On en parle : sélection de ressources autour du Baromètre CNL « Les Français et la lecture »

Pierre Moison

Béatrice Michel

La rubrique « On en parle » apporte des éclairages complémentaires sur une actualité récente. Vous souhaitez partager des références ? Envoyez votre contribution « On en parle » à : bbf@enssib.fr

Une sélection conçue par Pierre Moison et Béatrice Michel, de la mission « Médiation numérique » à l’Enssib.

*

  • Le Centre national de la lecture (CNL) a publié en mars 2021 les résultats de son étude barométrique sur les Français et la lecture, que le communiqué de presse synthétise ainsi :

« Les Français sont encore très nombreux à lire (plus de 80 % des Français ont lu au moins un livre dans l’année), même si 2020 est marquée par une baisse de la lecture, certainement liée aux contraintes imposées par la crise sanitaire.

La diminution des déplacements en général et les fermetures de lieux de lecture (librairies, bibliothèques) sont vraisemblablement un des facteurs de cette diminution.

Pourtant, les Français sont plus nombreux à déclarer avoir lu davantage qu’auparavant. Le télétravail s’étant fortement développé, la porosité entre la lecture liée au travail ou aux études et la lecture pour le plaisir n’a pas joué en faveur de cette dernière.

Les Français ont probablement eu envie de mieux comprendre le monde et de décrypter la crise que nous avons traversée : ils ont lu davantage de livres de reportages et d’actualité (essais, biographies…), mais moins de romans (– 7 points) et de livres pratiques (– 7 points).

Les Français sont très attachés à leurs librairies. 80 % des acheteurs déclarent s’y être procuré des livres en 2020. »

« 86 % des Français ont lu un livre ou plus en 2020, une baisse de 6 points par rapport à 2019. La catégorie des 15-24 ans est particulièrement touchée. […] Car en 2021, seuls 80 % des 15-24 ans se perçoivent comme lecteurs, ils étaient 92 % à le penser en 2019. […] Ils restent malgré tout la tranche d’âge qui lit le plus, juste devant les seniors. […] Conséquence des confinements et fermetures d’établissements scolaires et universités, les jeunes lecteurs ont lu des ouvrages surtout qualifiés d’utilitaires. Plus surprenant, la BD perd du terrain, tout comme la poésie ou les livres pour enfants. Quand 2020 fut pourtant une année record de vente de bande dessinée, avec le manga pour grand vainqueur. […] En conséquence, la lecture plaisir a perdu du terrain puisque 42 % des jeunes interrogés ont déclaré lire autant pour leurs loisirs que pour leurs études. […] “C’est une baisse tendancielle, constatée depuis une dizaine d’années”, affirme Régine Hatchondo. Évidemment, les écrans jouent un rôle important. Les séries, YouTube chez les jeunes, la musique et les vidéos en ligne, les différentes plateformes, les podcasts concurrencent les livres. […]

Pour ramener ces jeunes vers la lecture, qui ont tendance à moins lire à partir de 12-13 ans, le Centre national du livre compte miser sur les réseaux sociaux. »

« On reste une nation de lecteurs puisque plus de 80 % des Français déclarent avoir lu au moins un livre dans l’année. Mais on a un déclin chez les 15-25 ans, et une moins grande intensité de lecture chez les grands lecteurs (ceux qui lisent au moins 20 livres par an). C’était déjà apparent dans les études précédentes, mais la crise l’a un peu conforté. […]

Le secteur du livre a plutôt bien résisté à la crise puisqu’il n’a enregistré une baisse du chiffre d’affaires que de 3 %. Mais ces 3 % cachent de fortes disparités, car la prescription du libraire ayant un temps disparu, les achats se sont concentrés sur les livres facilement identifiables, les grands classiques, les prix littéraires et ou les auteurs très connus, au détriment des livres “découvertes”, des premiers romans, les livres édités par les maisons indépendantes […]

Les risques sont que la surproduction soit encore plus importante qu’elle ne l’est habituellement. […]

Le budget global du plan de relance pour les librairies s’est élevé à 15 millions d’euros, et nous allons renforcer ce plan avec une aide à la modernisation des librairies, d’un montant de 6 millions d’euros […]

Je pense qu’il faut qu’on soit plus innovant dans notre manière de développer le désir pour un livre et dans l’évocation du plaisir que cela peut donner. Il faut une politique “agressive”, c’est peut-être pas le mot mais en tous les cas quand même, une politique extrêmement dense, une réflexion réfléchie sur les 15-25 ans. Nous devons trouver des moyens de les inciter à lire en développant des contenus innovants, notamment sur internet qui est l’endroit où ils sont aujourd’hui. […]

Nous allons réfléchir au CNL à la prescription, à la recommandation sur les réseaux sociaux. Nous allons lancer une grande campagne de communication digitale sur la découverte, en créant des capsules vidéo, avec des interviews d’auteurs qui parlent de leurs livres, ou des conseils de lecture par des personnalités, et également des podcasts. »

  • Dans une tribune au journal Le Monde [accès sur abonnement], Pierre Lungheretti, directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, appelle au combat à mener contre « la captation de notre attention par ces flux incessants qui nous détournent de l’essentiel, de la réflexion, de la connaissance et de la pensée » :

« Nous avons parfois une attitude résignée face au déclin de la lecture dans des pans entiers de nos territoires, malgré l’existence de médiathèques et des professionnels remarquables qui les font vivre. C’est contre cette résignation qu’il faut lutter. Les GAFA devraient aussi être mis à contribution pour participer à cet effort collectif qui engage l’avenir de nos démocraties. La disponibilité des livres ne suffit pas à créer le désir. Pour créer le désir de lecture, il faut beaucoup plus. Il faut des “passeurs”. […]

Il faut que les acteurs culturels et les acteurs du champ social nouent une alliance durable pour toucher ceux qui en ont le plus besoin. […] Le temps nous est compté, mais nous sommes riches d’un nombre considérable d’auteurs, d’éditeurs, de libraires, de médiathèques, de centres sociaux et d’associations disposant d’énergie et de ressources pour inverser la tendance. Alors, allons-y ! »