Conservation et lecture des microfilms de long métrage

Jean Prinet

C'est un paradoxe que la diffusion du microfilm dans des domaines si variés, alors que la plupart des utilisateurs sont d'accord pour déplorer les difficultés d'emploi : la manipulation des films de long métrage, leur conservation posent quantité de problèmes irritants; la lecture fatigue souvent les yeux, ou entraîne une détérioration rapide du film; l'usager a du mal à repérer, parmi tant de vues, celle qui fait l'objet de sa recherche.

Depuis plusieurs années, la Bibliothèque nationale est entrée en rapports avec des spécialistes français et étrangers pour tenter de faciliter l'emploi de ces films de long métrage qu'on utilise de plus en plus, notamment pour la reproduction des journaux. Des études, des expériences minutieuses ont été faites, qui ont abouti à la construction d'un prototype récemment mis au point par une maison française, et qui porte le nom d'Audo-matic. Cet appareil est principalement destiné à la lecture des microfilms de 35 mm, perforés ou non perforés, sur une longueur de 120 à 210 m, conservés dans des chargeurs spécialement conçus pour cet appareil.

Le chargeur est un boîtier métallique (longueur 0,50 m; hauteur 0,20 m; épaisseur 0,04 m) pouvant contenir deux bobines, sur lesquelles s'enroule un film de 120 à 210 m de long, correspondant à un trimestre, à un semestre, ou, pour la plupart des quotidiens français, à une année de journal. Le film passe de l'une à l'autre bobine par un « couloir » muni d'une fenêtre vitrée, que peuvent traverser les rayons lumineux du bloc optique de l'appareil de lecture. Un dispositif particulier est placé dans le couloir pour éviter les rayures. L'ensemble est étanche.

Le chargeur est conçu pour pouvoir être placé sur des rayonnages de bibliothèque, comme un livre, sans protection particulière. Il porte au dos toutes références d'identification. Le film ne quitte jamais son chargeur, pas plus qu'un livre ne quitte sa reliure.

Pour les films de très long métrage (300 m) on a prévu un chargeur analogue au précédent, mais ne comportant qu'une seule case pour une seule bobine. On le relie par un « couloir » séparé, amovible, à un chargeur de même type faisant office de récepteur. L'ensemble est placé sur l'appareil de lecture dans les mêmes conditions que le chargeur à deux bobines.

L'appareil de lecture est spécialement conçu pour les films de long métrage; mais on peut aussi l'utiliser pour les films plus courts (même sans chargeur), les bandes de 21 cm, les vues 5 X 5; un dispositif permettant la lecture des microfiches transparentes est actuellement à l'étude.

Cet appareil est un meuble en forme de bureau de 120 X 100 × 147 cm (largeur, profondeur, hauteur). Le chargeur est placé à la partie supérieure de l'appareil, qui comporte deux broches pour le recevoir. Les deux bobines du chargeur peuvent être alternativement déroulées ou enroulées, par un système d'entraînement très simple, sans pignon ni courroie, dont les moteurs sont branchés directement sur le courant.

Le bloc optique est éclairé par une ampoule ponctuelle dont l'intensité lumineuse est réglable. Un transformateur permet l'utilisation immédiate de tout courant alternatif (de 110 à 245 volts).

L'image du film est projetée sur un écran de 64 × 64 cm, c'est-à-dire de la largeur d'un grand journal. La surface transparente a été spécialement étudiée pour éviter la fatigue des yeux. Le coefficient d'agrandissement est de 20. La page de journal est aussi lisible que l'original.

Pour utiliser l'appareil, l'usager met le chargeur en place, en quelques secondes, donne l'éclairage, et déclenche aussitôt l'entraînement (silencieux) du film, d'avant en arrière ou d'arrière en avant, en manœuvrant un seul petit levier de commande situé à gauche de l'écran. Il arrive que certaines pages des journaux soient imprimées perpendiculairement au sens normal d'impression des autres pages; il arrive aussi que, selon les pays, les vues se placent dans le sens de la longueur ou de la largeur du film; dans tous les cas, la position (en hauteur ou en largeur) de l'image sur l'écran peut être modifiée par la simple manœuvre d'un volant qui permet de faire pivoter de 360° la partie supérieure de l'appareil. Toute image microfilmée de 32 X 44 mm ou d'un format inférieur est donc lisible sur l'écran, quel que soit le sens dans lequel on doit la lire.

Un dispositif très simple peut être installé pour recevoir l'image agrandie d'un microfilm, non plus sur l'écran, mais sur une feuille de papier sensible. L'appareil fonctionne alors comme agrandisseur. Il est toutefois préférable d'utiliser un appareil d'agrandissement spécialement conçu pour des travaux de série.

Le prix de l'appareil est de l'ordre de 470.000 francs. Celui du chargeur est d'environ 9.000 francs; mais ce prix pourrait être réduit jusqu'à 4.500 francs pour des commandes massives.

Les études techniques très poussées qui ont abouti à ces résultats n'auraient qu'un médiocre intérêt si le but final était seulement de lancer un nouvel appareillage ; elles prennent au contraire leur véritable sens quand on considère d'une part l'envahissement des dépôts par les documents de toute sorte (les journaux en particulier) et d'autre part quelles difficultés on rencontre à utiliser les grands rouleaux de microfilm. Les « chargeurs » proposés ici mettent désormais le film à l'abri et le réduisent à une « unité de conservation » comparable au livre; les manipulations réduites au minimum ne risquent plus de distraire l'attention; le film peut défiler rapidement, en silence et dans de bonnes conditions; l'image qu'on arrête sur l'écran reproduit un texte aussi lisible que l'original.