Médiation et valorisation des contenus en bibliothèque

Stratégie en ligne et blogs dans les bibliothèques de Brest

Julie Le Mest

Après avoir évoqué le contexte de la naissance des outils en ligne et leur diversité, Julie Le Mest analyse leur mise en œuvre à Brest, leur succès et la difficulté de mobiliser des équipes sur le long terme. Cet article évoque également les questions techniques et les questions d’organisation à prendre en compte.

Julie Le Mest begins by looking back at the birth of online tools and the range of resources now available, then studies how they are used in Brest, focusing particularly on their success and the challenges involved in getting staff to adopt them long-term. The article also looks at the technical and organisational issues involved.

Julie Le Mest untersucht im Anschluss an die Erwähnung des Kontextes der Entstehung der Online-Hilfsmittel und ihrer Vielfalt ihren Einsatz in Brest, ihren Erfolg und die Schwierigkeit der langfristigen Mobilisierung der Teams. Dieser Artikel beschreibt auch die zu berücksichtigen technischen Fragen und Fragen der Organisation.

Después de haber evocado el contexto del nacimiento de las herramientas en línea y su diversidad, Julie Le Mest analiza su aplicación en Brest, su éxito y la dificultad de movilizar equipos a largo plazo. Este artículo evoca igualmente las cuestiones técnicas y las cuestiones de organización a tomar en cuenta.

Avec le développement du web 2.0 dans les années 2000, les bibliothèques ont vu l’opportunité d’une communication sous une nouvelle forme avec leurs usagers. Au-delà de leur site web, la présence en ligne des bibliothèques sur les blogs, plateformes, réseaux sociaux, portait la promesse d’un nouveau type d’interaction : les usagers s’étaient déjà emparés de ces modes de communication, notamment pour échanger sur les contenus culturels. Le postulat était lancé : en allant elles aussi sur ce territoire, à la rencontre de leurs publics, les bibliothèques ne pouvaient que rencontrer le succès immédiat !

Et pourtant, les (nombreuses) bibliothèques qui se sont lancées dans l’aventure ont pu constater que les choses se passaient moins simplement que prévu. L’apparente évidence du lancement d’un outil (quoi de plus simple que de créer un blog, une page Facebook ?) cache l’ampleur du projet à structurer et, si la médiation en ligne des bibliothèques trouve aujourd’hui toute sa légitimité en portant une expertise propre et en relayant l’action et les collections locales, les espoirs initiaux (un peu irréalistes) d’une collaboration et d’un échange avec le public ont souvent été déçus.

Toute sphère nouvelle demande à être traitée d’une façon nouvelle. Il est donc normal que l’invention par les bibliothèques de leur médiation en ligne ne se fasse pas sans tâtonnements, expérimentations, échecs et succès. C’est cette histoire partagée et en cours d’écriture, faite d’échanges et d’apprentissages collectifs, que nous vous proposons de raconter ici par le biais des expériences des bibliothèques de Brest.

Aux origines de la médiation en ligne

Il est difficile de se le représenter aujourd’hui, mais il fut un temps où internet n’existait pas, et certains disent que des événements importants se sont déroulés à cette période. En remontant aux sources de la médiation numérique dans les bibliothèques de Brest, nous sommes ainsi, à notre grande surprise, arrivés à des sources sans lien avec les ordinateurs, voire à des faits antérieurs aux années 1990.

Le contexte : un volontarisme de la collectivité

La ville de Brest a, depuis les débuts du web, une action volontariste dans le domaine du partage des nouvelles technologies et de l’expression multimédia. Ce volontarisme est incarné dans un service de la ville dédié à ces enjeux, le Service internet et expression multimédia. Acteur majeur du développement des points d’accès publics à internet, organisateur de formations aux usages innovants, soutien de l’expression citoyenne par le biais de journaux de quartier ou de sites collaboratifs, le Service internet et expression multimédia organise par ailleurs des manifestations dédiées à ces thématiques (Forum des usages coopératifs, Brest en biens communs) et mène des projets coopératifs structurants, tels que Wiki-Brest, le premier wiki de territoire créé en France.

WIKI-BREST

http://www.wiki-brest.net

Date de lancement : 2006

L’outil : médiawiki

Les objectifs : favoriser l’écriture collaborative, le partage et le lien social à l’échelle locale.

Les contenus : plus de 3 200 articles. Production et partage de contenus dans l’esprit du libre (wiki), autour des connaissances et de l’expérience (témoignages, récits d’événements) plutôt que d’un savoir encyclopédique.

L’organisation et les contributeurs : coordination par le Service internet et expression multimédia de la ville de Brest, 1 400 contributeurs. Les bibliothèques de Brest ont contribué à certains articles. Plus de 7,5 millions de visiteurs depuis le lancement du projet.

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Wiki-Brest

    Ce contexte favorable a permis aux bibliothèques et à leurs agents de bénéficier d’un soutien et d’une expertise au long de leurs projets, par le biais de formations et de prêt de matériel, et surtout de baigner dans une ambiance d’innovation autour du multimédia et de ses usages.

    Des sources dans l’ADN du réseau brestois

    Mais le contexte ne fait pas tout. L’histoire même du réseau brestois porte des éléments qui ont favorisé le développement de la médiation en ligne.

    Quelques éléments structurants, pour commencer : les bibliothèques de Brest, en 2013, c’est 9 bibliothèques et 133 ETP, formant un réseau décentralisé appelé aujourd’hui à muter avec l’ouverture prévue en 2015 d’une médiathèque centrale. Ce réseau compte 25 000 abonnés, soit environ 17 % de la population brestoise pour 1,3 million de prêts par an. Élément significatif, le fonctionnement du réseau est également décentralisé, favorisant les initiatives locales et accordant un grand champ d’action aux équipes, même si, ces dernières années, les services centraux ont été fortement renforcés.

    Ce qui joue également, c’est l’accent porté sur le développement des publics, avec un service dédié. Aux origines, le développement des publics a été celui des sections jeunesse, à la fin des années 1970 : suivant la production éditoriale, les bibliothécaires ont alors créé plusieurs comités de lecture, d’abord concernant la jeunesse (albums, romans jeunes), puis les romans ados, la BD, les romans adultes. Toujours actifs, producteurs d’avis diffusés par le biais de plaquettes dès les années 1980, les comités de lecture ont ancré l’habitude du partage autour de la production éditoriale dans les pratiques des bibliothécaires brestois. Pendant plusieurs années, par ailleurs, des emplois-jeunes, pérennisés en postes spécifiques à la fin du dispositif, ont mené une action en direction du développement des publics avec une médiation numérique dans les points d’accès publics à internet des bibliothèques : si les profils de poste ont aujourd’hui changé, cette expérience-là a également marqué la culture du réseau brestois.

    Enfin, les bibliothèques de Brest ont pu bénéficier de services ressources pour le développement d’outils de médiation en ligne : l’administration fonctionnelle du SIGB et du portail est en effet centralisée dans un service unique, le Service des applications informatiques et multimédias, de 3,5 ETP aujourd’hui, servant de relais avec la Direction des systèmes d’information et télécommunications (DSIT) de la ville et qui a permis aux bibliothèques de développer une expertise propre.

    Ces éléments forment le terreau sur lequel la stratégie en ligne des bibliothèques de Brest a pu se développer, et en donnent les caractéristiques principales. Suit l’histoire du développement des outils eux-mêmes.

    Le développement d’une stratégie en ligne

    Le lancement des premiers outils

    La première brique de la présence en ligne des bibliothèques de Brest est, bien entendu, leur portail. Jusqu’en 2005, les bibliothèques de Brest doivent se contenter d’une page sur le site de la ville. En ces temps héroïques, toute modification apportée à la page n’est prise en compte que le lendemain. Autant dire que l’interactivité n’est pas de mise.

    L’arrivée du portail va changer cet état de fait : développé sur un CMS, Interligo, le portail permet de gérer des droits de contributions et donc d’accueillir la parole de nombreux bibliothécaires participants. Aux informations pratiques et au catalogue en ligne s’ajoutent donc les avis des comités de lecture, des coups de cœur, un agenda culturel, des dossiers, écrits par les bibliothécaires du réseau. Développé en interne par la DSIT en lien avec le Service des applications informatiques des bibliothèques, ajusté aux besoins exprimés par les bibliothécaires, le portail permet une bonne mise en forme des contenus sans intervention des rédacteurs et guide l’écriture : sa prise en main par les bibliothécaires est donc bonne. Le portail permet aux publics d’accéder aux contenus proposés thématiquement, ou par bibliothèque source. En 2009, la refonte graphique qui lui donne son aspect actuel lui permet de gagner toute son audience.

    Bien qu’il ne soit plus développé depuis 2007, le portail reste aujourd’hui la voix principale du réseau et le canal de communication en ligne le plus consulté.

    PORTAIL DES BIBLIOTHÈQUES DE BREST

    http://www.biblio.brest.fr

    Date de lancement : 2005

    L’outil : Interligo (CMS Microsoft, abandonné par l’éditeur depuis 2007).

    Les contenus : informations pratiques du réseau et de chaque bibliothèque ; accès au catalogue en ligne ; agenda culturel ; coups de cœur, sélection des comités de lecture ; dossiers thématiques ; patrimoine, contenus numérisés et documents de communication en ligne ; expositions virtuelles.

    L’organisation et les contributeurs : environ 50 contributeurs, secrétariat de rédaction assuré par le responsable du portail (Service des applications informatiques).

    Statistiques 2012 : 200 000 visiteurs pour 500 000 pages vues.

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    Portail des bibliothèques de Brest

      En parallèle du développement du portail a été réalisé, dans ces années 2005-2007, le premier projet « blog » de la bibliothèque. À l’époque, en effet, les membres du comité Romans jeunes remarquent qu’ils donnent leur avis sur les livres, sans que les enfants, qui sont pourtant les premiers concernés, n’aient l’occasion d’intervenir. Profitant de la proximité entre la section jeunesse d’une des bibliothèques et l’Espace multimédia du réseau, dans lesquels travaillent certains d’entre eux, les membres du comité montent alors un projet ayant pour but de donner la parole aux enfants : à l’occasion de chaque comité, soit quatre fois dans l’année, la sélection est envoyée à quatre classes de comités. Après lecture, les classes sont accueillies à l’Espace multimédia où les enfants sont invités à commenter les avis du comité de lecture sur le blog On lit trop. À la fin de l’année, un accueil d’auteur vient récompenser les classes participantes.

      ON LIT TROP

      http://www.on-lit-trop.fr

      Date de lancement : 2005

      L’outil : CMS Guppy, puis Wordpress à partir de 2009.

      Les objectifs : valoriser les avis du comité de lecture romans jeunes, permettre aux élèves de classes de participer et de développer leur esprit critique via des commentaires, tout en apprenant à utiliser un outil en ligne.

      Les contenus : avis du comité de lecture romans jeunes, commentés par les élèves de CM2 : 82 billets et 420 commentaires en 2012.

      L’organisation et les contributeurs : comité de lecture romans jeunes, CM2, équipe de l’Espace multimédia.

      Statistiques 2012 : 13 000 visites pour 26 000 pages vues.

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      On lit trop

        Le sens et la richesse du projet, qui allie construction de l’esprit critique (les bibliothécaires constatent que les avis des enfants gagnent en profondeur au fil de l’année) et initiation au multimédia, ainsi que la bonne organisation des tâches font d’On lit trop un des plus solides parmi les projets liés au multimédia des bibliothèques de Brest : huit ans après son lancement, après un changement d’outil et plusieurs changements de personnes dans les équipes concernées, le projet fonctionne toujours aussi bien !

        Quand des limites techniques surgit la créativité

        Très rapidement, le CMS du portail arrive à ses limites : en 2007, il est abandonné par son éditeur. À compter de ce moment, il faudra faire avec un outil à la structure fixe. La dernière mise à jour du portail a permis d’intégrer la gestion des flux RSS et lui permet donc de ne pas être immédiatement hors jeu dans le web 2.0. Mais l’outil s’avère limité, notamment sur la gestion du multimédia : de ces limites naît un besoin de mobiliser d’autres outils, ce qui va motiver un investissement intelligent de la sphère du web 2.0.

        Au fil des années, le portail va donc être complété par l’utilisation d’outils en ligne. Comme l’intégration des contenus multimédias n’est pas bonne, les plateformes en ligne d’hébergement et de diffusion de vidéos, d’images, sont utilisées : les vidéos des bibliothèques sont hébergées sur Dailymotion, les images dans des albums Photobucket, et la plateforme Issuu accueille les documents dont les bibliothécaires souhaitent permettre le feuilletage sur le portail : documents patrimoniaux numérisés, documents de communication, plaquettes de présentation des avis des comités de lecture… L’utilisation de ces plateformes permet, par la même occasion, de disséminer les contenus. Cette recherche est également l’occasion de tester le fonctionnement d’autres outils dont les utilisations peuvent être intéressantes : Delicious pour des sélections de sites partagées, par exemple.

        En 2011, la mise en place d’une version plus avancée du SIGB permet de jouer sur les services en ligne et notamment de permettre l’intégration de commentaires sur le catalogue via Libfly. L’enrichissement des contenus proposés doit, sinon, passer par la mise en place de services pour lesquels le portail est une porte d’entrée : les bibliothèques de Brest développent ainsi une offre de ressources en ligne, notamment d’autoformation, et participent au réseau Bibliosésame.

        Produire des contenus, du savoir, du multimédia

        Malgré cet enrichissement du portail par des services et plateformes extérieurs, on observe dans certains domaines de l’activité des bibliothèques un besoin de multimédia, et de visibilité propre, auquel le portail apporte une réponse insuffisante.

        C’est notamment le cas pour la musique, sur fond de crise du CD : la médiathèque de quartier de Pontanézen et la discothèque Arpège organisent ainsi de plus en plus d’animations sur place (pour la médiathèque de Pontanézen, il s’agit d’une programmation de concerts mensuels), captées et dont la valorisation en ligne apparaît comme une évidence. Le prêt de CD ralentissant, le rôle de conseil et de médiateur du bibliothécaire devient, par ailleurs, de plus en plus prépondérant.

        Sur la musique, les bibliothèques tâtonnent un moment, en explorant d’abord une piste avec Myspace, alors à son apogée et accueillant les pages des groupes locaux. Cette expérience s’avère peu concluante. C’est la venue de Lionel Dujol, pour une formation sur les blogs, qui va réellement mettre le feu aux bibliothèques de Brest et donner une réponse à la question de la musique, en provoquant le lancement du Tuner de Brest.

        TUNER DE BREST

        http://www.tunerdebrest.fr

        Date de lancement : 21 juin 2009

        L’outil : Wordpress

        Les objectifs : fédérer en un seul endroit les productions du réseau des bibliothèques liées à la musique, tester le fonctionnement d’un blog, permettre aux équipes des deux discothèques du réseau de travailler ensemble.

        Les contenus : des captations d’animations (concerts à la médiathèque de Pontanézen, animations de la discothèque), des articles (nouveautés, jeux, coups de cœur, artistes locaux), des plug-ins pour la diffusion (Deezer, Soundcloud…).

        L’organisation et les contributeurs : portage technique par le Service des applications informatiques ; une animatrice : la responsable de la discothèque (aujourd’hui, un membre de l’équipe de la discothèque) ; des contributeurs : les discothécaires du réseau, mais aussi les bibliothécaires le souhaitant.

        Statistiques 2012 : 11 550 visites pour 17 000 pages vues (contre 9 500 et 14 000 en 2011).

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        Tuner de Brest

          Blog musical, le Tuner de Brest est (à la différence d’On lit trop) le premier blog des bibliothèques s’appuyant sur un groupe de rédacteurs et provoquant la création de nouveaux contenus. Le choix d’une thématique – la musique – correspond aux besoins constatés, mais aussi aux conseils donnés par Lionel Dujol, de créer des blogs thématiques plutôt que généralistes.

          Le Tuner est aussi une expérience de travail transversal, mélangeant les équipes des deux discothèques du réseau et d’autres services, et fonctionnant selon une logique de coopération plutôt que de hiérarchie. L’identité du blog est ainsi partagée de façon ludique, avec le choix d’un fil conducteur maritime dans le nom du blog, les rubriques, le choix des pseudonymes des participants. Le portage technique est assuré par le Service des applications informatiques de la bibliothèque, tandis que l’animation est assurée par la responsable de la discothèque Arpège.

          Le choix de l’outil se porte sur Wordpress, outil alors considéré comme solide, bien paramétrable et propre, un choix heureux qui sera maintenu sur les blogs et sites à venir.

          Alors que l’expérience du Tuner suit son cours, apparaît un besoin de coup de projecteur sur une autre thématique : c’est cette fois celle du public adolescent.

          En effet, en 2009, le service du développement des publics lance, en coopération avec la radio associative locale Mutine, une émission mensuelle de radio dédiée à la parole des adolescents sur la culture, Dimension Ados. Les adolescents participants souhaitent pouvoir se réécouter en podcasts, lesquels s’intègrent mal au portail. Les bibliothèques de Brest se posent alors, comme l’ensemble de la profession, la question de la place à donner au public adolescent. L’idée d’un nouveau blog qui lui serait dédié et réunissant les contenus produits pour lui émerge donc. Il est à noter que certains des participants à l’émission n’ont d’ailleurs pas attendu les bibliothèques : un blog officieux, Dimension Ados, existait sur Skyblog avant la création du blog des bibliothèques !

          DIMENSION ADOS

          http://www.dimensionados.fr

          Date de lancement : réflexion commencée en 2009, site lancé en 2010.

          L’outil : Wordpress

          Les objectifs : valoriser une émission de radio coanimée par des adolescents, en partenariat avec une radio locale ; mettre en avant la thématique adolescente et toucher les adolescents par un outil qu’ils connaissent : un blog…

          Les contenus : blog soutenu par deux axes forts : l’émission Dimension Ados et les comités de lecture ados. Les autres rubriques sont à réinventer.

          L’organisation et les contributeurs : un animateur – le médiateur du livre – et une administratrice technique au Service des applications informatiques. Projet freiné par un nombre de porteurs faibles, même auprès des collègues intéressés. Participation des adolescents effective pendant un temps (un adolescent contributeur) mais difficile à maintenir dans le temps.

          Statistiques 2012 : sans communication, augmentation constante en 2010, 2011, 2012, pour une fréquentation à 6 500 visites et 17 000 pages vues en 2012.

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          Dimension Ados

            Porté par le médiateur du livre du service Développement des publics et par le Service des applications informatiques, Dimension Ados n’a pas de lancement officiel (ni de communication, contrairement au Tuner) et peinera dans un premier temps à trouver ses contributeurs. Alimenté néanmoins par les émissions de radio et les avis du comité de lecture ados, il trouve progressivement son public.

            Produire des contenus, mais aussi diffuser

            Voyant le développement de la production de contenus par le biais du portail et des blogs, le Service des applications informatiques se pose la question de la diffusion de ces contenus. Il s’agit à la fois de diffuser le plus largement possible l’information, mais aussi de proposer des diffusions sélectives, afin que les usagers puissent recevoir l’information relative à leurs intérêts, sans la noyer dans l’ensemble de la production.

            Le service tire donc d’abord partie des flux RSS que le portail génère, qui sont affinés par comité de lecture et type de coups de cœur (coups de cœur adultes, jeunesse, BD) pour une diffusion à la carte. Afin de rendre cette organisation lisible pour le public, un univers Netvibes est créé, reprenant et organisant les flux produits par le portail.

            Pour une diffusion plus large de l’information des bibliothèques, une newsletter mensuelle est mise en place. Elle recense l’information mensuelle sur les animations organisées dans les bibliothèques de Brest, et effectue la promotion des ressources en ligne et outils de la bibliothèque. Et c’est efficace : après chaque envoi de la newsletter, les demandes d’inscription aux ressources en ligne, notamment, sont au rendez-vous.

            La multiplication des points d’accès à l’information (un portail et trois blogs) appelle la mise en place d’une interface de communication globale. Ce besoin, lié au souhait de communiquer sur les réseaux sociaux, conduit à la création de la page Facebook des bibliothèques de Brest en mai 2010. Pour la petite histoire, la page des bibliothèques de Brest a été créée la semaine où le nombre de visites sur Facebook a dépassé, pour la première fois, celui des visites sur Google : la question de savoir si cet événement est arrivé avant ou après la création de la page des bibliothèques de Brest est en débat !

            FACEBOOK DES BIBLIOTHÈQUES DE BREST

            https://www.facebook.com/bibliobrest

            Date de lancement : mai 2010

            Les objectifs : diffuser les informations sur le réseau social, « recentrer » l’information dispersée sur les différents outils (portail, blogs, plateformes en ligne…), permettre une interactivité que ne permet pas le portail.

            Les contenus : informations sur le réseau (horaires, animations importantes), republication automatisée des articles des blogs, partage et animation conviviale.

            L’organisation et les contributeurs : contribution par le Service des applications informatiques principalement, le service Action culturelle, une bibliothécaire bretonnante.

            Aujourd’hui : 919 j’aime

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            Facebook des bibliothèques de Brest

              La page donne les informations sur le réseau, et relaie l’information des blogs et du portail. Elle est également animée avec des contenus spécifiquement créés pour elle. Pour favoriser l’interactivité, les commentaires des usagers sont autorisés.

              Un compte Twitter est créé à la suite de Facebook : pour limiter les tâches d’animation, le fil Twitter accueille essentiellement la réplication automatisée des éléments publiés sur Facebook. Malgré cela, le compte a, à ce jour, 692 abonnés et certaines informations trouvent leur public par ce biais.

              Enfin, le réseau des bibliothèques de Brest passe de la diffusion à l’agrégation de contenus en développant, avec le Service internet et expression multimédia, le Portail des savoirs, portail collaboratif visant à rassembler les contenus et savoirs produits et partagés sur le Pays de Brest.

              PORTAIL DES SAVOIRS

              http://www.portail-savoirs-brest.net

              Date de lancement : juillet 2012

              L’outil : Drupal

              Les objectifs : portail qui agrège les savoirs scientifiques et culturels produits et partagés sur le Pays de Brest, par le biais de flux RSS. Contenus tagués et accessibles par des entrées différentes : thème, contributeur, support.

              L’organisation : une automatisation du fonctionnement via l’intégration des flux ; la possibilité de créer des articles manuellement.

              Les partenaires : la librairie Dialogues, Télécom Bretagne, l’UBO, les services de la collectivité (CCAS, ADEUPa), des associations (Longueur d’Ondes, Don Bosco, la Ligue de l’enseignement…), Le Quartz…

              Statistiques 2012 : 400 articles, 2 700 visites pour 7 000 pages vues.

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              Portail des savoirs

                Développé sous Drupal, basé sur la récupération automatisée de flux RSS, le Portail des savoirs permet de retrouver en un endroit des contenus produits par les bibliothèques, mais aussi par les services de la collectivité, des partenaires culturels, des associations, classés par thème, type de support et source, et de valoriser ainsi le dynamisme des acteurs de la région.

                Et il y a d’autres outils

                Ce panorama déjà bien fourni ne comprend pas l’ensemble des outils développés par les bibliothèques de Brest : on peut compter, également, les comptes Facebook et Twitter de certaines des bibliothèques, le site de l’Espace multimédia, refondu en 2013, proposant les informations propres au service et notamment les tutoriels proposés lors des formations (sous licence libre), Dekoakidkozh, un blog illustrant un projet intergénérationnel autour de la langue bretonne porté par une bibliothécaire bretonnante du réseau, un forum BD…

                Après tous ces développements, donc, même les bibliothécaires finissent par se perdre un peu et un besoin de cohérence se fait sentir…

                Après le développement : faire vivre dans la durée

                Après la création : une petite crise de fonctionnement

                La phase de fort développement des outils, en 2009 et 2010, laisse ensuite place à un certain flottement.

                D’une part, le fonctionnement initial arrive à ses limites. Les projets étaient fortement soutenus par la motivation des porteurs de projet. Or, face à la nécessité de publier régulièrement, ces bonnes volontés en viennent à s’essouffler, tandis que la mobilisation de nouveaux contributeurs, au-delà de ceux intéressés dès le départ, s’avère plus complexe que prévue.

                Par ailleurs, le constat est effectué que même la prise en main d’outils « simples », type Wordpress, ainsi que la démarche de rédaction et de création de contenus, doivent être accompagnées pour être réellement partagées, et ne pas rester l’apanage des bibliothécaires les plus à l’aise avec l’informatique. Lesdits outils doivent, par ailleurs, être hébergés, maintenus, et suivis dans la durée, éléments nécessitant des compétences spécifiques.

                Enfin, tout simplement, les bibliothèques de Brest entrent alors dans une phase de gros projets, avec la relance du projet de médiathèque centrale, mobilisant les équipes, ainsi qu’un projet de réinformatisation, mobilisant le Service des applications informatiques : dans ce contexte, il apparaît évident que les efforts en ligne doivent être rationalisés.

                Des actions pour maintenir l’effort

                Suite à ce constat, des mesures sont prises pour rationaliser et maintenir la mobilisation autour des outils. Elles portent sur trois volets.

                D’abord, sur l’identification et la valorisation des missions de production de contenu : lors d’une réorganisation des bibliothèques, en 2011, les tâches de production de contenu sont légitimées. La mission « production de contenu documentaire » est ajoutée dans les fiches de poste de l’ensemble des bibliothécaires, de catégories A, B et C. Cette mission est ainsi posée comme part intégrante du métier. Par ailleurs, les fonctions d’animateur de comité de lecture ou de blog sont identifiées : le temps et l’énergie à consacrer à ces tâches sont ainsi reconnus. Enfin, le Service des applications informatiques est renforcé, notamment pour prendre en compte l’administration technique des blogs.

                Ensuite, sur la structuration de la réflexion globale sur la stratégie en ligne : celle-ci passe d’abord par une phase d’inventaire. Malgré des sollicitations parfois pertinentes, aucun outil supplémentaire n’est créé afin de donner le temps de consolider les outils et projets existants. Cette pause va de pair avec une réflexion sur la ligne éditoriale des bibliothèques de Brest, qui a pour objectif de rendre la médiation en ligne et les axes de développement choisis lisibles, avant tout pour les publics, mais aussi pour les décideurs, partenaires, et enfin pour l’ensemble des bibliothécaires. La stratégie adoptée est de partir d’un inventaire et d’une analyse de l’existant : il s’agit de réinterroger les choix effectués, pour évaluer leur pertinence à la lumière d’autres expériences et des publics prioritaires fixés, notamment, pour le projet de médiathèque centrale. Concrètement, cette réflexion a pour objectif de créer un cadre permettant de guider et de consolider les initiatives des bibliothécaires.

                Enfin, une action est menée autour du Tuner de Brest et de Dimension Ados pour relancer les outils, après quelques années de fonctionnement. En effet, en 2011-2012, une étape importante intervient pour les deux blogs : des changements de poste mènent au départ des animateurs initiaux, et la main doit être passée. Il est nécessaire d’accompagner cette transition. Ce changement est aussi l’opportunité de relancer les blogs sous une forme différente et de permettre l’intégration de nouveaux contributeurs dans une nouvelle dynamique.

                Le suivi, par l’administratrice technique des blogs, d’une formation à l’animation de projets coopératifs est ainsi l’occasion d’effectuer un bilan des blogs avec les anciens animateurs et d’interroger les collègues sur leur vision des blogs. À partir de ces éléments, un groupe de travail est formé avec les nouvelles animatrices, l’administratrice technique, leurs responsables et la bibliothécaire travaillant sur le projet de ligne éditoriale pour définir un plan d’action pour les blogs :

                • Rappeler le sens des blogs et renforcer leur cohérence avec les actions sur place.
                • Profiter de l’arrivée de nouvelles personnes pour réinventer les outils et permettre à de nouveaux contributeurs de se les approprier, tout en remotivant les anciens. Donner envie par la réalisation d’un film, par l’organisation d’une présentation…
                • Identifier les pistes de travail et de nouvelles orientations pour chaque blog, en se fixant des objectifs réalistes par rapport aux moyens pouvant être mobilisés.
                • Mieux accompagner le fonctionnement : des chartes éditoriales qui guident (mais n’enferment pas), une organisation de la contribution, avec des rencontres régulières du groupe de travail et des comités éditoriaux de chaque blog, pour soutenir animatrices et contributeurs.

                L’impact de ce plan d’action est pour l’instant difficile à évaluer : la présentation au réseau des propositions pour les blogs a eu lieu en mars 2013, les premiers comités éditoriaux ont été organisés en avril et mai. Les premiers signes sont positifs : la participation à la réunion de présentation a été satisfaisante avec une vingtaine de personnes, dont essentiellement des non-contributeurs, et à l’issue de cette réunion, trois nouvelles personnes se sont ajoutées aux contributeurs du Tuner de Brest et cinq à ceux de Dimension Ados. Surtout, le groupe de travail est soudé et motivé ! C’est là un succès en soi : un des premiers objectifs du groupe est de faire en sorte que les animatrices ne se sentent pas isolées, et bénéficient d’un fort soutien dans l’animation des groupes de contributeurs.

                Et après ?

                Les outils actuels ne sont pas une fin en soi : l’essentiel est que la médiation numérique, l’éditorialisation des contenus, le partage en ligne avec les usagers, s’ancrent dans les pratiques pour accompagner les évolutions du web et du métier.

                Les bibliothèques de Brest portent actuellement un projet de réinformatisation, dont un des volets est la définition d’un nouveau portail. Nécessairement, ce nouvel outil va mener à repenser en profondeur la présence des bibliothèques de Brest en ligne. À l’occasion de la mise en place d’un outil plus perfectionné, la réflexion pourra ainsi porter sur une thématisation par publics et sujets, similaire à celle des blogs, mais intégrée dans le portail, afin de simplifier les outils au maximum et de gagner en impact. Plusieurs autres enjeux brûlants sont à traiter : les questions de diffusion et d’agrégation de contenus au sein du portail, une interaction plus poussée avec les plateformes en ligne type Babelio ou Libfly, la possibilité de créer des comptes lecteurs perfectionnés avec une intégration de contenus à la carte…

                C’est là un des objectifs de la réflexion sur la ligne éditoriale, et de l’étude de réinformatisation actuellement en cours : identifier les priorités pour réfléchir à la structuration du nouveau portail. Avec une nouvelle dimension liée à des projets de coopération : plusieurs bibliothèques de la communauté urbaine viennent, en effet, d’accepter de coopérer avec Brest sur un portail commun.

                Ce que nous avons appris

                L’histoire de la médiation en ligne des bibliothèques de Brest est encore en cours d’écriture. Néanmoins, au cours de ces quelques années, nous avons appris beaucoup de choses et avançons aujourd’hui de façon plus avertie. Nous pouvons partager ces quelques conclusions.

                D’une façon très pratique, la difficulté propre aux projets en ligne est en fait d’aller au-delà de leur simplicité apparente : créer l’outil est généralement facile, mais il faut pouvoir le maintenir dans la durée. Le succès des projets dépend donc de leur préparation et de la prise en compte de différents facteurs :

                • Le temps lié au projet : c’est un vrai travail à quantifier.
                • Tout ce qui touche à l’informatique : l’installation et le suivi des outils, mais aussi la formation et l’accompagnement des contributeurs.
                • Le partage du projet : les projets en ligne sont le plus souvent collaboratifs, et les bibliothécaires n’y tiendront que s’ils y ont pu y mettre d’eux-mêmes.
                • Et enfin, la cohérence du projet avec les autres actions de la bibliothèque : plus le projet est évident, plus il porte de sens par rapport à ce que la bibliothèque fait par ailleurs, plus il se justifiera auprès de tous.

                Dans ces projets coopératifs, plusieurs rôles sont à tenir. Ainsi, l’animation d’un groupe de contributeurs ne va pas de soi et demande beaucoup d’énergie. Il est essentiel que l’outil, quel qu’il soit, ait un ou plusieurs animateurs investis, croyant au projet, capables de solliciter leurs collègues, de gérer un planning de contribution, de porter le projet aux moments de calme. Cette énergie doit être maintenue dans le temps : c’est pour cela qu’il est essentiel de soutenir les animateurs en les relayant, en liant leurs actions à d’autres actions de la bibliothèque.

                La fonction de l’administrateur technique des outils, qu’elle soit mêlée à celle de l’animation ou non, est également essentielle. Les outils, même simples, provoquent souvent des petites difficultés, des « frottements », qui épuisent les bonnes volontés : l’administrateur a donc un rôle de facilitateur, qui suit les outils, sait les améliorer, les faire évoluer, les garder attractifs, garder leur cohérence et faciliter la contribution : rien de plus motivant pour tous, en fait, qu’une petite amélioration qui facilite soudain les choses !

                Enfin, la direction de l’équipe doit également trouver sa place : comme l’animation, la production de contenu et la médiation en ligne demandent de la motivation et du don de soi. Les bonnes initiatives viennent fréquemment de la base et les projets s’inscrivent dans une logique de coopération : cela n’aurait donc pas vraiment de sens de suivre une logique hiérarchique. Pour autant, un accompagnement est essentiel : il s’agit de légitimer, de donner le sens et les moyens, de fixer des cadres qui permettent de guider et de répartir l’action.

                La connaissance de quelques « lois » de la participation peut aider en permettant de fixer des ambitions tenables pour les projets mis en place : ainsi, sur une plateforme web, il y a au mieux généralement 1 % de personnes motrices et 9 % d’actifs, pour 90 % de spectateurs  1  : il est donc difficile d’obtenir la participation des usagers. Ceci dit, la motivation appelle la motivation : en ayant un cœur de personnes motrices suffisamment dynamiques et motivées, on arrive ainsi à augmenter le champ des personnes susceptibles de fréquenter les outils, augmentant par là même ceux qui pourront, à un moment ou à un autre, participer et contribuer.

                Voilà où nous en sommes : la lubie, étrange il y a quelques années, qui consistait à créer des blogs et à aller sur les réseaux sociaux est aujourd’hui de plus en plus légitime. À l’heure où plus un site ne se créée sans compte Facebook et où community manager est devenu un métier, le fait de médiatiser les collections et les actions en ligne tombe sous le sens.

                Certains des espoirs disproportionnés du début ont dû être revus : il a fallu constater que les publics ne se précipitent pas pour participer aux outils mis en place par la bibliothèque, juste parce que ces outils existent. Ceci dit, la fréquentation est bien au rendez-vous, et augmente d’année en année.

                Les promesses tenues par la médiation en ligne sont autres : c’est la possibilité de médiatiser facilement des livres, des CD, des films, des événements peu connus, c’est une réactivité accrue et un ton différent et plus proche que celui employé dans une publication papier, c’est une nouvelle visibilité donnée à l’action sur place et c’est un retour provenant des publics mais aussi des autres professionnels, bibliothécaires ou partenaires locaux.

                C’est, enfin, la possibilité de participer à de formidables projets transversaux, amenant à découvrir les personnes et les compétences (on apprend à découvrir et à admirer les talents méconnus de nos collègues) ou encore à monter en compétence.

                Dans un contexte de révolution numérique et de très forte évolution du métier, les projets en ligne nous amènent à faire des expériences ensemble, à nous approprier les évolutions et à nous interroger sur le sens de notre action. Nous ne pouvons que sortir grandis de cette démarche ! •

                Quelques éléments complémentaires

                • Une présentation de l’ensemble de nos projets sur Prezi : http://prezi.com/t1jiplwkdozg/la-bibliotheque-de-brest

                1. (retour)↑  « Dans la cyberculture, l’hypothèse du 1 pour cent, également appelée règle ou loi de 1 % et principe 90-9-1, reflète le fait que la participation est extrêmement inégale dans une communauté en ligne. Ainsi, sur internet, moins de 1 % de la population contribue de façon proactive [1], 9 % participe occasionnellement de façon opportuniste et 90 % des observateurs ne contribuent jamais. » Source : Wikipedia.