Le fichier « SYNOPTIC » dans les bibliothèques

Henry-Frédéric Raux

Le Bulletin d'informations de la Direction des Bibliothèques de France de mai 1953 signalait un nouveau type de fichier convenant à l'enregistrement des périodiques, commercialisé sous la marque « Synoptic » 1 et déja en service à la Bibliothèque de l'Unesco 2 et au Centre international de l'Enfance.

Depuis, ce type de fichier assez répandu dans l'industrie et le commerce (fichiers de personnel, d'inventaires, etc.) a été adopté pour la bibliothèque de travail de la Direction des bibliothèques où fut mise au point une fiche-type convenant aux bibliothèques d'étude (1954). En 1955, le Service français des échanges internationaux fut également doté d'un fichier « Synoptic » mais la première application à des collections très importantes - plusieurs milliers de titres de périodiques - a été réalisée à la Bibliothèque nationale depuis 1956, au Département des périodiques, Service des périodiques étrangers.

C'est surtout de cette dernière expérience, et de celle faite au Service des échanges internationaux, dont les besoins étaient différents, qu'il a paru utile de tirer quelques indications sur l'emploi du fichier « Synoptic », ses conditions, ses avantages et ses limites.

Présentation.

Le « Synoptic » est un fichier de « bulletinage » 3, sur lequel les fascicules de périodiques sont enregistrés au fur et à mesure de leur arrivée. Son rôle est donc analogue à celui que jouent dans la plupart des bibliothèques les fichiers du type « Forindex », « Kardex », etc.

Les fiches adoptées à la Bibliothèque nationale sont de format 210 X 150 mm; elles comportent dans leur moitié supérieure un tracé complexe (21 colonnes) qui constitue la partie permanente de la fiche, tandis que la moitié inférieure, repliée sur elle-même et fixée par deux bandes latérales de toile, forme une pochette, dont l'abattant porte à 1 cm. de chaque bord latéral une fente verticale de 5 cm. de hauteur. Dans ces fentes vient s'insérer une bande de papier de 65 mm. de haut, que l'on a pris l'habitude d'appeler « calendrier » et sur laquelle se fait le bulletinage proprement dit. Lorsque cette bande a été utilisée recto-verso, elle est enlevée, placée dans la pochette, et remplacée par une autre.

Le bord supérieur de la fiche, sur 2o mm. de hauteur, est placé sous une gaine en matière plastique transparente ininflammable, pliée vers l'arrière à 1200 dans sa partie supérieure, de façon que la succession des titres inscrits sur la première ligne soit directement lisible; le bord supérieur de la gaine est percé de 21 petites fentes permettant la mise en place aisée des cavaliers fixes. Des index mobiles, en matière plastique de couleur peuvent glisser sous la gaine. Celle-ci est munie à chaque extrémité d'une encoche permettant le coulissement sur les rails latéraux du tiroir : la position de la fiche dans le tiroir est donc celle d'un dossier de classement suspendu dans son bac.

La présentation des tiroirs métalliques et leur groupement en « blocs » peut varier. Nous utilisons des blocs de deux tiroirs chacun, chaque tiroir comportant 3 rangées de fiches. Les 2 tiroirs superposés sont montés sur un socle métallique à roulettes de 0,40 m. de hauteur. L'encombrement d'un tel bloc, socle non compris, est de :
Largeur : 0,77 m.
Profondeur : o,64 m. (poignées comprises)
Hauteur : 0,44 m.
et sa capacité totale d'environ 1.200 fiches.

Description de la fiche.

Les fiches sont imprimées à la demande des utilisateurs, selon le tracé étudié par eux et à condition bien entendu qu'il s'agisse de commandes importantes de l'ordre de quelques milliers de fiches.

Le Département des périodiques a mis au point en 1956 un tracé, reproduit ici, avec un exemple d'équipement et qui diffère légèrement de celui qui avait été étudié par la Direction des bibliothèques en 1953.

Les deux première lignes (sous la gaine) portent le titre de la revue, la ville d'édition et le nom de l'éditeur. A droite les cotes (cote topographique de la salle de travail du Département des périodiques, cote d'Inventaire).

La 3e ligne porte les chiffres des quinzaines (I, II) et la 4e les noms des mois. Un index mobile rouge placé dans chacune des cases ainsi formées indiquera la quinzaine dans laquelle est arrivé le dernier fascicule bulletiné; d'où un premier contrôle visuel : contrôle des retards dans l'arrivée d'un fascicule.

Dans la partie centrale de ces deux lignes s'intercalent 5 cases en face desquelles pourraient être placés des index pour indiquer :
I. Un périodique émanant d'une colonie, pays sous mandat, protectorat,etc.
2. La ou les matières secondaires traitées par une revue, dont les deux objets principaux sont signalés par ailleurs,
3. Le fait qu'une réclamation portant sur le périodique est en cours,
4. L'envoi en reliure,
5. Le fait que le périodique publie des résumés de ses articles dans une langue différente.

Avec la 5e ligne nous abordons l'élément le plus intéressant du système « Synoptic », qui grâce à la combinaison des couleurs des cavaliers et de leurs emplacements permet de signaler un nombre très grand de caractéristiques : il y a 2I emplacements et 10 couleurs, soit 210 caractéristiques possibles.

La colonne centrale, de la 5e à la 14e ligne indique la couleur des cavaliers. Toutes les caractéristiques figurant sur chaque ligne horizontale seront signalées par des cavaliers de cette couleur : c'est la clef du système.

Les trois premières colonnes verticales qui portent les vingt-six lettres de l'alphabet indiquent l'initiale du titre de la revue : un cavalier bleu au-dessus de la 2e colonne signale une revue dont le titre commence par N, un cavalier rouge en face de la Ire colonne, un titre commençant par G, etc. Il s'agit donc là d'un contrôle instantané du classement. Si la fiche d'un périodique dont le titre commence par F s'égare accidentellement au milieu des I, un cavalier jaune vient interrompre la file des cavaliers rouges et permet de ramener l'infidèle au bercail.

Les colonnes verticales 5 à 9 et 16 à 19 sont consacrées au pays de provenance. Sur le tracé adopté à la Bibliothèque nationale de nombreuses cases (trop nombreuses) ont été laissées vides dans ces colonnes, afin que l'on puisse ajouter les noms de pays non représentés dans nos collections au moment de l'équipement du fichier, ou suivre l'évolution de la carte du monde. Suivant le même principe de combinaison de la couleur (ligne horizontale) et des colonnes verticales, un cavalier vert au-dessus de la colonne 8 signalera une revue japonaise, un cavalier mauve au-dessus de la colonne 4, une revue danoise, etc.

Les colonnes 10 et II (matières) portent les premiers chiffres de la classification décimale universelle (de o à 9) ; il est donc possible de classer les revues dans les dix grands groupes de cette classification et éventuellement chacune dans 2 groupes différents (sujet principal + sujet secondaire essentiel) : index noir au-dessus de la colonne 10 : revue consacrée aux sciences historiques; si sur la même fiche un index bleu est placé à l'aplomb de la colonne II, il s'agira d'une revue essentiellement historique, mais faisant une large place à la philologie.

Les colonnes 12 et 13 indiquent la langue dans laquelle est rédigée la revue : vert/12 = Italien, rouge/13 = Turc, etc.

La colonne 14 (périodicité) n'appelle pas de commentaires (bleu : mensuel, noir : irrégulier, etc.).

La colonne 15 est consacrée au mode d'acquisition, distinguant les cinq modes normaux de fa Bibliothèque nationale : dépôt légal, don, échanges internationaux, achat direct, achat par l'intermédiaire d'un libraire.

La colonne 20 permet de noter les attributions faites : certains exemplaires des revues reçues par le Département des périodiques peuvent en effet être attribués à d'autres départements ou services de la Bibliothèque nationale, exceptionnellement à des bibliothèques extérieures : bleu = Département des médailles, brun = Département des manuscrits, etc.

Enfin la colonne 21 mentionne dans quels caractères est imprimée la revue, s'il s'agit de caractères non latins : vert = caractères chinois, gris = caractères cyrilliques, etc.

La 15e ligne rappelle l'objet des divisions verticales, tandis que la 16e porte le numéro des colonnes.

Telle est la partie permanente de la fiche, établie et équipée une fois pour toutes. Elle est complétée par les « calendriers » dont nous utilisons quatre tracés, selon la périodicité des revues : tracé annuel (sur lequel sont enregistrées aussi les revues semestrielles), mensuel (sur lequel sont enregistrées aussi les revues trimestrielles), hebdomadaire, quotidien.

Ces calendriers portent en haut et à gauche un bref rappel du titre : utilisés recto-verso ils durent d'un an (quotidien) à 20 ans (annuel). Une fois complètement remplis ils sont placés dans la pochette, donc restent groupés avec la fiche vivante, ce qui permet toutes les vérifications d'années antérieures.

Chaque calendrier, sauf le quotidien, réserve en outre les cases nécessaires au report des dates de réception des tables, d'envoi en reliure et de retour de reliure.

Dernier élément enfin de la fiche « Synoptic » : le rabat de la pochette laissé blanc, et sur lequel peuvent être portées des indications concernant la vie du périodique : date de naissance, dates d'interruptions, « Fait suite à ... », « Devient ... », etc.

Au verso de la fiche, sont imprimés en haut, le numéro des colonnes et leur objet, afin de faciliter la mise en place des cavaliers, puis des cadres destinés à recevoir des précisions sur les conditions d'abonnement, prix, etc., et des observations diverses.

A toutes les indications décrites ci-dessus il serait utile d'ajouter encore dans l'avenir trois éléments qui figuraient sur le tracé étudié par la Direction des bibliothèques et que nous avons dû supprimer faute de place : Bibliographies (signalisation des revues publiant régulièrement des bibliographies), Dépouillement (revues dépouillées, totalement ou partiellement, avec indication des principaux organismes effectuant le dépouillement), Microcopie (périodique dont il existe un microfilm, avec localisation).

Il est possible d'ailleurs de cocher à l'encre certains cavaliers en place : c'est ainsi qu'actuellement le Service étranger indique par un trait noir sur les cavaliers matières correspondants les revues qui publient régulièrement des bibliographies.

Équipement et emploi du fichier.

L'équipement d'un fichier « Synoptic » important est un très long travail, qui comporte plusieurs opérations :
I. Frappe des titres et des cotes sur la fiche et du rappel de titre sur le calendrier.
2. Détermination des caractéristiques à faire figurer sur la fiche. Ces caractéristiques sont notées par une barre au crayon en diagonale des cases intéressées.
3. Mise sous gaine de la fiche.
4. Mise en place des cavaliers (fixes) et des index (mobiles). Une fiche est équipée au minimum de six cavaliers (code alphabétique, pays d'origine, 1 matière, langue, périodicité, mode d'acquisition) et au maximum de 9 (outre les précédents : une seconde matière, attributions, caractères non latins). Elle reçoit toujours l'index de contrôle d'arrivée, les autres index mobiles étant ajoutés au cours de la vie de la collection jusqu'à l'index noir qui marque sa mort.
5. Classement des fiches dans les tiroirs.

Il faut compter, d'après l'expérience faite, de 15 à 20 minutes pour l'équipement de chaque fiche (y compris les contrôles qu'entraîne toujours l'établissement d'un nouveau fichier).

Le bulletinage proprement dit est tout à fait analogue au bulletinage classique sur « Forindex ». Nous n'avons pas constaté de modifications appréciables de la rapidité d'exécution, mais les utilisatrices se déclarent sensiblement moins fatiguées : pas de tiroirs à tirer, puis à soulever pour les rentrer, notamment. Les « bulletineuses » sont assises sur des sièges roulants et disposent d'une petite table métallique légère, également roulante, pour poser les revues et appuyer la fiche sur laquelle elles écrivent.

Enfin, il semble que l'heureuse présentation du matériel, installé de surcroît dans un local neuf et parfaitement éclairé en fluorescence, la séduction des jeux de couleurs harmonieuses des cavaliers et des index, rendent plus attrayant pour le personnel féminin un travail en soi assez morne et contribuent par là même à l'allégement de la fatigue. (Si un jour, par extraordinaire, la musique fonctionnelle faisait son entrée dans les bibliothèques, il ne serait pas impossible qu'elle puisse jouer un rôle analogue dans les salles de bulletinage.)

Avantages et limites du système « Synoptic ».

Au point de vue des renseignements fournis, il n'est pas besoin de souligner l'énorme supériorité du matériel « Synoptic » sur le matériel classique : correction quasi-automatique de déclassements qui provoquaient jadis d'interminables recherches, possibilité d'établir très rapidement des listes des périodiques en provenance d'un pays quelconque, ou sur un sujet donné, ou dans telle langue - ce que l'on ne pouvait faire que par l'établissement d'autres fichiers, contrôle visuel des retards sans feuilleter toutes les fiches - donc gain de temps énorme pour les réclamations et efficacité accrue, parce qu'elles peuvent être faites en temps utile - enfin réunion sur une même fiche de quantité de renseignements trop souvent dispersés. Dans tous ces domaines, le fichier « Synoptic » offre des possibilités que l'on était accoutumé de n'espérer que de matériels beaucoup plus complexes, fiches perforées ou systèmes électroniques.

Grâce au « Synoptic », le Département des périodiques a pu établir récemment une liste des périodiques étrangers reçus 4, liste qui sera régulièrement tenue à jour et publiée, et le Service des périodiques étrangers prépare une liste des périodiques bibliographiques et bibliothéconomiques reçus en 1958; d'autres répertoires spécialisés de nature à beaucoup faciliter le travail de nombreux chercheurs seront élaborés au fur et à mesure des possibilités. Les deux principaux inconvénients que nous devons signaler sont :
I° Le temps nécessaire au premier équipement du fichier (voir ci-dessus).
2° Le coût assez élevé de ce matériel. A titre indicatif voici le prix de revient actuel (avril 1958) d'un bloc « Synoptic » de deux tiroirs de trois rangées de fiches chacun :
Bloc ....................................... 5I.000 F
Socle-support ............................... II.000
1.200 fiches (avec calendriers) ................. 32.000
1.200 gaines de suspension .................... 40.000
Signalisation (minimum)...................... 20.000
Total .................................... 154.000 F

Le prix de revient de chaque fiche supplémentaire, complètement équipée, s'établit entre 75 et 80 francs, selon le nombre de cavaliers et index, et compte non tenu du temps nécessaire à l'équipement.

Le remplacement d'un fichier classique de bulletinage par un fichier « Synoptic » est donc une opération qui peut mener assez loin, et qui doit être sérieusement étudiée, en fonction non seulement des moyens, mais aussi des besoins réels. Il semble que ce système (avec le tracé actuel) précieux dans de grandes bibliothèques et pour des collections importantes de périodiques étrangers - ou dans des services, qui comme le Service des échanges internationaux, reçoivent d'un grand nombre de correspondants des publications très variées qu'il s'agit de répartir aussi rapidement que possible entre d'autres correspondants également fort nombreux - soit moins intéressant pour des collections peu importantes et comportant surtout des périodiques d'un même pays.

Mais le tracé décrit n'est qu'un cas d'utilisation : on pourrait créer par exemple, sur le même principe, un fichier matière fort précis (210 sections avec le type de fiches décrit, bien davantage avec des fiches de plus grand format, 325 X 340 mm, qui existent, ou en renonçant au bulletinage et en consacrant toute la fiche aux caractéristiques, avec multiplication du nombre des couleurs utilisées pour les cavaliers et introduction de cavaliers bicolores...)

Imaginer de nouveaux tracés, de nouvelles applications est l'affaire de chaque spécialiste dans sa spécialité; en dehors de notre profession, le système « Synoptic » à déjà montré qu'il pouvait s'adapter à des fonctions extrêmement variées. Dans les bibliothèques l'intérêt du principe a été confirmé par l'expérience, le matériel a maintenant fait ses preuves: il s'agit d'un instrument de travail très efficace, qui ne devrait pas décevoir ceux qui l'adopteront à bon escient.

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Coût

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Spécimen d'une fiche équipée

  1. (retour)↑  Service d'organisation Synoptic, 150, av. des Champs-Élysées, Paris 8e (Élysées 76-60).
  2. (retour)↑  Coblans (Herbert). - Le Fichier des périodiques à la Bibliothèque de l'Unesco. (In : Hommes et techniques. N° 75, mars 195I, pp. 19-22.)
  3. (retour)↑  Les lecteurs voudront bien excuser l'emploi de ce terme et de ses dérivés qui appartiennent au jargon technique de la Bibliothèque nationale et permettent d'éviter de longues périphrases.
  4. (retour)↑  État des périodiques étrangers en cours à la Bibliothèque nationale, par Mlle Raymonde Plainchault. - Paris, Bibliothèque nationale, 1958.