

L'éclairage naturel a été conservé dans les magasins, mais bien entendu dans des proportions assez réduites pour ne pas porter atteinte à une bonne conservation des reliures. Il est complété par l'habituel éclairage incandescent orienté par des réflecteurs métalliques. Le chauffage posait un problème d'autant plus sérieux qu'une bonne ventilation était aussi à prévoir. L'air pulsé permettait d'atteindre en même temps les deux objectifs. Cette formule a donc été choisie pour les magasins de livres, puisqu'on ne pouvait recourir comme dans les salles de lecture à celle du plafond chauffant qui suppose des plafonds assez élevés.

Pour les bureaux des services intérieurs, établis au nord-est de la construction, à proximité des magasins et des deux salles de lecture, un équipement classique par radiateurs a paru suffisant, et cette formule simple donne toute satisfaction au personnel. Pour des locaux de dimensions réduites, elle ne présente que des avantages, permettant surtout, grâce à un réglage facile qui échappe aux mystères du thermostat, une grande souplesse d'utilisation.

Naturellement, le confort n'est qu'une des conditions d'un bon travail, mais il serait ingrat d'oublier que cette construction l'a pleinement assuré à notre personnel. De même que les magasiniers disposent de carrés de travail clairs, spacieux et bien installés, les bureaux du service intérieur réservent une place suffisante à l'activité de chacun et ont été assez fortement compartimentés pour que chaque local ait une destination précise et que les documents ne soient pas soumis à d'inquiétantes interférences. Ces bureaux qui travaillent en liaison constante ne sont cependant pas tous groupés au même étage, car on n'aurait pu disposer d'une place suffisante au rez-de-chaussée. C'est évidemment à ce niveau que se trouvent les bureaux les plus utiles au service public, et ils peuvent l'être d'autant mieux qu'ils rejoignent les surfaces de consultation, à la jonction entre les salles A et B, là où est installé un bureau de contrôle des salles et où des informations peuvent être données aux lecteurs. Il va de soi que cette orientation du public est aussi assurée dans la salle des catalogues où les bibliothécaires et sous-bibliothécaires se relaient auprès des lecteurs, en même temps qu'ils procèdent à l'intercalation des fiches. Ce bref aperçu des activités de nos bureaux montre tout l'intérêt de leur implantation à très peu de distance des salles de lecture en même temps d'ailleurs qu'à proximité immédiate des magasins.

Telles sont les caractéristiques principales d'une installation que nos lecteurs ont découverte progressivement, avec une satisfaction croissante au fur et à mesure de la mise en service des locaux, celle-ci n'étant réalisée que par tranches successives puisqu'il s'agissait d'un plan d'extension sur place.

L'Université de Rennes possède maintenant l'instrument de travail qui lui devenait chaque année plus nécessaire en raison de son propre développement, et qui est à bien des égards la condition des recherches plus spécialisées poursuivies dans le cadre de chaque chaire ou des Instituts. Nous-mêmes seront amenés très certainement à faire effort dans le sens d'une spécialisation plus poussée vers laquelle tend de plus en plus, semble-t-il, l'Enseignement supérieur. Si, comme tout permet de le supposer, certaines facultés peuvent un jour s'implanter en banlieue sur des terrains assez vastes pour changer complètement les dimensions de la vie universitaire, il appartiendra à la bibliothèque d'apporter à chacune son concours. Dès maintenant, tous les éléments sont réunis pour la création d'une section-médecine dont les collections actuellement réunies à la Bibliothèque centrale sont mises à part, dans un des étages du magasin, ont un catalogue distinct et bénéficient d'une dotation budgétaire particulière. Plus récemment, des séries scientifiques ont été ouvertes pour préparer une création analogue dans le domaine des sciences. D'autres fractionnements seront-ils envisagés ? On peut observer à cet égard que le bâtiment de la place Hoche, avec ses trois salles de travail, ses étages de magasin bien séparés et ses magasins annexes, n'est pas dépourvu d'une certaine plasticité. Celle-ci, nous l'espérons, facilitera les conversions ou les extensions que l'Université de Rennes, aujourd'hui en plein développement, obligera sans doute l'actuelle bibliothèque à réaliser dans un avenir plus ou moins proche.