Techniques modernes du prêt

Pierre Riberette

Tant que le prêt à domicile dans les bibliothèques est demeuré l'exception ou qu'il a été circonscrit à une catégorie limitée de privilégiés, il ne s'est guère posé de problèmes relatifs à la technique même du prêt et les manuels de bibliothéconomie se bornaient à donner quelques indications pratiques sur la tenue du registre de prêt et le format des bulletins de demande. Ce n'est guère qu'à la fin du XIXe siècle, devant le développement des services de lecture publique dans les bibliothèques municipales anglaises et américaines et l'accroissement du nombre des emprunteurs, qu'on a cherché à substituer à la formule désuète et incommode du registre de prêt des méthodes plus simples et plus expéditives qui simplifiassent à la fois le travail demandé au personnel et les formalités exigées des emprunteurs, sans nuire pour autant à la précision du contrôle.

En 1893, dans une communication présentée devant un Congrès de bibliothécaires 1, Miss Mary Wright Plummer énumérait d'après un article de Klas Linderfelt 2 les diverses questions auxquelles un système de prêt complet devait être en mesure de répondre. Elle n'en dénombrait pas moins de vingt et une, qui pouvaient se répartir en trois grandes catégories, selon que l'on prît pour base de l'enquête : le livre, la date du prêt ou l'identité de l'emprunteur.

Il est cependant évident qu'à moins d'avoir recours à des méthodes très perfectionnées, nécessitant un personnel important et exigeant un temps considérable ou un matériel à la fois très complexe et très coûteux, aucun système ne saurait répondre, avec une même promptitude et une même précision, à des questions aussi diverses que le nombre de livres prêtés en un jour, le nombre d'emprunts auxquels un livre a donné lieu ou la nature des emprunts effectués par un lecteur déterminé, et cela à d'autant plus forte raison que les premières qualités exigées d'un système seront la rapidité, la simplicité et l'économie.

Nécessité sera donc de rechercher, selon le type de la bibliothèque et la catégorie de lecteurs à laquelle elle s'adresse, le système de prêt le mieux adapté aux exigences propres à cette bibliothèque. Dans une bibliothèque d'étude, telle une bibliothèque universitaire, où les livres prêtés sont souvent d'un prix élevé et présentent parfois un certain caractère de rareté, on s'attachera principalement à déterminer à quel usager tel livre a été prêté; dans une bibliothèque de lecture publique, dont la principale exigence est la circulation rapide des livres entre lecteurs, le contrôle portera essentiellement sur la date d'emprunt et par voie de conséquence la date de restitution des ouvrages, étant entendu qu'on aura pris soin de limiter la durée des prêts; enfin, dans des bibliothèques où le nombre de livres par emprunteur est laissé libre ou encore dans de petites bibliothèques où l'on continue à suivre les lectures d'un usager, le contrôle se fera essentiellement à partir du lecteur lui-même.

On ne saurait oublier cependant que l'importance attachée, dans le choix d'un système, à la mise en valeur de l'un ou l'autre des éléments permettant d' « identifier » le prêt ne dispensera pas d'un contrôle portant sur les autres éléments. Dans une bibliothèque d'étude, par exemple, la date à laquelle le prêt d'un volume vient à expiration n'est pas moins importante à connaître que l'identité de son lecteur, si l'ouvrage a fait l'objet de demandes de la part de plusieurs usagers.

Le problème est donc le suivant : comment, d'un système de prêt le plus simple possible, c'est-à-dire n'utilisant, pour le contrôle des prêts, qu'un seul classement - soit par date, soit par emprunteur, soit par livre - extraire subsidiairement les autres éléments d'identification? A cet égard, comme l'a souligné justement Mlle Oddon dans la communication qu'elle avait présentée au Congrès international de la lecture publique tenu en 193I à Alger 3, « le seul matériel qui convienne au système de prêt, grâce à sa mobilité, est la fiche. Elle est l'instrument par excellence du classement et le système de prêt n'est qu'une combinaison plus ou moins ingénieuse de classements ».

La plupart des systèmes utilisés jusqu'à une date récente dans les bibliothèques de lecture publique ont à leur base une fiche qui constitue un témoignage écrit du prêt et peut donner lieu à divers modes de classement : par date, par cote, par ordre alphabétique d'auteurs, etc... Cette fiche pourra être rédigée par le lecteur qui aura inscrit les indications nécessaires (un bulletin de demande en fait alors l'office) ou bien être permanente. Dans ce cas, établie à l'avance par le personnel de la bibliothèque qui n'aura plus au moment du prêt qu'à y reporter le nom ou le numéro d'identification du lecteur ainsi que la date d'expiration du prêt, la fiche du livre pourra porter la mention de plusieurs emprunts successifs. En réalité, dans les bibliothèques de lecture publique où l'on pratique en général l'accès libre aux rayons, on a renoncé à demander au lecteur de remplir de sa main un bulletin de demande et c'est la seconde formule, celle de la fiche permanente, qui est le plus couramment adoptée.

Il n'apparaît pas indispensable de décrire tous les systèmes de prêt utilisés antérieurement aux systèmes à fiches : on se bornera seulement à signaler les systèmes à indicateur, en service à une époque où l'accès libre aux rayons n'était pas encore appliqué dans les bibliothèques de lecture publique et qui, selon James Duff Brown 4, « exerça une attirance néfaste sur les bibliothécaires et retarda plus que tout autre produit de leur perverse imagination, tout progrès dans les bibliothèques pour une durée de plus de trente années ». Le modèle le plus répandu consistait en un vaste panneau comportant un nombre considérable de tiroirs, dont chacun correspondait à un livre de la bibliothèque et qui étaient destinés à contenir des bulletins de prêt mentionnant le nom de l'emprunteur, la date du prêt et toutes autres indications utiles. Les extrémités de chacun de ces tiroirs étaient interchangeables et portaient la cote du livre peinte d'une couleur différente; selon que l'ouvrage était en rayon ou emprunté, le tiroir présentait aux regards du public l'une ou l'autre de ses extrémités. L'usager, après avoir fait son choix dans le catalogue, consultait l'indicateur et demandait à l'employé les livres signalés comme disponibles.

Un système analogue fonctionne actuellement dans certaines bibliothèques pour l'indication des disques. On utilise, comme à Neuilly-sur-Seine, un indicateur du type tableau de planning portant les fiches des disques présents classés dans l'ordre alphabétique. L'emprunteur retire du tableau la fiche correspondant au disque de son choix et la remet à l'employé chargé du prêt; la fiche retourne au tableau dès la rentrée du disque.

Depuis une cinquantaine d'années, deux systèmes à fiches de livre se sont partagé la faveur des bibliothécaires anglo-saxons et ont été adoptés également en divers pays, l'un connu sous le nom de système de Newark et particulièrement répandu dans les bibliothèques américaines, l'autre celui de Brown qui est plus spécifiquement anglais.

Le premier de ces systèmes, auquel la bibliothèque américaine de Newark a donné son nom, bien qu'il ait été en usage aux États-Unis plusieurs années avant d'avoir été utilisé à Newark, fonctionne dans de nombreuses bibliothèques françaises, notamment dans les bibliothèques de la ville de Paris 5. Quant au système de Brown ou Browne, la façon de l'orthographier a fait l'objet en 1955 d'une longue controverse entre collaborateurs du Library association record, M. J. S. Parsonage, « branch librarian » aux bibliothèques publiques de Liverpool, en attribuant l'invention à une bibliothécaire américaine, Miss N. E. Browne, de Détroit, tandis que M. Maidment, de la Bibliothèque de Wesminster, préférait adopter l'orthographe de Brown par référence à l'éminent auteur de nombreux ouvrages de bibliothéconomie qui donna pour la première fois une description détaillée du système dans son Manual of library economy. Cette controverse aurait menacé de se prolonger indéfiniment si un tiers correspondant n'avait demandé s'il n'existait pas de matière plus digne de retenir l'attention des bibliothécaires anglais qu'un E de plus ou moins dans l'orthographe d'un système de prêt. Moins répandu en France que celui de Newark, le système de Brown a cependant été adopté tout récemment à la Bibliothèque municipale de Tours au moment de son installation dans ses nouveaux locaux.

Dans les deux systèmes, dans leur forme la plus commune tout au moins, une fiche portant en tête les références indispensables pour identifier le volume (auteur, titre, cote, numéro d'exemplaire, etc...) est établie pour chaque ouvrage et insérée dans une pochette (ou « coin ») collée le plus souvent sur la face interne du plat inférieur. Au moment du prêt, les fiches sont retirées de leur pochette pour être classées à la fin de chaque journée par ordre de cote dans un fichier derrière une fiche-guide portant la date d'expiration du prêt.

Quand le livre est restitué par le lecteur, la fiche est retirée du fichier et réinsérée dans la pochette; le livre est alors prêt à être remis en rayon. D'autre part, sur une feuille collée à l'intérieur du livre en regard de la pochette, l'employé chargé du prêt aura fait figurer la date d'expiration du prêt, cette indication servant de rappel pour le lecteur et permettant au personnel de la bibliothèque de retrouver plus facilement, au moment de la restitution, la fiche du livre dans le fichier correspondant aux ouvrages prêtés.

C'est essentiellement dans la façon d'indiquer l'emprunteur d'un livre que diffèrent les deux méthodes : dans celle de Newark, le numéro d'inscription du lecteur est transcrit à la main sur la fiche du livre, dans une colonne réservée à cet effet, tandis qu'une autre colonne est réservée à l'inscription de la date d'expiration du prêt; dans le système de Brown, la fiche du livre emprunté est insérée dans une pochette de lecteur ou « ticket » portant le nom et l'adresse de l'emprunteur. Le format de ces « tickets » ainsi que celui des fiches de livre destinées à y être insérées est sensiblement plus réduit, environ 0,05 × 0,08 m, que celui des cartes en usage dans le système de Newark, du fait que les fiches de livres ne comportent pas en général d'espace réservé à la mention de la date d'expiration du prêt et à celle du numéro d'identification de l'emprunteur. L'un des avantages du système est de supprimer tout jeu d'écriture et par suite tout risque d'erreur dans la transcription des numéros.

Chacune des pochettes (ou « tickets ») donne droit au prêt d'un volume et l'usager en reçoit au moment de son immatriculation à la bibliothèque un nombre égal à celui des volumes qu'il est autorisé à détenir en même temps. Ces pochettes peuvent être différenciées soit par leur couleur, soit par les inscriptions figurant sur l'une de leur face et correspondre ainsi les unes aux ouvrages de fiction, les autres aux ouvrages dits « classés », aux livres pour la jeunesse, aux « nouveautés », etc... L'utilisation de telles pochettes, en même temps qu'il permet d'identifier immédiatement l'emprunteur d'un volume, a pour effet, d'une part, de limiter le nombre d'ouvrages accordés à un même usager, d'autre part, de restreindre sa liberté de choix en lui imposant de n'emprunter que des ouvrages de la catégorie à laquelle ses « tickets » lui donnent droit.

Dans le système de Newark, dans les bibliothèques tout au moins où le nombre de livres auquel a droit chaque lecteur est restreint, l'on a recours, pour opérer cette limitation, à une carte de lecteur, sur laquelle on porte, éventuellement au moyen d'un timbre à date, pour chaque livre emprunté, la date du prêt ou de préférence la date d'expiration du prêt; pour un contrôle supplémentaire on fait figurer dans la colonne voisine la date à laquelle ces ouvrages ont été effectivement restitués.

Cependant, le système de Newark simplifié supprime la carte de lecteur avec ses colonnes réservées à l'inscription des dates et lui substitue une carte d'identité que l'usager doit présenter à chaque emprunt et qui porte son nom et son adresse ainsi que son numéro d'inscription à la bibliothèque. Certaines bibliothèques font usage de cartes d'inscription insérées par ordre alphabétique dans des classeurs à fiches visibles conservés à la bibliothèque, d'après lesquels l'employé chargé du prêt inscrit sur les fiches de livre le numéro d'inscription de l'emprunteur. Dans d'autres systèmes enfin, dérivés de celui de Newark, tel le « Detroit self-charging system », on demande à l'emprunteur d'inscrire lui-même son numéro d'identification sur la fiche de livre. Mais, quelle que soit la méthode utilisée, la transcription de ce numéro sur la fiche du livre peut être une source d'erreur. Différentes machines imaginées par des maisons américaines spécialisées dans les fournitures pour bibliothèques 6 n'ont d'autre but - qu'elles fonctionnent mécaniquement ou électriquement - que de substituer à l'inscription à la main du numéro d'identification de l'emprunteur son impression au moyen d'une plaque en relief attachée à la carte du lecteur; ces machines impriment également sur la fiche de livre la date d'expiration du prêt.

Mais le principal reproche que l'on peut faire au système de Newark aussi bien d'ailleurs qu'à celui de Brown, c'est le temps consacré par le personnel de la bibliothèque, lors de la restitution du livre par l'emprunteur, à la recherche dans les fichiers de la fiche correspondante sans laquelle le livre ne peut être de nouveau prêté. Si dans le système de Newark cette recherche peut s'effectuer à des périodes creuses, dans celui de Brown au contraire elle doit se faire en présence même du lecteur, puisque chaque fiche est insérée dans une pochette personnelle à celui-ci, qui seule lui donne droit à un nouvel emprunt; lorsque plusieurs lecteurs se présentent à la fois pour restituer les ouvrages qu'ils ont en leur possession, il en résulte un embouteillage devant le bureau de prêt en même temps qu'une tension nerveuse pénible pour le personnel. Pour réduire cet encombrement, des bibliothécaires ont imaginé de recourir à des pochettes provisoires et anonymes qui sont attribuées aux lecteurs lorsqu'ils restituent leur livre dans les périodes de pointe et dispensent ainsi le personnel de rechercher immédiatement dans les fichiers les pochettes établies à leur nom. Ces pochettes anonymes leur permettent au même titre que les autres d'effectuer de nouveaux emprunts, mais si les opérations au moment même de la rentrée des livres sont simplifiées, le travail du personnel se trouve en réalité accru. Ailleurs on a recours à des carnets de coupons ou à des cartes de tickets détachables, chacun de ces coupons ou de ces tickets donnant droit au prêt d'un volume et portant le numéro d'identification du lecteur. Ils sont classés avec la fiche du livre et il n'est pas nécessaire de les restituer à l'usager lorsque celui-ci rapporte les ouvrages prêtés.

Mais, dans la voie de la simplification des opérations de prêt, c'est le « token system » introduit en 1954 à la Bibliothèque publique de Westminster, à Londres, par son directeur, M. McColvin, qui constitue sans doute l'étape la plus avancée 7. Au moment de son inscription à la bibliothèque, le lecteur reçoit trois jetons correspondant au nombre de volumes qu'il a le droit d'emprunter simultanément ainsi qu'une carte de lecteur renouvelable chaque année et qu'il doit présenter lors de chaque emprunt à l'employé chargé du prêt afin de justifier qu'il est en règle.

Lorsqu'il retire des livres de la bibliothèque, l'usager donne un jeton par volume emprunté; ces jetons lui sont rendus quand lui-même restitue les livres. Comme dans les systèmes de Newark et de Brown, la date d'expiration du prêt est inscrite sur une feuille collée à l'intérieur du volume ce qui permet à la bibliothèque de percevoir les amendes infligées aux lecteurs retardataires, mais ce n'est qu'au moment de la restitution que ceux-ci peuvent être décelés, puisqu'il n'est effectué de contrôle ni des livres prêtés, ni de leurs détenteurs. En fait, le seul moyen de contrôle dont dispose la bibliothèque s'exerce lors du renouvellement annuel de la carte de lecteur; pour que celle-ci soit validée pour une nouvelle année, l'usager doit en effet justifier de la possession de trois jetons correspondant aux trois livres qu'il est autorisé à emprunter. Une amende de 10 shillings est perçue par livre ou jeton perdu; d'autre part, il est tenu registre des récidivistes afin d'éliminer les emprunteurs de mauvaise foi qui entreprendraient, selon l'expression de M. McColvin, de se constituer une bibliothèque personnelle aux dépens de la bibliothèque publique.

Les lacunes du système sont évidentes et M. McColvin ne cherche pas à les nier : en effet le « token system » ne permet ni d'identifier l'emprunteur d'un ouvrage, ni de déterminer la date de restitution de cet ouvrage, ce qui a notamment pour conséquence d'interdire tout envoi de lettres de rappel aux lecteurs retardataires. En outre, il laisse aux fraudeurs la faculté d'obtenir la validation de leur carte en présentant lors du renouvellement annuel les jetons ou les livres qu'ils auront empruntés provisoirement à des amis ou à des parents 8.

Tel que, le système paraît devoir fonctionner depuis 1954, à la satisfaction du personnel et des lecteurs de la Bibliothèque publique de Westminster. Le nombre des employés chargés du prêt a pu être réduit de façon sensible; celui des livres perdus ou détériorés ne s'est pas accru dans des proportions aussi considérables qu'il était à craindre. Quoique M. McColvin se soit défendu de recommander l'extension de ce système à d'autres établissements, le « token system » a été adopté dans diverses bibliothèques anglaises avec de légères modifications, notamment à Worthing (Sussex) 9.

Le principal impératif dans les bibliothèques de lecture publique étant, nous l'avons dit, une circulation rapide des livres entre lecteurs, il importe qu'à l'expiration de la période de prêt il soit possible de procéder au pointage des emprunteurs retardataires en vue de leur adresser des lettres de réclamations pour les volumes qu'ils ont en leur possession. Les systèmes de prêt à fiches de livre offrent cette possibilité en raison du classement dans un fichier conservé à la bibliothèque des fiches correspondant à chaque journée de prêt; mais comme ces fiches sont destinées à être réinsérées dans les livres lors de la restitution de ceux-ci, il convient de pratiquer un sous-classement des fiches par ordre de cote afin d'en permettre une recherche plus facile.

Dans les systèmes à « transaction cards » ou à « transaction numbers » que nous allons maintenant passer en revue, les prêts sont numérotés à la suite dans l'ordre même où ils ont été enregistrés et, du fait qu'aucun sous-classement, par ordre de cote, n'est effectué, c'est le seul numéro d'enregistrement (« transaction number ») qui permettra de les identifier. Ce numéro d'enregistrement doit donc de toute évidence être porté à l'intérieur du volume au moment du prêt. On utilise couramment dans ce but une « transaction card » ou carte numérotée d'enregistrement établie à l'avance et portant en même temps que la date de restitution le numéro d'enregistrement du prêt. Cette carte, dont le format doit être assez grand pour qu'elle puisse être utilisée plusieurs fois, est insérée au moment du prêt à l'intérieur du volume dans une pochette (ou « coin ») identique à celle qui est en usage dans les systèmes de Newark et de Brown. Au retour des volumes, les « transaction cards » sont retirées de leur pochette pour être reclassées ensuite à l'expiration de la période de prêt dans leur ordre numérique. Toute « transaction card » dont l'absence a été constatée correspond à un ouvrage qui n'a pas été restitué en temps voulu par son emprunteur. Il suffira dès lors de se reporter au numéro sous lequel le prêt a été enregistré - grâce à l'un ou l'autre des procédés que nous allons indiquer - pour déterminer à la fois le titre du livre et l'identité du lecteur.

Les principaux éléments qui servent au contrôle et à l'enregistrement du prêt sont le nom et l'adresse de l'emprunteur d'une part, la cote, le titre et l'auteur de l'ouvrage emprunté d'autre part. Il est évident qu'on pourrait se contenter de les reporter à la plume sur un cahier dont chaque ligne serait numérotée et réservée à l'enregistrement d'un ouvrage prêté. Un tel procédé avait d'ailleurs été préconisé dès 1886 par W. K. Seston et peut être considéré comme l'ancêtre des systèmes à numéros d'enregistrement. Les prêts inscrits sur un registre journalier étaient numérotés à la suite et le même numéro, au lieu de figurer sur une « transaction card », était reporté sur la carte du lecteur, permettant ainsi un contrôle facile de la restitution des livres prêtés par le rapprochement des deux numéros : celui de la carte du lecteur et celui du registre de prêt. Mais il est évident qu'une transcription à la main des éléments du prêt est longue et fastitidieuse et qu'elle va à l'encontre du but actuellement recherché par les bibliothécaires, qui est de réduire au maximum le temps consacré aux opérations du prêt et les écritures nécessitées par celles-ci.

Aussi s'est-on orienté au cours de ces dernières années vers un enregistrement du prêt par des procédés modernes que les techniciens de la reproduction photographique, phonique, ou même thermique ont sans doute inventés pour d'autres besoins que ceux des bibliothèques, mais qui n'en ont pas moins prouvé leur efficacité dans le cas particulier des opérations du prêt.

Si le système photographique communément appelé « photo-charging » est le plus connu - et le plus répandu aux États-Unis - des systèmes à « transaction card », tous ces systèmes fonctionnent selon des principes identiques, quel que soit le procédé utilisé pour l'enregistrement des prêts : caméras, appareils à dicter ou simplement fiches numérotées rédigées à la main par le lecteur lui-même.

Dès 1940, à la Bibliothèque publique de Gary (Indiana), M. Ralph R. Shaw, l'un des adeptes de la mécanisation et de l'utilisation de la photographie dans les bibliothèques 10, mettait en service un appareil de prise de vues pour l'enregistrement des prêts, mais ce n'est guère qu'à partir de 1947 que l'emploi de caméras à cet usage s'est répandu dans les bibliothèques publiques américaines et canadiennes.

Le fonctionnement d'un système de prêt photographique est des plus simples; les pièces à photographier sont au nombre de 3 : a) la carte du lecteur ou à défaut tout autre papier portant son nom et son adresse; b) une pochette collée à l'intérieur du livre sur laquelle ont été inscrits cote, nom de l'auteur et titre et qui est destinée à recevoir la « transaction card » (il est à noter que certains appareils photographiques utilisent une fiche de livre portant ces mêmes indications, mais qui, à la différence de celle dont font usage les systèmes de Newark ou de Brown, rejoint immédiatement la pochette du livre après avoir été photographiée); c) enfin la « transaction card » numérotée et datée à l'avance. Ces trois éléments sont photographiés simultanément; la « transaction card » est insérée dans la pochette et l'emprunteur est alors libre d'emporter sans autre formalité l'ouvrage qu'il a choisi sur les rayons. Les opérations de prêt n'ont pas duré plus de trois à quatre secondes.

Certaines caméras (le « Remington Rand photocharger ») utilisent du papier photographique qui fournit des reproductions réduites d'environ 40 % par rapport à l'original 11; d'autres, telles le « Recordak junior » ou la caméra « Diebold », un rouleau de microfilm, ces appareils faisant également office de lecteurs de microfilm. Ce sont ces rouleaux de papier photographique ou de microfilm qui permettront, après développement, de déceler, d'après les numéros des « transaction cards » absentes à l'expiration de la période de prêt, les emprunteurs défaillants.

Les systèmes de prêt par enregistrement phonique (« audio-charging ») fonctionnent selon des principes identiques à ceux des systèmes photographiques; ils utilisent des appareils à dicter auxquels l'employé chargé du prêt dicte les différentes données nécessaires à l'identification du prêt. Ce procédé offre, semble-t-il, moins d'avantages que le « photo-charging » du fait qu'il est difficile de repérer exactement, sur la bande sonore ou sur le disque, l'endroit exact auquel un prêt a été enregistré. En outre, certains lecteurs se sont émus que leur nom, leur adresse, le titre même des ouvrages qu'ils empruntent soient énoncés à haute voix. Il semble que ces systèmes conviennent plus particulièrement, en raison du faible encombrement de l'appareil, à des bibliothèques circulantes du type bibliobus où ils deviennent d'un usage de plus en plus fréquent.

Quant aux systèmes utilisant des procédés de reproduction thermique 12, leur mise en service est encore trop récente pour qu'il soit possible de juger de leurs avantages et de leurs inconvénients. Un dispositif spécial fixé à l'appareil permet le découpage automatique en fiches du rouleau de papier thermosensible sur lequel ont été enregistrés les prêts et le classement de ces fiches dans l'ordre numérique.

On doit encore noter l'emploi, comme fiches de livre et cartes de lecteurs, de plaques en métal ou en matière plastique 13 identiques à celles qui sont utilisées dans les adressographes. La fiche du livre et la carte du lecteur sont insérées simultanément dans une presse à main qui reproduit leurs indications sur une troisième carte numérotée destinée à être classée à la bibliothèque dans un ordre numérique. La fiche est ensuite réinsérée dans la pochette du livre en même temps qu'une « transaction card », et la carte restituée au lecteur.

Enfin dans certaines bibliothèques où l'usager est obligé de remplir un bulletin de demande ou une fiche de prêt pour les livres qu'il emprunte, ce sont ces bulletins ou ces fiches, affectés du même numéro d'enregistrement que les « transaction cards » et classés dans un ordre numérique, qui permettent le contrôle des prêts. Cette procédure paraît convenir plus particulièrement à des bibliothèques d'étude où l'on demande à l'emprunteur un témoignage écrit; dans les bibliothèques publiques, celles tout au moins où l'usager a été habitué par les systèmes de Newark ou de Brown à laisser le personnel effectuer toutes les opérations du prêt, on peut craindre que l'obligation nouvellement imposée de remplir même sommairement des bulletins de prêt n'apparaisse comme une brimade. Il est à signaler qu'un tel système est déjà utilisé en Europe, notamment à la « Gedenk-bibliothek » de Berlin qui fonctionne, il est vrai, selon des méthodes en grande partie importées d'Amérique.

On peut considérer le système à « transaction numbers » décrit par M. Léo R. Rift 14 comme une variante intéressante des systèmes à « transaction card » utilisant des bulletins de demande rédigés par l'emprunteur. L'auteur propose l'emploi d'un dateur couplé avec un numéroteur permettant d'imprimer deux fois le même numéro (« transaction number »), la première fois sur le bulletin de demande, la seconde sur une feuille insérée à l'intérieur du volume, du type de celles qui sont utilisées dans les systèmes de Newark et de Brown pour recevoir la date d'expiration du prêt. Lors de la restitution du livre emprunté, on fait usage de listes établies à l'avance relevant tous les « transaction numbers » ayant servi pendant une période déterminée : il suffit que l'employé coche à la fois sur cette liste et sur la feuille insérée à l'intérieur du volume le « transaction number » correspondant au prêt, le livre peut alors être remis en rayon. Tous les numéros qui n'auront pas été cochés à l'expiration de la période de prêt correspondent à des livres qui n'ont pas été restitués dans les délais imposés. On pourrait d'ailleurs envisager l'utilisation de « transaction numbers » dans d'autres systèmes primitivement conçus pour fonctionner avec des « transaction cards » et plus particulièrement dans les systèmes audiophoniques.

Le principal avantage d'une telle procédure est d'éliminer les « transaction cards » qui courent souvent le risque d'être égarées par les lecteurs et dont le classement dans l'ordre numérique à partir d'une certaine quantité constitue pour le personnel une besogne non moins fastidieuse que la réinsertion des fiches dans leur pochette, reprochée aux systèmes de Newark et de Brown. En outre, des erreurs, dues aussi bien à la fatigue qu'à la distraction des employés chargés de ce travail, peuvent intervenir dans les séquences numériques et il arrive de ce fait que des réclamations soient adressées à des lecteurs parfaitement en règle avec la bibliothèque.

Aussi préconise-t-on de plus en plus l'usage, en guise de « transaction cards », de cartes perforées dont les perforations correspondent d'une part au numéro de la « transaction card » et d'autre part à la durée du prêt, dans les bibliothèques tout au moins où celle-ci varie selon la nature des ouvrages prêtés : romans, nouveautés, documentaires, livres pour la jeunesse.

L'impression et la perforation sur la « transaction card » de ces diverses indications peuvent s'effectuer automatiquement au moyen de machines perforatrices-imprimeuses du type IBM qui impriment directement sur la carte la date de restitution ainsi que le numéro d'enregistrement du prêt; mais, dans ce cas, la « transaction card » ne peut servir qu'une ou à la rigueur deux fois; de même, le classement des cartes dans leur ordre numérique peut être effectué par une machine trieuse, mais le coût de l'équipement est très élevé et il semble préférable d'utiliser des cartes à perforation marginale et à sélection manuelle du type McBee Keysort.

L'emploi de cartes perforées ne se limite pas seulement aux « transaction cards » ; on peut les trouver également utilisées aussi bien comme bulletins de demande que comme fiches de livre. Il est ainsi possible tout en adoptant un classement unique pour ces fiches et ces bulletins - par cote par exemple - d'obtenir des informations sur la durée et la date d'expiration du prêt. Les perforations et le tri peuvent être exécutés à la main ou par le moyen de machines 15.

Mais dans le domaine de la mécanisation, c'est le système IBM utilisé depuis 1940 à la Bibliothèque publique de Montclair (New Jersey) qui constitue la réalisation la plus perfectionnée, si perfectionnée et si coûteuse à la fois qu'aucune autre bibliothèque ne l'a adoptée depuis. Ce système utilise des cartes perforées à la fois comme fiches de livre et comme cartes de lecteur. L'opération du prêt s'effectue par l'insertion de ces deux cartes dans une machine spéciale (« control machine ») qui reproduit sur une fiche de prêt les indications portées sur toutes deux, à savoir : en ce qui concerne l'emprunteur, son numéro d'inscription, son adresse, son âge, son sexe, son degré d'instruction, sa profession, etc. - en ce qui concerne le livre, sa cote, son numéro d'entrée, sa date de publication, son prix d'achat, etc. La machine reproduit également sur la fiche de prêt les indications de la durée et de la date d'expiration du prêt ainsi qu'un numéro d'ordre. Au moment de la restitution, la fiche du volume prêté qui a été conservée pendant toute la durée du prêt dans la pochette du livre est insérée à nouveau dans la « control machine » qui produit une fiche de retour. Les fiches de retour sont ensuite mélangées aux fiches de prêt dans un « collator » qui sépare automatiquement les fiches correspondant à des ouvrages qui n'ont pas été restitués de celles pour lesquelles des fiches de retour ont été établies. Rapidité des opérations de prêt, précision et sûreté dans l'établissement des statistiques, élimination de tous risques d'erreurs, tels sont quelques-uns des avantages procurés par le système. Il est certain que celui-ci constitue à l'heure actuelle le plus perfectionné, le plus complet et le plus expéditif à la fois de tous les systèmes utilisés pour le prêt et le contrôle des livres. Mais on doit noter que son adoption ne saurait se concevoir que dans la mesure où la plupart des services d'une bibliothèque utilisent eux aussi la mécanographie dans leurs opérations journalières et où de ce fait les machines nécessaires peuvent servir à plusieurs fins : commandes et acquisitions de livres, catalogage, établissement et interprétation des statistiques, etc...

Si les systèmes à « transaction card », qu'ils utilisent ou non des cartes perforées, ne sauraient fournir des indications aussi complètes qu'un système tel celui de Montclair mettant en œuvre toutes les ressources de la mécanographie, ils offrent par rapport aux systèmes traditionnels de Newark et-de Brown des avantages qu'on ne saurait nier : ils réduisent considérablement le temps consacré par le personnel aux diverses opérations du prêt et, dans les bibliothèques ayant un effectif important, ils permettent de diminuer de plusieurs unités le nombre des employés affectés à ce service. Les risques d'erreurs dans la transcription des numéros des cartes de lecteur sont supprimés. Enfin, le fait de posséder la trace - sous forme de microfilms, de bandes sonores ou de bulletins de demande - des prêts effectués élimine en grande partie les contestations qui peuvent survenir avec les emprunteurs.

En regard des avantages, il convient également de signaler les inconvénients. Nous avons vu qu'un classement défectueux des « transaction cards » risque de provoquer des erreurs dans l'envoi des lettres de réclamations aux lecteurs retardataires. En outre, l'utilisation d'un système à « transaction card » réduit sensiblement les moyens de contrôle dont disposait la bibliothèque dans les autres systèmes à la fois pour limiter le nombre des livres empruntés par un même usager et pour déterminer le détenteur d'un ouvrage, tant que la date d'expiration du prêt n'est pas échue; de ce fait, il devient difficile de « réserver » un ouvrage à l'intention d'un lecteur qui en fait la demande. Les « transaction cards » ne permettent pas davantage l'établissement de statistiques suffisamment précises des livres prêtés selon leur répartition dans les principales catégories de la classification décimale. Enfin, du fait de l'absence de toute fiche de livre, il n'est pas possible de juger de la fréquence d'emprunt d'un ouvrage.

Divers moyens ont été préconisés pour pallier ces inconvénients : par exemple, l'attribution à chaque lecteur d'un certain nombre de « tickets » ou de jetons correspondant à celui des livres qu'il a le droit de détenir simultanément. En ce qui concerne les statistiques, dans certaines bibliothèques où un système photographique est en service, un employé procède au pointage en fin de mois ou à des périodes creuses en consultant le rouleau de microfilm, mais cette pratique valable pour un système photographique ne l'est guère pour un système phonique; en outre, le temps demandé par ce pointage et l'ennui qui peut résulter d'un tel travail suffiraient à le faire déconseiller dans tous les cas. Ailleurs, au moment du prêt, l'employé se sert d'un tabulateur pour noter, par exemple, le nombre des ouvrages documentaires. La différence entre le chiffre total de la circulation journalière et celui des ouvrages documentaires fournit le nombre de romans qui ont été prêtés. Enfin, pour juger de l'utilisation d'un livre, il est toujours possible de porter au moyen d'un tampon, lors de sa restitution par un emprunteur et avant sa remise en rayon, une marque sur une feuille collée à l'intérieur du volume.

Si les lacunes que présentent les systèmes à « transaction card » pour le contrôle et la statistique des prêts sont réelles, on ne doit pas cependant en exagérer l'importance. L'introduction dans des bibliothèques modernes de tels systèmes correspond à une évolution dans la conception du rôle de la bibliothèque à l'égard de ses lecteurs. Ceux-ci étaient en effet considérés jusqu'à une époque récente à la fois comme des mineurs en tutelle dont il convenait de diriger et même parfois de surveiller les lectures et comme des délinquants en puissance qu'il fallait à tout prix empêcher de mettre au pillage les collections. L'institution de l'accès libre aux rayons supprima quelques-unes des entraves qui leur étaient imposées, mais l'expression personnelle de leur choix était encore contrôlée par la limitation du nombre de livres qu'ils pouvaient emprunter et l'obligation d'emporter certains livres d'une catégorie déterminée. Les systèmes à « transaction cards » laissent au lecteur la plus grande liberté qu'il soit possible de lui accorder en même temps qu'ils contribuent à simplifier les opérations du prêt.

Le principal impératif dans une bibliothèque doit être l'efficacité : dans des bibliothèques où à de certains jours plus de 2.000 volumes sont prêtés, il est à peu près impossible, à moins d'affecter à cette tâche la quasi-totalité du personnel, d'effectuer un contrôle aussi complet que dans des établissements où la moyenne journalière des prêts s'établit autour de 100 volumes. D'autre part, dans la mesure où le nombre de volumes qu'un même lecteur est autorisé à emprunter simultanément n'est pas limité par l'insuffisance du stock, à la politique de dirigisme qui se traduisait par la limitation du nombre de volumes et notamment de livres de « fiction », les bibliothèques ont tendance à substituer une politique plus souple qui, au lieu d'imposer à l'usager l'emprunt de livres documentaires, procède par insinuation ou par suggestion. C'est ainsi que des livres réputés peu accessibles - le plus souvent à tort - à un public populaire feront l'objet d'expositions temporaires soit en vitrines, soit sur des tables à l'intérieur de la bibliothèque, ou bien qu'à l'occasion d'événements de portée internationale, nationale, voire locale, un certain nombre de livres s'y rapportant par leur sujet seront sélectionnés et mis en valeur afin d'attirer sur eux l'attention des lecteurs et d'inciter ceux-ci à se les faire communiquer. Dans cette perspective, la consultation de tableaux statistiques, si détaillés soient-ils, ne fournit au bibliothécaire que des indications très sommaires sur le succès qu'ont rencontré, auprès de son public, de telles initiatives.

Parmi les reproches qui sont faits aux systèmes à « transaction cards, » et plus précisément aux systèmes de prêt photographique, l'un des plus courants est celui de « dépersonnaliser » entièrement le prêt et de priver le lecteur de tout contact humain avec le bibliothécaire. En réalité, c'est minimiser singulièrement l'importance du rôle de bibliothécaire que de le réduire à celui de distributeur de livres. M. Corbett, directeur de la Bibliothèque publique de Wandsworth, qui fut la première bibliothèque anglaise à adopter un système photographique, réserve toutes les opérations du prêt à un employé de bibliothèque et ménage à côté ou en face de la banque de prêt un bureau spécial pour un bibliothécaire consultant ou « Reader's adviser » qui, délivré de besognes matérielles peu dignes de lui, peut ainsi se consacrer utilement à l'orientation des lecteurs.

Dans les bibliothèques d'étude et les bibliothèques universitaires où il est souhaitable de posséder un enregistrement des prêts aussi bien par date que par cote et éventuellement par emprunteur, des systèmes à double et plus encore à triple classement ont été et restent encore en usage, en France notamment. Si important en effet que soit le nombre des emprunteurs, il n'est nullement comparable à celui d'une bibliothèque publique en pleine activité; d'autre part, le fait que la plupart des volumes ne sont pas mis à la libre disposition des lecteurs - bien que l'accès libre aux rayons se répande de plus en plus dans les bibliothèques de collèges et d'universités américaines - contraint les emprunteurs à remplir eux-mêmes les formulaires de demande.

Doit-on pour autant imposer au lecteur l'obligation de rédiger une fiche à triple volet ou au personnel celle d'établir à partir du bulletin de demande écrit par l'usager, des duplicatas ou des triplicatas? La Bibliothèque universitaire de Montpellier a résolu élégamment le problème en mettant à la disposition de ses usagers des bulletins de demande dont le verso est carboné et qui, à partir d'une seule rédaction, permettent d'obtenir deux copies supplémentaires.

Du fait de l'établissement de trois fiches pour un seul volume, les employés sont contraints d'opérer un triple classement qui, même lorsqu'il est effectué à des périodes creuses, ne laisse pas que d'être fastidieux.

Aussi, la tendance, dans les bibliothèques d'étude américaines, dans celles tout au moins qui ne pratiquent aucune limitation du nombre des livres détenus par le même emprunteur, est d'éliminer le contrôle par emprunteur et, de ce fait, de se borner à un double contrôle, par cote et par date. Un système utilisé dans plusieurs bibliothèques consiste à équiper les volumes de deux fiches de livre, destinées à être classées, l'une par ordre numérique des cotes, l'autre par date de restitution. Ailleurs, on a recours à une fiche de livre unique, le bulletin de demande rédigé par l'emprunteur tenant lieu de seconde fiche de prêt. L'un et l'autre systèmes fonctionnent selon des principes à peu près identiques à ceux du système de Newark et présentent les avantages et les inconvénients de celui-ci, mais ils ne sont pas à recommander dans une bibliothèque universitaire française où leur introduction entraînerait l'équipement complet des collections en fiches et en coins de livre.

L'idéal cependant étant d'aboutir à un classement unique, il a été mis au point des systèmes où le classement des bulletins de demande ou des fiches de livres s'effectue dans l'ordre des cotes, tandis qu'une signalisation particulière réalisée au moyen d'onglets, de cavaliers, de morceaux de ruban adhésif, etc... (systèmes à « tab ») permet, en variant la position et la couleur de ceux-ci, d'indiquer la date de restitution. On utilise encore à cet effet des pochettes à onglets dans lesquelles sont insérés fiches de livre ou bulletins de demande, ou encore des bulletins de demande de diverses couleurs. Il devient facile de la sorte, par un simple coup d'œil au fichier où sont conservés les fiches ou les bulletins, de repérer les volumes dont la date de restitution est venue à expiration.

Enfin, comme dans les bibliothèques de lecture publique, divers systèmes à cartes perforées ont été préconisés, mais celui qui répondrait le mieux sans doute aux exigences d'une bibliothèque d'étude parce qu'il fournit le plus grand nombre de renseignements, le système de la Bibliothèque publique de Montclair, a été considéré comme trop coûteux pour pouvoir être adopté dans d'autres établissements.

Du rapide tableau que nous venons de dresser des systèmes de prêt actuellement utilisés dans les bibliothèques d'études étrangères et particulièrement américaines, il paraît difficile de tirer des enseignements valables pour les bibliothèques universitaires françaises. La plupart de celles-ci en effet ont l'obligation, de par leur règlement intérieur, de tenir un contrôle à triple entrée des prêts. D'autre part, le classement par emprunteur est rendu nécessaire du fait, d'une part, de la limitation à cinq du nombre de volumes qui peuvent être détenus par les étudiants et, d'autre part, de l'obligation faite à ceux-ci de justifier de la restitution des volumes appartenant à la bibliothèque qu'ils ont en leur possession, avant de retirer au secrétariat de leur faculté les diplômes témoignant de leur réussite aux examens.

Au contraire, dans les bibliothèques de lecture publique, il semble que les systèmes à « transaction cards » soient de nature à résoudre quelques-uns des problèmes soulevés par l'insuffisance numérique du personnel - en réduisant, d'une part, le nombre des employés chargés du prêt, en simplifiant, d'autre part, les opérations du prêt elles-mêmes. Si l'achat d'appareils tels que caméras ou dictaphones se révèle coûteux de prime abord, on doit mettre en regard l'économie réalisée dans l'effectif du personnel, que celui-ci soit réduit ou utilisé à d'autre tâches.

Les bibliothécaires anglais, à l'exemple de leurs collègues américains et canadiens, se sont convertis à des techniques de prêt à la fois plus modernes et plus réalistes que le système de Brown. Le « token system » est actuellement en usage à Wesminster, Bromley, Worthing, le « photo-charging » à Wandsworth, Croydon, Finsbury, Woolwich et Hampstead. Holborn vient d'adopter un système à cartes perforées.

Il est certain cependant qu'avant de préconiser pour des bibliothèques françaises telle ou telle de ces méthodes, des études de prix de revient doivent être conduites, tenant compte à la fois des salaires du personnel, du coût d'achat et de fonctionnement des divers appareils et du nombre des prêts effectués, afin de déterminer si l'opération est efficace et rentable. L'introduction dans nos bibliothèques de techniques nouvelles pour le prêt ne se justifierait en effet que dans la mesure où elles permettraient des économies sur le temps et sur le personnel affecté au service du public.

Quoi qu'il en soit, les recherches effectuées à l'étranger, notamment aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne, ne sauraient laisser indifférents les bibliothécaires français qui ont, eux aussi, à faire face aux problèmes ardus que soulèvent le développement de la lecture publique et l'accroissement régulier du nombre des volumes prêtés et des emprunteurs.

  1. (retour)↑  Cette communication, publiée dans le volume I-1892-1893 des rapports de « l'United states Bureau of education », a été réimprimée dans : The Library without the walls. Reprints of papers and addresses, select. and annot. by Laura M. Janzow... - New-York, H. W. Wilson, 1927. - 19 cm, pp. 61-72.
  2. (retour)↑  Article reproduit dans : The Library without the walls..., pp. 43-50.
  3. (retour)↑  On trouvera le texte de cette communication dans : La Lecture publique. Mémoires et vœux du Congrès international d'Alger, publ. par Henri Lemaître... - Paris, E. Droz, 193I. - 19 cm., pp. 42I-427.
  4. (retour)↑  Brown (James Duff). - Manual of library economy... 5th ed. by W. C. Berwick Sayers. - London, Grafton, 1937. - 2I cm, p. 393.
  5. (retour)↑  On pourra se reporter à la description qui en est donnée dans le Petit Guide du bibliothécaire de Bach et Oddon, 4e éd. - Paris, Bourrelier, 1952, pp. 95-96.
  6. (retour)↑  Le « Dickman mechanical book charger » et la « Gaylord electric-automatic book charging machine ».
  7. (retour)↑  McColvin (L. R.). - Westminster token charging scheme (In: The Library association record. Vol. 56, n° 7, July 1954, pp. 259-26I); Progress report on the Westminster token system (In : Ibid. Vol 58, n° i, Jan. 1956, pp. 14-16).
  8. (retour)↑  Voir les critiques du « Token system » contenues dans l'étude de M. E. W. Padwick : Techniques of the future with reference to issue methods, publiée dans : Looking ahead. Techniques and buildings of the future. - Gillingham, Central library, 1956, pp. II-18.
  9. (retour)↑  Bickerton (L. M.). - The Worthing token system (In : The Library association record. Vol. 58, n° 7, July 1956, pp. 265-268).
  10. (retour)↑  Cf. son ouvrage : The Use of photography for clerical routines. - Washington, American council of learned societies, 1953. - 14 cm, 85 p., fig., tabl.
  11. (retour)↑  Cf. : Circulation by camera clicks (In : The Pioneer. Vol. 2I, n° i, Jan.-Febr. 1958, pp. 3-4), et : Geddes (Andrew). - Fast service at lower cost (In : Ibid. Vol. 21, n° 4, July-Aug. 1958, pp. 6-7).
  12. (retour)↑  Systeme Brodac de la firme « Bro-Dart industries », Newark et Los Angeles.
  13. (retour)↑  Cf. : Plastic cards for charging books (In : Library journal. Vol. 83, n° 19, nov. I, 1958, pp. 3062-3063.)
  14. (retour)↑  Rift (Leo R.). - An Inexpensive transaction number charging system with book record. (In : College and research libraries. Vol. 18, n° 2, March 1957, pp. 112-118.)
  15. (retour)↑  Cf. notamment sur l'utilisation des cartes perforées dans les bibliothèques :
    Parker (Ralph H.). - Library applications of punched cards. A description of mechanical systems. - Chicago, American library association, 1952. - 18 cm, VIII-80 p., fig.
    Punched cards, their applications to science and industry. 2nd ed... ed. by Robert S. Casey,... James W. Perry,... Madeline M. Berry,... and Allen Kent,... - New York, Reinhold publ. co., 1958. - 23 cm, pp. 279-302.