Ayushi : une solution pour le développement de la documentation numérique à l’université ?

Philippe Printz

Ayushi est un projet de recherche inscrit dans l’action « Usages, services et contenus numériques innovants » du « Programme d’investissements d’avenir » portant sur le développement de l’économie numérique.

Pour mener à bien ce projet de plate-forme d’e-éducation intégrant des ressources éditoriales et dont le porteur est la société Cairn, l’Enssib a réalisé une enquête  1 auprès d’un premier échantillon d’établissements (spécialisés en sciences politiques) afin d’évaluer les besoins, attentes, réticences et usages des étudiants et enseignants auxquels se destine cette plate-forme.

En amont de cette enquête, un premier constat établi par la société Cairn concerne les utilisateurs de leur plate-forme cairn.info 2 : seulement 10 % d’entre eux sont des étudiants de premier cycle. Pour quelles raisons ? C’est à cette interrogation initiale que l’étude ex ante du projet Ayushi apporte des éléments de réponse.

Papier ou numérique ?

L’utilisation du format papier est encore très prégnante chez les étudiants. Au fil des années, ils ont appris à maîtriser tous les aspects relatifs à la documentation papier. Cependant, depuis l’émergence des ressources numériques, celles-ci ne sont pas encore totalement intégrées par les étudiants, que ce soit dans leurs recherches ou dans leurs perceptions. Aujourd’hui encore, la très grande majorité des étudiants va principalement à la bibliothèque universitaire pour trouver une ressource plutôt que sur les portails documentaires en ligne de l’université.

Malgré un niveau élevé et en croissance de leur niveau d’équipement en dispositifs numériques, les étudiants n’ont pas perdu l’usage de la ressource papier. Par exemple, la prise de notes sur ordinateur portable se démocratise mais ne s’adapte pas toujours à l’organisation du cours. Le papier reste ainsi l’outil le plus utilisé et donc le plus rassurant. La disponibilité (accès à distance, gain de temps) des ressources électroniques est mise en avant par les étudiants, mais le format papier se révèle plus pratique et plus utile pour prendre des notes ou réviser. Néanmoins, si la ressource électronique existe et est accessible, elle sera alors très demandée.

À l’inverse, les enseignants vont toujours s’appuyer sur de la documentation papier mais ils se sont approprié plus aisément les ressources électroniques. Bien qu’il existe de grandes disparités au sein des enseignants – certains très à l’aise avec l’environnement numérique et d’autres fondamentalement réfractaires –, le corps enseignant intègre relativement bien les aspects inhérents à la documentation numérique.

Usages du numérique : freins et réticences

Pourquoi l’emploi de la documentation numérique par les étudiants reste-t-il limité alors même qu’ils sont manifestement attirés par ce format de documentation ?

Le manque de compétence des étudiants est pointé du doigt par les enseignants et les personnels des services documentaires qui soulignent, au-delà d’une certaine méconnaissance de l’offre documentaire et des plates-formes à leur disposition, les difficultés que les étudiants peuvent avoir pour rechercher des ressources sur les portails documentaires. À titre d’exemple, les étudiants passent encore majoritairement par un moteur de recherche généraliste pour trouver une ressource numérique plutôt que par le portail documentaire de l’université.

Force est de constater que les primo-entrants à l’université éprouvent de grandes difficultés à naviguer dans les différentes bases de données qui leur sont proposées. Ainsi, les universités dispensent désormais des formations à la recherche documentaire pour leurs étudiants, principalement sur les ressources numériques, ce qui tend à développer leur utilisation par les étudiants, bien que ceux-ci se contentent souvent d’une seule plate-forme. En effet, la multitude d’informations et les manipulations liées aux ressources numériques semblent noyer les étudiants qui préfèrent se concentrer sur une plate-forme donnée ou s’orienter vers la ressource papier. Dès lors, l’univers des ressources électroniques ainsi que toutes les possibilités qu’il offre est loin d’être pleinement exploité par les étudiants.

Toutefois, si la mise en place de ces formations à la recherche documentaire semble efficace, le fait que ces différents dispositifs s’inscrivent nécessairement dans la politique générale de chaque établissement a tendance à les rendre très hétérogènes. Selon leur stratégie de réussite pour leurs étudiants, les établissements n’insisteront pas sur les mêmes points (ressources techniques, documentaires, plates-formes, environnements numériques de travail – ENT, etc.). Au gré de ces stratégies, la recherche documentaire occupera une place plus ou moins importante : tandis que certains établissements promouvront leurs propres outils de recherche documentaire, favorisant ainsi l’exploitation de ressources numériques ou imprimées, d’autres mettront l’accent sur l’intérêt d’une communication entre étudiants via l’ENT. Les compétences des étudiants seront alors très disparates en termes de documentation, qu’elle soit papier ou numérique.

De ce fait, le développement de la plate-forme Ayushi ne vise pas à encourager la substitution de la documentation papier par la documentation numérique. En effet, ceci serait une erreur d’appréciation compte tenu du comportement des étudiants et des enseignants face aux ressources documentaires en général, l’équilibre entre ces deux types de ressources se faisant plus ou moins naturellement.

L’intérêt principal de ce projet est de proposer une réflexion sur une plate-forme qui soit à la fois compatible avec la documentation papier, cohérente avec l’environnement technique et institutionnel, et adaptée aux besoins des étudiants ainsi qu’aux attentes pédagogiques des enseignants en matière de ressources numériques, et ce, afin de faciliter leur utilisation pour profiter de toutes leurs potentialités.