Chronique des bibliothèques

Bibliothèque nationale.

Nous apprenons avec regret la mort de M. Pierre Bezancon, collectionneur qui avait contribué largement aux expositions de la Bibliothèque nationale par le prêt de nombreux autographes de Baudelaire, de Balzac, de Sainte-Beuve surtout pour lequel il avait une passion.

Dons et acquisitions

Parmi les acquisitions importantes faites par la Bibliothèque nationale au cours du mois de décembre 1958, nous signalerons notamment :

Lavater (Johann Caspar). -Essai sur la physiognomonie destiné à faire connaître l'homme et à le faire aimer. [Trad. de l'allemand]. - La Haye, impr. de J. Van Karnebeek, puis I. Van Cleef, 178I-1803. - 4 vol. gr. in-4°, fig., pl. et portr. gr., fac-sim.

(Reliure maroquin bleu à grain long signée Bozérian, plats bordés d'un encadrement doré de motifs égyptiens.) Exemplaire remarquable par sa reliure dans un excellent état de conservation et ornée de motifs « à l'égyptienne » qui paraissent uniques.

D'autre part, Mme Eugène Carré, en souvenir de son mari M. Eugène Carré, ancien directeur général de la Cie d'assurances « Abeille-Vie et Abeille-Accidents », membre de la Société des amis de la Bibliothèque nationale et grand bibliophile, a fait don de deux très beaux incunables :

Virgile (Publius Vergilius Maro). - [Mauri Servii Honorati Commentarii in Vergilii opera]. - [Strasbourg, A. Rusch] (s. d.). - In fol., car. rom. init. rubriquées (Hain 14703 ; Stillwell S. 434) [Don 4655-58].

(Ante 147I, d'après l'article sur Rusch dans Ritter, Histoire de l'imprimerie alsacienne. - Reliure peau de truie estampée à froid, fermoirs restaurés.) Exemplaire remarquable par son excellent état de conservation et dont il n'existe que quelques rares exemplaires.

Schedel (Hartmann). - [Liber chronicarum]. - Nurembergae, impr. de A. Koberger, 1493. - In-fol. (Hain 14508; Polain 3469).

(Ouvrage connu sous le nom de Chronique de Nuremberg par Hartmann Schedel, ill. par Michel Wolgemuth et Wilhelm Pleydenwurff. - Les 5 ff. non chfr. sont intercalés dans cet exemplaire entre les ff. 266 et 267. Initiales peintes.)

Département des estampes

Le Cabinet des estampes a acquis, à la grande vente de Berne dont nous avons déjà parlé, un portrait de Mallarmé. C'est une lithographie du célèbre peintre norvégien Edvard Munch qui était jusqu'ici très mal représenté à la bibliothèque. Cette lithographie a été exécutée d'après nature à Paris, lors d'un séjour de Munch (1895-1897) et a été cataloguée par Gustav Schiefler (Verzeichnis des graph. Werks E. M., n° 80). Une lettre de Geneviève Mallarmé à son père publiée dans le livre du Professeur Mondor sur Mallarmé apporte une date et une appréciation : « 23 mai 1897... M. Munch, le dessinateur norvégien du début de l'hiver, envoie le portrait qu'il a fait de toi. C'est assez joli, mais cela ressemble à ces têtes de Christ dont l'empreinte est sur le mouchoir d'une sainte et sous lesquelles il est écrit : Regardez longtemps, vous verrez les yeux se fermer. » L'exécution du portrait, datée par Geneviève de « l'hiver » 1896, coïncide avec un séjour de Mallarmé à Paris en octobre et novembre de cette année.

Échange de bibliothécaires

En vertu de l'article II, 10 du Protocole franco-soviétique (octobre 1957) et par l'intermédiaire de la Direction générale des affaires culturelles et techniques, un échange de bibliothécaires a pu être effectué entre la France et l'U. R. S. S.

En janvier 1959, Mlle Josette Plantié, bibliothécaire au Service slave, a effectué un stage de vingt jours à la Bibliothèque Lénine et dix jours à la Bibliothèque Saltykov Šcedrin, tandis que Mme Tarassova, bibliothécaire à la Bibliothèque Saltykov Ščedrin, passait ce même mois de janvier à la Bibliothèque nationale.

Pendant son séjour à Moscou, Mlle Plantié a visité, outre la Bibliothèque Lénine, qui était son point d'attache, la Bibliothèque fondamentale des sciences sociales, la Bibliothèque des littératures étrangères, la Bibliothèque de l'Université, la Bibliothèque historique. A Léningrad, où sous l'égide d'une « collègue » de la Bibliothèque Lénine, elle put étudier le fonctionnement de la Bibliothèque publique Saltykov Ščedrin, elle eut encore la possibilité de visiter la Bibliothèque de l'Académie des sciences et celle de l'Ermitage.

Mlle Plantié s'est intéressée tout particulièrement aux questions touchant les échanges internationaux, qu'elle avait reçu la mission de mettre au point avec les responsables en U. R. S. S.

De son côté, Mme Tarassova, « ancienne bibliothécaire » (c'est-à-dire ayant atteint la seconde classe) affectée au fonds des « Rossica » de la Bibliothèque Saltykov Ščedrin, a été initiée aux rouages complexes de la Bibliothèque nationale. Elle a visité en détail les Entrées et les Périodiques, mais s'est plus spécialement intéressée aux Imprimés, au service public, aux magasins, cette section étant plus proche de ses propres activités.

Il n'est pas douteux que, de part et d'autre, cet échange n'ait été fructueux. Il faut seulement regretter que ces stages aient été si courts et souhaiter qu'ils se multiplient dans l'avenir.

Bibliothèques municipales.

Compiègne (Oise).

M. Julien Cain, directeur général des Bibliothèques de France, a inauguré, le 28 février 1959, les nouveaux locaux de la Bibliothèque municipale de Compiègne, en présence de M. Henri Adnot, maire de Compiègne, de M. André Masson, inspecteur général des Bibliothèques, de M. Jean Bleton, conservateur à la Direction des bibliothèques de France et de nombreuses personnalités parmi lesquelles on remarquait le baron James de Rothschild, maire de Compiègne de 1935 à 1940 et de 1945 à 1947.

La Bibliothèque municipale qui occupait antérieurement des locaux mal adaptés dans l'Hôtel de ville, est désormais installée place du Change, à l'emplacement même du réfectoire des moines de l'abbaye Saint-Corneille de Compiègne dont subsistaient les fondations et quelques murs. M. Jean-Pierre Paquet, architecte en chef du gouvernement, chargé de la construction et de l'aménagement intérieur, a su très heureusement accorder une architecture de caractère médiéval, comme l'exigeait le cloître voisin (XIIIe siècle) et les restes « classés » du réfectoire (XIIe siècle) avec les exigences de la bibliothéconomie moderne.

La bibliothèque est ouverte au public depuis le 4 mars tous les jours de 14 h. à 18 h. 30 (sauf le mardi et le dimanche), et les mercredis et samedis, le matin, de 10 h. à 12 h. Un guide illustré a été édité à l'intention des lecteurs.

Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord).

M. Pierre Lelièvre, inspecteur général des Bibliothèques de France, a inauguré, le 12 février 1959, le bibliobus urbain de Saint-Brieuc, en présence de M. le député-maire, d'un représentant du préfet des Côtes-du-Nord et de nombreuses personnalités. Il s'agit d'un autobus désaffecté de la Régie des transports en commun de la région parisienne, transformé en bibliothèque sur roues par l'aménagement de rayonnages en bois pouvant contenir 2.500 volumes, et d'une banque de prêt, très bien conçue, permettant au bibliothécaire de disposer des fichiers nécessaires (catalogues, fiches de lecteur et fiches de livres) et installée à l'entrée. Sous un aspect pittoresque, ce « biblio-autobus » desservira les quartiers excentriques de Saint-Brieuc et les communes limitrophes qui ne fournissaient jusqu'alors à la Bibliothèque municipale qu'un nombre infime de lecteurs.

Toulon (Var).

Les locaux de la Bibliothèque de la jeunesse de Toulon ont été inaugurés le 26 février 1959, sous la présidence de Me Le Bellegou, maire de la ville, et en présence de l'inspecteur d'académie et de membres du corps enseignant. Ouverte aux jeunes de huit à quinze ans, la Bibliothèque est installée au rez-de-chaussée de la salle Mozart.

Tours (Indre-et-Loire)

La Bibliothèque municipale de Tours sera la première bibliothèque française à utiliser un système de prêt par enregistrement audiophonique. Devant le nombre croissant des lecteurs inscrits et des livres prêtés (152.000 volumes en 1958) au service de prêt à domicile, M. Fillet, bibliothécaire de la ville de Tours, a en effet pris l'initiative de substituer à l'ancien système par pochettes une nouvelle méthode permettant de réduire l'attente des lecteurs devant le bureau de prêt, au moment de la restitution, et de simplifier pour le personnel les opérations de prêt elles-mêmes.

Les lecteurs, titulaires désormais d'une seule pochette qui leur tient lieu de carte d'inscription, se présentent au bureau de prêt munis de cette pochette et des livres qu'ils ont choisis sur les rayons. Les prêts sont alors dictés par l'employé de bibliothèque sur un magnétophone, tandis qu'une carte numérotée et perforée est insérée dans le livre. Lors de la restitution des livres, il suffit à l'employé de retirer des livres les cartes numérotées. Une machine trieuse est utilisée pour reclasser les cartes dans leur ordre numérique à l'expiration de la période de prêt fixée uniformément à quinze jours; les cartes manquantes correspondent à des livres qui n'ont pas été restitués en temps voulu et la consultation du ruban magnétophone sur lequel ont été enregistrés les prêts permet de déceler l'identité du lecteur défaillant.

Il est trop tôt encore pour dresser le bilan de cette expérience, mais le Bulletin des bibliothèques de France tiendra ses lecteurs au courant des incidences qu'elle ne saurait manquer d'avoir sur le fonctionnement d'une bibliothèque de lecture publique.

Bibliothèques centrales de prêt.

Bouches-du-Rhône

Une visite officielle des nouveaux locaux de la Bibliothèque centrale de prêt des Bouches-du-Rhône, présidée par M. Pierre Lelièvre, inspecteur général des Bibliothèques, a eu lieu le 29 janvier 1959, en présence du président du Conseil général, du doyen de la Faculté des sciences, de l'inspecteur d'Académie, du directeur de la Jeunesse et des sports et des représentants de la Préfecture et de la Municipalité de Marseille, de la Chambre de commerce et de la Chambre d'agriculture. A cette manifestation s'étaient associés des maires du département et des responsables des dépôts du bibliobus.

Ces nouveaux locaux se trouvent compris dans l'ensemble des constructions de la nouvelle Faculté des sciences de Marseille. L'apéritif a été servi dans la grande salle destinée aux étudiants en sciences qui pourront venir emprunter des ouvrages de culture générale à la Bibliothèque centrale de prêt, lorsque la Cité universitaire sera achevée. M. Lelièvre a souligné dans son allocution que la culture était une et que le rapprochement d'une bibliothèque centrale de prêt et d'une bibliothèque universitaire n'était pas le fait du hasard.

Les personnalités présentes se sont intéressées au bibliobus-rayons récemment mis en service, un 2,5 t Renault dont le fourgon est aménagé avec des rayonnages qui contiennent 2.800 ouvrages environ et ont été frappées par l'agencement des locaux, un peu inhabituel pour une bibliothèque, qui place le garage dans le prolongement direct du magasin à livres.

Haute-Garonne

Au moment où les programmes scolaires tendent à développer la connaissance de l'histoire régionale, la Bibliothèque centrale de prêt de la Haute-Garonne a jugé opportun de publier un catalogue de son fonds local, qu'elle a eu l'occasion d'enrichir assez considérablement durant ces derniers mois.

Ce catalogue, qui suit la classification Dewey, comprend aussi une section de « romans ayant pour cadre la région » et les monographies particulières y sont classées dans l'ordre alphabétique des communes étudiées. Une section spéciale a été réservée à la « Croisade des Albigeois » qui suscite un intérêt toujours renouvelé.

Indre-et-Loire

Depuis l'année 1958, la Bibliothèque centrale de prêt d'Indre-et-Loire publie tous les mois dans un grand quotidien régional une chronique de ses activités. C'est ainsi qu'ont paru successivement des articles sur les livres d'étrennes, les prix littéraires, les livres de cinéma que la bibliothèque peut mettre à la disposition de ses lecteurs.

Bulletin de bibliobus.

La littérature allemande d'après-guerre, l'œuvre d'André Malraux, la Chine moderne, tels sont quelques-uns des thèmes d'actualité que le second numéro du Bulletin des centrales de prêt de Rhône-Ain et Bouches-du-Rhône propose à ses lecteurs. Une notice sur le bibliobus-rayons des Bouches-du-Rhône, des informations sur la vie littéraire complètent ce fascicule illustré.