Magasiniers : quelles activités ?

Une enquête Médiat en Rhône-Alpes

Muriel Coulon

Claire Toussaint

Dans le cadre d’une réflexion sur son offre de formation, Médiat Rhône-Alpes a mené en 2015 une enquête sur les activités des magasiniers en BU. La présentation des résultats est une étape dans un projet qui s’étend au personnel de catégorie B en 2017 et qui devrait, à terme, permettre de proposer une analyse couvrant l’ensemble des activités, contextualisées au territoire Rhônalpin.

As part of an assessment of its training courses, Médiat Rhône-Alpes conducted a survey in 2015 of what university library stack attendants do. Presenting the results is one step in a broader survey of Category B staff in 2017 which will eventually result in an analysis of the full range of their professional activities in the Rhône-Alpes region.

Médiat Rhône-Alpes est le centre régional de formation aux métiers des bibliothèques (CRFCB) de Rhône-Alpes. À ce titre, nous proposons des formations ayant pour public les agents de catégorie B et C. Chaque année une réflexion est menée au sein de l’équipe pédagogique autour de l’offre de formation, celle-ci devant être en adéquation avec les besoins des agents.

En 2015, le focus a été fait, de manière plus spécifique, sur la présence des magasiniers dans ces formations. Ainsi, une analyse des statistiques par catégorie de personnel a fait ressortir une représentativité majeure des magasiniers au sein des formations en intra ou sur site  1. En revanche, la situation s’inverse dans les formations inter, proposées par Médiat Rhône-Alpes dans son catalogue. Un examen plus détaillé des thématiques, nous a permis d’établir deux constats. D’une part, les formations en intra suivies par les magasiniers portent principalement sur l’accueil. D’autre part, les formations inter privilégiées par cette catégorie de personnel sont plutôt orientées vers le traitement du document, à savoir le catalogage ISBD et UNIMARC, l’indexation RAMEAU et la classification Dewey, ainsi que les stages en lien avec la Transition bibliographique.

À partir de ce constat, il nous est apparu comme indispensable d’approfondir notre connaissance des activités actuelles réelles des magasiniers et de leurs évolutions  2. Après validation par l’équipe pédagogique de la réalisation d’un projet d’enquête, au premier semestre 2015, nous avons précisé les objectifs et les résultats attendus :

  • établir un panorama des segments d’activités assurées par les magasiniers ;
  • identifier les compétences principales ;
  • proposer des formations en adéquation avec l’analyse des résultats.

Au cours de l’avancée du projet, nous avons pu observer des interactions manifestes entre les activités assurées par les personnels de catégorie C et de catégorie B. Ce constat nous a amenées à affirmer le besoin de compléter cette première enquête par une seconde, afin de garantir une analyse qualitative des résultats. Cette seconde enquête portera sur les activités des personnels de catégorie B en Rhône-Alpes, elle est en cours de réalisation. En compilant les résultats de ces deux enquêtes, nous pourrons présenter une analyse couvrant l’ensemble des activités, contextualisées au territoire rhônalpin.

Notre objectif final reste similaire, et se traduira également par une proposition de formation adaptée, au plus près des besoins repérés.

Le choix des publics enquêtés et la méthode de travail

En lien avec les objectifs de l’enquête, le choix a été fait de cibler l’ensemble des personnels assurant des activités de magasinage, et ce, quel que soit leur statut.

Ainsi, les agents enquêtés relèvent des différentes filières, qui sont : la filière des bibliothèques, celle des personnels administratifs (AENES), et celle des personnels techniques (ITRF). Leurs statuts peuvent être indifféremment ceux de titulaires ou de contractuels. Par convention, nous utiliserons le terme de magasinier tout au long de ce texte.

Il est à noter qu’à la date de l’enquête, le périmètre retenu couvre ce qui est alors la région Rhône-Alpes. Ce territoire montre une grande variété, en termes de taille d’établissements  3, comme de population étudiante et de communauté scientifique. En conséquence, les réponses apportées dans les domaines des collections et des services sont différenciées, et de fait mobilisent des organisations internes spécifiques à chaque établissement. Situation qui impacte la structuration des activités assurées par les magasiniers.

La première étape a consisté à recenser les magasiniers au sein de chaque établissement rhônalpin, soit 203 agents. Sur ce dernier point, nous pouvons remarquer des situations contrastées selon les établissements. Ainsi, le nombre de magasiniers par établissement varie de 2 à 37. Sur la base de cette observation, nous pouvons faire l’hypothèse d’un contexte d’exercice de leurs activités variant en fonction de la taille et des organisations des établissements.

La constitution du questionnaire, moment clé dans la réalisation de l’enquête, a débuté par un inventaire des activités. Nous avons ainsi pu en établir une liste quasi exhaustive. Une attention particulière a été portée aux termes utilisés car, selon les établissements, les mêmes vocables professionnels ne recoupent pas forcément les mêmes activités. Par exemple, le terme exemplarisation peut recouvrir différentes significations :

  • la localisation d’un exemplaire dans le Sudoc ;
  • la création d’une notice d’exemplaire dans le SIGB ;
  • l’ajout d’informations dans une notice d’exemplaire existante dans le SIGB.

À partir de ces prérequis, nous avons pu formuler les termes du questionnaire, puis procéder à des regroupements par grands pans d’activités. Ceux-ci ont fait l’objet d’une déclinaison par activités : ainsi, l’activité « équipement des documents » fait partie du grand pan d’activité « traitement matériel » des collections. Une fois ces regroupements effectués, le format du questionnaire retenu a permis de récolter des réponses satisfaisantes, tant sur le plan qualitatif que quantitatif ; nous avons ainsi pu obtenir un taux de réponses représentatif.

La prise en compte de ces différents éléments nous a permis de concevoir un questionnaire en ligne composé d’une série de cinquante-sept questions fermées – dont vingt questions chapeaux – et de deux questions ouvertes, avec un temps de réponse total inférieur à cinq minutes.

Le questionnaire a été envoyé aux magasiniers par l’intermédiaire des correspondants formation en décembre 2015. La clôture du questionnaire en ligne a été effectuée deux mois plus tard, ce qui nous a permis de recueillir cent réponses, soit 49,26 % des magasiniers des BU de Rhône-Alpes.

Ensuite, un délai de cinq mois a été nécessaire au traitement des réponses ainsi qu’à la production d’un premier niveau d’analyse. Le second semestre 2016 a fait l’objet d’un premier bilan d’étape assorti d’une présentation lors du conseil d’administration de Médiat Rhône-Alpes. Afin de présenter les conclusions des résultats de l’enquête et de proposer les nouvelles formations destinées aux magasiniers, un document de synthèse leur a été transmis au début du mois d’avril 2017.

Le mois de janvier 2017 a été consacré à la formalisation du questionnaire dédié aux activités des agents de catégorie B.

À l’issue de cette dernière enquête, nous porterons à l’attention des lecteurs une analyse consolidée et étayée sur l’ensemble des activités assurées par les personnels de catégories C et B.

Les paragraphes suivants se proposent de présenter une synthèse des résultats en ce qui concerne les magasiniers.

Éléments à prendre en compte

Avant tout, il nous semble important d’attirer l’attention du lecteur sur des éléments susceptibles d’influencer les résultats de l’enquête.

Ceux qui portent sur la compréhension et/ou l’interprétation des vocables utilisés dans la formulation des questions. À l’exemple de l’usage fait du verbe participer, qui ne donne pas d’indication quant à la récurrence de l’activité et au niveau de mobilisation des compétences.

L’analyse des activités assurées par les magasiniers que nous vous proposons ne prend pas en compte les caractéristiques spécifiques à chaque SCD. Le choix de l’anonymisation, de fait, réduit le focus sur le plan de l’analyse des résultats, en ce sens qu’il nous prive d’un ensemble d’informations relatives aux aspects organisationnels et structurels.

Ce que nous retenons

Les services publics au centre des activités des magasiniers

Effectivement, quelle que soit la demande d’un usager au sein d’une bibliothèque universitaire, les savoir-faire des magasiniers contribuent à y répondre de manière directe et/ou comme acteurs d’un processus  4.

Pour illustrer ce propos, penchons-nous sur la répartition des pratiques professionnelles que souligne la mosaïque des activités.

Illustration
Mosaïque des activités en % (100 réponses traitées)

La première partie, représentative d’un socle commun d’activité, partagé par 99 % des magasiniers, se traduit par des activités qui recouvrent les domaines du service public et du traitement physique des collections.

La seconde partie des activités, partagées par 50 % des magasiniers, témoigne, entre autres, de leur participation à des services en plein développement au sein des bibliothèques universitaires.

Au-delà des pourcentages, les résultats nous donnent aussi des indicateurs sur l’intervention des magasiniers comme acteurs de processus dans des domaines autres que l’accueil des publics et le traitement physique des collections.

Focus sur l’accueil, le renseignement
et le traitement physique des collections

L’observation des résultats montre l’homogénéité des tâches assurées par les magasiniers. En ce qui concerne les pourcentages de participation moins importants, nous pouvons établir un parallèle entre le périmètre et/ou la périodicité de ces activités au sein du SCD. L’activité d’accueil en langue anglaise apparaît comme particulièrement intéressante en ce sens qu’elle requiert un savoir-faire hors du champ des compétences métier.

Les activités de rangement, d’équipement et d’estampillage restent dominantes et partagées par la quasi-totalité des magasiniers. À l’inverse, le champ des activités relatives à la gestion des fonds de périodiques, à la conservation des fonds patrimoniaux et à la réparation des ouvrages est partagé par moins de la moitié des magasiniers. Ce constat est représentatif des organisations des établissements.

Les activités secondaires

Focus sur le prêt entre bibliothèques

42 % des magasiniers ayant répondu participent à l’activité de prêt entre bibliothèques. Ce chiffre illustre ce dont nous avons fait mention dans le paragraphe précédent consacré aux éléments à prendre en compte. Il nous est ainsi difficile de préciser avec certitude les activités réelles mises en œuvre par les magasiniers au sein du prêt entre bibliothèques. Ces dernières peuvent recouvrir des réalités très différentes, allant de la recherche d’ouvrages dans les rayonnages à l’utilisation du logiciel de prêt entre bibliothèques.

Illustration
Prêt entre bibliothèques

Focus sur la formation des usagers

Si 53 % des magasiniers déclarent participer à la formation des usagers, il nous semble intéressant de retenir les pourcentages relatifs à l’animation de visites « découverte » de la bibliothèque (58 %), et à l’accompagnement des travaux pratiques étudiants (21 %). L’activité d’animation de visites peut être considérée comme un prolongement des activités d’accueil ou comme une activité rattachée au domaine de la formation. Nous émettons l’hypothèse que la pratique de l’activité d’accompagnement de travaux pratiques étudiants relève de bibliothèques de taille réduite au sein desquelles les magasiniers couvrent un spectre d’activités élargi.

Illustration
Formation des usagers

Focus sur la communication

L’activité communication se manifeste à 87 % par la participation à la mise en œuvre de la signalétique, et peut se comprendre comme un prolongement des activités liées à l’accueil des publics. En ce qui concerne le pourcentage de magasiniers participant à la communication externe, il recouvre des réalités plus contrastées, pouvant aller de la conception de supports de communication à la mise en œuvre de l’affichage.

Illustration
Communication

Focus sur la numérisation

7 % des magasiniers assurent une activité dans le domaine de la numérisation. Plusieurs facteurs expliquent ce résultat. D’une part, le périmètre restreint, voire l’absence de cette activité au sein des bibliothèques universitaires. Et d’autre part, lorsque l’activité existe, elle mobilise un nombre réduit d’équivalents temps plein (ETP) pour la mettre en œuvre. En outre, l’activité de contrôle qualité fait parfois l’objet d’une sous-traitance en externe. Néanmoins, la réalisation technique de la numérisation comme le contrôle qualité requièrent des compétences techniques spécifiques, récentes dans le champ des compétences relevant de cette catégorie de personnels.

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Numérisation

Focus sur le signalement

Les magasiniers sont 48 % à participer au signalement des collections dans le SIGB de leur bibliothèque et 25 % dans le Sudoc. Avant d’aller plus en loin, faisons une précision sémantique : le terme exemplariser a été retenu ici indifféremment pour le travail de localisation d’un exemplaire, c’est-à-dire de création d’une notice d’exemplaire, dans le SIGB et dans le Sudoc. Nous remarquons que tous les magasiniers qui interviennent dans le SIGB, participent à l’activité exemplarisation, qu’ils sont 71 % à vérifier les notices et 56 % à les compléter. Ces chiffres s’expliquent, d’une part, par la nécessité de procéder à un travail d’exemplarisation de toutes les notices, même celles qui ont été versées depuis le Sudoc ; d’autre part, on peut émettre l’hypothèse que les vérifications et complétions de notices concernent des ouvrages qui ne sont pas catalogués dans le Sudoc.

Illustration
Signalement

Focus sur les activités autres, tâches administratives

La participation des magasiniers aux activités administratives concerne 53 % d’entre eux. Le pourcentage le plus élevé correspond à l’activité « envoi du courrier ». Ce résultat nous semble peu significatif quant aux activités prises en charge par les magasiniers, contrairement à celles qui recouvrent le volet administratif du processus consacré aux acquisitions. Ces dernières montrent, comme nous l’avons déjà mentionné dans les lignes précédentes, la présence des magasiniers au-delà des périmètres des activités d’accueil et de traitement physique des documents.

Illustration
Activités autres, tâches administratives

Intéressons-nous maintenant aux activités de signalement dans le Sudoc : 44 % des magasiniers intervenant dans le Sudoc assurent l’ensemble des tâches et 96 % la localisation. Il est intéressant de mettre en perspective ces résultats avec l’enquête menée par l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) sur les Usages professionnels du Sudoc 5 entre le 25 janvier et le 28 février 2017. Cette enquête montre que les magasiniers participent prioritairement à la localisation, ce que nous nommons exemplarisation, mais qu’ils participent aussi au travail sur des notices existantes. La possibilité pour les établissements d’utiliser Colodus  6, application d’exemplarisation dans le Sudoc, a pu favoriser cette tâche. La situation en Rhône-Alpes apparaît donc comme étant en concordance, sur ce point, avec la situation nationale, c’est-à-dire une participation des magasiniers à l’activité de signalement des collections dans le Sudoc, prioritairement par le biais de l’exemplarisation, mais aussi par la participation au travail qualitatif sur les notices.

Ces résultats mettent en avant l’émergence de la prise en charge, par les magasiniers, d’activités diversifiées. Néanmoins, ce dernier point reste à nuancer. En effet, nous observons une constante, et ce, quelle que soit la diversification. Ainsi, les magasiniers ayant répondu à l’enquête assurent entre quatre et cinq activités qui participent à ce que nous avons choisi de nommer « cœur de métier ». Tandis que le volet relatif aux activités, que nous qualifierons de « complémentaires », montre une segmentation significative. Pour autant, nous avons observé, et ce, de manière récurrente, la prise en charge, par les magasiniers, de deux à neuf activités complémentaires.

Ces résultats soulignent, par le biais de leurs activités, la nécessité pour les magasiniers de développer des compétences qui relèvent de savoir-faire techniques et de savoir-faire relationnels.

Et ensuite ?

Que faire de ces résultats ? Quelle suite donner à l’enquête ? Comment prendre en compte ce travail dans l’offre de formation de Médiat Rhône-Alpes ?

Les premiers résultats exploitables ont été fournis entre novembre et décembre 2016, ce qui était un peu tard pour proposer une offre de formation rénovée aux magasiniers.

En effet, le calendrier de programmation de Médiat Rhône-Alpes est fondé sur l’année civile ; nous proposons donc un catalogue de formation qui s’étend de janvier à décembre. Cependant, il nous semblait important de prendre en compte ces résultats, au mieux, dès la programmation 2017.

Ainsi, nous avons fait le choix de proposer des parcours de formation identifiés comme s’adressant principalement aux magasiniers. De ce fait, il nous semble plus opérant, pour les magasiniers comme pour les correspondants formation, de les repérer en tant que tels dans la proposition d’offre de formation de Médiat Rhône-Alpes.

Cette formule présente l’avantage de garantir une logique pédagogique sur plusieurs formations, et ainsi un développement des compétences dans les domaines proposés, que sont ceux de l’accueil et du traitement du document.

Relatives à ces thématiques choisies, deux logiques différentes sont à mettre en évidence. Pour la première, il s’agit de renforcer, de développer un ensemble de compétences qui tient compte des évolutions des pratiques des usagers, autour de l’accueil des publics.

Les formations proposées, de différents niveaux, ont pour objectif de développer des connaissances, par exemple « Comprendre et agir en situation d’accueil en bibliothèque universitaire ». Elles permettront aussi de favoriser l’acquisition d’outils et de pratiques professionnelles en situation d’accueil, ou encore d’approfondir des compétences en matière de recherche documentaire.

De manière générale, cette proposition de formation est une réponse à l’attention portée par les établissements au management du développement des compétences, levier indispensable pour garantir la qualité du service.

Les stages de catalogage et d’indexation sont proposés par Médiat Rhône-Alpes depuis plusieurs années. Le parcours « Traitement du document » les regroupe.

Nous avons constaté une évolution catégorielle des publics dans la fréquentation de ces stages. Parallèlement, les résultats de l’enquête démontrent de manière certaine la prise en charge par les magasiniers d’activités relevant du traitement du document. Constat qui a confirmé la nécessité de réorienter différemment ces stages. De plus, ces cinq dernières années ont vu une participation croissante des magasiniers à ces formations, jusqu’à représenter parfois la totalité des stagiaires.

La création d’un parcours permettra aux stagiaires de valider l’acquisition de compétences dans le domaine de la production de notices bibliographiques. En outre, la délivrance d’une attestation de suivi de formation listant les compétences acquises, après validation, leur permettra de les valoriser. En effet, pour chacun des parcours, un travail d’identification des compétences a été réalisé.

Ainsi, la production de cette enquête, même si elle n’est encore qu’une étape dans un dispositif plus ambitieux, nous a déjà permis d’adapter notre offre de formation afin d’accompagner au mieux les magasiniers dans le développement de leurs compétences.

Par la réalisation d’enquêtes, orientées sur les activités des personnels relevant de la filière bibliothèque, Médiat Rhône-Alpes contribue à l’amélioration de la qualité de son offre de formation. Ainsi, conformément à nos missions, nous accompagnons les agents dans le développement de compétences. Par ailleurs, les résultats ainsi produits pourront être utiles aux établissements afin de mieux situer les activités de leurs agents, et d’avoir une représentation globale, sorte de cartographie des activités des agents sur un territoire.