2e IABD Camp

Enssib – 11 octobre 2016

Julien Benedetti

Alice Grippon

Le mardi 11 octobre se tenait le deuxième IABD… Camp, dans les locaux de l’ENSSIB à Villeurbanne. Organisé dans le même esprit que pour la première édition d’avril 2015, l’IABD… a pour cet événement sollicité le public en amont pour la définition des thèmes de cette journée. Trois thématiques principales se sont dégagées tout au long de la journée.

La formation au numérique et aux médias : les bibliothèques, archives et centres de documentation ont une expertise historique dans l’analyse des informations. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans l’accompagnement des populations à la fois pour la compréhension des médias (fiabilité, images…) et pour la maîtrise des outils d’accès aux contenus (éducation au numérique) alors que la technologie comme le droit est en cours d’élaboration.

Archives, bibliothèques et centres de documentation garants et facilitateurs de l’exercice des droits culturels des citoyens et de la construction d’une culture commune : les services d’information, d’archives et de documentation ont un rôle essentiel et stratégique dans les dispositifs des politiques publiques favorisant l’exercice des droits fondamentaux du citoyen à s’informer, à apprendre, à partager ses savoirs, à inventer ses usages et au final à construire une culture commune, diverse et apaisée. Cette notion de respect et de promotion des droits culturels a d’ailleurs été affirmée par l’article 103 de la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) d’août 2015. Cet atelier sera l’occasion de réfléchir à la nature et à la convergence – ou pas – des dispositifs à mettre en œuvre et le cas échéant à la nécessité d’une gestion concertée entre les professionnels des métiers des bibliothèques, des archives et de la documentation au sein d’une même collectivité, d’un même territoire et/ou au-delà ?

« Archiviste, bibliothécaire, documentaliste : des métiers complémentaires mais pas que ! » : l’IABD… est née de la conscience d’une complémentarité entre ces trois métiers et de leur intérêt à porter des ambitions et revendications communes. Pourtant, l’interassociation regroupe aujourd’hui près de 20 associations sectorielles qui témoignent d’un éparpillement des professionnels et de leurs objectifs. Cet atelier sera l’occasion de réfléchir à la convergence de nos pratiques dans le traitement, la conservation et la communication des documents et dans les services aux publics, et à la traduction associative que l’on pourrait en attendre, notamment pour une meilleure reconnaissance et écoute des pouvoirs publics.

Une trentaine de participants, aux profils très variés et issus de nombreuses associations regroupées au sein de l’IABD…, étaient attendus pour cette nouvelle édition : documentalistes, professeurs-documentalistes, bibliothécaires, archivistes ; en collectivités territoriales, en services centraux ou en université ; étudiants, en poste ou retraité.

Lionel Dujol (vice-président de l’IABD, membre du bureau de l’ABF et bibliothécaire à la Communauté d'agglomération Valence Romans Sud Rhône-Alpes), Christian Massault (ancien trésorier de l’IABD et membre de l’Association de coopération des professionnels de l’information musicale -ACIM-) et Juliette Lenoir (trésorière actuelle de l’IABD, membre de l’Association des directeurs des bibliothèques municipales et intercommunales des grandes villes de France (ADBGV) et directrice des bibliothèques de Nancy), pilotaient la journée pour le bureau de l’IABD… Le président de l’interassociation étant par ailleurs retenu par une naissance toute proche !

Au vu du nombre réduit de participants finalement présents mais représentatifs de la grande diversité de l’interassociation, nous avons collectivement organisé la journée lors du petit déjeuner d’accueil. Il a été décidé de ne pas constituer plusieurs groupes mais de faire successivement deux ateliers avant de conclure la journée autour du troisième thème.

Droits culturels, socle commun de l’IABD…

L’atelier du matin fut consacré aux droits culturels des citoyens. Celui-ci s’est déroulé autour de questions telles que : quel dispositif mettre en œuvre pour respecter le droit culturel ? Quelles actions communes envisager entre bibliothécaires, archivistes et documentalistes ?

Les échanges se sont construits à partir de l’article 103 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ou loi NOTRe qui indique que « la responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l'État dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 20051 ».

La déclaration de Fribourg sur les droits culturels a aussi servi de point de départ à la réflexion. Celle-ci « promeut la protection de la diversité et des droits culturels au sein du système des droits de l’homme. Elle est le fruit d’un travail de 20 ans d’un groupe international d’experts, connu sous le nom de ‘Groupe de Fribourg’ coordonné par Patrice Meyer-Bisch.

Cette Déclaration rassemble et explicite les droits culturels qui sont déjà reconnus, mais de façon dispersée, dans de nombreux textes internationaux. » 2

Les bibliothécaires ont évoqué les problèmes qui se posent à eux avec le livre numérique et les droits culturels, puisqu’il est prouvé que là où la propriété intellectuelle est forte, les droits culturels reculent. Dans le cas des livres numériques, l’argent public sert à acheter des ressources numériques mais dont la technique, les DRM, empêche la copie alors même que c’était possible avec la ressource papier (pour un usage dans le cadre privé). Avec la question de l’offre de Wifi aux usagers des équipements culturels, cette incongruité a été soulevée : un fast-food facilite plus l’exercice des droits culturels qu’une bibliothèque ou un service d’archives, puisqu’il autorise un accès non bridé à ses clients. Nous avons donc pu constater que le numérique n’avait pas nécessairement entraîné une augmentation des droits culturels. Un autre exemple est venu conforter ce constat : pour avoir accès à une ressource numérique dans une bibliothèque universitaire, un étudiant doit être inscrit dans cette université : le système de prêt-inter valable pour les livres, sous format papier, ne fonctionne plus avec les ressources numériques. Le livre papier était associé à des droits qui s’épuisaient dans le temps, ce n’est pas le cas avec le livre numérique dont on n’acquiert pas la matière mais l’accès seul.

De manière générale, pour plusieurs participants à la journée, le numérique renforce ce que l’on sait, on y cherche quelque chose de précis, cela n’ouvre pas vers l’extérieur ou au moins pas autant qu’avec un rayonnage de livres, l’effet curiosité est moins fort.

Il existe toutefois des solutions pour garantir et respecter les droits culturels. Des pays ou régions font des tests, comme la Wallonie qui a décidé l’achat de livres numériques à l’échelle régionale afin de les mettre à la disposition des bibliothèques (baissant ainsi la charge financière de ces dernières) ou la construction de bibliothèques de contenus virtuels comme à Nancy. L’important est l’acculturation des professionnels comme des usagers et la communication qui peut renforcer l’accessibilité numérique mais aussi physique et matérielle.

Ces débats peuvent être portés à différents échelons. Il est rapidement apparu aux participants qu’en intra, il s’agissait de débats professionnels ; en local et national, de débats à porter par les associations et, pour le supranational, des débats à porter par des structures comme l’interassociation.

Bibliothécaires, archivistes et documentalistes : passeurs de numériques

Le second atelier portait sur la formation au numérique et aux médias. L’IABD… a tout d’abord évoqué sa présence à Educnum. En 2013, espérant en faire une grande cause nationale, la CNIL a initié un Collectif d’acteurs très divers (issus du monde de l’éducation, de la recherche, de l’économie numérique, de la société civile, de fondations d’entreprises et autres institutions) pour porter et soutenir des actions visant à promouvoir une véritable « culture citoyenne du numérique ». Ce collectif a œuvré dans ce sens bien que le thème n’ait pas été retenu par l’État.

Ce collectif travaille sur différents thèmes :

- littératie numérique 3

- mise en garde

- acculturation

Les participants ont évoqué le possible manque de socle commun aux trois professions et le fait que dans les services, les questions du numérique ont été traitées par des recrutements et pas toujours par des actions de formation.

Actuellement, les bibliothèques, services d’archives ou centres de documentation ne sont pas identifiés comme des lieux d’expertise numérique : pour cela il est nécessaire que les compétences soient globales et communes dans le service et pas seulement individuelles, au risque de les voir disparaître en cas de changement de personnel.

Les missions de formation et d’acculturation doivent aussi être tournées à destination de nos publics. Avec le développement des usages numériques, une fracture a pu se créer, cette préoccupation rejoignant ainsi l’atelier du matin autour des droits culturels.

Les services se doivent d’être innovants et notamment de proposer une réflexion sur les usages. Des initiatives d’UX (User Experience) peuvent être à la source d’une nouvelle façon de travailler avec les usagers en étant dans une logique de co-construction de l’offre.

Des idées qui germent et des projets à mener

Cette journée a donc permis de voir que l’IABD… avait un rôle à jouer, aussi bien dans la défense de la garantie des droits culturels que dans l’éducation au numérique. Il semble opportun que l’IABD… renforce sa communication en rassemblant par exemple quelques indicateurs sur le périmètre des associations (collections, adhérents, utilisateurs et visiteurs des services, etc.) et en réaffirmant la volonté de porter les droits de tous et les missions de nos services.

Des pistes de nouvelles actions sont apparues mais le plus difficile reste de faire vivre une telle structure. Les personnes présentes se rejoignent sur le constat et la nécessité mais également sur le manque de temps. Le dynamisme d’une telle structure est précaire mais tout le monde est convaincu de son intérêt. Rendez-vous donc pour l’Assemblée générale de l’IABD… le 28 novembre 2016 !