Nécrologie

Louis-Marie Michon

Pierre Lelièvre

Louis-Marie Michon appartenait. à une de ces familles de bourgeoisie parisienne où les traditions de libéralisme et de haute culture sont maintenues avec fidélité. Il était le fils d'un éminent archéologue, Etienne Michon, qui fut pendant de longues années conservateur du Département des antiques au Musée du Louvre.

Élève de l'École des Chartes, il en sortit le 1er février 1922 avec une thèse sur L'Abbaye de Saint-Père de Chartres, Étude archéologique sur l'église abbatiale et les bâtiments monastiques, ce qui marquait une orientation que quelques autres travaux et, notamment, un petit volume sur l'Abbaye de Jumièges, publié en collaboration avec Roger Martin Du Gard, parurent confirmer. Mais l'authentique vocation de Louis-Marie Michon était l'histoire du livre. Il n'était que de le voir manier une reliure précieuse, en commenter l'état, les particularités, les mérites, pour savoir que l'histoire du livre et de la reliure représentait pour lui, mieux qu'un devoir d'érudition - une passion vraie.

Entré en 1932 à la Bibliothèque Sainte-Geneviève et bientôt affecté à la Réserve de cette noble maison, il allait trouver, dans l'exercice même de son métier, l'occasion de poursuivre ses travaux, de développer ses connaissances et d'acquérir une autorité dans l'histoire de la reliure qu'attestent les nombreuses publications qu'il a consacrées à cette discipline. Cette vocation, Pol Neveux l'avait devinée qui, dans le rapport qu'il avait fait en 1925 pour appuyer la titularisation du jeune bibliothécaire, soulignait son goût très vif du métier et la chaleur et l'enthousiasme qui l'animaient pour en parler. Pol Neveux lui prédisait « une carrière laborieuse et attentive de bibliothécaire extrêmement cultivé ». Et c'est bien cette carrière que Louis-Marie Michon a poursuivie à la Bibliothèque Sainte-Geneviève jusqu'en 1945, à la Bibliothèque Nationale un peu plus tard lorsqu'il fut appelé, le 1er juin 1949, à diriger le Département de la musique. Les quatre années qu'il a passées à la Direction des Bibliothèques à la tête du Service technique constituent une sorte d'intermède. Pour l'expliquer, il faut rappeler que notre ami s'était toujours intéressé aux problèmes professionnels et, tout spécialement, à ceux - complexes et parfois délicats - que posent la formation des bibliothécaires et l'orientation de leurs travaux. Pendant une période ingrate et difficile, il avait été appelé par la confiance de ses collègues à la présidence de l'Association professionnelle des bibliothécaires de l'enseignement supérieur. A ce titre, il a siégé entre 1942 et 1944 à la Commission supérieure des bibliothèques. J'ai eu alors l'occasion, en quelques circonstances décisives, d'apprécier les qualités de son caractère : la loyauté, une parfaite honnêteté intellectuelle, une générosité profonde, encore que discrète dans ses manifestations extérieures et, enfin, le courage. Je pourrais y ajouter la modestie, car nul n'a parlé de soi et de ses travaux avec plus de simplicité et de discrétion... Ce sont ces qualités qui firent de lui, au temps où la Direction des bibliothèques, créée en 1944-45, se constituait difficilement et s'appliquait à définir ses tâches et à assumer ses responsabilités tant administratives que techniques, le plus agréable et le plus sûr compagnon de nos travaux quotidiens.

Mais l'administration avait pour lui peu d'attraits, et c'est avec allégement qu'il retourna à ses études préférées et retrouva, dans le commerce des livres, le climat qui était véritablement le sien. Il a publié plusieurs ouvrages et a collaboré à de nombreuses revues : le Bulletin de la Société des antiquaires de France, la Gazette des Beaux-Arts, les Monuments Piot, le Bulletin du bibliophile... Tous ses travaux sont d'une érudition sûre et d'une élégante précision. D'autres mieux que moi en diront les mérites... Ce que je voudrais signaler, ce sont les rares qualités humaines de Louis-Marie Michon, sa fidélité dans l'amitié, sa gentillesse naturelle qui, par une sorte de pudeur, se dissimulaient parfois sous un abord un peu cérémonieux - bref, cet ensemble de mérites et de distinction dont tous ceux qui l'ont connu garderont le souvenir et qu'ils ne pourront jamais évoquer sans une émotion profonde.