Journées d’étude de l’ADBDP

Strasbourg – 18-20 septembre 2017

Alain Caraco

À Strasbourg, les journées d’étude 2017 de l’Association des Directeurs de Bibliothèques Départementales de Prêt (ADBDP) avaient pour thème « Vers des organisations apprenantes : les bibliothèques départementales et les réseaux départementaux de lecture publique à l’heure de l’horizontalité ». L’argument était orienté à la fois vers l’apprentissage, dans un monde en changement perpétuel, mais aussi vers la co-production, sous toutes ses formes.

Les deux vice-présidents de l’ADBDP, chevilles ouvrières de ces journées – Anne-Marie Bock, directrice de la Bibliothèque départementale du Bas-Rhin (BDBR) et Xavier Couteau, directeur de la Bibliothèque départementale d'Eure-et-Loir – ont ouvert la manifestation.

Frédéric Bierry, président de la collectivité organisatrice (Conseil départemental du Bas-Rhin), a accueilli les participants. Il a tenu à donner également la parole à sa collègue Brigitte Klinkert, élue présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin quelques jours auparavant. Il a rappelé que les dernières journées d’études de l’ADBDP en Alsace avaient eu lieu à Colmar 1, témoignant ainsi de sa vision plus alsacienne que strictement départementale de la lecture publique.

Au-delà du prêt, en bibliothèque départementale

Dans son allocution, Nicolas Georges, directeur-adjoint de la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), chargé du livre et de la lecture, a notamment fait part de son inquiétude quant à l’évolution que pourrait connaître la politique de lecture publique de certains départements 2. Il a également insisté sur l’intérêt de l’Observatoire de la lecture publique 3, réalisé en partenariat avec les bibliothèques départementales. Enfin, il a rappelé que, depuis l’ordonnance du 27 avril 2017 4, les bibliothèques départementales de prêt (BDP) sont devenues les bibliothèques départementales « tout court », officialisant ainsi une appellation choisie dans de nombreux départements depuis plusieurs années, afin de ne pas afficher leur mission comme réduite au seul prêt de documents. Reste à savoir si l’abréviation BD, largement employée en bibliothèque pour un autre usage, finira par s’imposer.

Apprendre

La suite du programme annonçait un « Grand format inaugural : vers une organisation apprenante, approche théorique et mise en pratique ! ». Les participants n’ont pas été déçus ! Les deux oratrices, Agnès Cabannes, déléguée générale de SoL France 5 et Cora Klein, consultante, ont rapidement présenté les cinq disciplines théorisées par Peter Senge : la maîtrise personnelle, les modèles mentaux, la vision partagée, l’apprenance en équipe et la pensée systémique. Puis toute la salle est passée aux travaux pratiques : par petits groupes de trois ou six personnes, les participants ont dû réaliser des exercices 6 tels que « lever ensemble un fin rouleau de papier en le soutenant par les index », sans qu’aucun membre de l’équipe ne perde jamais le contact avec le rouleau ! Effet « brise-glace » et apprentissage – par l’action – du travail collaboratif garantis.

L’après-midi continuait dans un format participatif, avec cinq ateliers-forums co-animés par des élèves-conservateurs territoriaux de l’INET et des membres de l’ADBDP, autour de la question générale « Qu’avons-nous appris, qu’avons-nous à apprendre ? », déclinée en :

- Pour mieux accompagner les territoires en les animant ? (Guillaume Cortot / Alain Duperrier, BDP de la Gironde)

- Pour intégrer, développer le numérique ? (Claire Dire / Céline Ménéghin, BDP de la Somme)

- Pour accompagner la mue des bibliothèques comme espaces tiers lieux ? (Guillaume Gast / Colette Modion, BDP de la Loire)

- Pour articuler lecture publique et développement social ? (Audre Etrillard / Jacques Delon, BDP de la Haute-Garonne)

- Pour sélectionner et valoriser les collections ? (Jérémy Paillet / Damien Grelier, BDP de la Sarthe)

La synthèse des ateliers avait pour ambition d’aboutir à un plan de formation idéal, se démarquant des plans de formation existants, très axés sur les collections et beaucoup moins sur les services.

Puis un film d’une vingtaine de minutes, réalisé en 2017 par une apprentie du service communication de la BDBR, présentait « Nos métiers, nos compétences », sous la forme d’un journal intime de la directrice.

Design de service

L’après-midi s’achevait par une table ronde sur « le design de service, en projet ou en pratique ». Animée par Amandine Jacquet, bibliothécaire-formatrice, elle réunissait Xavier Couteau, Jean Obrecht – architecte et enseignant, qui a animé des ateliers de design de service à la BDBR avec ses élèves – et Pauline Burnel – directrice du centre de culture scientifique pour la jeunesse « Le Vaisseau » (Strasbourg). Le design de service a pour but de proposer des services « utiles, utilisables et désirables » 7 pour le client et différenciants pour le fournisseur. Les intervenants ont insisté sur l’évolution de leur stratégie vers une approche centrée sur les publics.

Une visite de Strasbourg en bateau était proposée en fin d’après-midi aux congressistes.

De la diversité

Le mardi, la matinée commençait immédiatement avec quatre tables-rondes simultanées :

- Quels publics pour l’offre de formation des BDP ? Animée par Sandrine Pantaleo, BDP de la Dordogne

- Nouveaux besoins, nouvelles compétences, nouvelles offres ? L’offre de formation des BDP vue par les prestataires. Animée par Jean-André Ithier, BDP de l’Hérault

- Quelle place de l’artiste dans le projet de l’action culturelle ? Savoirs et pratiques artistiques en BDP. Animée par Marjorie Troupenat, Bibliopôle du Maine-et-Loire

- Vers de nouveaux modes d’apprentissage ? Horizontalité kézaco ? Animée par Denis Cristol, directeur de l’ingénierie du CNFPT

Suivait une table ronde en plénière, au titre aguicheur « Bene-volore, parce que je le veux / vaux bien ». Animée par Jean-Michel Jung, chef de service du LAB BDBR, elle réunissait quatre bénévoles, aux profils contrastés, qui présentaient leur vision des apprentissages. On y apprit notamment qu’à la BDBR, les assemblées générales du personnel ont été remplacées par des forums, auxquels sont invités tous les acteurs du réseau, professionnels ou bénévoles.

Pour rester dans une ambiance joyeuse, le déjeuner-buffet était précédé d’un mini-concert de chanteurs du cru, les Weepers Circus.

Prospectives

L’après-midi, le forum de l’ADBDP présentait quelques partenaires de l’association. D’abord Cécile Queffélec, responsable de l’Observatoire de la Lecture Publique au SLL, puis Céline Adnet, responsable de la formation initiale des conservateurs territoriaux à l’INET. Cécile Avalonne (BDP du Val-d’Oise) présentait une étude d’impact réalisée sur treize bibliothèques représentatives de son département, intitulée « La bibliothèque vaut-elle le coût ? » 8. Le forum se poursuivait par la présentation des groupes de travail de l’ADBDP – évaluation, par Dominique Delanoue (BDP de la Drôme), action culturelle par Marjorie Troupenat (BDP du Maine-et-Loire) – et du séminaire biblio-droit par Xavier Couteau (BDP d’Eure-et-Loir).

La deuxième partie de l’après-midi était consacrée à l’assemblée générale extraordinaire de l’ADBDP pour les membres, les autres congressistes étant invités à visiter le Parlement européen ou la bibliothèque Malraux de Strasbourg.

Fidèle à leur tradition, ces journées de l’ADBDP comportaient une soirée biblio-festive sur le site de Truchtersheim de la BDBR : visite des locaux et présentation des activités par les personnels, spectacle de conteurs et food-truck à tartes flambées en constituaient le programme.

Apprendre demain

Moins originale dans sa forme que celle d’ouverture, la conférence de clôture, « Apprendre demain », était aussi brillante que passionnante. Richard-Emmanuel Eastes – docteur en sciences de l'éducation et en philosophie, agrégé de chimie, pédagogue pluridisciplinaire, chercheur, médiateur scientifique, entrepreneur, chroniqueur et essayiste – a démontré qu’on apprenait « seul, mais pas tout seul ». Il a présenté les quatre compétences clés pour l’avenir : la créativité, la pensée dans un monde complexe, la collaboration et la pensée critique. Il a insisté sur le besoin de clés de décodage et de démystification, ce qui n’est pas sans rappeler l’attachement des bibliothécaires à la recherche des sources et à l’évaluation de leur pertinence.

L’ADBDP n’est plus, vive l’ABD

Ces journées se sont achevées par une séquence intitulée « L’ADBDP en route vers le futur… : le nouveau visage de votre association ». Plusieurs révélations, qui avaient été esquissées lors de l’ouverture des journées, ont été confirmées. Pour son trentième anniversaire 9, qui n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’une célébration particulière, l’ADBDP n’est plus ! Désormais ouverte à tous les personnels des BDP, après avoir déjà été élargie aux directeurs-adjoints il y a quelques années, elle devient l’Association des Bibliothécaires Départementaux (ABD), en attendant de trouver une autre dénomination. Sa gouvernance évolue également, la fonction exécutive n’étant plus assurée par un président mais par deux à quatre co-présidents, les deux premiers élus étant les actuels vice-présidents. Faut-il y voir un désir d’action plus collective ou une solution pragmatique face à la difficulté de trouver des directeurs de bibliothèques acceptant de cumuler cette charge avec la leur ? Sans doute un peu des deux.